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1049 Mots
Je bouge nerveusement sur le canapé. Pourquoi est-ce qu’il met autant de temps ? Il est en retard… encore. Soudain, un reniflement brise le silence. Il ne vient ni de moi, ni de quelqu’un d’autre dans la pièce. Je fronce les sourcils. — Brouillard ? C’est toi ? — Un problème avec ça ? Ce sont aussi mes parents, tu sais. On est une seule et même personne, souviens-toi. — Je déteste quand tu t’accroches à ça… — Justement, c’est pour ça que je me le rappelle aussi. On devrait se concentrer sur les bons souvenirs, non ? Être reconnaissants pour ce moment. Je roule des yeux, intérieurement. — D’accord… Wow, t’es devenu thérapeute récemment ou quoi ? — Non, je suis juste plus intelligent que toi. — Mais on est la même personne, c****n. — Justement. Phh… Je réprime un sourire. Parfois, je dois l’avouer, Fog est assez drôle. — Je suis drôle ET plus malin que toi. — On verra ça. Je me reconcentre et tends l’oreille. Des pas, légers, presque inaudibles. Je me redresse et me dirige lentement vers la porte. Il n’y a que Dylan et moi que je connaisse capables d’être aussi discrets, même pour une ouïe de loup-garou. Je m’appuie contre le mur du couloir et le fixe tandis qu’il franchit le seuil, le regard sévère. — Où étais-tu ? demandé-je d'une voix calme, mais glaciale. Aucune odeur de forêt. Étrange. Où aurait-il pu aller ? Il me sourit, faussement innocent : — J’étais quelque part. Je lève les yeux au ciel, feignant l’agacement. Plutôt que de l’assaillir de reproches, je soupire et retourne m’affaler dans le canapé. J’attends. Qu’il s’explique. On pourrait presque croire que c’est moi l’aînée. En tout cas, je suis bien plus responsable que lui. Dylan, c’est le cliché du grand frère protecteur… surtout quand il s’agit de flairer le moindre danger ou de surveiller les garçons qui s’approchent trop près de moi. Et là, il devient tout simplement incontrôlable. Ce qui est franchement… insupportable. Enfin… parfois. Parce que, quelque part, c’est rassurant de voir qu’il est normal. Un vrai frère. Je l’observe pendant qu’il se sert des céréales, sans se presser, puis se dirige vers moi à une vitesse… désespérante. — Tu veux pas courir un peu, non ? — Et toi, t’as vu ta lenteur parfois ? Regarde ! Même un escargot vient de dépasser Dylan Clark ! Je me mords les lèvres pour ne pas éclater de rire. Je déteste l’admettre, mais Fog me fait souvent rire malgré moi. Dylan finit par s’asseoir, pose son bol, me regarde avec cet air innocent que je connais trop bien et lâche : — Je n’ai rien fait de mal, hein. Juste pour que ce soit clair. Je lève un sourcil et le fixe, moqueuse. Puis je soupire. — Oh, vraiment ? Et pourquoi tu n’es rentré qu’à... — je jette un œil à l’horloge — ...dix heures passées ? Il hausse les épaules et me lance un petit sourire. — On va encore déménager. J’ai trouvé mieux. Pour mon boulot de médecin, et pour nous aussi. Une belle maison avec un petit jardin, en bordure d’un village. C’est petit là-bas, à peine 4500 habitants. Je bosserai dans la ville voisine. J’acquiesce, lasse. On a tellement déménagé que j’en ai perdu le compte. — Combien de fois, déjà ? — Je crois que c’est la dixième fois. — Dix fois… en quatre ans. Pas mal. — On fait nos valises demain. Départ dans l’après-midi. J’ai tout arrangé aujourd’hui. Je hoche à nouveau la tête. Génial. Encore une arrivée en cours d’année scolaire. J’espère juste ne pas me faire trop remarquer. — Continue de rêver. On débarque presque en milieu d’année. On va briller comme un néon dans le noir. Je roule des yeux, mentalement. — C’est pas si tard que ça. Suffit de rester discrets. — Oui, oui. Bien sûr… Je me lève et retourne dans ma chambre. Je m’étale sur mon lit, les yeux rivés au plafond. La pièce est petite, comme tout notre appartement. Pourtant, on pourrait s’offrir bien mieux avec l’argent de nos parents… Mais attirer l’attention, ce n’est pas dans nos plans. Quand on nous demande où sont nos parents, on répond toujours : "en voyage d’affaires." C’est plus simple. Je ferme les yeux, soupire, puis me redresse. Fatiguée, je traîne les pieds jusqu’à mon placard et en sors des vêtements de nuit. Une fois changée, je retourne au lit. — Bonne nuit. — Bonne nuit, Fog. — Enfin un moment de paix entre nous. — Tais-toi. Je veux dormir. — Je suis bien plus supportable que toi, pour info. — On est la même personne, je te rappelle. — Ouais, ouais. Dodo maintenant. Je ferme les yeux. Et je m’endors. --- Le matin suivant, je me réveille tôt, comme toujours. Le soleil n’est pas encore levé. Je gémis et me retourne, tendant le bras vers la table de nuit pour attraper mon téléphone. Il est 6h57. Trop tôt pour redormir, trop tard pour replonger dans le sommeil. Je me lève à contrecœur et me dirige vers la fenêtre. Elle est restée entrouverte, laissant passer le chant lointain des oiseaux. C’est calme. Et j’adore ça. — Surtout si je ne gâche pas le silence, hein ? — Exactement. J’ignore ses commentaires et contemple le ciel. Les nuages prennent une teinte orangée. Les toits se teintent doucement de lumière. J’adore ce moment. Le lever du soleil est le seul instant où mes pensées cessent de tourner en boucle. Je reste là, jusqu’à ce que l’aube s’efface totalement. Puis je me détourne et choisis mes vêtements. En silence, je file dans la petite salle de bain. Je prends une douche rapide, appréciant l’eau fraîche qui me réveille doucement. Une fois habillée, je retourne dans ma chambre, sors ma valise du placard et commence à faire mes bagages. J’essaie d’être méthodique. — Regarde-toi, toute sérieuse. On dirait presque une adulte responsable. — On l’est, parfois. Pour les déménagements, en tout cas. En une demi-heure, tout est prêt. Ma chambre est vide. Triste. Les murs gris et blancs rendent l’ambiance encore plus froide. Je jette un dernier coup d’œil pour vérifier que je n’ai rien oublié. Puis je vais dans la cuisine. Il est temps de préparer le petit-déjeuner.
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