Chapitre 2
Une semaine après la dispute avec sa mère, Claire avait répondu à une petite annonce au sujet d’une future colocation. Visiblement, un jeune homme souhaitait louer une des chambres de son appartement, qui semblait assez vaste pour une personne seule. Enfin, d’après ce qu’avait pu voir Claire, à l’aide des photos accompagnant l’annonce parue dans le journal local.
Stephen Higgins était et vivait seul. Il n’était pas souvent présent et ne vivait que rarement chez lui à cause de son activité professionnelle qui était assez prenante. Le propriétaire demandait un petit loyer, ce qui était parfait pour Claire étant donné qu'elle n'avait toujours pas trouvé de travail. Le jeune homme avait accepté de la rencontrer, même si son dossier n’était pas le meilleur. Claire s’était engagée à tout mettre en œuvre pour trouver un emploi, le plus rapidement possible. Son avenir allait changer. Elle entrevoyait une nouvelle vie où elle s’assumerait financièrement et matériellement. Elle n'aurait plus besoin de personne pour réussir et faire sa vie comme elle l'entendait.
Un peu en avance par rapport à l’heure du rendez-vous, Claire se mit au coin de la rue afin de savoir si son « futur » colocataire était bien présent, et surtout pour voir à quoi il ressemblait. Elle aperçut un élégant jeune homme, ce qui lui donna davantage envie de le rencontrer. Claire prit son courage à deux mains et se dirigea vers le propriétaire de l'appartement. Stephen Higgins était un bel homme d’une trentaine d’années, encore plus beau de près que de loin. Il était grand, musclé, les cheveux courts et châtains. Ce que Claire aimait le plus était la mâchoire carrée du jeune homme. Il semblait incarner tout ce que représentait l’homme idéal pour elle : droit et sûr de lui. Même si cet homme lui plaisait énormément, Claire n'oubliait pas que c’était son futur bailleur.
— Monsieur Higgins ? demanda-t-elle.
— Je suppose que vous devez être Claire ! Je vous attendais justement, lui répondit-il en avançant sa main que Claire serra avec une certaine gratitude.
La beauté de cet homme enleva tous les mots de la bouche de Claire. Elle n’en revenait pas. Ses yeux étaient d’un bleu clair à tomber par terre : les plus beaux qu’elle n’ait jamais vus auparavant. C’était comme un dieu grec réincarné. Il représentait tout ce qu'elle désirait. Il était comme tombé du ciel.
Le jeune homme portait un costume gris qui devait, sans aucun doute, avoir été fabriqué sur mesure. De surcroît, il lui allait à la perfection. « La cohabitation ne sera pas trop difficile », se dit-elle. Elle le sentait. Alors que Stephen avait prononcé son prénom, elle avait entendu au son de sa voix qu’il avait un léger accent anglais.
— Je suis impressionnée par votre accent. D’où venez-vous ?
Voyant que son futur colocataire haussait les sourcils, elle se reprit sans se démonter :
— Pardonnez ma curiosité, si vous ne souhaitez pas répondre, je ne vous en voudrai pas. Je comprendrai.
En un seul instant, Stephen avait réussi à la mettre mal à l’aise. Claire se demanda ce qui lui avait pris de poser une question aussi personnelle. Elle se flagella mentalement.
— Je suis Américain. Plus précisément je viens de New York. Pour tout vous dire, j’ai décidé de m’installer à Lille afin de changer de vie. Je sais que c’est une décision radicale, mais elle est efficace. Elle me permet de faire table rase du passé.
— Je vois que nous sommes deux à vouloir évoluer et offrir une nouvelle tournure à notre vie. Finalement, je pense que nous nous sommes bien trouvés !
— Je suis bien d’accord. Et, s'il vous plaît, appelez-moi Stephen. J'insiste. Si nous devons habiter ensemble, ce sera plus simple. Pourquoi voulez-vous changer votre vie, Claire ?
— Je souhaite vivre loin de mes parents, de mes repères pour m'assumer et prouver à tout le monde que je suis capable de réussir même s'ils pensent le contraire. C'est une espèce de challenge personnel. J'ai beau avoir l'air sûre de moi, j'ai une petite faiblesse... Mais assez parlé de nous et de nos changements de vie. Est-ce que vous pensez pouvoir me louer cette chambre que vous proposez ou bien il y a un autre candidat que vous devez rencontrer ?
— Vous voyez un autre candidat quelque part ? Moi pas du tout.
Face au regard perplexe que lui lançait Claire, Stephen lui annonça qu’elle était une candidate parfaite et qu’elle conviendrait pour la colocation. Selon les dires du jeune Américain, Claire était la seule candidate. Aucune autre personne n’avait répondu à la petite annonce. Le jeune homme l'invita à visiter l'appartement afin qu’elle puisse prendre ses marques, ses futurs repères. Claire était passée devant Stephen. Il devait admettre qu’il ne regardait pas seulement le dos de la jeune femme. Son regard était attiré vers le fessier de cette dernière, qui, il fallait l’avouer était un élément perturbateur, mais également prometteur. Cette simple vue lui fit penser à son petit secret. Des visions firent irruption dans l’esprit de l’Américain.
« Claire semble être une candidate idéale pour jouer », pensa le jeune homme.
Afin de reprendre ses esprits et surtout le contrôle de son corps, Stephen engagea la conversation. Il indiqua à la jeune femme qu'elle pourrait emménager quand elle le souhaiterait. Même si pour lui, le plus tôt serait le mieux. Toutefois, il n’avait qu’une seule requête à lui faire savoir et elle n’était pas des moindres.
— Vous aurez accès à toutes les pièces de la maison, sans aucune exception. Toutefois, ma chambre comme la vôtre seront inaccessibles pour l’un comme pour l’autre. Personnellement, je n’admettrais pas que quelqu’un y pénètre sans mon autorisation. Je n'aime pas que l'on touche à mes affaires intimes et je pense qu’il en est de même pour vous.
— Cela va de soi. Notre vie privée doit le rester, et que chacun ait ses quartiers me paraît convenable. En tout cas, je vous remercie de la confiance dont vous faites preuve à mon égard. Vous n'allez pas le regretter. Je vous le promets.
Stephen lui avait précisé lors de l’entretien téléphonique que l’appartement était assez spacieux. Ce fut donc sans surprise que Claire y trouva une terrasse aménagée. Il fallait dire que cela était possible avec le fait que la demeure se situait au dernier étage de la résidence. Elle ne pouvait rêver mieux pour une première location. Dès à présent, elle savait qu’elle s’y sentirait bien et surtout qu’elle serait en sécurité. Sa nouvelle vie pouvait enfin commencer.
***
L’homme caché au coin de la rue ne cessait d'épier la scène qui se déroulait devant ses yeux. La jeune femme était accompagnée d'un homme qui semblait très séduisant. Il espérait que ce gentleman n’était qu’un homme banal, sans aucun charme. Comme le disait le dicton, « l'habit ne fait pas le moine ». Il espérait tout simplement que ce ne soit qu’une simple connaissance et pas la personne qui partageait sa nouvelle vie. Il se promit que plus jamais, elle ne lui échapperait. Il l’aimait depuis si longtemps. Il n’était pas possible qu’elle parte avec un autre. Cela le détruirait.
— Je te promets qu’un jour tu seras à moi.
La colère se lisait sur son visage. La situation devait changer et pour cela, il devait passer à l’action.
***
Seul, perdu dans ses pensées, Stephen se remémorait les mots de Claire, mais pas seulement. Plus que tout, il avait en mémoire son physique, son visage, son corps. La jeune femme était de taille moyenne, les cheveux très longs, frisés et bruns. Ses yeux marron étaient d'une certaine intensité qui ferait succomber n'importe qui en ce bas monde. Un peu plus tôt, Claire lui demanda de lui faire confiance. Sans l’ombre d’un doute, il accepta. Il voulait que ce soit elle et pas une autre. Elle semblait si sérieuse. Bien évidemment, il ne pouvait juger sur un premier contact, mais elle lui inspirait vraiment confiance. Se sentant plus à son aise avec la gent féminine, Stephen ne se voyait pas vivre avec un homme. C’est ainsi qu’il envoya rapidement un message à la personne avec qui il avait rendez-vous un peu plus tard dans la journée.
— C'est vraiment un endroit superbe, Monsieur Higg... Stephen.
— Je suis content que l'appartement vous plaise, Claire. Je pense que l'on devrait pouvoir cohabiter sans empiéter sur la vie de l'un ou de l'autre. Toutefois, j'ai une nouvelle petite chose à vous demander.
Stephen voulait simplement être sûr qu'elle n'amènerait pas d'hommes en sa présence. Il veillerait à rester au travail si un jour cela devait arriver. Il devait en être de même pour elle, si Stephen amenait une jeune femme. Leur intimité devait être respectée. En aucun cas, il n’avait envie de voir Claire se pavaner en sous-vêtement. Il savait qu’il serait jaloux. Il commençait même à être jaloux de sa vie d'avant : celle passée avec d’autres hommes avant lui. Il ne trouvait pas les mots pour expliquer ce qu’il ressentait, mais ce dont il était sûr c’était qu’il avait une certaine attirance envers la jeune femme. Il avait réellement envie de la posséder. C’en était un besoin vital. Toutefois, ce n’était pas une forme d’asservissement, mais plutôt une envie de contrôle, une forme de pouvoir qui lui était donné et qui refaisait surface.
Tout ceci avait commencé alors qu’il était âgé de seize ans. Ainsi, ce sentiment n’était pas nouveau pour lui. C’était une phase de sa vie qu’il avait tenté d’oublier, mais sans succès. Bien au contraire. Cette part enfouie revenait régulièrement pour le hanter et lui rappeler qui il était.
— Oh euh... Oui bien sûr, répondit Claire, gênée par la demande du bel Américain en face d'elle. Soyez sans crainte, Stephen. Je ne connais personne dans les alentours. Je ne risque pas d'amener quelqu'un, mais, si c'était le cas, je vous préviendrai en avance pour que l’on puisse s’organiser.
— Je vous rassure, vous rencontrerez quelqu'un, j'en suis sûr. Il ne peut pas en être autrement. Vous semblez être quelqu’un de très bien avec un bon fond.
Claire était intimidée par les mots qui sortaient de la bouche de Stephen. Ses joues rougirent à vue d’œil, ce qui n’avait pas échappé à son interlocuteur. Il avait bien remarqué que la jeune femme rougissait au moindre compliment.
« Vraiment splendide » se dit le jeune Américain. Elle était si belle que Stephen, malgré son aplomb, se sentit défaillir. Jamais il n'avait ressenti quelque chose d'aussi fort pour un premier contact. La sensation lui était inconnue, mais fort agréable. Ça ne lui déplaisait pas du tout.
Claire était heureuse. Elle avait trouvé un joli pied-à-terre, même si avec tout cet espace, elle était sûre de se perdre.
L’appartement était composé d’un grand living ainsi que d’une immense salle de bains. Les dimensions des chambres et de la cuisine étaient considérables. Claire ne connaissait pas une femme qui ne serait ravie de cuisiner dans une telle pièce, avec autant de plans de travail. Pour la jeune femme qui adorait préparer de bons petits plats, c’était la cuisine à avoir. Elle se voyait déjà cuisiner pour Stephen.
Le petit plus était le beau colocataire. C’était comme une cerise sur le gâteau. Il était évident qu’il faisait énormément de sport. Elle l’imaginait faire des pompes ou même de l’échelle d’Hercule, comme le héros de sa série télévisée préférée. C’était même marrant que l’acteur et le colocataire aient le même prénom : Stephen.
Maintenant, elle allait pouvoir montrer à l’ensemble de sa famille qu’elle pouvait se prendre en main. À cette évocation, un sourire se fit sur le doux visage de la jeune femme. Une petite musique entraînante se fit dans sa tête. Elle avait envie de danser, de sauter partout…