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Je vois le feu

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Une passion d'adolescent peut quelquefois mener celui-ci à des comportements complètement déviants.

Grégoire, dit « Greg »,12 ans, vient en vacances chez son oncle et sa tante, à la campagne, et se lie d'amitié avec Jérémie, garçon de 14 ans qui, pendant ses loisirs, l'initie à beaucoup de distractions des jeunes ruraux : la pêche, la nature, et, évidemment, les premiers émois amoureux, foudroyants et que l'on ne vit qu'une fois ! Greg « tombe en amour » d'une très belle jeune fille, Déborah, qui est un peu plus âgée que lui, et qu'il ne verra qu'à distance, sans même avoir l'occasion de lui parler, ou si peu, si peu ; mais Jérémie, qui connaît tout de son village, sait à qui s'adresser pour découvrir le passé de la demoiselle et en informer son ami....Greg, sidéré de ce qu'il apprend, entend venger le passé de son égérie...et passe à l'acte ! Pas vu, pas pris ! Il se rend évidemment très bien compte que la loi du talion ne devait pas du tout se jouer de cette façon ; il sait, il sent que quelque chose de terrible va s’abattre sur lui, mais l'omerta se fait totale, le silence s'est installé dans son environnement. Rien, absolument rien ne se passe. Il rentre chez ses parents, où la loi du silence le cloue également. Mais qu'a-t-il pu faire, qui le suit toute sa vie, l'empoisonne et ne le laisse jamais en repos ? Qui a fait quoi, qui a vu quoi ? Personne, rien !

Trente ans plus tard, espérant se délivrer enfin de son obsession qui le détruit jusque dans ses rêves, il revient dans le village...

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Je vois le feu-1
Je vois le feu. Nous sommes trois enfants perdus au milieu d’une foule. Impossible, pour moi, de rejoindre les deux autres. Je vois le feu. Je veux courir les avertir. Des serpents se faufilent entre mes pieds, je trébuche. Je veux hurler : « Je vois le feu ! ». Mais aucun son ne sort de ma gorge. Je sens le flot humain m’entraîner de plus en plus loin d’elle, de plus en plus loin de lui. Je vois le feu. Il se répand comme une rivière : contenu entre deux berges, embrasant tout sur son passage. Je vois le feu : une barrière infranchissable, derrière laquelle Déborah et Jérémie resteront à jamais prisonniers. Je suis seul maintenant, libre de courir, de longer la rivière de feu et d’enfin atteindre la source : un chapiteau de cirque dans lequel je m’engouffre. Sur la piste, une dresseuse de caniches présente un numéro de cerceaux. Mais ce ne sont pas des chiens, ce sont des officiers SS. Ils obéissent à leur dompteuse quand soudain ils se dressent, menaçants. Des griffes sortent de leurs doigts. Ils s’emparent de leur maîtresse et la déchiquettent. Je crie « Déborah ! ». Je ne vois plus rien. Mais j’entends encore leurs rugissements de fauves lorsque je me réveille. Je tremble, je transpire. Mais surtout, je pense à Jérémie. C’est toujours le même rêve, toujours le même effroi. La première fois, c’était il y a six mois. J’avais mis cela sur le compte de mon divorce. Mais ce problème clôturé, le rêve, lui, a continué. D’abord une fois, de temps en temps, puis de plus en plus fréquemment. Comme s’il frappait à la porte, comme s’il allait frapper de plus en plus fort tant que je n’ouvrais pas. Mais comment ouvrir ? Et à qui ? Si je ne fais rien, la porte explosera. Et la frontière entre le rêve et la réalité se transformera en Ligne Maginot. Il me faut coûte que coûte écrire un accord de paix. Sur du papier ou sur mon portable ? Écrire, n’importe où mais écrire ! Je commence ce soir, dès mon retour du boulot. Un titre, il me faut un titre : pour me guider et canaliser la profusion de souvenirs. Son visage me revient et avec lui un flot d’émotions. Mon récit s’intitulera « Déborah ». J’aurais dû faire de la résistance. Mon grand frère, j’en suis sûr, aurait refusé. Ce n’est pas que je ne les aime pas, ma tante et mon oncle, mais de là à passer chez eux mes grandes vacances, il y a une marge. Évoquer notre famille en résumé n’est pas très compliqué. Du côté de maman qui est sa fille unique, il y a grand-mère, immuable malgré les années. Elle est veuve depuis longtemps. C’est bien simple, je n’ai connu aucun de mes deux grands-pères, malgré mes douze ans et demi. Papa, lui, a une sœur, tante Julie. Mariée à tonton Pol. La maman de mon père a été baptisée autrefois par mon frère, la « grosse bonne-maman ». Parlons-en, de celui-là ! Mon frère Alain a déjà 18 ans. Six années nous séparent, un abîme. Pour ne rien arranger, il a toujours été fort en tout. Premier en gym, meilleur en math et en latin. Rien de bien original, mais dur, dur, d’être son cadet ! Oui, j’aurais dû dire non à cette suggestion de tonton Pol : « Amène-nous Grégoire pour les vacances, si peu qu’il nous aide… et puis, ça lui fera du bien de changer d’air ! » Je revois encore son frère au même âge, une tête en plus et costaud avec ça. Tante Julie lui fera « le remède » pour le fortifier. Mon prénom, c’est Grégoire. Grégoire Prophète, après, paraît-il, pas mal de discussions dans la famille. À l’instigation de sa mère, maman voulait qu’on me nomme Alex, prénom qui portait chance, prétendait-elle. Papa s’y est opposé. Pour une fois, il a résisté avec vaillance. « Encore bien qu’on ne s’appelle pas Térieur » avait été son ultime argument. « Les frères Alain et Alex… ! » On ne choisit ni son nom, ni sa famille, c’est une évidence. Passe encore pour Grégoire – je serai toujours reconnaissant envers mon père d’avoir résisté à ces deux femmes –, mais je me serais bien passé de ce nom de famille. Je me serais accommodé de m’appeler Grégoire Dupont ou Grégoire Durant. Trêve de discussions inutiles. Cette proposition de vacances arrangeait tout le monde. De guerre lasse, j’ai accepté. J’aurais dû au moins négocier la durée de ce séjour. Au lieu de quoi, je me suis fait à cette idée et j’ai décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Comme ils étaient heureux de me voir arriver ! Ça n’a l’air de rien, mais c’est important. Ils étaient venus tous les deux m’attendre à la gare, située à 500 mètres à peine de leur domicile. Le bruit du passage des trains, la nuit ? On s’y fait vite. Ma tante dit même que lorsqu’elle déloge, ça lui manque de ne pas les entendre et que ça l’empêche de bien dormir. – Grégoire, installe-toi dans la chambre d’Emmanuel, il n’est pas près de revenir de son voyage à Rome. Sa dernière visite chez nous date déjà de cinq mois. – Dis, Tante Julie, j’aimerais mieux occuper la petite chambre, j’ai peur de déranger ses affaires. – D’accord ! Si tu préfères, occupe la petite chambre. Pourtant, je suis sûre qu’Emmanuel aurait été heureux de la prêter à un de ses cousins. Ma tante et mon oncle n’ont qu’un fils – on ne fait décidément guère d’enfants dans la famille –. Il termine le grand séminaire. Oui, des études pour être curé. À la grande joie de ses parents. Moi, je ne cherche plus à comprendre, ça me dépasse. J’avais quand même risqué un regard dans la chambre du futur curé. Ce n’était pas trop mon style : un bon lit certes, mais des photos de saintes et saints sur tous les murs. Et de l’ordre. Oui, sans mauvais jeu de mots, ça ne m’étonne qu’à moitié qu’il aspire à entrer dans les ordres, celui-là… J’ai donc déposé ma valise dans la chambre d’amis, austère, mais bien moins peuplée d’images pieuses. Seuls un Christ en bois et une sainte Thérèse tenant l’Enfant-Jésus dans ses bras devenaient mes colocataires pour ces deux mois. On ne peut pas prétendre que les opinions religieuses de ma tante et de mon oncle ne s’affichaient pas. Même la Bedford ne faisait pas exception. La cabine arborait du buis bénit et un Saint-Christophe qui, il faut le reconnaître, veillait au grain depuis longtemps. Pas le moindre accident recensé. Force est de reconnaître que tonton Pol ne se prenait pas pour Fangio lors de ses tournées, progressant de porte en porte. L’arrière de la camionnette, lui, était dévolu au commerce, sous les regards attendris de saint Joseph et de la Vierge Marie tenant sur ses genoux… l’Enfant-Jésus. Tonton Pol et sa femme habitent une grande bâtisse située au beau milieu du village, le long de la grand-route. Les murs en briques qui ceinturent le jardin assurent une agréable intimité à leur demeure C’est là que l’oncle rentre sa camionnette. Notez qu’il ne dit pas « camionnette », il l’appelle son camion, probablement pour se donner de l’importance. Trois jours par semaine, il fait ses tournées dans la vallée et les villages avoisinants où il est connu et apprécié, car il n’est pas roublard. Le commerce est le commerce, mais il paraît qu’il ne triche pas. C’est probablement la raison pour laquelle, à l’achat de marchandises chez ses grossistes, il ne s’est jamais enrichi. Oui, tonton Pol est légumier. Ce mot résume bien sa profession : la vente de fruits et légumes. Étrange, on n’a pas eu l’idée de faire la différence entre les deux et de parler de « fruitier » et de légumier. En supplément de ce négoce – on y prête trop peu attention – il est poissonnier à ses heures. Il n’est pas rare qu’un hôtel huppé du coin fasse appel à ses services pour une pièce spéciale. Ne parlons pas des truites ou autres poissons de la rivière qu’il livre régulièrement. Et ce n’est pas tout, il vend aussi des harengs saurs, cela va du salé au demi-doux, le poisson du pauvre. Mon oncle a toujours voulu se montrer démocratique dans ses entreprises : « Il en faut pour toutes les bourses ». La cuisine de tante Julie ressemble à s’y méprendre à celle de maman. Chaque jour de la semaine voit revenir les mêmes plats. La seule différence avec chez nous, c’est le vendredi qui est réservé au poisson. Ici, on n’y déroge jamais. On est catholique ou on ne l’est pas. Et le fait d’être poissonnier simplifie les choses. Le dimanche midi, après la sacro-sainte grand-messe, steaks-frites-salade sont servis sur une table recouverte d’une nappe blanche. J’apprécie. Je me ressers de frites et de mayonnaise maison. Mon intuition est que ce menu a de beaux jours devant lui. À quoi peut penser un garçon de douze ans comme moi ? On s’occupe de lui sans se poser de question. Je parie qu’ils sont tous à mille lieues de deviner mes pensées. Une chance ! Je me suis installé chez tonton Pol et sa femme, tout à mon aise. Ma seule richesse, c’est le temps que j’ai devant moi. Au début, ils ne me demandent presque rien. Chouette de leur part ! Je reste là à rêvasser, manger, dormir, sans culpabiliser. Oui, aucune contrainte, à part sa fameuse potion à laquelle ma tante tient beaucoup. J’y échappe les trois premiers jours, le temps que sa mixture soit au point. Après, je dois la prendre le matin à jeun. Je me bouche le nez et ferme les yeux – en fait, c’est probablement un réflexe, je me bouche le nez en avalant et les yeux se ferment d’office – et hop, réglé. Trois jours durant, elle fait tremper un œuf avec sa coquille dans du jus de citron. Lorsque la coquille est devenue molle, elle bat le tout et je dois l’avaler. Il m’arrive de sortir me promener le long de la rivière. J’adore flâner les pieds dans l’eau, observer la vie. J’admire et j’envie la science des pêcheurs que je rencontre. Mais je me sais nul dans ce domaine. – Pourquoi ne vas-tu pas à la pêche ? Le matériel d’Emmanuel est à la cave, intact, propose tonton Pol. Ma tante, plus futée, semble avoir compris le problème : – Il faudrait chercher pour lui quelqu’un qui l’initie. Toi qui connais toute la région, tu devrais lui trouver un comparse de son âge. – Tu viendras faire la tournée avec moi demain, Grégoire. On passera chez Octave Landrain. C’est le meilleur pêcheur de toute la vallée. Je lui achète chaque semaine quelques-unes de ses plus belles prises. Il tient, avec sa femme, un commerce d’articles de pêche et amorces pour les touristes. Lui pourra peut-être nous renseigner. Il a fallu se lever très tôt, mon oncle avait prévenu : – Le poisson n’attend pas, il faut le livrer le plus vite possible. Six heures du matin, nous roulons dans la Bedford. Son moteur ronronne. Pas une âme, La route nous appartient en ce début juillet. Je me sens frais, reposé par les quelques jours passés à ne rien faire. Dans la cabine règne une bonne odeur, mélange d’huile de moteur, de fruits et de poisson. – Pas une minute à perdre, dit mon oncle, on annonce beaucoup de chaleur. Nous longeons la rivière, le soleil naissant la fait déjà scintiller. Des vaches s’y abreuvent et en profitent pour baigner leurs sabots. La scène amuse tonton : – Elles ne sont pas folles, elles devinent la canicule qui les attend les prochains jours. Moi aussi, je me sens bien. Les arbres qui bordent la route tamisent la lumière. Je tends mon bras droit par la fenêtre, l’air encore frais pénètre dans ma chemise. Mon oncle ralentit et range sa camionnette à l’ombre d’une maison. -Nous sommes arrivés, Grégoire. On n’a pas de temps à perdre pour compléter ton matériel. Mais ne te tracasse pas, on repassera. L’aspect de la maison est on ne peut plus banal. Je m’attendais à des signes plus démonstratifs pour ce champion. À bien regarder, pourtant, je remarque à la fenêtre avant gauche, deux épuisettes et quelques cannes en bambou ainsi qu’une inscription : OCTAVE LANDRAIN, TOUT POUR LA PÊCHE Si le décor ne paie pas de mine, le personnage, lui, ne me déçoit pas. Des yeux perçants derrière des verres de lunettes tout ronds, une petite moustache d’à peine trois centimètres de large. L’homme est nerveux, je dirais même qu’il a toujours l’air irrité. Il salue mon oncle. – Accompagne-moi à la source, Pol, j’ai ce qu’il te faut. Plus frais que ça, tu ne trouveras nulle part ! Et il nous entraîne à l’arrière de la maison. Un ruisselet chantonne, Il aboutit dans deux grandes citernes en béton recouvertes chacune par un grand couvercle métallique. Les ramures des arbres y maintiennent de l’ombre en permanence. Je retiens mon souffle lorsqu’il soulève le premier couvercle. – Ce sont les amorces pour le vif. Moi je ne vois qu’une espèce de coffre plongé dans l’eau sombre. L’homme le saisit au moyen de deux chaînes. Il est percé de toutes parts, l’eau s’écoule en dizaines de petites fontaines bientôt taries. Je tends la tête pour mieux voir lorsqu’il l’ouvre. Sur le fond percé, une multitude de petits poissons se tortillent tels de beaux petits diables dans le bénitier de mon cousin-séminariste. – Le vif pour le brochet, confirme notre homme. Et il replonge l’ensemble dans l’eau couleur d’encre. – Je suis toujours à court, ajoute-t-il. Avec les touristes, la demande est forte. Si ça tente ton gamin, je lui achète deux francs le goujon. De la même citerne, il retire une bourriche, cinq truites de belle taille, les yeux écarquillés, ouvrent avec désespoir leur bouche en quête d’oxygène. Ébahi, je contemple leur belle robe jaunâtre garnie de taches grises et rouges. – Des Fario sauvages, du premier choix. Mais tu n’as encore rien vu. Sur ce, il referme le couvercle sur la première citerne. – Passons aux choses sérieuses. J’observe mon oncle, il est concentré. Je le suis de près. Landrain soulève une autre bourriche qui se déploie tel un accordéon. Il sourit en nous montrant un gros serpent noir qui se contorsionne au fond, laissant apparaître son ventre blanc. Il fait plus d’un mètre de long. Je reste bouche bée. – Une belle anguille. Je l’ai prise hier soir sur fond avec un chabot crevé. Elle s’est bien battue, il m’a fallu plus d’une demi-heure pour la sortir. Je croise les yeux de mon oncle. Son regard semble dire : « On a bien fait de venir, hein gamin ». – Et ce n’est pas terminé, se réjouit Landrain. Regarde, Pol, tu es le premier sur ma liste si ça t’intéresse. Je l’ai ramené voici deux jours. Je l’avais enveloppé d’herbes dans ma besace. Rentré à la maison, il m’a semblé qu’il bougeait encore. J’ai risqué de le remettre ici dans l’étang. Il a repris vie. Sur ce, il extrait de l’eau une cage rectangulaire en treillis. – Il fait ses quatre-vingts centimètres et pas loin de cinq kilos. Pas mal, hein ? Oh, j’ai déjà pris des plus gros. C’est un mâle. Une femelle de cette taille pèserait un bon kilo en plus. Lui aussi s’est bien défendu. Ce n’est pas rare de les rater même si tu es monté avec un câble en acier. Ils parviennent à scier le nylon plus haut. Ça, c’est la pêche, on ne peut pas gagner à chaque fois. Pour celui-ci, ce n’était pas joué d’avance, je n’avais pas la place pour utiliser mon épuisette. Je l’ai fatigué, puis, je l’ai saisi à une main et jeté sur la berge. Ensuite, c’est un jeu d’enfant, croit-on ? Eh bien non ! Il s’agit encore de le décrocher sans se faire mordre. Léon Piron garde un index raide après une morsure de brochet. Il a fait de l’infection pendant des mois. Non, il ne faut pas rire avec ces bêtes-là. J’en ai déjà raté au dernier moment. Tu crois l’animal épuisé et hop, dans le dernier sursaut, à l’agonie, il se décroche. Le brochet est impressionnant avec son corps fuselé où se mêlent le vert, le jaune, le gris. Et surtout, il y a sa gueule, une vraie tête de prédateur avec des yeux impitoyables. – Profites-en pour les livrer vivants, Pol. Ça fait le meilleur effet, ajoute-t-il. Pour l’anguille, tiens-moi au courant, les amateurs ne vont pas manquer. Rentré dans le corridor de la maison, pendant que mon oncle règle ses comptes, je jette un œil dans le magasin. La maigre lumière venue de l’extérieur éclaire avec parcimonie ce nouvel univers. Dans la pénombre, pourtant, luisent le rouge et le doré des cuillères pour la pêche au lancer. Des senteurs nouvelles y flottent. Le parfum dominant est celui de l’anis. Il est l’heure de partir. Mon oncle a puisé quatre grands seaux d’eau du puits et les a versés dans ce qui était initialement un saloir pour les jambons, à l’arrière de sa camionnette. Il y dépose sa précieuse cargaison. – Tu as un nouvel apprenti, Pol, s’enquiert le cuistot de l’Hôtel des Bains ? Avec prudence, je décharge les caisses de tomates, de navets et de choux frisés indiquées par mon oncle. Lui, s’occupe du plus urgent et du plus délicat : les poissons. – C’est mon neveu Grégoire, il passe ses vacances chez nous. – En tout cas, il a l’air vaillant, ajoute le cuisinier. Puis, il demande : – Ils sont vivants, tes poissons ? Magnifique ! On va les mettre sans tarder dans le grand aquarium à l’entrée du restaurant. Les clients adorent venir les contempler. – Eh bien, ils ne vont pas être déçus, renchérit tonton Pol. Après réflexion, les deux hommes tranchent : priorité au sensationnel, au brochet donc. Sa cohabitation avec les truites est trop hasardeuse. C’est vrai qu’il fait impression le monstre capturé par Octave Landrain, seul dans l’aquarium de cette salle à manger cossue. Je l’observe. Immobile, son regard implacable guette le néant. L’eau claire est parcourue par des milliers de bulles d’oxygénation. Mais aussi, je ressens toute sa détresse. Ainsi prend fin la vie sauvage et libre de ce roi de la rivière, tel un vulgaire brigand exposé aux regards des passants. Pire, bientôt, il sera exécuté sans la moindre chance d’échapper à son triste sort. II sera mangé par des touristes en quête de sensations. Le reste de la matinée se passe au porte-à-porte. « Légumier ! », annonce mon oncle d’une voix haute et chantante, toujours sur la même tonalité. Nous servons les clients qui, chacun à son tour, s’approchent de l’arrière de la camionnette. Ça discute, ça échange les nouvelles. Un peu avant midi, la Bedford stoppe pour la seconde fois devant chez Landrain. – On va s’occuper de toi à présent, gamin. Seule la femme est présente. Elle a l’air au courant de l’objet de notre visite. – Commence d’abord par une bonne canne en bambou, conseille-telle. Un bon moulin et quelques montures. Je ressors de là avec le matériel du parfait pêcheur débutant. La femme d’Octave Landrain a pris le temps de m’expliquer le principal. J’ai hâte de me confronter pour la première fois à la rivière. – Amène-le chez nous au village, Pol, conseille madame Landrain. Il se fera vite des copains. Les enfants de son âge ne manquent pas. Ils se réunissent régulièrement aux cabines pour nager et pêcher. Mon impatience à m’initier à la pêche à la ligne l’a emporté sur ma timidité. Le lendemain, j’ai demandé à mon oncle de me déposer à l’entrée du sentier qui conduit aux cabines de bain. Je pars en reconnaissance, discret : ce n’est pas du tout mon style d’arriver quelque part et de m’imposer. À tout hasard, j’ai enfilé mon maillot de bain sous mon short. Tante Julie m’a préparé des tartines au « Bon Sirop de Liège » et une gourde de thé à la menthe:

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