Chapitre 4

3358 Mots
» Grâce à lui, l’association prospérait. Chaque étape franchie sur la route de la fortune par l’un des associés était fêtée joyeusement. Mais il est permis d’affirmer, à ce propos, que rarement fête fut plus gaie que celle que le jeune substitut donna à ses deux camarades à l’occasion de l’enterrement de sa vie de garçon ! D’autant plus joyeux que ce devait être également l’enterrement d’une vie de médiocrité et de modestie pécuniaire qui touchait parfois, vu les goûts du monsieur, à la gêne. Notre magistrat n’était point riche et il allait épouser une dot de deux millions. » Huit jours avant cet heureux événement, il avait convoqué à Chatou, chez un restaurateur bien parisien, ses deux camarades. Quelques dames de mœurs faciles, devaient être de la partie. Elles ignoraient à qui elles avaient affaire et avaient été envoyées chez le restaurateur par les soins d’une entremetteuse de luxe qui avait la clientèle ordinaire de ces messieurs. Le restaurateur, prévenu, fit entrer tout ce joli monde dans un cabinet particulier, dont les fenêtres donnaient sur le bord de l’eau. Juste au-dessous de la fenêtre, il y avait une terrasse où quelques couples bourgeois déjeunaient à des petites tables. » Ces dames, qu’on avait fait entrer dans le cabinet, étaient au nombre de quatre. Pourquoi quatre, puisque ces messieurs étaient trois ? Fallait-il expliquer ce chiffre par une erreur de l’entremetteuse ou par le beau zèle d’une marchande de chair humaine qui connaît l’appétit de ses clients ? Toujours est-il que si le mariage de ce cher substitut manqua – car il manqua – ce fut à cause de la « quatrième ». Qui des quatre devint la quatrième ? Celle qui fut laissée pour compte par les trois, naturellement. Voici comment les choses se passèrent et comment un déjeuner qui avait commencé comme une partie de plaisir se termina sur l’un des plus sombres drames que les annales de la justice aient eu jamais à enregistrer. » Le repas s’était passé fort gaiement, du moins pour six des convives. La délaissée, la moins belle sans doute, se tenait debout devant la croisée refermée, d’où elle apercevait le spectacle familial des groupes bourgeois achevant de déjeuner sur la terrasse. Derrière elle, quelques exclamations, cris étouffés, rires, protestations vite calmées, bruits de baisers, lui apprenaient qu’on ne s’ennuyait pas dans le cabinet particulier, ce qui, du reste, n’était pas pour l’étonner. Elle en avait entendu et vu bien d’autres. Seulement, était-ce ce jour-là le contre-coup de la solitude parfaite dans laquelle on la laissait… Toujours est-il qu’elle ne put retenir un geste d’exaspération énervée en entendant les hâbleries débitées dans son dos par les trois personnages masculins qui se vantaient qu’aucune femme jusqu’à ce jour n’avait pu leur résister. » – Bah ! fit-elle, sans se détourner. Il y a des femmes que vous n’aurez jamais. » – Lesquelles ? demandèrent les trois hommes. » – Les honnêtes femmes ! » – Elles sont plus faciles « à faire » que les autres ! répliqua le magistrat, qui enterrait sa vie de garçon et qui avait bu, ce jour-là, plus qu’il n’avait coutume. » – Et vous vous mariez ? demanda la demoiselle qui avait appris ce détail pendant le repas et qui se tenait toujours debout devant la fenêtre. » – Je n’épouse point ma femme pour son honnêteté, répliqua-t-il cyniquement, et je ne suis pas un imbécile, je l’épouse pour ses millions… » – Je ne connais pas celle qui vous offre des millions pour avoir l’honneur de porter votre nom, monsieur, et je ne connais pas davantage cette jeune femme qui, en face de moi, sur cette terrasse, achève de déjeuner entre son mari et ses deux petits enfants, mais je parierais tout ce que vous voudrez que vous pourriez lui donner les millions de votre femme que vous ne parviendriez point à la détourner de ses devoirs ! Je ne me trompe pas sur la vertu des autres, et cette femme est vertueuse ! » – Voyons le phénomène ! s’écria le substitut en se levant. » Il repoussa sa compagne qui s’accrochait à lui et courut à la fenêtre. Les amis l’y suivirent. » – Bigre ! firent-ils ensemble, elle est bien jolie !… » La jeune femme qu’ils avaient en face d’eux était plus que jolie. Elle avait cette beauté simple des jeunes mères de famille quand elles sont heureuses. On sentait, en effet, on devinait que la beauté de cette femme, le rayonnement de son teint, le charmant éclat de ses regards, la parfaite harmonie de ses gestes, lui venaient pour moitié de l’amour de son mari qui était en face d’elle et du sourire de ses deux bambins qui ne la quittaient pas des yeux. Elle était mise avec un goût irréprochable et sûr que l’on retrouve à tous les degrés de la bourgeoisie féminine à Paris. » On n’eût pu dire du mari si c’était un artisan ou un artiste. Son costume, sa silhouette, sa façon d’être, tenaient à la fois de l’un et de l’autre. L’aîné des enfants était un petit garçon fort éveillé, qui paraissait plein de malice et d’intelligence, et la petite fille, qui ressemblait étonnamment à sa mère, ouvrait sur le monde des grands yeux étonnés. Homme et enfants étaient groupés autour de la maman, qui leur racontait quelque histoire que l’on n’entendait pas, mais qui les emplissait d’aise. » – Je parie, déclara avec un gros rire le magistrat, je parie que cette femme est à moi avant huit jours. » – Et à moi aussi ! s’exclama l’officier. » – Et à moi aussi ! fit entendre le fonctionnaire. » – Non ! répliqua le magistrat. Non ! À moi tout seul ! Elle est trop jolie, je la garde ! » – Tu n’es qu’un égoïste, firent les deux autres, elle est à nous aussi bien qu’à toi ! Et tu n’as pas le droit de nous priver d’un morceau pareil ! » – Un morceau de roi ! » – Cette femme n’est à personne, messieurs, qu’à son mari, et elle restera à son mari ! conclut en haussant dédaigneusement les épaules celle des filles qui avait si malheureusement attiré l’attention des convives sur ce ménage bourgeois. » – Tirons-la au sort ! s’écria l’officier. » – Je veux bien, répondit le substitut. C’est moi qui gagnerai ! » Le fonctionnaire obtempéra. Et ils tirèrent cette femme au sort, cette femme qu’ils ne connaissaient point et qui continuait à s’entretenir tranquillement, à quelques pas de là, avec son mari et avec ses enfants. » Ce fut le magistrat qui gagna. Il avait été stipulé que les perdants aideraient le gagnant dans ses projets et qu’ils ne lui refuseraient aucun service destiné à faire tomber cette honnête femme… dans ses bras !… Dès lors, le déjeuner de garçon, l’enterrement de la vie de garçon, la ripaille de Chatou et les demoiselles n’intéressèrent plus nos héros. Ils renvoyèrent les filles après les avoir payées, et, très amusés de leur projet, se concertèrent pour en assurer la prompte exécution. Il fallait se presser. Le mariage du magistrat ne devait-il pas avoir lieu dans huit jours ? Et d’abord, ils suivirent cette famille à sa sortie du restaurant, à sa rentrée dans Paris. Le soir à six heures, ils savaient que l’homme était ouvrier orfèvre à domicile, qu’il gagnait très aisément sa vie, que sa femme était sage et honorablement connue dans le quartier, le quartier de l’Observatoire… » Le comte de Teramo-Girgenti fut interrompu à cet instant de son récit par un cri poussé près de lui : c’était Mlle Liliane d’Anjou qui se trouvait mal… Le comte se pencha sur la jeune femme qui était tombée dans les bras de Raoul Gosselin. Quelle émotion soudaine l’avait ainsi foudroyée ? Quelle brusque lumière, au récit du comte, avait éclaté dans les ténèbres de son souvenir ? Quel mot l’avait peut-être mise enfin à même de comprendre le rôle qu’elle jouait et dont elle n’avait pas jusqu’alors soupçonné la portée, dans cette tragédie montée par Teramo-Girgenti, à qui, depuis la visite à la maison du quartier de l’Observatoire elle avait obéi aveuglement, pour des raisons qu’elle n’était pas encore parvenue à démêler ? Comprenait-elle enfin le jeu de Teramo-Girgenti ? Le comte, pendant qu’on s’empressait autour d’eux, faisait respirer à Liliane ce flacon de sels qui ne le quittait jamais. Liliane ouvrit les yeux et l’aperçut tout d’abord, si près, si près d’elle que leurs visages se touchèrent presque et qu’il put dire un mot et qu’elle put lui répondre sans que personne ne les entendît. Liliane, maintenant, avait les yeux pleins de larmes, et elle disait, dans un souffle : – Mon frère !… Oh ! Mon frère !… Et Teramo lui répondait, remuant à peine les lèvres, et si bas qu’elle le comprit plus qu’elle ne l’entendit : – Silence !… Pour l’amour de notre mère… Silence, Clotilde !… Le comte se releva, soutenant Liliane, qui souriait dans ses larmes. – Ce n’est rien, dit-il. Une faiblesse… la chaleur… Que l’on ouvre les fenêtres ! Chacun s’empressa. Le récit du comte et l’indisposition subite de Liliane avaient si bien occupé les yeux et les esprits que nul ne semblait avoir prêté la moindre attention à l’étrange attitude de trois des principaux personnages de cette histoire. La figure de Sinnamari, pendant que le comte parlait, était devenue de marbre. Il eût été difficile de dire même si cet homme écoutait et si sa pensée n’était point partie pour quelque rêve lointain qui s’immobilisait hors de ce salon et de tout ce qui pouvait s’y passer. Mais Régine et Eustache Grimm avaient marqué, malgré tout l’effort qu’ils faisaient pour rester impassibles, au fur et à mesure que les événements racontés par le comte se déroulaient, un émoi qui s’était traduit d’abord chez l’un par une pâleur extrême, et chez l’autre par une rougeur excessive. Ils frissonnèrent tous deux, comme on frissonne sous un vent glacé, quand le nom de Chatou fut prononcé, et que l’aventure du cabinet particulier et les péripéties du pari infâme apparurent comme des images vengeresses dans le récit de Teramo ! Tous les spectres de leur jeunesse, comme ils les croyaient évanouis pour toujours ! Et voilà que cet homme qu’on ne connaissait pas, les leur ramenait ces temps hideux dans le moment qu’ils se croyaient le plus tranquilles !… Où cet homme avait-il appris toute cette histoire morte ? Cet homme était le diable ! Et ils sentaient que s’ils ne se surmontaient, ils allaient se mettre à claquer des dents et à montrer un tel désarroi que la foule qui les entourait n’aurait plus rien à deviner de la haute personnalité des trois héros de cette horrible histoire. Un coup d’œil jeté sur le procureur leur fit honte de leur attitude et de leur pusillanimité. Ils s’efforcèrent de se mieux tenir sous les coups qui les frappaient… et puis de voir Sinnamari si calme, si étonnamment maître de lui, ils espéraient que l’étrange partie à laquelle Teramo-Girgenti les avait convoqués n’était pas encore entièrement perdue pour eux. D’abord, ils ne savaient pas où le comte voulait en venir, ni le rapport qui pouvait exister entre leurs forfaits passés et l’histoire promise du roi des Catacombes… Au moment de l’incident Liliane, ils poussèrent un profond soupir et se levèrent. Quand le comte pria qu’on ouvrît les fenêtres, ils furent les premiers à y courir. Et ils ouvrirent les trois fenêtres qui donnaient sur la rue du Colisée ; mais, chose singulière, comme après avoir respiré un peu d’air frais ils se retournaient, ils se trouvèrent en face de Sinnamari qui venait refermer tranquillement la dernière fenêtre du coin de droite, fenêtre devant laquelle il se tenait, assis, immobile et… si « lointain » pendant le récit. – Laissez-moi donc cette fenêtre-là fermée, dit-il à ses deux amis. Je ne tiens pas à attraper un rhume de cerveau !… Il les regarda. Il les vit dans un tel état qu’il jura. – Du sang-froid ! fit-il. Nous en avons besoin. Non loin de lui, dans un coin, la colonelle Régine, à côté de Philibert Wat, regardait Sinnamari qui parlait si hâtivement et si brusquement au colonel et à Grimm, et ses yeux avaient une affreuse expression de haine pour les trois. – Non ! s’écria-t-elle, et si haut que Philibert Wat lui pinça le bras jusqu’à la douleur pour la faire taire… Non ! je ne paierai pas, nous ne paierons pas pour eux ! Elle entraîna Wat du côté du comte, et, comme celui-ci venait au-devant d’elle pour lui offrir son bras et la conduire dans le salon à côté où le café et les liqueurs allaient être servis, cependant que de toutes parts les convives réclamaient la suite de l’histoire, la colonelle dit à Teramo d’une voix sourde : – Mes enfants ! Je veux mes enfants ! C’est vous qui nous les avez volés ! C’est vous qui avez à vous venger de mon mari et de mon cousin ! Et c’est moi que vous tuez !… Vous m’avez pris mes enfants !… Ah ! Comte !… Vengez-vous sur eux, mais rendez-moi mes enfants !… – Vos petites filles, qui sont adorables, madame, et qui se portent merveilleusement, sont aujourd’hui aussi joyeuses que vous êtes triste ! – Vous les avez vues, monsieur ?… demanda anxieusement la cousine de Sinnamari. – Moi ! Nullement, madame, mais le roi des Catacombes m’a donné de leurs nouvelles, et si vous voulez connaître la cause de leur grande joie, c’est que mon ami R. C. leur a promis qu’elles reverraient bientôt leur maman… – Quand ? fit la colonelle, qui se sentait défaillir… – Bientôt ! Mais n’est-ce pas le colonel qui passe là-bas avec M. Grimm ? Et le comte fit un signe au colonel et à Grimm. Ceux-ci s’approchèrent. Philibert Wat, qui n’était jamais loin de la colonelle, se mêla au groupe, et Sinnamari, qui craignait tout de l’audace du comte et tout de la couardise de ses camarades, s’approcha lui aussi. – J’ai une bonne nouvelle à vous apprendre, colonel, fit le comte à Régine. Le colonel, si pâle, blêmit encore. Il s’attendait maintenant à quelque catastrophe. Il la sentait venir. Il se disait qu’il ne pouvait plus l’éviter… – Vous vous souvenez, colonel, que lorsque vous êtes arrivé, j’ai dit à madame qu’elle saurait pourquoi on lui avait volé ses enfants… Oui ! pourquoi ? fit la malheureuse en échangeant un rapide et anxieux regard avec Philibert Wat, regard que surprit le comte. – C’est bien le roi des Catacombes qui s’est rendu coupable de ce « larcin », madame… Il l’a reconnu devant moi… il m’a dit qu’il avait agi aussi cruellement parce qu’il croyait avoir à se venger de votre mari. – Il croyait ?… interrogea la colonelle, qui ne savait plus si elle devait espérer ou désespérer. – Se venger de moi ? gémit Régine. – … Mais, sans doute, s’est-il trompé, et reconnaît-il s’être trompé, puisqu’il a résolu de vous rendre, madame, les enfants qu’il vous a volés… – Mais quand ? implora la colonelle. – Demain, madame, à trois heures de l’après-midi, vous pourrez embrasser vos enfants. – Mon Dieu !… Et la cousine de Sinnamari se laissa choir sur un fauteuil que lui avançait le comte. Teramo leva les yeux sur Régine et sur Philibert Wat ; ils étaient radieux. Le morne désespoir qui s’était emparé de ces deux hommes depuis la disparition des deux petites jumelles faisait instantanément place à une allégresse commune qui, visiblement, les suffoquait. – Ah ! pardon !… encore un mot, madame… j’oubliais !… R. C., le roi des Catacombes, comme on dit, a des manies, des lubies… je ne sais comment qualifier… Toujours est-il qu’il a décidé, m’a-t-il dit, que les enfants ne seraient pas remis directement à leur mère. – Et à qui donc ? demanda la colonelle, se sentant gagnée par une nouvelle angoisse. – À leur père ! madame… Oui, à leur père !… Le roi y tient beaucoup. Et Teramo regardait fixement les deux hommes qu’il avait devant lui, le colonel Régine et Philibert Wat… – Oh ! mais ceci n’a aucune importance ! s’écria la cousine de Sinnamari. – C’est ce que je me suis permis de dire au roi, madame, mais il est probable encore qu’il y attache, lui, une importance que nous n’y voyons pas, car il a insisté pour que cette… restitution se fasse entre les mains du père… Et il a ajouté : Dites bien au père d’être chez lui, demain, à trois heures, s’il veut jamais revoir ses enfants ! Je ne les rendrai qu’à lui ! – C’est entendu ! fit la colonelle, qui parut soudain débarrassée d’un grand poids… – C’est entendu ! répéta Régine. Le comte brûlait alors, de son regard de flamme, Philibert Wat. Philibert Wat répéta, lui aussi : – C’est entendu ! – Allons, fit le comte gaiement, voilà une affaire réglée. Teramo, s’il avait pu voir la figure ironique de Sinnamari, n’aurait peut-être pas montré tant de gaieté. Derrière Régine et Philibert Wat, Sinnamari, qui avait tout entendu, sifflait entre ses lèvres mauvaises : – L’imbécile !… Mais, après tout, ce mot pouvait s’adresser à Régine ou à Philibert. Et, le comte l’eût-il entendu, il avait trop de raison de croire à sa propre intelligence et à celle de Sinnamari pour ne pas imaginer que celui-ci eût sur sa personne une opinion aussi sommaire. C’était l’heure du café, des liqueurs, des cigares… C’était l’heure où les convives, ayant reconquis toute liberté, se répandent dans les serres, dans les galeries, dans les salons, dans les fumoirs… Mais, ce soir-là, chez le comte, par un phénomène dû sans doute à l’exclusive curiosité qu’il y avait de ce personnage fabuleux qu’était Teramo-Girgenti, tous les invités étaient restés dans le salon où le comte se trouvait. Dès l’abord, ils avaient osé réclamer avec insistance la suite de l’histoire commencée au dessert, mais un geste du comte avait fait comprendre qu’il fallait être patient… Chose remarquable, on se pressait autour du comte, mais par une sorte de convention tacite que l’on ne trouve plus réalisée que par l’étiquette qui entoure les souverains, la circonférence humaine qui enfermait Teramo était assez vaste et décrivait à distance une ligne respectueuse. Ainsi, malgré la foule de courtisans – car, en vérité, si ces gens ne l’étaient pas encore, après ce qu’ils avaient vu chez le comte, ils étaient tout prêts à le devenir – Teramo avait pu, selon son expression, « régler l’affaire des jumelles » sans être autrement gêné par de trop curieuses oreilles. Ceci fait, s’étant retourné vers cette foule, il daigna demander si quelqu’un s’intéressait encore à cette vieille histoire qu’il avait entrepris de conter. Chacun prétendit avec enthousiasme qu’il brûlait d’en entendre la suite, et un grand silence se fit. En face du comte, comme tout à l’heure dans la salle, se trouvaient Sinnamari, Régine et Eustache Grimm. Sinnamari eut recours à nouveau à l’impressionnante immobilité de sa figure de marbre ; Eustache Grimm, toujours aussi défait, avait voulu fuir, mais un geste de Sinnamari l’avait cloué à sa place. Quant à Régine, il semblait que tout ce que le comte allait raconter ne l’intéressait plus depuis qu’il était sûr qu’on allait lui rendre ses enfants. Au-dessus de la foule attentive, sur le seuil du salon, comme tout à l’heure sur le seuil de la salle à manger, se tenait la formidable et écarlate figure de cet étrange suisse porte-glaive, l’exécuteur masqué des hautes œuvres du roi des Catacombes. Avant de reprendre son récit, le comte dit : – Ne trouvez-vous pas qu’il fait chaud ? De fait, on étouffait… Les valets ouvrirent les fenêtres, mais Sinnamari se leva et, tranquillement, comme il avait fait à l’instant d’avant dans l’autre salle, il alla refermer la fenêtre du coin de droite, fenêtre que l’on venait d’ouvrir sur l’ordre de Teramo. Il revint près de lui. – Je vous demande pardon, dit-il… mais cette fenêtre ouverte fait courant d’air et je suis assez sensible !
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