OUMOU KHAIRY SAM
Il y a des questions qui n'auront jamais de réponse. Des vides qui ne seront jamais comblés. Des souffrances qui n'ont jamais de fin et des personnes qui ne sont pas faites pour le bonheur et le répit ; comme moi.
Pour ne pas devenir folle, j'ai arrêté de me poser de question. Je ne sais pas qui je suis devenue depuis la mort de ma mère. Cette femme qui a vécu pour être le souffre-douleur d'hommes pervers et malhonnêtes. Où est la justice dans tout ça ? Fallait-il qu'elle finisse vraiment de cette façon ?
Je n'arrive toujours pas à l'accepter, c'est au-delà de ma force et de mes capacités.
Chaque jour qui passe, est un défi. Je ne vis pas parce que j'en ai envie, mais parce que je n'ai pas le choix. Je dois vivre, pour mes sœurs qui n'ont plus personnes et pour rendre justice à ma mère. Cette dernière est ce qui me maintient de plus en vie. Je suis remplie de haine, de colère et de rancune et je ne me sentirais apaisée que quand j'aurais rendu justice à ma mère.
Je ne me rappelle pas un seul jour totalement heureux que nous avons passé en famille, des fois on avait même quoi nous mettre sous la dent. Mais au moins on avait maman, même si elle était tout le temps alité, elle était la quand-même là et elle me donnait la force de tout surmonter et de braver tous les obstacles. Mais maintenant ! Maintenant je suis juste vide. Vide de vie, d'émotion, d'amour et même d'humanité.
Tout me laisse indifférente. Moi qui voyais le bien chez tout le monde, même ceux qui m'ont arraché le cœur. Moi qui vivais pour faire plaisir et rendre service aux autres. La Oumou souriante, joyeuse, gentille etc. tout cela n'est qu'un souvenir désormais.
Même ma foi, je la sens me quitter de jour en jour et cela me rend malade, mais je suis impuissante. Je ne trouve de la force et du réconfort nulle part. Je veux juste que justice soit faite. Que nos vies changent.
· Khalil est là. Tu veux que je t'aide?
C'est Rama qui me sort encore une fois de ma léthargie. Je secoue négativement la tête sans jamais la lever pour la regarder, je n'y arrive plus.
C'est une autre victime mais c'était aussi ma sœur et elle ne m'a rien dit du tout, même concernant ma propre histoire alors qu'elle savait à quel point cela me préoccupait. Elle était là quand les gens me riaient au nez, se moquaient de moi, me pointaient du doigt et pourtant elle ne m'a rien dit. Elle a fréquenté et a couché celui que je considérais comme mon père, le papa de mes sœurs et le mari de ma maman et ils se sont mariés. Tout ça en continuant à être mon amie. Et tout l'argent qu'elle nous donnait prétextant vouloir nous aider, était en fait notre argent, celui que notre imbécile de père refusait de nous donner.
On mourrait de faim, maman est morte en partie à cause du manque de traitement et de prise en charge...et Rama ? elle savait tout ça.
Elle a été victime et elle a fait certaines choses peut-être pour me protéger, mais très franchement !
Je préfère ne pas pousser mes pensées. Je suis fatiguée d'être toujours irritée, triste et prête à exploser sur tout le monde.
· J'ai préparé tes affaires, et dis-moi, tu as pris tes médicaments ? Me demande-t-elle en se rapprochant pour m'aider quand-même à attacher mes chaussures.
Mon beau père a tué ma mère et je continue à vivre dans sa maison, parce qu'on a nulle part d'autre où aller.
Ma meilleure amie s'est mariée à mon beau père et je suis obligée de vivre avec elle, parce que je n'ai personne d'autres. Pas de famille, ni amie et je suis handicapée.
Franchement ! Ma vie est merdique et je voudrais juste m'éteindre à chaque fois que je ferme les yeux. Mais qui prendra soin de mes sœurs ? Elles ont déjà tellement perdu ! Des enfants brisés.
· Oui. Dis-je pour toute réponse.
Je dois avouer que Rama fait énormément d'efforts. Même sans le vouloir je suis désagréable avec elle, et pourtant elle a tout abandonné pour venir s'installer avec nous et elle fait tout pour nous, même en étant enceinte.
J'aimerais pouvoir effacer ce qui s'est passé et retrouver notre complicité d'antan mais je n'y arrive pas. Depuis que je suis rentrée nous n'avons pas pu avoir une discussion de plus de cinq phrases. Je l'aime et je lui en suis énormément reconnaissante, j'espère pouvoir dépasser ça un jour. Donc je préfère pour le moment garder mes distances pour ne pas lui dire quelque chose que je ne pourrais jamais retirer.
· On peut y aller. Lui dis-je après avoir remis mon voile.
· Pas encore, il faut que je cache tes cernes là.
· Non Rama, je n'en veux pas de ta peinture et je pars juste à l'hôpital.
· Tais-toi et obéis.
J'allais encore répliquer quand elle a lâché un cri aigu avant de laisser tomber sa trousse de maquillage.
· Rama ? Rama répond moi. Ça va ?
Il lui a fallu quelques minutes pour se reprendre. Elle s'est redressée avec ce sourire forcé qui ne la quitte pas depuis mon retour. Je sais qu'elle va mal, qu'elle est autant brisée que moi si ce n'est plus mais elle fait tout pour rester forte, pour nous toutes.
· Oui ! c'est déjà passé, une douleur passagère.
· Tu as dit la même chose hier encore, ça suffit. Va te préparer, nous partons ensemble à l'hôpital.
· Non je ne peux pas, j'irais demain.
· Rama, arrête ok? Tu vas mal et tu refuses de te soigner, c'est quoi ça encore ?
· Je ne le refuse pas, je n'ai juste pas le temps et rien ne presse. Je dois aller récupérer les bulletins des enfants à l'école et faire quelques courses. Je reprends le boulot lundi et il n'y a rien dans le frigo. En plus les filles doivent se tresser.
· Rama ? C'est vraiment très gentil à toi de faire tout ça pour nous mais tu ne nous dois rien du tout, rien ne t'y oblige et surtout ta santé est prioritaire.
· Je sais Oumou et je ne le fais pas par obligation, ni pour m'attirer tes bonnes grâces. Je le fais parce qu'il le faut et que j'en ai envie.
· Oui mais...
· Fin de la discussion Oumou, je vois bien ce que tu cherches à faire et où tu veux en venir mais sache que je ne compte aller nulle part, et je vais continuer à faire ce que je fais tant que je le pourrais. Cela me désole qu'on en soit arrivée là et je suis désolée de t'avoir trahi, mais ce qui est fait est fait et contrairement à toi, je veux dépasser cela et le plus rapidement possible. Allons-y, Khalil attend depuis un moment déjà. Termine-t-elle en poussant ma chaise.
· Je n'irais pas si tu ne viens pas. Si tu comptes rester avec nous et prendre soin de nous malgré tout ce qui s'est passé, alors je ferais de même. Prépare-toi et retrouve-nous au salon.
Après cela je suis sortie de la chambre et je suis allée retrouver Khalil, le frère de Jules qui m'attendait au salon. Depuis que je suis revenue ici c'est lui qui m'amène chaque jour à l'hôpital, achète mes médicaments et il prend soin de moi et des enfants comme sa propre famille. Je sais que Jules lui a demandé de s'occuper de nous, mais la bienveillance et la gentillesse qu'il a à mon égard, ça ça émane de lui et il ne cesse de me surprendre. En un mois nous sommes devenus très complices, contrairement à Jules avec qui j'ai juste des rapports cordiaux. Et à chaque fois que je rigole récemment, c'est à cause ou avec lui, un ange ce gars.
· Enfin la princesse se montre, bien apprêtée sur son carrosse. Lance-t-il en se levant pour venir à ma rencontre dès que j'ai pénétré le salon.
· Ce n'est pas drôle Khalil, je suis sur une chaise roulante.
· Ah bon ? Moi je vois un carrosse. Tu es sûre que c'est une chaise roulante ? Les choses ont changé alors, à notre époque on appelait ceci un carrosse. Me dit-il avec des grimaces et en inspectant ma chaise, j'ai éclaté de rire, comme toujours.
· Tu es irrécupérable toi.
· Je sais princesse. Alors comment vas-tu ce matin ? Prête à quitter le carrosse pour une limousine ?
· J'ai hâte ! Mais je me demande si je verrais ça un jour. Dis-je laconique.
· Qu'est-ce que je t'ai déjà dit Khairy ?
· De toujours rester positive et confiante.
· Exactement ! Alors chasse moi cet air mélancolique et allons faire des miracles. Si tu te dis que tu ne pourras jamais remarcher crois-moi tu n'y arriveras jamais.
· Je sais.
· Tu vas y arriver d'accord ? Et très prochainement je peux te l'assurer.
· Je l'espère vraiment.
· Bon, on y va alors. Il faut qu'on passe récupérer Marianne d'abord, si elle ne te voit pas aujourd'hui elle risque de taper une crise.
· Rire, elle me manque aussi. Mais nous devons attendre Rama, elle vient avec nous.
· Ah...un problème ?
· Des douleurs de temps en temps, je veux juste m'assurer que tout va bien pour elle et le bébé.
· D'accord. Ne dit-il pas vraiment enchanté.
Je n'ai rien raconté à Jules ou à Khalil de mon histoire mais j'ai l'impression qu'il y a un truc entre Rama et Khalil, ils ne s'apprécient pas et ils ne le cachent pas. Ce qui est très bizarre.
· C'est bon, on peut y aller. Annonce Rama.
Dans la voiture il y régnait un silence de mort mais moi cela ne me dérangeait aucunement pas. Il me fallait ce genre de moments de temps en temps, mais il a été de très courte durée.
· Rama, tu dois beaucoup manquer à ton mari. Oumou il est temps de libérer ta copine, parce qu'à la place de son mari j'aimerais vivre la grossesse de ma femme du début à la fin. Débite Khalil nous plongeant dans une gêne sans nom.
Je ne savais plus où me mettre. A quoi il joue ?
· Ça va, on gère et le bien-être de Oumou passe avant tout. Rétorque Oumou.
· Même avant celui de ton mari et de ton bébé ? Alors Oumou tu comptes vraiment beaucoup pour ton amie. Son mari doit être jaloux de toi, je l'aurais été à sa place.
· Mais tu n'es pas à sa place. Scande ma copine qui commençait à s'énerver.
· C'est vrai, toutes mes excuses. Je voulais juste briser un peu la glace, rien de méchant. Si ton mari n'y voit aucun inconvénient alors je suis heureux pour vous. Oumou a en effet besoin de toi.
· Mouais.
· Et on pourrait faire une sortie à quatre un de ces jours histoire de plus se connaitre et changer un peu d'air.
· Ça sera sans moi, merci !
· Tu ne veux pas que je rencontre ton mari ? Insiste Khalil et franchement moi-même il commençait à m'énerver. A quoi il joue ?
· Et toi tu ne peux pas me foutre la paix ? Tu commences vraiment à me les pomper et...
· Wow ! Relax les gars. Rama ? Calme toi d'accord ? Il voulait juste te taquiner n'est-ce pas Khalil ? Dis-je en dardant un regard insistant sur lui pour qu'il confirme ce que j'ai dit. Je connais Rama très bien et quand elle s'énerve, vaut mieux ne pas être à côté.
· Oui c'est ça, je voulais juste te taquiner.
· Alors tes blagues sont de très mauvais gout, ils sont nuls et cela ne me fait pas du tout rire. Je ne fourre mon nez dans la vie privée de personne et je voudrais que ça soit la même chose pour moi.
· Reçu 5/5 et encore une fois, toutes mes excuses. Termine Khalil en se garant devant l'école de Marianne.
Ouf ! Connaissant Rama je n'ai pas cherché à rebondir sur le sujet mais je dois avouer que Khalil a été un peu loin cette fois-ci. C'était à la limite du forcing.
Heureusement que Jules a choisi ce moment pour m'appeler, brisant ainsi le silence plus que gênant qui régnait dans l'habitacle.
· Je ne t'ai pas entendu hier. Me dit Jules après les salutations et autres.
· Je t'avais pourtant laissé un message, tu devais être occupé. Comment va ta sœur ?
· Beaucoup mieux, grâce à Dieu.
· Et toi, comment vas-tu ?
· Alhamdoulillah.
· Tu as pensé à ce que je t'ai dit Khairy ?
· Oui Jules et c'est toujours non, arrête d'insister s'il te plait, je n'ai pas envie de me disputer avec toi encore une fois.
· Mais moi non plus ! Je ne comprends juste pas comment tu peux vouloir continuer à vivre dans cette maison après tout ce qui s'est passé. Si tu ne peux pas le faire pour toi alors fais le pour les enfants. Mon appartement est vide, il n'y a personne.
· Je suis fatiguée de dépendre totalement de toi et si je reste dans cette maison c'est pour une bonne raison Jules.
· Quelle raison ? S'énerve-t-il.
· Je ne te dois aucune explication.
· Et ça recommence ! Khairy ? Tu vas arrêter ce nouveau comportement que tu veux adopter ? Cela ne te va pas et franchement...
· Quoi jules ? Quoi ? Tu penses connaitre ce que je vis ? Ce que je ressens ? Et en plus, tu ne me dois rien du tout.
· C'est quoi le rapport ? Dis-moi.
· Tu sais quoi, je vais raccrocher parce que je ne vois pas l'intérêt de cette discussion. Salue-moi ta sœur.
· Oumou !
J'avais déjà raccroché totalement à bout. Je ne comprends pas pourquoi on arrive plus à discuter sans que cela se finisse en dispute, ça m'énerve !
Lui il veut tout contrôler, tout décider et quand on n'est pas d'accord avec lui il pète les plombs. Merci de m'avoir sauvé la vie, de prendre soin de moi et de ma famille mais j'ai quand même le droit de dire non quand je ne suis pas d'accord.
· Oumou ? M'interpelle Rama. Je me retourne pour lui faire face totalement renfrognée.
· Tu sais qu'il essaie juste de t'aider comme toujours ? Tu n'étais pas là toi le jour où on est partie chez vous voir ta mère. Mais crois-moi si tu avais vu l'état de ta mère et même de tes sœurs tu comprendrais pourquoi Jules tient tant à ce que vous quittiez la maison. Et qui te dit que votre père ne va pas réapparaitre ? C'est toujours son nom sur le contrat de bail.
· Merci de me faire remarquer que je n'étais pas au près de ma famille durant son moment le plus pénible et même quand ma mère a rendu l'âme. Mais la faute à qui ? Hum Rama ? La faute à qui ? Hurlais-je presque sur elle et avec amertume.
Moi-même je ne me reconnaissais pas, Rama aussi je suppose parce qu'elle est en train de me regarder comme si en face d'elle se tenait un extraterrestre. Elle a un air choqué et dégoûté, et je la comprends tellement ! Moi-même je me dégoûte mais je n'y peux rien, j'ai besoin d'évacuer de temps en temps.
Quand j'ai vu les larmes de mon amie couler mon cœur s'est fissuré, je voulais juste me donner une gifle. Depuis quand suis-je devenue aussi méchante mon Dieu.
Et avant que je ne dise quoi que ce soit, elle avait déjà ouvert la porte de la voiture pour sortir. Elle a directement hélé un taxi et est partie sans se retourner. Merde.
Khalil est revenu juste après avec Marianne qui a failli faire une crise de joie en me voyant, cette fille m'adore bien plus que le mot et c'est totalement réciproque. J'aimerais trop que son père accepte qu'on vive ensemble au moins en attendant son retour mais non, monsieur me pose des ultimatums. C'est son problème.
· Encore Jules ? Me demande Khalil une fois que nous avons déposé Marianne chez sa grande mère qu'elle déteste plus que tout.
Je n'avais pas envie de parler et je suis super nulle en confidence, j'ai donc juste hoché de la tête.
· Ne t'inquiète pas, prend tout ton temps et fais ce qui te semble juste, je suis là moi et je te soutiendrais peu importe la décision que tu prendras. Me dit-il avec son air bienveillant et compréhensible, un ange je vous disais et j'ai l'impression que c'est seulement lui qui me comprend vraiment et fais tout pour que je me sente bien.
· Merci Khalil.
RAMATOULAYE SY
Je n'en peux plus, j'en ai jusqu'au cou de tout ceci. Ok j'ai merdé mais quand-même ! Je ne reconnais plus cette Oumou, ce n'est pas mon amie et c'est pour cela que je ne peux pas laisser les enfants seuls avec elle actuellement. Pas parce que j'ai peur pour leur sécurité mais parce qu'ils ont besoin de quelqu'un qui n'est pas aussi brisé qu'elle.
Cela me désole de la voir ainsi et je me sens totalement coupable. J'ai tout essayé, allant même jusqu'à lui mentir.
Je ne lui ai toujours pas dit ce que sa mère m'avait confié avant sa mort. Quand elle est revenue, elle n'était non seulement pas la même et aussi elle fait tout pour éviter d'avoir une discussion avec moi. Et en plus elle est devenue très amère donc j'ai eu peur de ce qu'elle deviendra après lui avoir avouer une telle vérité ; j'ai donc gardé.
Mais là, il le faut. Ce Khalil est la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.
Je ne sais pas comment Oumou fait pour ne pas voir que ce gars est un vrai escroc, un imposteur. Rien n'est vrai avec et chez lui, il la mène en bateau et fait tout pour faire passer Jules pour le méchant et je me demande pour quelle raison.
Et franchement après une petite enquête, leur famille est la seule famille Sam que j'ai trouvé et qui correspond. Donc...
Il est temps que Oumou apprenne la vérité, au risque de la voir se transformer en quelque chose de bien pire que ce qu'elle est devenue.
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Queen
09/02/2020
20:40