PRECEDEMMENT :
Quand on arrive enfin au parking, il me demande d'attendre qu'il sorte la voiture. C'est ce que je fis en me mettant juste derrière les poteaux pour qu'on ne me voit pas. Les gens ont tendance à beaucoup parler. Malheureusement c'est seulement quand tu n'as envie de croiser personne que tout le monde est dehors. Parfois je me demande même si le destin n'est pas une personne espiègle qui se délecte de me voir dans des situations pareilles. D'habitude Sadiya prend le bus comme moi pour rentrer mais aujourd'hui elle est accompagnée de Monsieur Traoré et de sa femme Satou. Ils se dirigent tout droit vers le parking. Je fus tentée de courir mais au même moment, Fall démarrait sa voiture et se garre arrivé à ma hauteur. Les autres ne manquaient aucune miette de la scène. La boule au ventre et la peur d'être l'objet de rumeur demain envahissèrent mon être. Sans leur jeter un regard, j'entre directement dans la voiture.
-Vous allez bien Monsieur et Madame Traoré? Demande mon patron quand il les remarqua enfin. Mademoiselle Seck, vous allez bien ?
-On va bien Alhamdoulilah lui répond Monsieur Traoré.
-Ça va Fatima? Me demande Sadiya d'une voix faussement enjouée.
-Ça va répondis-je tout simplement
-Bon, à demain alors ..Passez une bonne soirée nous souhaita Madame Traoré.
-Oui à demain in sha Allah!
Il démarre.
FATIMA KANE
Je savais que ça allait être bizarre. Personne de nous deux ne parlait après quelques minutes de routes. De toute façon, je ne dis jamais rien, c'est ma nature, tout le monde sait ça donc on ne peut pas me reprocher d'être trop silencieuse. Par contre lui il n'a jamais été silencieux ou calme de cette façon...je ne comprend pas.
-Tu vas mieux ? Me demande t-il
Ah..j'ai parlé un peu trop tôt !
Il demande si je vais mieux ? Par rapport à quoi ?
-Tu as l'habitude de t'évanouir de cette façon? Tu as une maladie chronique? continua t-il
-Euh non..
-Non quoi ?
-Je vais mieux et ce n'est pas une maladie chronique .
-Ah ! Tu as résumé ce non à toute mes questions ? Je vois .Tu n'es pas très bavarde à ce que je vois. Au bureau je comprends bien que tu sois un peu réticente mais là tu peux être à l'aise. On est que deux ici .
Ce qu'il ne sait pas c'est que je suis plus à l'aise au bureau qu'ici parce-que justement au bureau je lui parle très peu et on ne parle jamais de moi mais là je suis obligée de parler et toute l'attention sera porté sur moi.
-Je vous présente mes excuses . Finis-je par sortir
Je sens son regard sur moi.
-Tu t'excuses encore pourquoi Fatima Kane? Tu t'excuses de ne pas être trop bavarde ? Je ne te reproche rien Fatima..pourquoi tu t'excuses donc ? À partir de maintenant, je t'interdis de présenter tes excuses sans raison. Avec ce comportement, les autres se croiront tout permis.
-Je suis désolée. Je lançais ça avant de me rendre compte que je venais de répéter ce qu'il ne voulait pas entendre .
Il me regarde et soupire longuement avant de secouer sa tête l'air agacé.
-J'ai pas fait exprès ..
-Tu sais...je ne te juge pas car je te connais un peu bien et les autres croiront que tu es une personne stupide. Je m'excuse du terme me dit-il
-Je sais..
-Non, tu ne mesures pas l'ampleur de tes actes. Tu penses qu'en restant dans ton coin, tu n'aurais pas de problème et tu n'en créerais pas non plus mais laisse moi te dire que les gens profiterons toujours des personnes qui ne s'imposent pas. Tu es bien placée pour le savoir.J'ai remarqué que Sadiya te confiait toujours ses taches. J'ai tout remarqué mais j'attendais que tu prouves que tu es capable de t'affirmer mais si je n'avais pas parlé à Sadiya aujourd'hui je crois que tu ne l'aurais jamais fait...
Encore une fois, je ne te juge pas rajoute t-il. Tu es mon employée et c'est mon devoir de t'aider à évoluer sur le plan professionnel. Mais pour que celà marche il faut que tu évolue sur le plan psychologique. J'ai voulu tenir cette discussion avec toi, c'est pourquoi j'ai proposé de t'amener. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hesite pas s'il te plait.
-Merci monsieur!
-Ne me remercie pas. Je le fais pour l'entreprise. Mon frère Ahmadou reviendra évaluer le personnel pour voir leur performance et s'il n'est pas satisfait il n'hésitera pas à virer mes employés. Malheureusement j'essaie de lui en empêcher mais on est tous les deux responsable de cette entreprise et il a beaucoup plus d'expérience que moi.
Son frère...Ahmadou Fall..serais-je capable de me confronter à lui? Déjà le regard qu'il m'a jeté dans le bureau m'a glacé le sang, comment je pourrai lui tenir tête ? Comme s'il avait lu dans mes pensées, il me dit
-Il ne s'agit pas de lui tenir tête mais de montrer tes compétences. Il est peut-être un peu special....comme toi je dirai mais c'est un homme simple.Tu fais correctement ton travail, il te félicite et passe à autre chose.
Plus facile à dire quand on est le frère de cette personne. Nous employés savons parfaitement comment il est. Je ne sais même pas comment je devrais prendre la comparaison qu'il venait de faire entre moi et son frère. Moi je ne parle pratiquement jamais mais je ne suis pas froide avec les gens. J'essaie du mieux que je peux de me montrer polie et aimable. Mais lui, j'ai l'impression que même un bonjour correctement dit pourrait le tuer. Je suis loin d'être comme lui.
Lui...il a de la confiance en lui. Ça se voit à des kilomètres, contrairement à moi. Fall PDG ne me connait pas assez.Je le comprend.
-Bon je crois que si tu passes par là, tu peux arriver chez toi en un rien de temps. Moi je vais aller voir ma fiancée. Elle habite juste à côté. Tu la connais peut-être ?
Je ne sors pas beaucoup, ça m'étonnerait que je la connaisse.
-Comment elle s'appelle ? Osais-je demander
-Elle s'appelle Salimata Bop.
Comme je le pensais, je n'ai jamais entendu ce prénom de ma vie. Mais je leur souhaite tout le bonheur du monde. J'envie tout le monde sauf les gens en couple. Je n'ai jamais été en couple de ma vie et je ne pense pas que je le serai de sitôt. Dans mon cas, être dans une relation ne sera pas facile. J'ai déjà un faible estime de moi même, je ne sais pas comment les gens pourraient m'aimer si je n'aime pas ma personne. Si j'entre dans une relation, celle-ci pourrai être toxique car je penserai que je ne mérite pas la personne qui est avec moi. Je pourrai penser qu'il est trop bien pour moi ...et je tomberai dans une dépendance émotionnelle mêlée à la peur d'être rejetée par l'être aimé. Trop complexe et compliqué pour ma personne !!
Je remercie mon patron de m'avoir déposé. Il me demande de réfléchir à tout ce qu'il m'a dit avant de démarrer. Quelques minutes plus tard, me voilà devant chez moi. Je sonne plusieurs fois et c'est Papi qui est venu ouvrir la porte. C'est mon cousin. Il a 18 ans et passe de temps en temps à la maison.
-Ça va Papi ? Lui demandais-je tandis qu'il fermait la porte à clef.
-Ça va ! Je suis juste un peu fatigué. Je viens d'arriver.
-Ah comment va tata Habibatou?
-Ma mère va bien. Elle viendra surement plus tard.
-D'accord! Où est ma mère ? Lui demandais-je après avoir vérifié dans le salon.
-Ton père est en haut avec elle me dit-il.
-Ah ! Papa est là ? Je vais aller lui parler.
D'habitude quand je rentre, je le trouve toujours endormi. C'est vrai que le bus prend tout son temps avant d'arriver. La voiture de Fall n'a pas beaucoup trainé. Je monte les escaliers et me dirige vers la chambre de mes parents. Arrivée à la porte, je les entend parler. Je décide d'aller me changer et de revenir plus tard puisqu'il semblait être concentré dans leur discussion mais j'arrête d'avancer quand j'entend mon prénom dans leur discussion.
Non...ne les écoute pas ça ne se fait pas !
Oui mais j'ai entendu mon prénom. Je veux savoir de quoi ils parlent.
Je fais taire ces deux voix en secouant la tête, et il me fallait quand même écouter leur conversation. Je colle un peu plus ma tête à la porte pour mieux entendre.
-Je ne dis pas qu'elle est folle, je dis juste qu'elle se comporte de manière très bizarre. On peut la convaincre d'aller voir un psychologue. Je suis vraiment inquiète Amadou
-Peut être qu'elle est juste stressée par son travail, tu sais comment elle est. Elle ne parle à personne, elle n'a même pas d'amis. Ça va un peu faire effet sur sa vie. À cet âge on a envie de faire pleines chose et de découvrir le monde mais tu sais comment elle est. Elle se sent surement incapable d'avancer. Elle fait ces choses juste pour attirer notre attention sur elle. Laisse lui du temps, ça va passer.
Avait répondu mon père
-Non Amadou...imagine que celà s'empire? Ça va être une catastrophe. Que vont dire les gens? Ce qui s'est passé avec Nanou est loin d'être fini. Je sens qu'elle va créer d'autres problèmes. J'ai un mauvais pressentiment Amadou.
-Que veux tu faire alors ?
-Tu peux appeler ton ami Psychologue Dr Ndiaye pour qu'il vienne évaluer son état mental. On peut aussi aller en Guinée parler avec Serigne Ahmed Aidara Diallo. Je ne sais me pas par où on doit commencer.
Ils croient vraiment que je suis folle ? Ce que je viens d'entendre était comme une douche froide pour moi accompagnée d'une claque. Mais bon...ai-je vraiment quelque chose pour me défendre ? Je ne leur en veux pas. Je les comprend d'ailleurs. Après ce qui s'est passé avec Nanou qui croirait que je suis saine d'esprit ? Si seulement je pouvais leur prouver ce qui se passe autour de moi en ce moment. Je vis dans une peur perpétuelle. Si ma propre mère ne me crois pas, qui va me croire ? Heureusement que je ne me suis pas confiée à elle. Ses doutes sur mon état mental vont être fonder. Et Dieu seul sait de quoi elle est capable pour me « sauver » .
Je me sens encore plus seule maintenant. Je vais surement commencer le traitement avec le coran. Maintenant il fait aucun doute qu'il y'a quelque chose qui me suit. Je ne sais pas ce qu'il veut mais je compte bien me défendre avec le coran. Je me dirige vers la salle de sport qui est maintenant ma chambre..J'y ai placé un matelas et une valise qui contient quelques vêtements. Cet aménagement fait surement partie des choses qui ont inquiété ma mère. Si je l'ai fait c'est pour me protéger de ma chambre. Je dors mieux depuis que je suis ici. Bien sûr, la peur est toujours là mais je ne sens pas de présence bizarre et je n'ai pas eu des apparitions ou disparitions mystérieuses.
Je me couche sur mon matelas et tente incessamment de trouver une solution à mon autre problème qui est ma mère. Je dois la rassurer pour mieux me concentrer sur mon objectif. Sinon, je risque de finir dans un hôpital psychiatrique ou pire entre les mains d'un homme qui lui fera croire qu'il pourra me sauver.
PDV EXTERNE
Couchée sur ce lit, Fatima regardait minutieusement le plafond. Elle n'arrêtant pas de penser à la tournure que venait de prendre sa vie. Elle s'est toujours plainte de sa vie si monotone et silencieuse et là brusquement elle voyait obstacle sur obstacle sur son chemin. Elle regretta presque de ne pas avoir profiter de sa vie quand tout semblait calme. Elle eut une grande envie de crier pour tout évacuer mais hélas elle était prisonnière dans un monde qui l'empêchait d'exprimer ses souffrances. Un monde qu'elle avait créé de toute pièce.
S'enfonçant de plus en plus dans ses réflexions, Fatima finit par se perdre dans son esprit. Elle était là juste entre l'éveil et le sommeil. Elle n'était ni endormie, ni réveillée. Elle se sentait bien ainsi. Elle avait le contrôle sans pour autant l'avoir. C'était paradoxal mais seule elle pouvait comprendre le bien que celà lui procurait.
-Tu es magnifique ....
Elle ouvrit brusquement les yeux mais là elle n'était plus dans la salle de sport qui est devenue sa chambre mais dans un autre endroit: une chambre qu'elle n'avait jamais vu de sa vie. Elle regarde autour d'elle et voit qu'elle n'était pas non plus sur son matelas mais dans un grand lit king size. Son regard se balade un peu partout ...une coiffeuse, un grand miroir ...des livres ...des posters de célébrité. Elle essaie de se lever mais ses jambes étaient comme paralysé, impossible pour elle de faire le moindre mouvement si ce n'est tourner la tête.
-Y'a quelqu'un..murmure t-elle d'une voix tremblotante.
Elle avait peur, très peur. Elle était dans un terrain inconnu. Elle avait énormément peur. Que va t-il se passer cette fois-ci se demandait-elle. Est-ce l'être qui la suivait qui lui faisait cette effet? Des questions brouillaient sa tête. Elle se couche et ferme les yeux avec l'espoir de se réveiller de nouveau dans sa petite chambre mais non. C'est sans surprise qu'elle voit qu'elle n'avait pas bougé d'un iota.
Elle se mit à pleurer à chaude larmes. C'était la seule chose qu'elle pouvait faire en ce moment.
-Pourquoi pleures-tu ? Entendit-elle encore.
Fatima se retourna et eut un choc. C'était Djinniya, toujours aussi radieusement belle en dépit de son visage tragique. Le regard de Fatima croisa le sien et y resta accroché.
Après d'interminables secondes Djinniya était maintenant en face d'elle. Fatima eut un mouvement de recul mais Djinniya esquissa un sourire et bizarrement la jeune femme se détendit un peu. Fatima mourrait d'envie de lui parler, lui poser des questions se demandant si ce n'était pas d'une imprudence folle. Ce fut Djinniya qui résolut le problème en lui demanda d'une voix grave.
-Alors ma chère, tu vas bien ?
Fatima hésitait à parler et se demandait si c'était une bonne idée de lui répondre. Elle qui voulait entrer en contact avec l'être qui la suivait mais maintenant qu'il se trouve en face d'elle, elle ne sait plus comment se comporter
-Je ne mord pas tu sais...lui dit-elle
-Qui es-tu ? Fatima venait de lui poser cette question de façon brusque comme si la rapidité de son élocution allait changer le sens de la phrase
-Moi je suis moi et toi tu es Fatima...
-Es-tu Khadija ? Enchaina Fatima
Djinniya la regarda avec un sourire qui ne quittait pas le coin de ses lèvres .
-Je ne suis pas Khadija, je m'appelle Djinniya
-Alors pourquoi tu as l'apparence de Khadija ?
-Bonne question cria Djinniya en montant à quatre pattes sur le lit.
Son visage s'illumina comme si Fatima venait de lui poser la question qu'elle attendait depuis très longtemps. Fatima eut cette fois-ci peur et tenta de se lever mais ses jambes étaient toujours paralysées..
-Khadijah est morte ma chérie ...tu n'a toujours pas compris ?
-Alors pourquoi tu m'a suivit ? Qu'est ce que j'ai à avoir là dedans ?
-Tu deviens plus bavarde ...J'adore !! S'exclame t-elle en s'approchant de plus en plus de Fatima. J'ai besoin d'une nouvelle amie car ma Khadija est morte et enterrée. Je m'ennuie et je trouve que tu es assez interessante comme toutou. Tu me fascine Fatima Kane.
-Mais qui es-tu ? Fatima avait presque perdue sa voix tellement sa gorge était nouée.
-Tu le sauras bien plus rapidement que prévu...Vous les humains, vous êtes très impatients. Khadijah aussi était comme toi mais avec moi elle a appris à être patiente.
-Je vous en supplie laissez-moi tranquille. Ne me faites pas de mal
-Mais Fatima c'est toi qui a accepté d'être mon amie. Je ne t'ai forcé en rien. Je ne veux pas m'éloigner de toi. J'ai trouvé en toi et dans ton entourage des choses qui m'intéressent au plus haut point ou plutôt des personnes. Pourquoi me priver de celà ?
Fatima était tétanisée et ne savait comment sortir de ce cauchemars.
-Tu sais Khadijah aussi avait peur de moi mais elle a fini par accepter ma présence. Mais quand son père a découvert mon existence, il a voulu m'éloigner d'elle et Khadijah a accepté de se faire soigner. Tu vois la trahison que j'ai vécu? Elle m'a trahi et moi je déteste qu'on me prenne pour une conne. Une voiture a malheureusement percuté ma jolie petite Khadijah. J'y suis allée un peu trop fort je crois.
Des menaces ? Elle était entrain de la menacer.
-Je ne suis pas méchante tu sais. Son père n'a pas arrêté de la v****r depuis qu'elle est petite. J'étais juste venue pour la sauver mais elle a fini par accepter la demande de son père qui voulait me chasser car je ne le laissais plus v****r sa jolie petite fille. Khadijah a été ingrate c'est pourquoi elle a payé? Est-ce-que j'ai été méchante ?
Toujours en pleurs, Fatima essaya de proférer les quelques versets qu'elle connaissait. Mais en l'espace de quelques secondes, Djinniya s'approcha jusqu'à ce que leurs deux nez se touche.
-Est-ce-que j'ai été méchante Fatima Kane? lui demande t-elle cette fois d'un air très énervé.
Pour se protéger, Fatima sentait qu'elle devait surement répondre sans la blesser.
-Non...elle a eu tord balbutia la jeune fille
Djinniya éclate de rire, l'air satisfaite de sa réponse.
-Tu vois, tu commences à comprendre. Je crois qu'on va bien s'amuser. Ensemble, nous allons vaincre le monde. D'accord? lui disait-elle
Fatima n'avait pas d'autres choix que d'acquiescer mais était loin d'imaginer ce qui aller venir.
A suivre ......