Prologue
La nuit tombe sur Montréal, enveloppant la ville d’une brume légère qui glisse entre les gratte-ciels. Le vent frais de la fin d’automne porte avec lui une atmosphère de mystère, parfaite pour l’occasion. Je resserre le col de mon manteau et lève les yeux vers l’imposant bâtiment qui abrite le bal masqué de la soirée. C’est un événement mondain, une tradition semestrielle à laquelle je n’aurais jamais pensé être invité, mais grâce à un ami étudiant en dernière année de secrétariat comme moi, je me retrouve avec une invitation exclusive.
Je monte les marches menant à l’entrée, le cœur battant un peu plus vite que d’habitude. J’aime la sensation de me dissimuler derrière un masque, l’idée que pour une soirée, je peux être quelqu’un d’autre, laisser mon véritable moi de côté et embrasser l’inconnu. Lorsque je franchis la porte de la salle immense, je suis frappé par la splendeur du décor : des chandeliers dorés illuminent la pièce, projetant des lueurs chaudes sur les masques et les costumes luxueux des invités.
Je porte un simple costume noir, mais mon masque argenté finement ouvragé met en valeur mes yeux bleu clair, contrastant avec mes cheveux brun sombre soigneusement coiffés. J’observe la foule, cherchant un visage familier parmi les convives, mais la mer de masques colorés et scintillants me laisse sans repères. C’est à ce moment-là que je le vois.
Un homme, debout près du bar, avec une prestance imposante. Même à travers la foule, je peux distinguer sa stature massive, ses larges épaules soulignées par un costume parfaitement taillé. Son masque noir, simple mais élégant, laisse entrevoir une barbe bien entretenue et des lèvres pleines. Il y a quelque chose d’hypnotique dans la façon dont il se tient, sûr de lui, comme s'il dominait la pièce sans un mot.
Nos regards se croisent à travers la foule. L’alchimie est immédiate, presque palpable. Mon cœur se serre d’excitation et de nervosité, mais avant que je ne puisse réfléchir davantage, l’homme s’avance vers moi. Le bruit ambiant de la fête semble se fondre en arrière-plan, ne laissant plus que lui et moi, comme isolés dans une bulle.
"Bonsoir," murmure-t-il, sa voix grave et douce à la fois, vibrante d’un charisme naturel.
"Bonsoir," je réponds, un sourire se dessinant malgré moi sous mon masque.
Nous échangeons quelques mots, des banalités sur la soirée, le décor, mais mon attention est ailleurs. Chaque geste de cet homme, chaque inflexion dans sa voix, semble fait pour m’attirer un peu plus. Je me sens comme un papillon attiré par une flamme, incapable de m’éloigner.
La conversation continue, légère mais intime. Nous dansons plusieurs fois ensemble, nos corps suivant le rythme des violons qui résonnent dans la salle.
Chaque fois que nos mains se frôlent, une vague de chaleur me parcourt. Je suis fasciné par cet inconnu dont j’ignore jusqu’au nom, mais que j’ai l’impression de connaître depuis toujours. Nous ne retirons jamais nos masques, préférant entretenir le mystère.
Au fil des heures, l’ambiance de la soirée change. Les invités commencent à quitter la fête, et la grande salle, auparavant pleine de rires et de discussions animées, se vide peu à peu. Pourtant, nous restons là, toujours aussi proches. L’attraction entre nous est irrésistible, électrique.
"Il est peut-être temps que l’on se dise au revoir," murmure-t-il, ses yeux sombres brillant d’un éclat indéchiffrable.
Je hoche la tête, incapable de trouver les mots pour prolonger cet instant, mais également incapable de le laisser partir sans un dernier geste. Nous échangeons nos numéros, une promesse silencieuse de se retrouver.
Juste avant de partir, il fait un pas en avant, réduisant la distance entre nous. Je sens son souffle chaud contre mon visage, et sans qu’aucun de nous ne dise un mot, nos lèvres se rejoignent. Le b****r est doux, mais chargé de cette même intensité qui a marqué notre rencontre. Mon cœur s’emballe, chaque fibre de mon être criant à quel point je désire cet homme dont j’ignore encore l’identité.
Puis, comme un rêve qui se dissipe à l’aube, nous nous séparons. Il tourne les talons et disparaît dans la nuit sans un mot de plus, me laissant seul, le souffle court, des étoiles plein les yeux.
Ce b****r, ce moment… je sais que je ne l’oublierai jamais.
Et quelque chose au fond de moi me dit que je n’ai pas fini de le revoir.