Chapitre 3 – Une cage reste une cage, même dorée

1542 Mots
Une cage reste une cage, même dorée Leya Le silence dans la pièce est plus oppressant que les ombres qui l’enveloppent. Le couteau gît à mes pieds, souillé de ce choix qu’on m’a forcée à faire. Mon cœur bat trop vite, trop fort, et pourtant, je reste immobile, le regard planté dans celui de Rafael. Son expression est insondable, mais je sais qu’il analyse chaque détail. Chaque tremblement de mes doigts. Chaque battement précipité de mes cils. Dante, lui, est différent. Amusé. Satisfait. Il me toise avec un sourire en coin, comme un prédateur ayant trouvé une proie plus intéressante que prévu. — Pas mal, souffle-t-il en croisant les bras. Je pensais que tu tournerais de l’œil. Je ne réponds pas. Ma gorge est nouée. Rafael s’avance, sa présence seule suffisant à alourdir l’air. Il s’arrête à quelques centimètres de moi, et son regard m’ancre sur place. — Tu as pris une décision, murmure-t-il. C’est un début. Sa main effleure mon menton, me forçant à lever le visage vers lui. Une tension glaciale me traverse l’échine. — Mais une simple égratignure… Ce n’est pas suffisant. Mon ventre se contracte. Dante ricane. — Elle est encore tendre, Rafael. Il faudra la briser un peu plus avant qu’elle ne comprenne. Briser. Le mot me frappe comme un coup de poing invisible. Rafael ne dit rien. Son regard me sonde, cherche quelque chose que je ne comprends pas encore. Puis il se détourne. — Ramène-la dans sa chambre, ordonne-t-il à Dante. Elle aura d’autres leçons à apprendre. Dante esquisse un salut paresseux avant de m’attraper par le bras. Son étreinte est ferme, mais pas brutale. Comme s’il testait encore mes limites. Je me laisse traîner hors de la pièce, mes pas résonnant contre le sol de pierre. Mon esprit est en feu, mes pensées en vrac. Quand la porte de ma chambre se referme derrière moi, l’illusion de liberté disparaît aussitôt. Je suis de retour dans cette cage dorée. Le poids de la nuit m’écrase, mais je sais une chose. Si je veux survivre ici, je dois apprendre à jouer leur jeu. Ou les faire plier avant qu’ils ne me brisent. L’obscurité pèse sur moi comme un linceul. Seule dans cette chambre trop grande, trop froide, je lutte contre l’envie de pleurer. Mais pleurer ne sert à rien. Je l’ai compris ce soir. Ils ne veulent pas mes larmes. Ils veulent ma soumission. Je repasse la scène en boucle. Le couteau. Le sang. Le regard satisfait de Dante. L’évaluation glaciale de Rafael. Ils testent mes limites, cherchent à voir où je vais céder. Et moi… Je ne sais plus. J’ai cru un instant que ce serait fini une fois de retour ici, mais quelque chose me dit que ça ne fait que commencer. Je me lève et fais les cent pas. Les murs sont trop serrés. L’air trop lourd. Je vais devenir folle si je reste enfermée. La poignée de la porte tourne brusquement. Je me fige. Dante entre sans frapper, un plateau à la main. — T’as l’air de tenir le coup, constate-t-il en refermant derrière lui. Je ne réponds pas. Il pose le plateau sur la table. Un bol de soupe fumante et un morceau de pain. Mon estomac se contracte. J’ai faim. Mais je ne touche pas au repas. Dante me regarde, un sourcil levé. — Tu crois que c’est empoisonné ? — Je crois que rien ici n’est gratuit. Un sourire en coin étire ses lèvres. — Maligne. Mais tu dois manger. Rafael veut que tu restes en état de marcher… et de réfléchir. Je serre les poings. — Et qu’est-ce qu’il veut que je réfléchisse exactement ? Dante s’adosse à la table, croise les bras sur son torse. — À ta place. — Ma place ? Il hoche la tête, l’air presque patient. — T’es une oméga, petite. T’auras jamais le dessus sur lui. Ni sur moi. Ni sur personne ici. La rage me brûle la gorge. — Et si je refuse de jouer votre jeu ? Son sourire s’élargit. — Alors tu seras brisée. Comme toutes celles qui ont essayé avant toi. Le silence s’installe. Je lutte contre la panique qui monte. Il soupire et pousse le plateau vers moi. — Mange. Ce n’est pas un ordre. Juste un conseil. Il se redresse et se dirige vers la porte. — Et prépare-toi. Rafael va bientôt décider quoi faire de toi. La porte se referme, et je reste là, face à ce repas que je n’ai plus la force d’avaler. Mais une chose est sûre. Je ne me laisserai pas briser. Je reste assise sur le bord du lit, le regard fixé sur le plateau froid. Mon estomac gronde, mais je n’arrive pas à avaler. Chaque bouchée me semble être une acceptation silencieuse, une soumission. Dante m’a dit de manger. Pas un ordre, juste un conseil. Pourtant, ses mots résonnent encore : "Prépare-toi. Rafael va bientôt décider quoi faire de toi." Je serre les poings. Peu importe ce qu’il attend de moi, je ne veux pas lui faciliter la tâche. La poignée de la porte tourne brusquement. Je me redresse, en alerte. La porte s’ouvre, et Rafael entre. Il n’a pas besoin de dire un mot pour imposer sa présence. Derrière lui, Dante suit d’un pas nonchalant, comme s’il assistait à un spectacle. Je me lève instinctivement, cherchant à ne pas paraître vulnérable. — Tu n’as pas mangé, constate Rafael. Je ne réponds pas. Il s’avance lentement, observant le plateau avant de relever les yeux vers moi. — Pourquoi ? Je soutiens son regard, refusant de baisser les yeux. — Parce que je ne suis pas un chien qu’on nourrit quand ça l’arrange. Dante laisse échapper un petit rire. — Jolie réponse. Mais mauvaise stratégie. Rafael, lui, ne rit pas. Il s’approche encore, réduisant la distance entre nous. — Tu crois que c’est une forme de résistance ? Il penche légèrement la tête, son regard m’étudiant comme s’il essayait de percer mes pensées. Je ne cède pas. — Je crois que vous attendez que je fasse exactement ce que vous voulez. Un silence s’installe. Puis, à ma grande surprise, un léger sourire effleure ses lèvres. — Et toi, qu’est-ce que tu veux ? Je cligne des yeux, déstabilisée. Il attend une réponse. Mais qu’est-ce que je peux bien répondre ? Que je veux ma liberté ? Que je veux fuir cet endroit ? Que je veux comprendre pourquoi moi ? Je garde le silence. Rafael hoche lentement la tête, comme s’il s’y attendait. — Viens, ordonne-t-il. Dante me fait signe de le suivre. Je jette un regard vers la porte ouverte. Je pourrais refuser. Rester ici. Mais à quoi bon ? Alors, sans un mot, je les suis. Nous marchons à travers des couloirs que je commence à reconnaître. Le manoir est immense, mais chaque recoin transpire le contrôle et la discipline. Finalement, nous descendons un escalier en colimaçon. Une odeur d’humidité flotte dans l’air. Une grande pièce s’ouvre devant nous. Au centre, un ring improvisé, entouré de quelques hommes qui discutent à voix basse. L’un d’eux s’avance en me voyant. Un homme massif, aux traits durs. Il m’observe avec un mélange de curiosité et d’amusement. — Rafael veut voir comment tu te débrouilles, explique Dante en s’accoudant au bord du ring. Je fronce les sourcils. — Me débrouiller ? Dante sourit. — Il veut voir si tu sais te défendre. Mon cœur se serre. — Pourquoi ? — Parce qu’ici, être une oméga ne signifie pas forcément être faible. Je lève les yeux vers Rafael. Il est resté silencieux, observant la scène avec cette même intensité insondable. — Monte sur le ring, dit-il enfin. J’inspire profondément. J’ai toujours évité la confrontation. Toujours fui plutôt que d’affronter. Mais ici, fuir n’est pas une option. Je me hisse sur le ring, face à mon adversaire. Il ne semble pas agressif, juste prêt à tester mes limites. — Ne cherche pas à frapper fort, conseille Dante. Concentre-toi sur tes réflexes. L’homme avance, sans brutalité, juste pour voir comment je réagis. Je recule d’un pas. Puis d’un autre. Il accélère légèrement, et je me retrouve obligée de lever les bras pour bloquer un coup. Il est léger, mais le choc me surprend. — Pas mal, commente Rafael. Je serre les dents. Alors c’est ça qu’ils veulent voir ? Si je peux tenir tête ? Je tente une esquive, puis un coup rapide. Il est trop faible pour être efficace, mais au moins, il touche sa cible. — Continue, ordonne Rafael. Mon adversaire teste mes réflexes, sans chercher à me faire mal. Je comprends peu à peu qu’ils ne cherchent pas à me punir cette fois. Ils veulent m’endurcir. Et peut-être, voir jusqu’où je peux aller. Je continue à me défendre, à bouger, à esquiver. Mon souffle devient court, mais je tiens bon. Finalement, Rafael lève la main. — Ça suffit. Mon adversaire recule immédiatement. Je reste là, haletante, le cœur battant. Rafael me fixe un instant, puis hoche la tête. — Tu apprends. Puis il tourne les talons et s’éloigne, suivi de Dante. Je regarde leurs silhouettes disparaître dans l’ombre, un étrange mélange d’émotions noué dans la poitrine. J’ai tenu tête. J’ai résisté. Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment pour la suite ?
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