Chapitre 6

3226 Mots
6 Nora C’est le soir maintenant. Chaque minute qui passe augmente mon anxiété à la pensée de revoir mon ravisseur. Le roman que je lis ne m’intéresse plus. Je l’ai posé et je tourne en rond dans la pièce. Je porte les vêtements que Beth m’a donnés tout à l’heure. Ce n’est pas ce que j’aurais choisi de porter, mais c’est toujours mieux qu’un peignoir de bain. Un panty sexy en dentelle blanche et un soutien-gorge assorti, voilà mes sous-vêtements. Et une jolie robe d’été bleu qui se boutonne sur le devant. Étrangement, tout est exactement à ma taille. Est-ce qu’il m’a espionnée pendant un certain temps ? Et tout appris de moi, y compris la taille de mes vêtements ? Cette pensée me rend malade. J’essaie de ne pas penser à ce qui va arriver, mais c’est impossible. Je ne sais pas pourquoi je suis convaincue qu’il va venir me voir ce soir. Peut-être a-t-il tout un harem dissimulé dans cette île et qu’il rend visite à une femme différente chaque jour de la semaine comme le faisaient les sultans. Et pourtant je sais qu’il va bientôt arriver. La nuit dernière n’a fait qu’aiguiser son appétit. Je sais qu’il n’en a pas fini avec moi. Loin de là. Finalement, la porte s’ouvre. Il entre en maître des lieux. Ce qui est précisément le cas. De nouveau, je suis frappée par sa beauté virile. Avec un visage comme le sien, il aurait pu être modèle ou acteur de cinéma. S’il y avait un peu de justice dans ce monde, il aurait été petit ou il aurait d’autres imperfections en contrepartie de ce visage. Mais non. Il est grand et musclé, parfaitement proportionné. En me souvenant de ce que j’ai ressenti quand il était en moi, mon excitation se réveille bien involontairement. De nouveau, il porte un jean et un tee-shirt. Gris cette fois-ci. Il semble préférer s’habiller simplement et il a raison. Il n’a pas besoin que ses vêtements le mettent en valeur. Il me sourit. Un sourire d’ange déchu, à la fois sombre et séducteur. ― Bonsoir, Nora. Je ne sais que lui dire, alors je laisse échapper la première chose qui me vient à l’esprit. ― Combien de temps allez-vous me garder ici ? Il penche légèrement la tête sur le côté. ― Ici, dans cette pièce ? Ou sur cette île ? ― Les deux. ― Beth te fera visiter demain, elle t’emmènera nager si tu veux, dit-il en s’approchant de moi. Tu ne seras pas enfermée, sauf si tu fais une bêtise. ― Quel genre de bêtise ? ai-je demandé, le cœur battant en le voyant s’arrêter près de moi et lever la main pour me caresser les cheveux. ― Essayer de faire du mal à Beth ou de te faire du mal. Sa voix est douce, son regard hypnotique quand il baisse les yeux sur moi. Étrangement, sa manière de me caresser les cheveux m’aide à me détendre. Je cligne des yeux pour tenter de rompre le charme. ― Et sur cette île ? Combien de temps allez-vous m’y garder ? Sa main caresse mon visage, se pose sur ma joue. En m’apercevant que je me frotte contre sa main comme un chat que l’on caresse, je me raidis immédiatement. Ses lèvres dessinent un sourire entendu. Ce s****d sait l’effet qu’il a sur moi. ― Longtemps, j’espère, dit-il. Sans savoir pourquoi, ça ne m’étonne pas. Il n’aurait pas pris la peine de m’amener jusqu’ici pour me b****r deux ou trois fois. Je suis terrifiée, mais pas surprise. Je prends mon courage à deux mains et pose la question qui s’ensuit logiquement. ― Pourquoi m’avoir kidnappée ? Il cesse de sourire. Il ne répond pas et se contente de me regarder, ses yeux bleus restent mystérieux. Je commence à trembler. ― Vous allez me tuer ? ― Non, Nora, je ne vais pas te tuer. Sa réponse me rassure, mais évidemment c’est peut-être un mensonge. ― Allez-vous me vendre ? J’ai du mal à le dire. Comme prostituée, ou quelque chose dans ce genre ? ― Non, dit-il d’une voix douce. Jamais de la vie. Tu es à moi et rien qu’à moi. Je suis un peu plus calme, mais il reste encore quelque chose que j’ai besoin de savoir. ― Allez-vous me faire du mal ? Il ne répond pas immédiatement. Une lueur obscure traverse son regard. ― Probablement, dit-il à voix basse. Alors il s’est penché sur moi et m’a embrassée, ses lèvres sur les miennes étaient douces, douces et ardentes. Pendant un instant, je suis restée figée, inerte. Je croyais ce qu’il disait. Je savais qu’il disait la vérité en disant qu’il allait me faire du mal. Il y a quelque chose chez lui qui me terrifie, qui m’a terrifiée depuis le début. Il ne ressemble pas aux garçons avec lesquels je suis sortie. Il est capable de tout. Et je suis entièrement à sa merci. Je pense essayer de lui résister de nouveau. Ce serait normal dans ma situation. Ce serait courageux. Et pourtant je ne le fais pas. Je sens les ténèbres en lui. Il y a quelque chose de mauvais en lui. Sa beauté extérieure dissimule quelque chose de monstrueux. Je ne peux pas lui permettre de donner libre cours au mal. Je ne sais pas ce qui arriverait si je le faisais. Alors je m’immobilise dans ses bras et je le laisse m’embrasser. Et quand il me soulève et me porte sur le lit, je n’essaie nullement de lui résister. Au contraire, je ferme les yeux et m’abandonne à mes sensations. Il continue à être doux avec moi. Il devrait me terrifier, et c’est le cas, mais mon corps semble jouir de ce mélange de peur et d’excitation. Je me demande ce que ça révèle à mon sujet. Je reste allongée les yeux fermés pendant qu’il me déshabille en enlevant un à un mes vêtements. D’abord, il déboutonne le devant de ma robe comme s’il ouvrait un cadeau. Ses mains sont pleines de force et de détermination. Il n’a pas la moindre maladresse ou la moindre hésitation. Visiblement, il a l’habitude de déshabiller les femmes. Après avoir déboutonné ma robe, il s’arrête un instant. Je sens son regard posé sur moi et je me demande comment il me voit. Je sais que je suis bien faite. Je suis mince et musclée même si j’aimerais bien avoir davantage de rondeurs. Ses doigts descendent le long de mon ventre ce qui me fait frissonner. ― Tu es si jolie, dit-il d’une voix douce. Tu as une si belle peau. Tu devrais toujours mettre du blanc, ça te va bien. Je ne réagis pas et je me contente de fermer les yeux encore plus fort. Je ne veux pas qu’il me regarde, je ne veux pas qu’il prenne plaisir à me voir porter la lingerie qu’il a choisie pour moi. Je préférerais qu’il me b***e et qu’on en finisse, au lieu de cette parodie perverse de l’amour. Mais il n’a aucune intention de me faciliter les choses. Sa bouche suit le même chemin que ses doigts. J’en sens la chaleur et l’humidité sur mon ventre puis il descend plus bas, là où mes jambes se referment instinctivement. Et ça n’a pas l’air de lui plaire, ses mains sont brutales quand elles m’ouvrent les jambes, ses doigts s’enfoncent dans ma chair délicate. À cette incursion de violence, je me mets à gémir et j’essaie de me détendre les jambes pour éviter d’augmenter sa colère. Il relâche son emprise, ses mains se font plus douces. ― Ma douce, ma belle, murmure-t-il et je sens la chaleur de son haleine sur mes plis intimes. Tu sais que je vais te faire plaisir. Alors ses lèvres sont sur moi, sa langue tourbillonne autour de mon c******s, sa bouche me s**e et me mordille. Ses cheveux effleurent l’extérieur de mes cuisses et me chatouillent et sa main maintient mes cuisses grandes ouvertes. Je me tortille et je me mets à crier, le plaisir est si vif que j’oublie tout sauf cette extraordinaire chaleur et cette tension en moi. Il m’amène presque au point de non-retour, mais il ne me laisse pas jouir. Chaque fois que je crois atteindre l’o*****e, il s’arrête ou change de rythme, ce qui me rend folle de frustration. Je finis par l’implorer, le supplie, mon corps se cambre vers lui sans savoir ce qu’il fait. Quand il me laisse enfin jouir, c’est un tel soulagement que mon corps tout entier est secoué de spasmes, il tremble et se tord sous l’intensité de la délivrance. Sans savoir pourquoi, je me mets à pleurer quand c’est fini. Des larmes partent du coin de mes yeux et me coulent le long des tempes, mouillent mes cheveux puis l’oreiller. Visiblement, ça lui plait parce qu’il remonte le long de mon corps et m’embrasse tout au long du chemin laissé par mes larmes puis le parcourt de sa langue. Ses grandes mains me caressent, elles glissent sur ma peau et me parcourent des pieds à la tête. Ce serait apaisant si je ne sentais pas la dureté de sa verge pousser contre mon ouverture. Je n’ai pas complètement cicatrisé à l’intérieur et ça me fait, donc mal quand il commence à pousser. Même si je suis mouillée après avoir joui, il n’arrive pas à glisser facilement en moi et risquerait de me déchirer. Si bien qu’il doit prendre son temps et y aller progressivement jusqu’à ce que je puisse m’habituer à cette intrusion. Je me mords la lèvre inférieure en essayant de supporter cette brûlure et cette impression de trop-plein. Est-ce qu’un jour je pourrai l’accepter sans mal ? Est-ce que je pourrai faire l’expérience du plaisir entre ses bras sans souffrir en même temps ? ― Ouvre les yeux, m’ordonne-t-il en murmurant d’un ton brutal. Je lui obéis même si j’ai du mal à le voir derrière un rideau de larmes. Il me fixe du regard tout en commençant à bouger en moi et il y a quelque chose de triomphant dans ses yeux. La chaleur de son corps me cerne, son poids m’enfonce sur le lit. Il est en moi, sur moi, tout autour de moi. Je ne peux même pas me réfugier dans l’intimité de mes pensées. À cet instant, je me sens possédée par lui, c’est comme s’il me prenait davantage que mon corps. Comme s’il prenait possession de quelque chose de profondément enfoui en moi et qu’il révèle une part de moi-même dont j’ignorais qu’elle existait. Parce que dans ses bras je fais l’expérience d’une sensation que je n’ai encore jamais ressentie. Une impression d’appartenance qui est primitive et totalement irrationnelle. Il me reprend encore deux fois pendant la nuit. Le matin, ça me fait tellement mal que je suis à vif et pourtant j’ai eu tellement d’orgasmes que j’en ai perdu le compte. Il me laisse peu avant le lever du jour, je ne sais pas quand. Je suis tellement épuisée que je ne me rends même pas compte de son départ. Je dors profondément, sans faire de rêve, et quand je me réveille il est plus de midi. Je me lève, je me lave les dents et je prends une douche. Sur mes cuisses, il y a des traces de sperme. Cette nuit non plus, il n’a pas mis de préservatif. De nouveau, je pense aux maladies vénériennes. Est-ce que Julian s’en moque ? Il n’a sans doute pas peur que je lui en donne une à cause de mon manque d’expérience, mais j’ai peur que lui me contamine. En levant mon bras gauche, je distingue la minuscule cicatrice à l’endroit où mon implant contraceptif a été inséré. Je suis tellement reconnaissante à ma mère d’être paranoïaque au sujet des grossesses non désirées. Si je n’avais pas cet implant… je frissonne rien que d’y penser. Dès que je sors de la salle de bain, Beth entre dans ma chambre avec un autre plateau et d’autres vêtements. Cette fois-ci, cela ressemble davantage à un petit déjeuner : une omelette aux fines herbes et au fromage, des toasts et un fruit des tropiques. De nouveau, elle me sourit, elle semble visiblement décidée à oublier l’incident de la fourchette. ― Bonjour, me dit-elle gaiement. Je lève le sourcil. ― Bonjour à toi aussi, je réponds d’une voix lourde de sarcasme. À cette évidente tentative pour lui être désagréable, Beth sourit de plus belle. ― Mais arrête de bouder ! Julian a dit que tu pourrais sortir de ta chambre aujourd’hui. C’est une bonne nouvelle, non ? C’est effectivement une bonne nouvelle. Je vais avoir la possibilité d’explorer un peu ma prison, de voir si je suis vraiment sur une île. Peut-être y a-t-il ici d’autres gens à part Beth, des gens qui auront davantage de sympathie pour ma situation. Ou bien je pourrai peut-être trouver un téléphone ou un ordinateur. Si seulement je pouvais envoyer ne serait-ce qu’un SMS ou un mail à mes parents, ils pourraient le transmettre à la police et alors j’aurais une chance d’être sauvée. En pensant à ma famille, j’ai le cœur serré et mes yeux picotent. Mes parents doivent tellement s’inquiéter à mon sujet, se demander ce qui s’est passé, si je suis encore en vie. Je suis fille unique et ma mère dit toujours qu’elle en mourrait s’il m’arrivait quelque chose. J’espère qu’elle ne le pense pas vraiment. Je le déteste. Et je déteste cette femme qui est en train de me sourire. ― Absolument, Beth, je lui dis en ayant envie de labourer son visage de mes ongles jusqu’à ce que ce sourire se change en grimace, c’est toujours bien de passer d’une petite cage à une cage plus grande. Elle roule des yeux et s’assied sur une chaise. ― Toujours les grands mots ! Mange ce que je t’ai apporté et ensuite je te ferai visiter. J’ai envie de ne rien manger pour me venger, mais j’ai faim. Alors je mange et il n’en reste plus une miette. ― Où est Julian ? Je fais entre deux bouchées. Je me demande ce qu’il fait de ses journées. Jusqu’ici, je ne l’ai vu que le soir. ― Il travaille, explique Beth. Il doit s’occuper de ses affaires. ― Quel genre d’affaires ? Elle hausse les épaules. ― Des affaires de toute sorte. ― C’est un gangster ? lui ai-je demandé sans détour. Elle se met à rire. ― Qu’est-ce qui te fait dire ça ? ― Eh bien mon enlèvement par exemple… Elle continue à rire en hochant la tête comme si je venais de dire quelque chose de drôle. J’ai envie de la frapper, mais je me retiens. Il faut que j’en sache davantage sur l’endroit où je me trouve avant de faire la moindre tentative. Mes chances de m’évader seront plus grandes si j’ai plus de liberté. Alors je me lève et je la regarde froidement. ― Je suis prête. ― Eh bien, mets un maillot de bain, dit-elle en désignant la pile de vêtements qu’elle a amenés, et ensuite on y va. Avant de sortir, Beth me montre le reste de la maison. Elle est spacieuse et meublée avec goût, de style contemporain avec des soupçons d’influence tropicale et de subtils motifs asiatiques. Les couleurs claires dominent, mais ça et là on y trouve quelques couleurs vives, le rouge d’un vase ou le bleu vif d’une statue de dragon. Il y a quatre chambres, trois à l’étage et une en bas. La cuisine est au premier, elle est particulièrement belle avec des appareils ménagers haut de gamme et des plans de travail en granit étincelant. Il y a encore une autre pièce, c’est le bureau de Julian. Il est au premier et Beth dit qu’il est seul à pouvoir y pénétrer. C’est là qu’il est censé s’occuper de ses affaires. Quand nous passons devant la porte est fermée. Après avoir fini de visiter la maison, Beth passe les deux heures suivantes à me faire faire le tour de l’île. Et c’est effectivement une île, elle ne m’a pas menti à cet égard. C’est une île de trois kilomètres de long sur un kilomètre et demi de large. Selon Beth, nous sommes quelque part dans l’océan Pacifique, à environ huit cents kilomètres de la première terre habitée. Elle le répète deux ou trois fois comme si elle avait peur que je me mette dans la tête de tenter de m’enfuir à la nage. Je n’en ai pas l’intention. Je ne suis pas une assez bonne nageuse et je n’ai pas l’intention de me suicider. J’essaierais plutôt de voler un bateau. Nous atteignons le point le plus élevé de l’île. C’est une petite montagne ou une grande colline, selon la manière dont on voit les choses. De là-haut la vue est extraordinaire, des flots bleus scintillants à perte de vue. D’un côté de l’île, l’eau est d’une couleur différente, plutôt turquoise, et Beth me dit que dans cette petite baie l’eau est peu profonde et que c’est un endroit idéal pour faire de la plongée sous-marine. La maison de Julian est la seule maison de l’île. Elle est à flanc de montagne, un peu retirée de la plage et en hauteur, à l’endroit le plus protégé m’explique Beth. Elle est ainsi à l’abri des vents violents et de la mer. Elle a visiblement résisté à un certain nombre de typhons avec le minimum de dégâts. Je hoche la tête comme si ça me concernait. Je n’ai pas l’intention d’être encore ici pour l’arrivée du prochain typhon. Mon désir d’évasion s’attise de plus belle. Je n’ai vu ni téléphone ni ordinateur quand Beth m’a fait visiter la maison, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y en ait pas. Si Julian peut travailler quand il est ici, c’est que l’île est reliée à internet. Et s’ils sont assez bêtes pour me laisser aller et venir librement, je trouverai un moyen de communiquer avec le monde extérieur. La visite se termine sur une plage proche de la maison. ― Tu veux te baigner ? me demande Beth en enlevant son short et son tee-shirt. En dessous, elle porte un bikini bleu. Elle est mince et musclée. Elle est si athlétique que je me demande quel âge elle peut avoir. Elle a une silhouette d’adolescente, mais son visage semble moins jeune. ― Tu as quel âge ? lui ai-je demandé sans détour. Dans des circonstances normales, je ne manquerais jamais autant de tact, mais ça m’est égal de la blesser. Quand on est prisonnière de deux fous, les conventions sociales ne comptent plus. Elle sourit, l’impolitesse de ma question ne la gêne absolument pas. ― J’ai trente-sept ans, dit-elle ― Et Julian ? ― Il en a vingt-neuf. ― Et vous êtes amants ? Je ne sais pas pourquoi je lui pose cette question. Si elle éprouve la moindre jalousie envers moi parce que Julian m’utilise pour jouer avec moi au lit, elle n’en montre absolument rien. Beth se met à rire. ― Non, pas du tout. ― Pourquoi pas ? J’ai du mal à croire que je peux être aussi directe. On m’a appris à être polie et bien élevée, mais c’est vraiment libérateur de se moquer de ce que pensent les autres. J’ai toujours essayé de faire plaisir, mais je ne veux en aucun cas faire plaisir à Beth. Elle s’arrête de rire et me regarde d’un air sérieux. ― Parce que je ne suis ni ce que Julian désire ni ce dont il a besoin. ― Et qu’est-ce qu’il désire ? De quoi a-t-il besoin ? ― Tu verras bien, dit-elle mystérieusement avant d’entrer dans l’eau. Je la suis des yeux, brûlant de curiosité, mais visiblement elle n’a plus envie de parler. Elle plonge et se met à nager, ses mouvements sont athlétiques et précis. Il fait chaud dehors et le soleil tape. Le sable est blanc et semble doux au toucher, l’eau scintille et sa fraîcheur me tente. J’aimerais détester cet endroit, rejeter tout ce qui entoure ma captivité, mais je dois avouer que cette île est belle. Je ne suis pas forcée d’aller nager si je n’en ai pas envie. Il ne semble pas que Beth ait l’intention de m’y obliger. Et ça ne semble pas normal de profiter de la plage pendant que ma famille se ronge les sangs à mon sujet et se désespère évidemment de ma disparition. Mais la mer me tente. J’ai toujours aimé l’océan, même si je ne suis allée que deux ou trois fois en vacances sous les tropiques. Cette île correspond exactement à l’idée que je me fais du paradis, même si elle appartient à un monstre. J’hésite une minute et j’enlève ma robe et mes sandales. Je pourrais me priver de ce petit plaisir, mais j’ai trop de bon sens. Je ne me fais pas d’illusion sur ma situation. À n’importe quel moment, Julian et Beth peuvent m’enfermer, me laisser mourir de faim, me battre. Ce n’est pas parce qu’on m’a relativement bien traitée jusqu’ici que ça va durer. Dans une situation aussi précaire que la mienne, chaque bon moment est précieux, parce que j’ignore ce que me réserve l’avenir et parce que je ne retrouverai peut-être jamais le bonheur. Alors je rejoins mon ennemie dans la mer et je laisse les vagues emporter mes craintes et soulager la colère vaine qui me brûle le ventre. Nous nageons puis nous nous allongeons dans le sable chaud et puis nous retournons dans l’eau. Je ne pose plus de questions et mon silence semble convenir à Beth. Nous passons deux heures sur la plage puis nous rentrons finalement à la maison.
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