Selena
Le froid de la nuit s’infiltrait sous les portes du hangar, mais à l’intérieur, l’air semblait presque suffocant. Viktor et moi nous tenions l’un face à l’autre, la tension entre nous aussi palpable que l’électricité dans l’air avant un orage. Chaque mouvement, chaque respiration semblait compter. Le temps lui-même semblait suspendu, comme si le monde autour de nous avait cessé d’exister, rétréci à l’espace étroit entre nos deux corps.
Viktor, toujours aussi implacable, m'observa de ses yeux sombres, son regard insistant. Il ne bougeait pas, mais son énergie, cette aura indomptable qui l'entourait, déstabilisait chaque fibre de mon être. Ce n'était pas simplement de l'agression, ni même de la menace. C'était une pression constante, comme une force invisible qui pesait sur moi.
Je répondis à son regard sans ciller, mes mains légèrement tremblantes dissimulées dans les poches de mon manteau. Je savais que la moindre faiblesse, la moindre hésitation, serait un signal qu’il pourrait saisir pour me réduire à néant.
« Tu penses vraiment que tu peux me manipuler ? » dis-je enfin, ma voix aussi calme que je pouvais l’imaginer. « Parce que tu contrôles tout autour de toi, Viktor, tu crois vraiment que tu peux tout faire tourner à ton avantage. »
Il ne répondit pas immédiatement, l'expression de son visage aussi impassible qu’un rocher. Mais il fit un pas en avant, réduisant encore la distance entre nous. Ses yeux ne me quittaient pas, sa posture restant droite, assurée. Il n'était pas pressé. Il n'avait jamais eu besoin de précipiter les choses. Chaque mot, chaque geste était une pièce de ce jeu psychologique, et il en était le maître.
« Manipuler… » Il laissa le mot flotter un instant dans l’air. « Non, je préfère parler de contrôle. Parce que dans ce monde, tout le monde cherche à contrôler quelque chose. Toi, moi, même ceux qui t’entourent. Mais toi, tu n’as aucune idée de ce que c’est, le vrai pouvoir. »
Je ressentis un frisson me parcourir. Il y avait quelque chose dans la manière dont il prononçait ces mots, une certitude glacée qui me perça au cœur. Mais je ne voulais pas céder à l’intimidation. Pas maintenant.
« Et tu penses vraiment que ce pouvoir est tout ce qui compte, Viktor ? » répondis-je, cette fois avec un ton plus acerbe. « Tu ne vois pas plus loin que ton empire de fer, mais il y a d’autres façons de prendre le contrôle. »
Il me fixa un instant, un éclat de curiosité traversant son regard. Il ne s’attendait pas à cette réponse. Il était habitué à ce que les gens, face à lui, se soumettent, qu’ils cèdent à sa volonté ou à ses menaces. Mais moi, je me tenais là, défiant chaque mot qu’il prononçait.
« Et que proposes-tu alors, » demanda-t-il, sa voix teintée d’un léger amusement. Il était clair qu’il n’était pas encore prêt à prendre son contrôle total sur moi, pas tout à fait. Il voulait me voir me battre, me voir résister. Parce que cela faisait partie du jeu. Il voulait me briser, me manipuler pour mieux me dominer.
Mon regard se durcit. Je savais que Viktor cherchait à me pousser, à me faire douter. Mais une partie de moi se sentait étrangement calme. Ce jeu, je le connaissais bien. Chaque mouvement, chaque parole était calculé pour m'amener là où il voulait. Je l’étais consciente, mais cela ne suffisait pas à me faire céder.
« Je propose que tu arrêtes de te voiler la face. » Ma voix était plus tranchante maintenant, comme un couteau prêt à trancher. « Tu t’accroches à ton pouvoir, à ton empire, mais tout cela est fragile. Et je vais te le prouver. »
Viktor me scruta longuement, une étincelle d’intérêt brillant dans ses yeux sombres. Un sourire énigmatique étira ses lèvres.
« Tu parles de fragilité, mais je suis celui qui dicte les règles, » répondit-il. « Pas toi. » Il s’avança encore, un mouvement calculé qui me fit retenir mon souffle. Il était trop proche. « Tu crois que tu peux briser ce que j’ai bâti ? »
Nos regards se croisèrent, l’un dans l’autre, comme deux gladiateurs dans une arène, prêts à se disputer leur ultime victoire. Je ne bougeai pas, mes poings serrés dans mes poches. Je pouvais sentir le poids de la menace qui émanait de lui, chaque mot qu’il prononçait devenant plus lourd. Mais je me refusais à céder. Pas maintenant.
Viktor continua de m’observer, sa voix calme mais imprégnée d’une autorité glaciale.
« Tu es peut-être une voleuse talentueuse, mais tu n’as pas idée du prix à payer quand on joue avec moi. »
Il marqua une pause, son regard ne me quittant pas. « Tu te crois plus maline que moi. Mais crois-moi, tout ce que tu fais… c’est te tirer un peu plus près de la corde. »
Je sentis la chaleur envahir mes joues. C’était un avertissement, une menace à peine voilée. Mais à la place de me soumettre, je me redressai. Mes yeux se fixèrent dans les siens, et dans un élan de défi, je répondis d’un ton glacé.
« Peut-être. Mais tu verras, Viktor, je ne suis pas comme les autres. » Je marquai une pause, mon regard planté dans le sien. « Je ne me laisse pas briser. Et toi non plus, tu ne m’auras pas aussi facilement. »
Il me toisa un instant, analysant mes paroles, comme si chaque mot était un nouveau défi qu’il n’avait pas encore réussi à déchiffrer. Puis, lentement, un sourire menaçant se dessina sur ses lèvres.
« Alors prouve-le. » Il se redressa d’un coup, l’intensité de son regard augmentant. « Montre-moi que tu es prête à aller jusqu’au bout, Selena. Que tu as ce qu’il faut pour jouer dans ma cour. »
Le défi était lancé. Et tandis que la tension entre nous montait encore, je savais que la première erreur aurait un prix. Un prix que nous n’étions pas encore prêts à payer, mais qui se profilait déjà à l’horizon.
Le jeu de pouvoir venait à peine de commencer.