Le blues d'Otse

3640 Mots
                                                                                    Chap. VI En rentrant chez lui après son entrevue avec son ancien ami, Otse avait le sentiment maintenant qu’il s’y était mal prit. Il sentait que quelque chose n’allait pas dans le comportement, un peu trop « cool » de l’homme. Il se dit que peut-être les choses ne se passaient pas si bien que ça entre Melu et lui. Et voilà maintenant que ses propres pensées l’étonnaient. Que lui importait qu’ils soient bien ensemble ou pas ? Melu l’avait quittée, et au vue de ses réactions à chaque fois qu’il tentait de reprendre contact avec elle, la jeune femme n’avait certainement pas l’intention de se remettre avec lui. Mais même en sachant cela, il ne comprenait pas pourquoi, à la seule pensée qu’elle puisse être seule à nouveau et disponible, le remplissait de bonheur. Il n’était pas rentré directement chez lui, il savait que sa petite amie l’y attendait surement déjà et il voulait être seul. Il sentait à nouveau ce vide étrange qui l’avait emplit lorsque Melu était partie de chez lui. En y repensant bien, le fait de reconnaitre sa fille et de s’en occuper, ne le comblerait pas. Il avait besoin de Melu. L’espace d’un instant, il crut sentir l’odeur discrète de son parfum flotter dans l’air. Il ne savait même pas qu’il s’en souvenait encore. Il y avait, pas loin des bureaux de Nko’o, un petit restaurant sympas, dans lequel on pouvait manger des crevettes grillées, il alla s’installer à une table et commanda un plat, et une bière. Durant le temps que prit sa commande à arriver, il subit presque l’assaut de ses souvenirs. Des images de lui et Melu, lorsqu’ils vivaient encore ensemble. Ses mots durs, et les silences de la jeune femme. Ses colères muettes qui lui avaient fait penser qu’elle n’avait aucun autre choix que de le supporter. Aujourd’hui il comprenait mieux la colère de la jeune femme envers lui. C’était quand même un peu trop facile de traiter une personne ainsi des mois durant et de se repointer chez elle, la bouche en cœur et réclamer son pardon. Quelle preuve avait-elle qu’il ferait mieux si elle lui redonnait une chance ? Aucune, surtout qu’elle se disait maintenant que la seule raison pour laquelle l’homme revenait c’était parce qu’il s’était rendu compte que finalement, elle n’était pas si « inutile ». Et qu’en l’occurrence, il n’était pas question ici de sentiment. Le plat de crevettes qu’on venait de lui servir aussi déclencha de douloureux souvenirs. Au tout début de leur relation, il l’emmenait souvent manger dans un joli petit restaurant à la sortie de la ville, pour y manger des crevettes, Melu en raffolait. Il se demandait maintenant si Nko’o en faisait autant pour elle ? Est-ce qu’il prenait le temps de décortiquer les crevettes pour elle comme il le faisait ? Il fixait son plat sans pouvoir y toucher. A quoi avaient pu servir toutes ces petites attentions si pour finir, il n’avait même pas sut reconnaitre tout ce que cette fille signifiait pour lui ? Elle avait été une mère pour le gamin de son frère et bien plus encore. Elle avait été pour lui une compagne dévouée et discrète sur laquelle il avait pu compter pendant tout le temps qu’avait duré leur histoire. Et maintenant que lui restait-il ? Nko’o avait récupéré la place qu’il avait toujours convoité dans la vie de Melu et connaissant son ami, il ne la lui céderait jamais. Il allait se battre pour l’amour de Melu comme il ne l’avait pas fait lui-même. Et à bien y regarder, à la place de la jeune femme, il aurait lui aussi choisit Nko’o. Ce garçon savait reconnaitre une bonne affaire, lorsqu’il en voyait une, il avait toujours eut du flaire dans les affaires comme avec les femmes. Et il avait perçu plus tôt que lui que cette jeune femme n’était pas ordinaire. C’était d’ailleurs lui qui le premier lui avait fait la cour. Malheureusement elle l’avait préférée lui, Otse, et il était sûr d’au moins une chose, elle le regrettait amèrement aujourd’hui, et il pourrait bien aller lui décrocher la lune elle ne reviendrait pas. Au bout de deux heures dans le restaurant, tout ce qu’il put ingurgiter c’était les deux bières qu’il avait commandé, il demanda au serveur de lui mettre le tout dans un emballage, il allait emporter le repas chez lui :   _ Vous vous êtes rendu compte que vous n’aviez pas très faim ? Lui demanda le jeune homme gentiment _ Non, en réalité ce plat m’a ramené des années e arrière et des souvenirs que je pensais perdus sont remontés à la surface et je n’ai pas pu manger, et là il faut que j’y aille on m’attend chez moi   Son téléphone sonna alors qu’il disait ça :   _ Quand on parle du loup… Dit-il en souriant au serveur _ Comme vous dites, je vous prépare votre plat tout de suite, rassura le jeune homme en se retirant _ Allô !! _ Otse tu te moque de moi ou quoi ? ça fait des heures que je t’attends, _ Je sais et je suis désolé, ne te fâches pas je serais là dans une dizaine de minutes, _ Et je peux savoir où tu es ? Tu n’es pas allé voir encore ton ex j’espère, _ Ecoute je n’ai pas envie de me disputer avec toi aujourd’hui, alors de grâce, pas les sujets qui fâche, pas ce soir   Otse dit cela et raccrocha. Il ne servait à rien de s’emporter au téléphone, de s’emporter tout court d’ailleurs. Il savait qu’avec sa copine les disputes pouvaient durer des heures, et il n’avait pas d’endurance dans ce type de challenge. Enfin, il n’en avait plus. Si les choses devaient se terminer avec elle, elles se termineraient, mais des disputes, non, il avait payé le prix fort ses mots trop « piquants ». Le serveur lui apporta son plat, il paya l’addition et regarda la barquette posée sur la table devant lui, Afep n’aimait pas les crevettes, il ne pourrait même pas prétendre qu’il était allé en acheter pour elle. Il se dit que son petit frère en était friand alors s’il était rentré lorsqu’il arriverait, il irait lui donner le plat. Il était certain qu’il en serait ravi, pas tellement à cause des crevettes, mais cela faisait un moment qu’il ne lui avait pas fait de surprise pareille. Encore une fois son téléphone sonna, avant qu’il se soit installé au volant de sa voiture. Cette fois s’était son frère, il paraissait paniqué :   _ Calmes-toi frérot, et dis-moi ce qui ne va pas, _ C’est le petit, il… il fait encore une crise Otse je t’en prie rentres, il faut qu’on l’emmène à l’hosto _ D’accord du calme je suis là dans une minute   En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire Otse était au volant de sa voiture, et fonçait en direction de son quartier. Mille et une questions lui tournaient dans la tête. Cela faisait un moment que le gamin n’avait pas fait de crise, qu’est-ce qui s’était passé ? Il arriva chez lui et gara dans la cour, fonça directement dans l’appartement de son frère :   _ Oboun je suis là, dit-il en entrant   Son jeune frère était assis sur le canapé le gamin dans les bras. Otse avait déjà vu le petit faire des crises et il lui sembla que celle-ci n’en était pas une, du moins il n’y avait rien de grave :   _ Tu ne sais pas où sont ses médicaments ? Demanda-t-il à son frère _ Non la nounou les a déplacé, elle est stupide cette fille va falloir qu’on en change encore, _ m***e, bon écoute, moi je dois en avoir dans ma table de chevet, j’ai continué à garder une sécurité après le départ de Melu, attends-moi un moment _ D’accord, je t’attends   L’homme se dirigea vers son appart et sans prêter attention à Afep qui l’attendait assise devant la télé, il monta dans sa chambre et après avoir récupéré les médicaments de son neveu il ressortit les lui remettre, et ne revint chez lui qu’une fois rassuré sur l’état du petit. Il offrit aussi le plat de crevettes à son frère, après la frayeur qu’il venait d’avoir, Oboun accueillit à sa juste valeur ce présent :   _ Waouh comme si tu savais que cette soirée serait compliquée pour moi hein ?? Fit Oboun en prenant le plat _ On va dire ça, écoute, le petit il ne fait plus de crise, il faut que tu te mettes bien ça dans la tête, il lui faut juste son traitement, et si on lui donne en retard il est un peu fatigué mais c’est rien, ok ?? _ Je sais, c’est juste que de ne pas trouver les médocs ça m’a… _ Je comprends, je pense que moi aussi j’aurais été dans cet état, mais écoute si tu n’en as pas ou si la nounou les déplace et que tu ne les trouve pas, tu vas chez moi et dans mon chevet il y en a toujours ok ? _ Ok c’est noté, et encore merci d’être rentré si vite, et aussi pour le plat, le petit et moi on va se régaler devant un super dessin animé   Otse sourit en prenant congé de son frère et de son neveu. Il était soulagé de voir que ce n’était rien, il rentra chez lui sans se presser, et mal lui en prit car Afep était maintenant debout devant la porte et cette fois il se dit qu’il ne pourrait pas esquiver la dispute. Elle se tenait debout en travers de la porte d’entrée, les mains sur les hanches :   _ Tu m’as prise pour ton gardien ou quoi ?? D’abord tu mets une éternité à arriver, et une fois que tu es là, tu vas t’occuper de ton frère, et monsieur prend son temps pour arriver, on m’a raconté ce que tu faisais vivre à ton ex, et je vais te dire, elle et moi, on n’est pas les mêmes d’accord ??? Moi tu me montres un peu de respect monsieur Otse… _ Afep, tu sais quoi, je suis fatigué, pas de toi mais de tout ça, je ne sais pas pourquoi tu entres en compétition avec Melu à chaque fois que tu as quelque chose à me reprocher, coupa l’homme sur un ton las _ C’est parce que j’ai l’impression que tu me confonds avec elle, _ Alors ça c’est impossible, _ Comment ça ?? Qu’est-ce que tu insinue maintenant ? _ Juste que ce n’est pas possible de vous confondre, alors laisses-moi entrer, _ Il n’en est pas question, tu vas devoir me où et avec qui tu étais et ce qui tu es allé faire de si urgent chez ton frère, au point que tu ne t’es même pas arrêté pour me saluer et au moins t’excuser, monsieur Otse,   L’homme fixa la jeune femme en se disant qu’à un moment, certainement, il avait dû lui donner l’impression qu’elle était en terrain conquis, et qu’il allait tolérer son sale caractère et son manque de respect pour lui, sans sourcilier. Et cela pour toujours. Il s’approcha d’elle, et lui saisit le bras qu’il serra très fort. Au point que la jeune femme comprit d’instinct qu’elle était allée trop loin :   _ Tu sais ma belle, je te l’ai dit, là tout de suite je ne suis pas d’humeur, mais je ne t’autorise pas à dépasser les limites de ce que je peux tolérer, alors primo tu vas t’écarter de mon chemin, et secundo tu vas retenir ceci, la prochaine fois que tu as ne fut-ce que l’envie de t’adresser à moi comme ça, tourne ta langue sept fois dans ta bouche avant, ce simple geste pourrait te sauver la vie, tu m’as bien compris ???   Elle se contenta de s’écarter en implorant l’homme de lui lâcher le bras. Ce qu’il fit. Afep resta un moment debout sur la terrasse se tenant le bras les yeux fixés dans la direction que venait de prendre Otse. L’homme était rentré dans la maison et était monté directement dans sa chambre. Assis sur son lit il se repassait les souvenirs qu’il avait de son histoire avec la jeune femme et se demandait à quel moment elle avait commencé à le traiter comme si elle avait des droits sur lui ? Il s’en voulait, il se disait qu’à un moment il avait dû faire une erreur avec elle. Malgré tout ce qu’il avait traversé avec Melu, il ne lui avait fait mal, physiquement s’entend. Il se dit qu’une relation qui l’amenait à se montrer aussi dure ne pouvait rien lui réserver de bon. Depuis qu’il s’était séparé de Melu, il avait tout fait afin de ne pas traiter une autre femme comme il l’avait traité. Il avait fait de son mieux pour ne pas qu’Afep paye pour ses erreurs avec Melu, mais il semblerait que la jeune femme avait pris cela pour une faiblesse de sa part. Et voilà qu’il lui avait fait voir une facette de lui que même Melu avec laquelle il avait vécue ne connaissait pas. Dieu tout puissant. Il avait déjà décidé que cette relation ne pouvait plus durer, à cause de toutes les lacunes qu’il découvrait chez la jeune femme sans pouvoir les changer, et maintenant ça. Il était assis en silence le regard fixé sur le sol, et les idées à des lieux de là. Comment faisait-on pour se tromper autant sur ce qui était bon pour nous ? Il avait eu une perle rare entre les mains et voilà qu’il l’avait échangé contre un bijou, tout ce qu’il y avait de plus ordinaire. Melu, le prénom de la jeune femme résonnait dans son cœur comme le nom d’un paradis perdu. Peut-être que tout n’était pas perdu, peut-être que leur fille était ce qui leur fallait, il allait montrer à Melu qu’il était quelqu’un de fiable, en se montrant à la hauteur avec la gamine. Les choses finiraient par revenir comme elles étaient, avant qu’il ne perde la tête. Il ne lui dirait rien, il ne tenterait rien. Mais à chaque fois qu’elle aurait besoin de lui il serait là. Il s’en faisait la promesse. Elle lui reviendrait, ce n’était pas concevable autrement. Le temps serait son allié. Afep avait attendu un bon moment dehors. Elle se disait qu’il allait revenir s’excuser de lui avoir fait mal. Ou simplement pour lui demander de rentrer, mais l’homme ne revenait pas. Elle se tenait là en se demandant quoi faire. Elle savait que si elle allait le trouver dans sa chambre elle déclarait forfait, il redevenait le « maitre du jeu », cependant, si elle n’y allait pas elle le perdait pour de bon. Cela avait commencé lorsqu’il avait appris qu’il avait fait un enfant à cette fille. Depuis, il n’était plus le même. il avait commencé par lui donner de moins en moins d’agent et puis, il était devenu distant avec elle. Il lui arrivait de discuter avec l’homme et de se rendre compte au bout d’un moment qu’il ne l’écoutait pas. Il était ailleurs, perdu dans ses pensées. Dans ces moments-là, elle pouvait dire ou faire tout ce qu’elle voulait, il était partit. Elle savait que cela ne durerait pas si cette fille revenait dans sa vie. Elle s’était mise à guetter les signes mais rien. Alors pourquoi avait-il tellement changé ? Elle avait refait sa vie avec un autre et il semblait qu’elle n’était pas encline à le laissé voir leur enfant et encore moins à le laisser le reconnaitre. Pourquoi donc se complaisait-il à se comporter comme s’il y avait encore de l’espoir pour lui et cette fille ? Elle se demandait encore quoi faire lorsqu’Oboun sortit de son appart pour aller déposer les poubelles dehors, avant le passage des éboueurs. Il la regarda un peu étonné de voir la petite princesse de son frère debout toute seule sur la terrasse. Il se demanda où était son frère et surtout pourquoi elle semblait hésiter à entrer dans la maison. Il s’étonna encore plus de la voir s’approcher de lui :   _ Oboun s’il te plait tu pourrais me rendre un service ? Lui dit-elle presque dans un murmure   On aurait dit qu’elle avait peur qu’Otse l’entende :   _ Mademoiselle la petite princesse veut que moi je lui rende un service ? Et puis quoi encore ! Et puis… tu sais comment je m’appelle ? Fit Oboun réellement surpris _ S’il te plait, _ Je t’écoute, lança l’homme _ Tu pourrais aller voir ton frère et lui demander ce que je suis supposée faire ? _ Que moi j’aille demander à mon frère ce que toi tu es supposé faire ?? Répéta Oboun toujours étonné   La jeune femme se contenta de hocher la tête. Oboun alla déposer les poubelles qu’il tenait se lava les mains, puis entra dans l’appart de son frère. Depuis que celui-ci s’était amouraché d’Afep, il n’y entrait plus de peur de la croiser. Cette fille s’était une calamité ambulante. Elle répétait sans cesse que le fait qu’Otse était son frère ne lui donnait aucun droit de recourir à lui à chaque fois que son gamin ou lui avait un « bobo », et là c’était elle qui venait lui demander d’aller le voir pour elle. Il n’y avait pas à dire cette fille c’était une emmerdeuse. Il monta retrouver son frère dans sa chambre. L’homme était toujours assis dans la même position. Oboun lui effleura l’épaule délicatement, ce qui lui fit tourner la tête :   _ Hé grand-frère ça va ? Tu as l’air mal en point qu’est-ce qui s’est passé avec la petite princesse   Otse se redressa et fixa son frère une minute :   _ Elle m’a poussé à bout, j’ai failli lui en coller une, et j’ai dû lui faire très mal au bras… _ Oh bon sang, je comprends pourquoi elle n’ose pas entrer ici, tu veux que je lui dise quoi ? _ Qu’elle rentre chez elle, regarde dans le tiroir du bas il doit y avoir des sous, tu lui donnes de quoi prendre un taxi, je ne veux plus la voir, elle réveille ce qu’il y a de pire chez moi, je me suis fait peur tout à l’heure   Oboun s’assis un moment près de son frère et lui passa affectueusement la main dans le dos puis il fit comme avait demandé son frère. Il alla retrouver la jeune femme dehors :   _ Il m’a dit de te donner ça, tu devrais rentrer chez toi, il t’appellera lorsqu’il se sera calmé   Afep prit les quelques billets que lui tendait l’homme et rentra prendre son sac et s’en alla. Il ne servait à rien de provoquer encore Otse. Il fallait laisser passer la nuit. Demain peut-être que les choses allaient rentrer dans l’ordre.
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