Chap. IX
Un week-end au paradis ! C’était comme ça que Melu qualifiait les deux jours qu’elle avait passé avec les deux frères. Elle avait été la petite princesse de Nko’o durant ce séjour, et elle en était revenu avec des étoiles plein les yeux et le cœur. Ses sœurs se disaient qu’il était plus que temps que ses deux-là fassent prendre de la hauteur à leur relation. C’était une bonne chose. Pour les deux jeunes filles, l’essentiel était que leur grande sœur aille mieux, pour le reste, les choses arrivaient de toute façon toujours en temps et en heure. Il n’y avait pas de quoi se faire trop de souci.
Autre chose avait aussi évolué entre temps, mademoiselle Assengone avait refusée de quitter son grand-père, à la fin du week-end. Elle avait tellement pleuré que Nko’o avait conseillé à sa mère de la laisser encore avec l’ancien. Ce n’était pas comme si elle avait l’âge d’aller à l’école, et puis le vieil homme était bien content d’avoir quelqu’un avec lui, cela lui rappelait certainement l’époque où il vivait encore avec ses filles. Garder la petite lui redonnait le sentiment de compter encore, d’avoir encore un rôle à jouer dans la vie de ses filles. Melu lui avait dit qu’elle avait fini par se ranger à son avis, et qu’elle allait prendre rendez-vous avec Otse, elle avait cependant tenue à préciser qu’il n’était pas question que la gamine passe du temps chez son père pour le moment, il serait toujours temps dans quelques mois lorsqu’elle serait plus à l’aise sur ses pieds, et aurait un régime plus diversifié. Il ne fallait pas que l’homme soit trop embêté avec ces deux choses. Le vieil homme était d’accord.
Otse vivait seul et avec son boulot il ne fallait pas le pénaliser d’entrée de jeux. Il pourrait toujours passer voir la fillette à chaque fois qu’il le voudrait. Même si tout ça devait être organisé pour ne pas que les vies de ses filles ne soient pas assujetties aux visites de ce type. Il avait assez causé de dégât dans la vie de Melu, cette fois c’était à lui de faire des concessions s’il voulait que les choses se passent bien pour tout le monde. Melu était d’accord avec son père, mais comme disaient ses sœurs, rien ne pressait, pour le moment la petite était avec son grand-père et si vraiment il était pressé de la voir l’une des filles l’accompagnerait.
La jeune femme était heureuse que les choses se passent ainsi et que, la responsabilité d’affronter son ex reviendrait à son père. Elle allait tout de même discuter avec lui concernant l’organisation de tout ça, c’est sûr, mais c’était chez son père qu’il irait rendre visite à la gamine, un soulagement pour elle, surtout à cause de son compagnon qui avait toujours un peu de doute concernant sa relation avec Otse. Et finalement elle se mettait à sa place et avait fini par trouver sa réaction parfaitement normale. Si elle avait été à sa place elle aurait sans doute été dans la même situation, à chaque fois que l’homme verrait l’une de ses ex. Hé oui !
Ce qui surprit encore plus Nko’o s’était que, pour la suite c’était Melu qui avait proposé que vue que son père avait décidé de garder sa petite-fille avec lui, et qu’elle se trouvait sans obligation de rentrer tôt chez elle. Surtout le week-end. Elle lui avait proposé de passer plus de temps ensemble. Et donc jusqu’à ce que la petite revienne vivre avec elle, ils passeraient désormais tous leurs week-end ensemble. Sauf lorsqu’elle prendrait la petite pour quelques jours. Nko’o n’opposa rien à la décision de la jeune femme. Son frère lui rétorqua à ce sujet qu’il n’aurait rien eu à dire de toute façon tellement il devait être sur un petit nuage. Ce qui n’était pas faux.
Mais pour les deux amants les week-ends qui suivirent ne furent pas semblables au premier. A cause du projet de Mintsa, ils passèrent tous plus de temps à bosser qu’à se faire des câlins. Non pas que cela déplaise à Melu, mais elle se dit que c’était aussi une manière d’avoir un aperçu du quotidien des deux hommes lorsqu’ils travaillaient. Elle se rendit compte que lorsque Nko’o travaillait il n’avait la tête qu’à ça, il prenait c’est vrai le temps de savoir si elle allait bien, si elle n’était pas trop fatiguée, ou si elle voulait rentre se reposer, mais en dehors de ça, rien. Pas de petit bisou en douce, pas de geste tendre ou de marque d’affection particulière. Heureusement tout de même une fois le boulot terminé, il redevenait un amant prévenant et tendre :
_ C’est déjà l’heure de rentrer ? Fit Melu un peu surprise
_ Tu ne vas pas y passer les nuits aussi, ça va faire six heures qu’on travaille non-stop, il faut qu’on mange et qu’on se souvienne que c’est le week-end, tu ne crois pas ?
Il avait dit ça en souriant. La jeune femme était assise sur l’un des fauteuils du salon et durant cette journée de samedi, son rôle à elle avait été de se renseigner par téléphone, et auprès de potentiels fournisseur des prix des matériels dont ils auraient besoin, pour l’un ou l’autre des projets. Nko’o et son frère quant à eux avait passé la journée à faire des plan d’usine, de chaine de production, de hangar etc… mais ils n’avaient pas non plus prévu d’y passer chaque seconde de tous leurs week-ends, alors il était temps de décrocher. Ils proposèrent à Melu d’aller déjeuner dans un petit restaurant, à la sortie de la ville :
_ Je veux bien, mais finalement je n’aurais jamais l’occasion de vous faire à manger, dit-elle en riant
_ Frangin, fit Mintsa, tu devrais dire à ta copine que si elle n’avait pas bossé avec nous on aurait surement été plus disposés à la laisser cuisiner
Melu sourit, ce type tout de même c’était un sacré numéro. Elle se demandait comment il faisait pour draguer, et sa copine devait avoir du pain sur la planche avec lui. Et dire qu’il en avait une. La jeune femme se disait maintenant, qu’elle savait ce qu’elle lui poserait comme question, le jour où elles allaient se rencontrer enfin. Ils quittèrent donc la maison et allèrent manger au restaurant. C’était le cinquième week-end que Melu passait chez l’homme. Elle avait l’habitude avec son frère maintenant. Mais alors que l’homme ne lui parlait toujours pas directement, elle ne se gênait pas pour lui dire ce qu’elle avait à lui dire, et alors qu’au début cela paraissait le mettre un peu mal à l’aise, il semblait s’être habitué. Il lui arrivait souvent de lui prendre un paquet des mains sans crier gare, c’est à ça qu’elle réalisa petit à petit qu’il l’avait intégrée, cela la flattait.
Nko’o lui aussi était heureux de la tournure que prenait les choses entre sa copine et son petit frère. Il se dit à lui-même qu’il avait eu du flair avec Melu, Mintsa en avait vu défiler des filles chez eux depuis que son frère et lui avaient quitté la maison familiale. Et aucune d’entre elle n’avait eu l’honneur de voir l’homme se préoccuper de leur sort. C’était à peine s’il en saluait certaines d’un geste de la tête. Mais il avait retenu que Melu aimait les crevettes au point de lui faire un plat de crevettes grillées, ensuite il l’observait assez longtemps pour se rendre compte lorsqu’elle avait besoin d’un coup de main. Elle avait beaucoup de mérite.
Il souhaitait que les choses évoluent de façon positive entre elle et lui. Il l’espérait de tout son cœur, et vu la façon dont elle s’investissait dans les projets de son frère, il se dit qu’il n’avait aucune inquiétude à se faire quant à son dévouement, lorsque le moment serait venu. Pendant qu’ils mangeaient, il observait la jeune femme et se réjouissait maintenant de s’être entêté. S’ils n’étaient restés que des amis, elle aurait certainement acceptée de leur donner un coup de main, elle était comme ça. Mais il aurait surement souffert le martyre, durant chaque seconde qu’il aurait passé avec elle, sans pouvoir la prendre dans ses bras, l’embrasser, ou tout simplement, sans avoir à l’esprit que rien ne pressait et qu’il serait toujours temps de l’embrasser lorsqu’il aurait terminé de bosser.
C’était ce qui lui permettait de rester concentrer lorsqu’il travaillait à ses côtés. Il la regardait toujours du coin de l’œil l’air de rien, et guettait le moindre signe de lassitude ou de fatigue de la demoiselle. Aujourd’hui elle avait clôturée, le dossier des bungalows de vacance, les pro-formas du mobilier et autres matériels, mais ce qui avait bluffé l’homme c’est qu’elle avait réussi à obtenir une réduction de celui des fournisseurs qui avait déjà les prix les plus bas. Un sacré coup de maitre, même Mintsa l’avait regardé sérieusement étonné.
Il avait même murmuré à son grand-frère qu’il leur faudrait certainement lui offrir un cadeau digne de ce nom une fois qu’ils auraient finis ce boulot de dingue. Et il paraissait y tenir, car, pendant qu’ils étaient attablés au restaurant, il y avait encore fait mention. Nko’o le rassura en disant qu’il n’allait pas oublier d’y penser, mais qu’ils devaient choisir avec beaucoup de doigtée, le cadeau à lui offrir. Le jeune homme avait paru rassuré par ses paroles et avait commencé à parler d’autre chose.
Pour la journée du dimanche ils avaient prévu de passer voir Assengone chez son grand-père, et de passer un peu de temps avec le vieil homme, et normalement les deux sœurs de Melu étaient déjà là-bas depuis vendredi soir. Le sujet fut donc mis sur le tapis, Nko’o avait proposé à son frère d’y aller avec eux, en disant que ce serait l’occasion pour lui de rencontrer les jeunes sœurs de sa copine comme il continuait de la nommer. Le type bourru qu’était Mintsa à certain moment n’en avait aucune envie, il n’arrêtait pas de répéter à Nko’o que s’il voulait lui présenter ses deux filles, il n’avait qu’à les faire venir chez eux. Cette discussion plus qu’amusante entre les deux frères divertissait Melu, elle souriait sous cape en se disant que Nko’o était méchant, il savait bien que son frère n’accepterait jamais un truc pareil, et pourtant il s’obstinait.
Au bout d’un moment elle n’en put plus et se sentit le devoir d’intervenir :
_ Nko’o arrête, pourquoi tu insistes sur ce sujet comme ça, tu n’as qu’à organiser un repas ici un jour et invite mes sœurs, au lieu de débarquer à l’improviste chez papa avec l’intention de les présenter à ton frère
Mintsa tourna la tête vers elle et fronça les sourcils sans rien dire, pendant un instant, puis il regarda de nouveau son frère :
Tu devrais suivre les conseils de ta copine de temps en temps ça te ferait économiser ta salive et beaucoup de temps, j’ai déjà un truc de prévu pour demain de toute façon
_ Ah oui, dit Nko’o, et je peux savoir quoi ? Si ce n’est pas indiscret,
_ Ce n’est pas indiscret, je vais voir ma copine,
_ En parlant de ta copine, pourquoi tu ne ramènes jamais à la maison ?
_ Ce n’est pas assez sérieux pour qu’elle vienne chez moi, sinon elle serait capable de débarquer à l’improviste…
_ Et tu n’aimerais pas ça ? Reprit Nko’o
_ Je détesterais ça, surtout que depuis quelques temps je reste avec elle plus par habitude, elle est agaçante, je n’arrête pas de le lui dire mais elle fait la sourde, et bientôt je serais de nouveau célibataire si elle continue comme ça, je te le promets
_ Pourquoi tu me promets un truc pareil Mintsa, je n’ai aucune envie que tu sois célibataire moi
_ Oh si, parce que tu crois que je ne te vois pas venir avec tes projets de me faire rencontrer les sœurs de ta copine
_ Ce n’est pas du tout pour ça frangin…
_ Ah oui ??? Fit Mintsa en fixant son frère étrangement
_ Ok d’accord je trouve que sa sœur et toi vous iriez bien ensemble, celle qui vient juste après elle Afup elle est sympa et douce comme un cœur, elle te plairait je t’assure
_ Et tu en as parlé avec ta copine avant de tout ça ??? Ou tu fais des trucs dans son dos ???
_ Ce n’est pas un piège mince, je veux juste que tu la rencontre, et après si elle te plait tu lui dis, sinon ce n’est pas grave, vous pourrez toujours être amis non ??
_ J’ai jamais été ami avec une fille, tu le sais bien et je n’ai pas l’intention de commencer avec la sœur de ta copine
_ Tu ne veux même pas être ami avec ma copine ?
_ Tu me fatigues tu sais avec tes questions bizarres Nko’o, dit le jeune homme en se calant dans son siège sans plus rien dire
_ Ne te fâches pas je suis désolé, je ne te mets pas la pression, je ne sais juste pas comment te faire plaisir parfois, ça fait un moment que tu te plains de cette fille et je suis très embêté par tout ça, tu comprends ??
Mintsa fixa son frère un long moment mais ne paraissait plus énervé. On aurait dit qu’il comprenait la situation dans laquelle se trouvait son frère. Il le comprenait encore mieux car en partant de chez eux lorsqu’ils étaient plus jeunes, il avait vu son frère se donner à trois cent pour cent pour prendre soin de lui et il lui arrivait à lui aussi de se demander quoi faire pour l’aider un peu. Et là, c’était presque pareil vue le nombre de fois qu’il s’était confié à son frère concernant ses réticences à continuer avec cette fille.
Il se dit que peut-être en effet il valait mieux pour lui aller passer la journée avec son frère chez sa copine. Au moins il était certain de passer un bon moment au lieu d’aller encore se disputer avec sa copine. Il lui fallait arrêter de faire les choses simplement parce qu’il en avait l’habitude, car bien souvent une mauvaise habitude ça pouvait vous causer des ennuis. Encore plus lorsqu’une fille faisait partie de l’équation :
_ D’accord, je veux bien venir avec toi chez ta copine, mais c’est juste parce que j’ai envie de voir ta fille, enfin la p’tite, je sais bien que ce n’est pas vraiment ta fille mais…
_ Je comprends ce que tu veux dire, et je veux bien que tu nous accompagne voir la petite, et si vous avez terminé on va y aller, je suis épuisé, même si je reconnais qu’à nous trois on a bien bossé, mince en général pour abattre un boulot pareil des entreprises embauchent une armée d’expert et tout et tout
Melu sourit en entendant l’homme parler :
_ Rigole pas ma puce, c’est vrai, vous savez si le terrain était plus grand, on mettrait les trois projets sur pieds, pas en même temps c’est sûr, mais… en tout cas les trois me motivent
Mintsa regardait son frère et se dit que lui aussi pensait la même chose, cependant, ils n’avaient pas des moyens illimités, il fallait choisir par lequel commencé et surtout ne pas se tromper. Choisir un projet qui leur ferait gagner assez de sous pour pouvoir financer les deux autres. Ce serait l’idéal. Il se dit aussi que ce serait bien que son frère se décide à épouser sa copine comme ça elle pourrait faire partie de cette aventure avec eux. Non pas qu’il en soit fa, mais elle avait des qualités non négligeable il fallait au moins lui reconnaitre ça. Et avec elle à ses côtés il savait que son frère serait à l’abri des coups durs, et des peines de cœurs. Elle était gentille. Avec un peu de chance ses sœurs seraient aussi gentilles. Il ne pensait pas ça parce qu’il pensait pouvoir avoir une histoire avec l’une d’elles, mais ce serait mieux si elles étaient sympas, elles aussi. Les supporter lorsque son frère vivrait avec leur grande sœur serait plus facile. Parce qu’il en était certain il les verrait souvent.
Il se préparait à ça tranquillement, et aussi au fait que pour les habitudes, il devrait en changer certaines. Ce n’était pas une obligation, mais par exemple, il se disait qu’il valait mieux commencer à discuter avec sa copine, peut-être que cela lui ferait plaisir à la gamine. Peut-être ! Il marchait tranquillement derrière son frère et sa copine, en sortant du restaurant. Il les regardait discuter et s’en amusait. Et dire que sa copine et lui n’arrivaient même plus à se parler comme ça, ils étaient de caractères trop différents et elle voulait toujours qu’il fasse des trucs juste pour lui faire plaisir, mais lorsque lui voulait qu’elle lui fasse plaisir c’était une autre histoire.
Les relations avec les filles étaient très compliquées, et encore plus lorsque cela faisait un moment qu’on se fréquente. Elles ont souvent l’impression qu’elles ont tous les droits sur nous et que nous on n’a aucun droit. Et les problèmes commençaient toujours de la même façon avec lui. Il disait non à un caprice ou une demande irréaliste, et c’était le drame. Et vu qu’il n’était pas facile de lui faire changer d’avis, la plus part du temps le problème durait des jours. Il aimerait se trouver une fille qui ne changeait pas du jour au lendemain, et qui ne le confondrait pas avec un distributeur de billets. Ce serait bien ça aussi.
Le trajet en voiture se déroula tranquillement, et cette fois c’est Mintsa qui alla prendre place à l’arrière de la voiture. Son frère lui demanda pourquoi mais il ne répondit rien. Nko’o se dit qu’il avait surement besoin de réfléchir, alors il le laissa tranquille.