Pendant que je parlais et parlais encore, je sentais que cela n’intéressait plus Mohamed. Je sentais nettement qu’il était plus focus sur ce que mes voisins avaient dit. Je fis exprès de parler de banalités uniquement pour le faire poser la question à nouveau.
-Moi : Tes parents sont vivants ?
-Mohamed : Ma mère oui, mon père est décédé il y a de cela quelques années. Excuse-moi une fois de plus, mais c’est moi qui pose les questions.
Il ne cessait de prendre note. J’ignorai dans quel but.
-Mohamed : Comment est ce que votre ménage est-il devenu un fiasco ?
C’était une très bonne question. Je me suis posée cette question un grand nombre de fois. Une fois, Bineta une voisine était venue sonner à la porte, une petite bouteille d’eau à la main :
-Bineta : Mme Cissé ça va ? Puis-je entrer ?
Elle n’était jamais venue me voir avant donc pourquoi maintenant ? C’était la question que je me suis posée à l’instant T. Je lui ouvris la porte et l’installa au niveau de notre espace familial.
-Bineta : Désolée de venir comme ça à l’improviste, mais il fallait que je te parle. J’ai constaté que depuis quelque temps, ta relation avec ton mari est très tendue. Je ne sais pas si tu étais au courant, mais je reçois très souvent des marabouts chez moi, alors j’ai demandé à l’un d’eux de prier pour ton ménage et il m’a remis cette petite bouteille.
Pour qui se prenait-elle pour non seulement débarquer chez moi mais en plus venir avec une bouteille de *safara :
-Moi : Bineta j’apprécie ton inquiétude mais mes problèmes de foyer, je les gère ! Je n’ai besoin de l’aide de personne !
-Bineta : Ma chérie, mets ton orgueil de côté. L’Afrique a ses réalités. Je parle en connaissance de cause. Stp prends la bouteille, verse le contenu dans un seau d’eau et baigne toi avec pendant sept jours, tu ne le regretteras pas.
Je pris la bouteille uniquement pour qu’elle s’en aille puis la remercia pour l’intérêt qu’elle portait à mon couple.
-Mohamed : Peut-on venir directement à l’essentiel stp ?
Tout a commencé un soir alors que nous étions assis ensemble en train de regarder un film. J’étais couchée sur son épaule et lui caressait sa tête joliment rasée. Il était presque minuit. Son téléphone se mit à vibrer. Je jetai un coup d’œil rapide à l’écran de son téléphone et c’était répertorié au nom de « Billie ». Nous étions mariés depuis plus de cinq ans et je n’ai jamais entendu parler de Billie. Il renvoya l’appel à deux reprises. C’était trop louche. J’éteignis la TV et me tourna vers lui :
-Moi : Jules qui est Billie ?
-Jules : Un de mes promotionnaires qui vient de s’installer au Sénégal. Il n’a pas encore vraiment pris ses marques et pour un rien il m’appelle.
-Moi : Je ne te crois pas Souleymane !
A chaque fois que je l’appelais par son prénom c’était parce que j’étais en colère. A ce moment précis, je ne saurai dire ce que je ressentais. J’avais une confiance aveugle en mon mari. Il ne m’avait jamais menti jusque-là, en tout cas pas à ce que je sache. J’étais assise là à le regarder manipuler son téléphone. Je me levai pour aller me coucher, il me prit la main puis dit :
-Jules : Mon amour revient, où est ce que tu vas ?
-Moi : Je vais me coucher. Tes mensonges m’ont coupé toute envie de continuer notre soirée ciné.
-Jules : Arrêtes, ne plombe pas l’ambiance STP.
Ce qu’il venait de dire m’énerva encore plus alors je me mis à crier. Je le reconnais, je fais partie de ces femmes qui ne savent pas du tout faire d’histoires sans hausser le ton.
-Moi : Non mais tu t’entends ? tu reçois un appel de ta maîtresse et tu dis que c’est moi qui plombe l’ambiance ? Tu sais quoi, je vais me coucher. Trouve un autre endroit pour dormir car je n’ai pas envie de te sentir à mes côtés cette nuit !
Je montai jusqu’à notre chambre et m’y enferma en faisant exprès de laisser ma clé à la porte afin qu’il ne puisse pas se servir de la sienne pour ouvrir.
J’avais horreur que l’on me mente et je sentais qu’il ne me disait pas tout. Je dormis difficilement ce jour-là. Le lendemain matin, j’ouvris la porte dès que je fus prête, pour lui permettre de venir prendre sa douche et prendre des vêtements.
Je descendis alors faire le petit déjeuner aux enfants. Jules descendit à son tour, il ouvrit la cafetière et à sa grande surprise, elle était vide. Eh oui. Je ne lui avais pas fait de café, comme je faisais habituellement.
La déception se lisait sur son visage. Il m’avait dit bonjour mais je ne lui avais même pas répondu. Je préparais les enfants avec l’aide de la nounou puis les déposèrent à l’école. Je ne pus même pas me concentrer sur mon travail. Je ne cessais de me poser des questions.
Connaissant ma grande sœur, je ne voulus pas lui en parler alors je téléphonais à ma meilleure amie pour l’inviter à prendre un verre après le boulot. Elle sentit que je n’allais pas bien alors elle accepta en me promettant d’annuler son rencart.
Maty était divorcée depuis quatre ans. Elle vivait un ménage à distance et finit par ne plus supporter les crises de jalousie de son mari. Ils n’ont malheureusement pas eu d’enfant. Depuis lors, elle vit très bien et prend soin de sa personne. J’ai toujours admiré sa force et son courage.
Je ne cessais de regarder ma montre, tellement j’avais hâte de m’en aller. Je travaillais sur un dossier très important. Celui d’une importante société de télécommunication. Je n’avais pas droit à l’erreur. Je fus tellement concentrée que je ne me rendis même pas compte qu’il était l’heure de rentrer. Je sauvegardai le fichier power point avant d’éteindre mon PC. Je rangeai mes affaires, pris mon sac et dis au revoir autour de moi. Je montai dans l’ascenseur puis me rendis au parking. Je restai dans ma voiture un petit moment avant de démarrer.
Maty et moi nous étions donné rendez-vous sur la corniche des Almadies, dans un restaurant en bordure de mer. J’arrivai avant elle et commanda un pina colada que je sirotai en écoutant le bruit des vagues.
Maty vint avec quinze minutes de retard. C’était énervant. Je l’aperçus descendre et venir vers moi à pas pressé.
-Maty : Ma puce excuse-moi. Quand je m’apprêtais à sortir mon boss est venu me réclamer un dossier que j’avais classé depuis plus d’un an.
-Moi : Tu sais combien je déteste attendre.
-Maty : Pardonne moi. J’ai fait aussi vite que j’ai pu.
Elle enleva sa veste qu’elle accrocha à l’arrière de sa chaise avant de s’installer. Le serveur qui avait déjà pris ma commande, vint vers nous pour prendre la commande de Maty :
-Le serveur : Bonsoir Madame, qu’est-ce que je vous sers ?
-Maty: Un virgin mojito svp.
-Le serveur : Très bien Madame. C’est noté.
Maty se mit à chercher quelque chose dans son sac. Elle en sortit un paquet de cigarettes quelque minute après. Ce qui m’étonna d’ailleurs :
-Moi : Je croyais que tu avais arrêté de fumer ?
-Maty : C’est ce que je croyais aussi mais il y a trop de pressions ces derniers temps au bureau.
-Moi : Ce n’est pas une raison Maty et tu le sais ! Fumer tue, je ne t’apprends rien.
-Maty : Ma puce nous ne sommes pas là pour une campagne de sensibilisation. Alors dis-moi, ce qui ne va pas.
-Moi : Jules me trompe.
Maty se mit à rire.
-Maty : Non mais tu es sérieuse là ? Jules te tromper ? C’est impossible et tu le sais.
-Moi : Pourquoi est-ce impossible ? C’est un homme non ?
-Maty : Parce qu’il n’est pas comme ça. Jules est l’homme le plus sérieux que je connaisse. En plus, il n’a même pas le temps pour cela. Sur quoi te bases-tu pour affirmer cela ?
Je racontais tout dans les moindres détails à Maty qui prit une fois de plus son partie :
-Moi : Je ne laisserai pas cette histoire passer tant qu’il ne me dira pas la vérité.
-Maty : Mais pourquoi veux-tu te compliquer la vie hein ? Et si c’était vraiment son promotionnaire ?
-Moi : C’est simple, je vais lui demander de me le présenter. Mieux, je vais lui dire de l’emmener dîner à la maison. Après tout, les amis de mon mari sont également les miens, non ?
-Maty : Tu es compliquée. Fais ce qui te rassure car je te connais. Quand tu as une idée derrière la tête, rien ni personne ne peut te faire changer d’avis. Alors je n’insisterai pas.
-Moi : Merci ! Sinon toi, parle-moi de ton nouveau petit ami. Nous en avons à peine parlé.
Maty éteignit sa cigarette dans le cendrier puis me répondit :
-Maty : J’ai quitté problème pour aller à nouveau dans problème.
-Moi : Comment ça ?
-Maty : Le mec avec qui je sors ne vit pas ici. Il est au Canada. Donc je vis à nouveau une relation à distance !
-Moi : Oui mais bon, ça ne veut rien dire. Ce n’est pas parce que tu as eu une mauvaise expérience que forcément ce sera pareil. Relativise et laisse faire le temps.
-Maty : Tu as raison. Façon je ne m’emballe pas.
Pendant que ma meilleure amie et moi, parlions de tout et de rien, mon mari avait tenté de me joindre à deux reprises. Il finit par me laisser deux messages vocaux et m’envoyer un message pour me demander où j’étais. C’est vrai que je ne lui avais pas dit que je devais voir Maty après le boulot. Je ne voulais surtout pas qu’il sache que j’étais avec elle. Je voulais créer le doute dans sa tête :
-Moi : Ma belle si jamais Jules t’appelle, ne lui dit pas qu’on était ensemble stp, OK ?
Maty me lança son regard interrogateur. Elle devait se demander à quoi je jouais mais elle ne me dit rien à part que je pouvais compter sur elle. Je lui fis un gros câlin puis m’en alla.
Je n’avais pas vu le temps passé. Une fois à la maison, les enfants étaient déjà au lit. Jules vêtu de son caleçon bleu de nuit Calvin Klein, somnolait sur le canapé. Il sursauta dès qu’il sentit le verrou tourné :
-Jules : Où étais-tu passé Dieyna ? Tu as vu l’heure ?
-Moi : J’avais besoin de prendre de l’air !
-Jules : Non mais tu te fiches de moi ou quoi ? Tu aurais pu au moins m’envoyer un message. Je me suis fait un sang d’encre !
Vous savez comment nous sommes nous les femmes, non ? quand il se passe quelque chose qui nous fait mal ou nous tracasse on vous le rabâchera jusqu’à la nuit des temps ; C’est exactement ce que je fis :
-Moi : Je me disais que tu allais surement voir Billie !
-Jules : Tu recommences avec cette histoire ? Je t’ai déjà expliqué…
-Moi (en lui coupant la parole) : Oui, que c’est ton promotionnaire, n’est-ce pas ? dans ce cas, compose son numéro. Je veux l’inviter à dîner.
-Jules : Il est tard. Il doit surement être couché !
-Moi : Non, hier il t’a téléphoné beaucoup plus tard. Tu vois que tu ne me dis pas la vérité ! Qu’est que je t’ai fait pour que tu me traites ainsi Jules ?
Il ne dit rien. Il me regarda juste, remua la tête puis monta.
Je restai assise au salon. Je pris mon téléphone, alla sur f*******:, tapa le nom de mon mari sur la barre de recherche et chercha Billie parmi ses amis. Cette personne était réelle mais contrairement à ce que j’avais pu penser, ce n’était pas un homme mais plutôt une femme. Vous auriez vu la manière dont j’ai monté les escaliers.
Jules était assis sur sa natte de prière, chapelet à la main. Je lui montrai la photo de la femme et me mit à hurler :
-Moi : Voilà ton soi-disant Billie ! Il s’est transformé en femme apparemment…
Il me fit un signe pour me demander d’attendre qu’il termine d’égrainer son chapelet. Je le lui ai arraché des mains tellement fort qu’il se coupa. On entendait les perles roulaient par terre…