Chapitre 4

3195 Mots
Quelques minutes plus tard, Kenza se retrouva chez Haranza Oum Yazami. Sa psy et aussi sa meilleure amie. Haranza était également coach sportive et il fallait admettre qu’elle avait fait un très grand boulot pour qu’elle arrive à perdre ses kilos et avoir l’air bien dans sa peau. Dès qu’elle la vit au pas de sa porte, Haranza su d’instinct qu’un truc se passait. Elle invita Kenza à s’asseoir et se dirigea vers la cuisine pour leur préparer du thé.  -            Ça va ? Tu peux me raconter ? questionna-t-elle au bout de quelques minutes. -            Il est de retour ! fit simplement Kenza en posant sa tasse. -            Il ? questionna Haranza en ouvrant grands les yeux. Lui ? -            Oui. Tu n’imagines pas l’état dans lequel cela me met. -            Je ne veux même pas l’imaginer. Où l’as-tu croisé ? -            On ne s’est pas encore vu. Je viens d’apprendre par mon assistante que je suis actionnaire d’une des entreprises de sa famille ici à Marrakech. Cela me stresse énormément Anza. Si j’avais su qu’il s’agissait de Miller Corporation, jamais je n’aurai donné la permission à Selma d’officialiser le rachat mais je n’avais aucune envie de penser boulot au cours de ces vacances. -            Je comprends parfaitement ma belle. Mais tu dois essayer de te calmer. Je suis sûre que Stanley sait très bien que tu es celle qui a racheté des parts de son entreprise et il attend de voir si tu es toujours la même ou si tu as changé. Tu es différente à présent ma chérie ; tu as acquis de la maturité. Montre tout cela à Stanley ; ne te laisse pas démonter. Les paroles d’Haranza réussirent à lui redonner un peu plus d’assurance. Kenza sourit lorsqu’Haranza posa une main sur la sienne pour la réconforter. Haranza s’était toujours montrée très aimable envers elle. Elles s’étaient rencontrées de façon hasardeuse un an après la naissance de Zahra. Kenza faisait une vraie dépression et s’occupait à peine de son nouveau-né. A chaque fois qu’elle sortait de la maison en laissant le bébé à sa mère, c’était pour aller se goinfrer de sucreries ce qui avait eu pour conséquence de la faire prendre plusieurs kilos en plus. Mais grâce aux séances de sport intensif et de coaching avec Haranza, cette vie était dernière elle à présent.                                                                                              2. Cela faisait plusieurs jours que Stanley n’arrivait plus à trouver le sommeil. La cause ? Kenza ! Depuis qu’il avait appris que c’était elle qui allait acheter les parts de Miller Corporation, il en faisait même des cauchemars. Dix ans qu’il avait quitté le Maroc et voilà qu’il devait refaire face à son passé. Il se retourna pour la énième fois pour faire face au plafond. A quoi ressemblait-elle après toutes ces années ? Et lui, comment arriverait-il à la regarder dans les yeux après ce qu’il lui avait fait ? Par fierté, lorsqu’il avait découvert que la personne qui allait racheter les parts s’appelait Kenza Talbi, il avait refusé de signer le contrat. Mais très vite, il était revenu sur sa décision. L’entreprise allait à la faillite. Il n’avait pas le choix. Même s’il s’était senti horriblement lâche pour ce qu’il lui avait fait, Stanley ne pouvait faire machine arrière. Il avait regretté de ne pas avoir tenu tête à Ricardo à l’époque. Oui, il aurait dû ! Pourtant lorsqu’en sautant dans l’avion de retour à Marrakech, il ne s’attendait vraiment pas à revoir Kenza. Néanmoins, pas dans ces conditions.                                                                                                *** -          Tu comptes rencontrer cette femme ? -          Elle s’appelle Kenza. Kenza ! Et je n’aurais pas été obligé de revenir dans ce pays de malheur si tu t’étais comporté comme un homme mature. C’est de ta faute si nous sommes dans un tel pétrin ! Si j’avais su que c’est pour conduire la compagnie à la faillite que tu avais tant insisté pour la diriger, jamais je ne me serais confronté à mon père pour toi ! -          Je ne te permets pas ! fit Ricardo sur le même ton. -          J’en ai assez que vous me prenez tous pour votre pantin. Dès que je remets les choses en ordre, je quitte ce foutu pays et ne vous avisez pas de m’appeler pour quoi que ce soit. Vous avez contrôlé ma vie pendant toutes ces années, j’en ai marre à la fin. -          Va dire tout cela  à tes parents. Ce n’est pas moi qui t’ai fait revenir ici. -          Je te rappelle que c’est à cause de toi si j’ai été obligé de revenir ! s’écria-t-il. Ne me pousse surtout pas à bout, Ricardo. Stanley sortit et se dirigea vers sa voiture après avoir pris son manteau. Il démarra ensuite en trombe. Il était toujours désigné pour réparer leurs erreurs des autres comme s’il n’avait rien de mieux à faire de sa vie. Ricardo était son cadet, il avait toujours voulu avoir une relation stable avec lui mais il s’était vite rendu compte que son cousin n’était pas du même avis. Et là, il en avait ras le bol. Il avait trente-cinq ans bon sang !  Quelques minutes plus tard, il arriva devant l’imposant immeuble qui abritait les bureaux de la société Miller. Se dirigeant vers la salle de réunion, il ne put s’empêcher de soupirer. S’il avait été mis au monde dans une famille normale, tout aurait été tellement différent…D’un pas décidé, il entra dans la salle de réunion. Elle n’était pas encore là. Seuls les membres de l’administration et quelques employés attendaient patiemment. Stanley fit une brève salutation et prit place dans son siège. Toute cette histoire n’aurait jamais connu le jour si son idiot de cousin avait joué son rôle avec beaucoup plus de maturité ! Jake son père avait des problèmes cardiaques et avait décidé de se retirer de la société pour prendre soin de son état de santé et au lieu de faire les choses dans les normes, Ricardo avait jugé bon d’agir en parfait imbécile. Reportant son attention à l’assemblée, Stanley ne put s’empêcher de crisper la mâchoire face aux reproches. -          Ce sont ces actes de monsieur Ricardo qui nous ont menés où nous en sommes aujourd’hui. Votre cousin n’a absolument pas joué son rôle de directeur générale. Nous avons essayé en vain de le raisonner. Les choses se sont compliquées au cours du voyage de votre père en Irlande. Nous n’avons pas pu le joindre pour lui expliquer la situation détaillée. Vous n’auriez pas dû lui laisser la direction ! trancha sévèrement un quinquagénaire qui travaillait depuis des lustres pour leur entreprise. -          Le mal est déjà fait monsieur Dubouchon, répliqua calmement Stanley. Nous ne pouvons remonter le temps pour corriger les erreurs de mon cher cousin, hélas.  - Vous avez effectivement raison, admit le quinquagénaire. L’on frappa à la porte ce qui mit un terme à la discussion. -          Entrez ! fit Stanley. -          Désolée de vous dérangez messieurs mais mademoiselle Talbi est arrivée ! Cette seule phrase suffit à mettre en ébullition les sens de Stanley. Il s’éclaircit la gorge et ordonna à sa secrétaire de la faire entrer. Lorsque cette dernière referma la porte, il se sentit obligé de réajuster son costume tout en espérant que ses collaborateurs n’aient pas remarqué son trouble. Les secondes parurent interminables puis la porte s’ouvrit à nouveau…Stanley réprima une expression d’étonnement, ouvrant juste grandement les yeux. Était-ce vraiment elle ? La femme qui venait d’entrer dans la salle était grande, mince, avec des rondeurs exactement où il fallait, cette femme qui avançait vers l’assemblée d’une démarche pleine d’assurance ne pouvait être Kenza. Malgré lui, Stanley fit glisser son regard sur son corps moulé dans un ensemble veste-pantalon blanc. Elle n’avait rien à voir avec la Kenza rondelette d’il y a dix ans. Elle ne portait plus ses lunettes encore moins son appareil auditif. Lorsque ses yeux rencontrèrent les siens, il ne put s’empêcher de baisser momentanément la tête. Ses yeux qui jadis étaient rieurs, reflétaient une dureté sans équivoque. C’était carrément une autre femme avec un air insensible. Ses cheveux étaient ramenés en un chignon strict sur sa tête. Son visage avait l’air beaucoup plus ovale et ses lèvres encore plus pulpeuses. Elle était extrêmement belle. Tous les hommes de l’assemblée étaient subjugués et les femmes murmuraient entre elles. Il y a avait de quoi être jaloux ! Mais Kenza n’avait pas l’air de s’en préoccuper. Elle avait l’air de savoir exactement ce que sa présence éveillait mais s’en moquait éperdument. Elle lança un bref bonjour et s’installa dans le siège qui lui avait été réservé. Stanley remarqua qu’elle l’ignorait délibérément. Mais de toute façon, à quoi s’attendait-il ? Qu’elle saute de joie en le voyant ? Lorsqu’elle prit la parole, il sortit brusquement de ses réflexions et se concentra sur ses lèvres, écoutant évasivement ce qu’elle disait. -          Je m’excuse pour ce léger retard, messieurs. Si cela ne vous dérange pas, nous pouvons commencer ! dit-elle d’une voix douce mais impérieuse.                                                                                 *** La réunion venait de prendre fin. Tout au long de l’entretien, Stanley avait été incroyablement mal à l’aise. Il avait perdu le contrôle et avait été obligé de chercher vainement ses mots au cours de son discours, ce qui avait étonné ses subordonnés. Cela ne lui était pourtant jamais arrivé. Kenza elle n’avait eu aucune difficulté à s’exprimer. Au contraire, elle avait charmé l’assemblée par la concision, la clarté et la précision de ses propos. Lorsqu’elle avait terminé, tout le monde avait applaudit en hochant la tête. Il n’y  avait aucun doute, elle était la solution aux problèmes de Miller Corporation. Stanley installé dans son bureau, appréhendait le scénario qui allait suivre la réunion car il fallait qu’il discute avec Kenza. Il espérait qu’elle accepte l’écouter pour qu’il puisse s’excuser et même si ce n’était pas sûr qu’elle le pardonne sur le champ, au moins elle saurait ce qu’il en était. D’un pas lent, il se dirigea vers le bureau de Kenza. Il frappa quelques coups légers à la porte et attendit. -          Entrez ! fit la voix chantonnant de Kenza. Dès qu’elle le vit entrer, elle plissa le front. Elle était assise derrière son bureau, quelques documents devant elle.  -          Que me voulez-vous monsieur Miller ?  -          Kenza… -          Mademoiselle ! mademoiselle Talbi ! rectifia-t-elle sévèrement. -          Ok, mademoiselle Talbi. Je…il faut que nous parlions. -          Je n’ai rien à vous dire. -          Moi si ! rétorqua vivement Stanley. -          Ecoutez monsieur Miller, j’ai du boulot et je me vois mal me mettre à papoter avec vous. Comme vous le saviez, tout a déjà été dit à la réunion mais si vous avez un message, passez par ma secrétaire. -          Arrête ce petit jeu s’il te plait ! fit Stanley. Tu sais très bien de quoi je veux te parler donc je t’en prie, arrête de faire comme si c’était la première fois que nous nous voyons. -          Je ne vous donne pas le droit de me tutoyer, monsieur Miller, fit-elle calmement en se levant de son siège. Veuillez à présent sortir de mon bureau, je suis occupée !  - Je ne sortirai pas ! Pas avant de t’avoir parlé, Kenza. Je t’en supplie écoute moi. C’en était trop. Mais pour qui se prenait-il pour l’importuner ainsi ? Kenza savait que Stanley essayerait de l’aborder mais pas qu’il soit aussi tenace et sourd à ses protestations. Il n’avait aucun droit d’exiger quoi que ce soit d’elle après l’enfer qu’il lui a fait subir. Rageusement, elle contourna son bureau pour lui faire face. S’il pensait pouvoir l’amadouer avec son air peiné, il se fourrait le doigt dans l’œil. Lorsqu’elle était rentrée dans la salle de réunion quelques heures plus tôt et que ses yeux avaient croisé les siens, Kenza avait bien cru qu’elle n’arriverait jamais à tenir en place. Stanley était encore plus beau qu’il y avait dix ans. Ses traits avaient mûri, ses yeux encore plus ténébreux mais Kenza savait que derrière ce visage angélique qu’il présentait, se cachait un être sans cœur qui l’avait prise, utilisé et jeter comme un vulgaire mouchoir. Très vite elle avait repris contenance et tout s’était passé comme elle l’avait programmé.  -          Kenza… Elle sortit de sa léthargie. -          Il faut vraiment qu’on discute.  Vous exagérez ! -          Arrête de me vouvoyer ! Kenza porta une main à son front et ferma brièvement les yeux afin de refouler les invectives qui menaçaient de sortir de sa bouche. Il fallait qu’elle garde le contrôle et qu’elle montre à Stanley qu’elle était maitresse d’elle-même. -          Ecoute Stanley, commença-t-elle d’une voix posée. Je suis ici pour travailler et si j’avais su que c’était ton entreprise, jamais je n’aurai racheté ces parts mais de toute façon le mal est fait et si je n’ai pas annulé la transaction c’est parce que j’ai appris qu’il ne faut jamais mélanger vie personnelle et vie professionnelle. Tout ce que je veux à présent c’est d’avoir à te croiser le moins au monde. Laisse-moi juste faire ce que j’ai à faire, arrête de t’immiscer dans mon existence. Stanley ne savait plus trop quoi répondre. Kenza venait de lui parler sur un ton posé mais il sentait clairement qu’elle faisait son possible pour contenir une colère sourde. Il se contenta d’hocher la tête et sortit du bureau. Il lui avait fait beaucoup plus de mal qu’il l’avait crû. Il l’avait lu dans ses yeux. Kenza ne lui pardonnera jamais ce qu’il lui avait fait mais il était prêt à tout pour lui raconter ce qui s’était vraiment passé. Il était peut-être trop tard pour les excuses mais mieux vaut tard que jamais…                                                                 *** -          Comment ça été ? questionna Pamela à sa fille quelques heures plus tard. Ça va ? -          Ça a été la journée la plus longue de toute ma vie maman, répondit évasivement Kenza en se déchaussant. J’aurai aimé ne plus jamais le revoir. Je le déteste tant si tu savais… -          Je comprends ma chérie, fit Pamela en posant une main sur la sienne. Je suis la mieux placée pour savoir à quel point tu as souffert de cette histoire. Mais tu es parvenue à tout surmonter. Je suis vraiment fière de la femme que tu es devenue. Kenza lui sourit et soupira en renversant la tête en arrière pour contempler l’énorme lustre qui gisait au milieu du grand salon. Elle avait acheté cette maison dès qu’elle avait réussi à amasser assez de fonds. Il s’agissait d’une villa en plein centre-ville et qui était juste à quelques kilomètres de l’école de Zahra et de son travail. Elle l’avait meublé elle-même en y apportant sa petite touche particulière. L’argent lui avait conféré du pouvoir mais au fond, elle était brisée. Depuis qu’elle avait quitté Miller Corporation, elle n’avait pas cessé de penser à Stanley. Certes elle le détestait mais il y avait quelque chose de bizarre dans sa réaction lorsqu’il était venu la voir dans son bureau. Kenza s’était attendue à ce qu’il l’ignore ou pire, qu’il la nargue de l’avoir utilisé mais au contraire, il paraissait honteux, chamboulé et même une profonde tristesse s’était dessinait sur son visage lorsqu’il avait tourné les talons pour sortir de son bureau. Mais bon, peut-être jouait-il tout simplement la comédie, pensa-t-elle. -          Kenza ! Je dois te demander quelque chose. -          Que se passe-t-il ? questionna-t-elle en faisant face à sa mère. Au fait…, commença Pamela d’une voix mal assurée. Qu’est-ce qui se passera lorsque…eh bien, le père de Zahra saura qu’elle existe ? -          Rien, répondit Kenza en fronçant les sourcils. Zahra n’a pas de père. -          Ne dis pas ça Kenza. Que nous le voulions ou non, Zahra n’est pas orpheline et même si son père est le pire des salauds, maintenant qu’il est de retour, il doit être mis au courant. -          Maman arrête ! J’ai dit que Stanley ne saura rien un point c’est tout. Il est marié et a sûrement d’autres enfants. Zahra vit très bien sans lui et je ne vois pas l’intérêt de lui dire que j’ai eu un enfant de lui vu  qu’il n’avait que pour objectif de jouer avec moi. J’ai eu ma dose de Stanley Miller au bureau maman. Pas besoin de parler de lui ici en plus. Maintenant si cela ne te dérange pas, je monte voir Zahra et je vais ensuite me reposer. -          Humm, d’accord, fit Pamela résignée.   Elle quitta son fauteuil, ramassa ses talons aiguilles et son sac puis se dirigea vers l’escalier. Elle avait pris sa décision depuis le premier jour où elle avait appris le retour de Stanley : jamais elle ne lui parlera de Zahra.  
Lecture gratuite pour les nouveaux utilisateurs
Scanner pour télécharger l’application
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Écrivain
  • chap_listCatalogue
  • likeAJOUTER