Amir faisait les cent pas comme un lion en cage.
Un imbécile, voilà ce qu'il était.
Où avait-il donc la tête ? Brusquer Tayla à ce point! Alors qu'elle n'était pas totalement rétablie.
Il jeta négligemment sur le canapé la serviette avec laquelle il s'essuyait les cheveux et attrapa son téléphone.
Les agents responsables de l'enquête ne l'avaient pas contacté. Et le temps de leur délai était pratiquement écoulé.
Il composa rapidement le numéro de l'inspecteur.
—Commissariat principal de Seattle. Mark Hopkins à l'appareil. J'écoute.
Une sourde colère gronda en lui en ce moment.
Quel calme de la part de cet enfoiré!
Amir trouvait sa voix nasillarde beaucoup trop dérangeante pour son tympan.
—Cheikh Amir Tarek Hasan à l'appareil, dit-il sèchement.
Il crut que l'inspecteur Hopkins retenait son souffle. Une dizaine de secondes s'écoula.
Amir ne dit rien. Ce n'était pas à lui de parler.
—Oh c'est vous! Oui... J'attendais votre arri... Non, votre appel.
Quel lâche ! Alors c'était ça un policier.
—J'espère que vous avez trouvé l'agresseur de ma fe... De Tayla.
Non. Il rêvait.
Il n'allait pas dire ma femme.
Depuis quand Tayla était-elle sa femme.
La voix de Hopkins le ramena sur terre:
—Euh... C'est à dire...
—Ne passez pas par quatre chemins. Vous l'avez trouvé oui ou non?
—C'est à dire...
—Hopkins!
—Non.
Il ne tarderait pas à s'énerver. S'il ne mettait pas fin à cet appel, il allait se mettre dans tous ses états.
—C'est tout ce que je voulais entendre, lâcha-t-il d'une voix calme qui contrastait avec la tempête qui l'animait.
Comment ces gens pouvaient-ils se ficher de quelqu'un comme ça ? Ils étaient responsable de la sécurité nationale. Alors pourquoi ils ne faisaient pas en sorte que justice soit faite ?
—Cheikh Hasan vous devez me comprendre. Il nous faut l'accord de Mlle Diaz pour ouvrir cette enquête, or, elle nous a formellement interdits d'entreprendre des démarches en vue de découvrir son agresseur.
Cette phrase le déstabilisa. Il avait mal entendu, c'était sûr.
—Que sous-entendez vous? Demanda-t-il.
Il eut un silence à l'autre bout du fil. Hopkins inspira un peu trop bruyamment au goût d'Amir puis expliqua de sa voix nasillarde :
—Mademoiselle Diaz nous a demandé de ne pas enquêter sur cette affaire pour cause personnelle. Elle a précisé que c'était une question de vie ou de mort.
Comment ça ? Que signifiait cette histoire ?
—Hopkins si jamais je découvre que vous m'avez menti...
—Demandez-le lui vous-même. Je vous assure que c'est la vérité.
—Vous avez intérêt car si c'est faux soyez certain que c'est le dernier mensonge qui sortira de votre bouche. Et que ce soit la dernière fois que vous me coupez la parole.
Il raccrocha sans lui laisser le temps de placer un autre mot.
A grands pas, il sortit de sa chambre et se dirigea vers les quartiers de Tayla.
Des coups secs sortirent Tayla de sa torpeur. Lentement, elle se leva.
Qui était-ce donc? Sûrement Briannah puisqu'elle avait dit à Jaya qu'elle ne dînerait pas ce soir. Et elle ne se sentait pas capable d'affronter qui que ce soit après cette humiliation qu'Amir venait de lui infliger.
Aussi se retint-elle de pousser un cri lorsqu'elle tomba nez à nez avec ce dernier.
Brusquement elle poussa la porte avec l'intention de la fermer. Vif comme l'éclair, Amir la bloqua avec son pied droit.
Elle poussa la porte plus fort et réussirait à coincer son pied si Amir n'avait pas mis son bras de la partie. Elle lâcha prise.
C'était clair, elle ne ferait pas le poids face à ce tas de muscles.
Amir entra dans la chambre en furie.
—Tu es folle ou quoi? S'écria-t-il en l'attrapant par les épaules.
Elle essaya violemment de se dégager. Il ne résista pas et la lâcha.
—Maintenant je suis folle ! Rétorqua-t-elle avec hargne. Tu ne manques pas de culot Amir.
—Ah oui tu trouves?
Elle eut un rire sarcastique.
—Si tu n'as pas de culot sache que personne n'en a. Comment oses-tu te présenter ici après ce que tu m'as dit tout à l'heure?
Il l'observa comme si elle était folle. Tayla ne cilla pas. Il se mit à arpenter la pièce puis vint se placer devant elle; sans la toucher cette fois.
Tayla remarqua que ses cheveux étaient encore humides; des gouttelettes d'eau mouillaient son T-shirt.
—C'est pour ça que tu as voulu coincer mon pied entre la porte? Demanda-t-il.
—Pour quelle autre raison penses-tu que je l'aurais fait?
Il fronça les sourcils en croisant les bras. Ce jeu de muscles attira irrémédiablement le regard de Tayla. Elle avait beau lui en vouloir pour ses mots blessants, elle devait se l'avouer : il l'attirait.
Ses yeux descendirent sur ses pectoraux bien dessinés. Il avait sûrement travaillé dur pour avoir ce corps de rêve.
Ce corps qu'elle avait touché, carress...
Assez! Se réprimanda-t-elle. Cet homme n'était pas pour elle. Et elle ne devait pas oublier la façon dont il lui avait parlé il y avait moins de deux heures.
—Peut-être que tu as pensé que j'étais ici pour te faire l'amour et que tu avais peur de céder, répondit-il sur un ton dénué de sarcasme.
Elle éclata de rire. Cet homme était fou!
—En plus tu es sérieux! s'exclama-t-elle. Tu penses qu'après ce que tu m'as dit je te pardonnerais si facilement. Tu peux toujours rêver.
Un long silence s'ensuivit. Il la fixa de la tête aux pieds. Elle eut l'impression qu'il venait de tout juste de remarquer qu'elle était en peignoir.
Il fit un pas en avant, puis un autre. Tayla ne bougea pas.
Il dut prendre son absence de réaction pour un consentement puisqu'il tendit la main vers elle.
Tayla se concentra, fit appel à toute sa force puis laissa claquer sa main contre son visage.
Le visage d'Amir vira à droite.
Lorsqu'il la regarda à nouveau elle eut l'impression qu'il allait la tuer.
—Je t'avais prévenue.
Il l'attrapa avant qu'elle puisse faire un geste et écrasa ses lèvres sur les siennes.
Pour une deuxième fois en une soirée.
Elle le frappa au visage à nouveau. Voyant qu'il ne réagissait pas, elle frappa son poing une multitude de fois sur son torse. Il ne la lâcha pas.
Elle l'étonna alors en entrouvrant les lèvres, puis, contre toute attente, elle le mordit violemment.
Elle se laissait aller. Amir sentit le désir prendre possession de tout son être.
Il voulait cette femme. A lui et à lui seul.
Et il l'aurait. Quelque soit la décision que ses conseillers lui donneraient demain.
Une douleur l'étreignit et il la lâcha brutalement.
Bon sang!
Elle ne vacilla pas, comme si elle s'y était préparée.
Il toucha ses lèvres. Elle ne l'avait pas raté.
Trois gifles, des coups de poings et une morsure de sa part en une soirée.
Elle dépassait les bornes!
Il l'attrapa sans pitié par les épaules.
—Qu'est-ce qui te prend? Hurla-t-il.
—Lâche-moi, espèce de mufle, répondit-elle sur le même ton en essayant de se dégager.
Elle échoua lamentablement. Amir la retenait fermement tandis qu'elle se débattait comme une tigresse prise au piège.
Elle fit volte face.
Voyant qu'elle allait s'échapper, Amir passa sa main autour de son ventre.
Elle lâcha un cri.
—Nom de Dieu, siffla-t-elle. Tu me fais mal!
Aussitôt, il comprit et la lâcha.
Quel idiot!
Son énervement l'avait fait oublier que sa cicatrice était encore fragile.
Elle tomba par terre mais se releva en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Son regard lançait des éclairs et un rictus de douleur tordait son visage.
Honteux , Amir se passa les doigtd dans ses cheveux. Il sentit sa main s'humidifier mais n'y prêta guère attention.
—Je suis désolé, dit-il sincèrement.
Tayla ne se laissa pas attendrir. Avec raison, pensa-t-il.
—Qu'est-ce que ça va changer au fait que maintenant je souffre ? Cracha-t-elle. Si tu m'avais lâchée sur le champ on n'en serait pas là.
—Tayla écoute. Je...
—Tu quoi ? Coupa-t-elle en criant. Hein? Rien du tout. Alors tu ferais mieux de prendre le chemin de la porte.
Elle se dirigea vers la chambre.
—D'ailleurs je me demande pourquoi tu es venu m'embêter ici, ajouta-t-elle en baissant la voix mais avec le même ton hargneux.
Amir inspira. Elle avait raison d'être en colère contre lui mais il en avait une aussi pour lui rendre la pareille.
—Si tu me disais pourquoi tu as dit à l'inspecteur Hopkins d'annuler l'enquête ? Lâcha-t-il calmement.
Tayla se figea. Amir l'observa attentivement tandis que son dos se raidissait.
—De quelle enquête tu parles? Demanda-t-elle sans se retourner.
Il rit ironiquement tout en faisant quelques pas.
Cette femme le prenait pour un imbécile ! Comme quoi elle pensait qu'il n'avait pas vu la manière dont elle se raidissait?
Et elle voulait lui faire croire que son raidissement n'avait aucun rapport avec la question qu'il venait de lui poser?
Sacrée bout de femme !
—Ne joue pas à la plus maligne avec moi, Tayla.
—Mais je ne sais pas de quoi tu parles ! Protesta-t-elle.
Sa voix ne trembla même pas. Il la contourna et se posta devant les quelques marches qui menaient vers la chambre.
—Tu as bien choisi ta profession, dit-il froidement. Je me demandais pourquoi tu mens avec l'adresse d'une professionnelle. J'avais oublié que c'était ça ton métier :mentir. Les gens doivent regretter le fait que tu n'exerces plus ton métier d'avocate.
Elle leva lentement son regard vers lui. Un regard triste.
Il ne se laissa pas attendrir. La comédie. Elle jouait la comédie.
—Inutile de feindre la tristesse. Ça ne marche pas avec moi.
Elle écarquilla les yeux. Ses mains étaient toujours pressées contre son ventre. Comme si elle souffrait le martyre.
—Tu es tellement cruel!
—Ça ne répond pas à ma question Tayla. Pourquoi as-tu demandé qu'on annule l'enquête ?
Elle secoua la tête, l'air désemparée.
Un instant, Amir fut tenté de croire qu'elle était sincère mais il se reprit.
Elle jouait tout simplement la comédie pour ne pas répondre à sa question.
—Tayla...
—Je ne peux pas te le dire, dit-elle d'un trait.
Et voilà! Qu'est-ce qu'il disait!
Amir fronça les sourcils en la toisant pendant une bonne minute. Elle ne réagit pas. Seul le silence régnait.
—Pourquoi? Demanda-t-il enfin. Tu sais qui t'a fait ça ?
Elle baissa les yeux. Un ange passa.
—Réponds-moi, ordonna-t-il.
—S'il te plaît, Amir. Oublie cette histoire.
—Oublier? Répliqua-t-il. Dis-moi qui il est. Ton amant?
Elle releva la tête, une expression étonnée peinte sur ses traits fins.
—Quoi? Mon... Mais tu... Je...
Qu'est-ce qui...Qu'est-ce...
Son cœur se serra. Il avait vu juste. Aussi incroyable que cela pouvait paraître, Tayla avait été agressée par son amant. Et invraisemblablement, elle ne voulait pas qu'il soit poursuivi en justice.
En rage, il quitta la suite. Sinon il allait étouffer.
Cette nuit allait être longue. Il le sentait.