Smith : — Lena, je te présente William Anderson, mon cousin. J’espère que vous allez bien vous entendre, parce que vous allez travailler ensemble durant les deux prochains mois sur la nouvelle succursale. Je vous laisse faire connaissance, j’ai un rendez-vous hors de la ville.
Quoi ? Il n’était pas sérieux ! Mon patron venait littéralement de me laisser seule avec lui, sans plus d’explications.
Moi : — Mais…
M. Smith n’attendit même pas que je termine. La porte se referma derrière lui, me laissant dans un silence pesant. Une minute s’écoula, mais j’eus l’impression qu’elle dura une éternité.
Ce fut William qui brisa enfin la glace :
— Comme tu le sais déjà, je suis William Anderson. Je n’avais pas forcément envie d’être ici, rassure-toi. Et j’ai bien compris que tu ne voulais pas de moi dans les pattes.
Moi : — Et qu’est-ce qui te fait croire ça ?
— Tu es entrée dans ce bureau toute énervée, simplement parce que tu ne me connaissais pas, répondit-il avec un calme déconcertant.
— C’est vrai… mais maintenant que je vous connais, il me reste à savoir si vous êtes qualifié pour ce poste. Sans vouloir vous offenser, monsieur Anderson.
— Non, bien sûr que non, tu as raison. Tu ne me connais pas encore et je n’ai rien prouvé. C’est à moi de montrer que je suis digne de confiance.
Il y avait dans sa voix une franchise désarmante. Beaucoup se seraient vexés à sa place, mais lui non.
Moi : — Nous avons deux mois pour apprendre à nous connaître, puisque nous allons travailler ensemble.
— Et si on commençait par un déjeuner ? proposa-t-il. Tu as un rendez-vous à onze heures, non ?
— Oui… pourquoi ?
— Que dirais-tu si on profitait de ce moment pour discuter autour d’un bon repas ?
Je marquai une pause, un peu surprise par sa proposition.
Moi : — Pourquoi pas.
— Parfait. Alors, je viens te chercher à onze heures. Ça ne te dérange pas si je t’appelle Lena ?
Mon prénom, prononcé par sa voix grave, sonnait comme une douce mélodie.
Moi : — Bien sûr que non.
Je quittai la pièce et retournai dans mon bureau. En m’affalant sur mon siège, j’eus l’impression d’avoir retenu mon souffle pendant dix minutes entières. Quelques secondes plus tard, Anaïs entra.
— Je t’avais pourtant prévenue, dit-elle.
— Tu aurais dû insister, Anaïs, répondis-je en soupirant.
Elle s’installa face à moi, les bras croisés, le regard accusateur.
— Mon Dieu… il est tellement beau, ce William, lâchai-je malgré moi. Ce n’est pas l’homme le plus séduisant du monde, mais il a ce petit quelque chose qui attire.
— Tu es déjà sous le charme, je le vois bien.
— Non, ce n’est pas ça… enfin… je ne sais pas. Où en étions-nous ?
Anaïs sourit, amusée.
— Nous en étions à ton rendez-vous avec William Anderson, justement.
Le sourire qu’il m’avait lancé tout à l’heure repassait en boucle dans mon esprit. Moi qui, d’habitude, ne laissais rien ni personne me distraire au travail…
Je me repris :
— Apporte-moi les documents de la semaine dernière. Je veux les analyser et les signer, comme ça nous pourrons avancer.
— À vos ordres, patron ! lança-t-elle en riant.
— Attends ! ajoutai-je. Fais-moi aussi quelques recherches sur William Anderson… et tu sais que je déteste quand tu m’appelles comme ça.
— C’est noté, je reviens dans quelques minutes.
Je m’étais replongée dans mes dossiers quand quelqu’un frappa à la porte. Sans lever la tête, je lançai :
— Anaïs, si c’est encore pour me parler de ton attirance pour le comptable, je t’étrangle ! Et n’ose même pas me parler de William Anderson, je suis déjà assez stressée comme ça…
Une voix masculine, grave, me coupa net.
— C’est l’heure ?
Mon cœur fit un bond. Oh non… c’était lui. Moi et mon don pour me mettre dans des situations embarrassantes !
Je relevai enfin la tête.
— Oh… désolée, je n’avais pas vu l’heure.
Et dire que j’attendais ce moment avec impatience toute la matinée. Heureusement pour moi, William ne fit aucun commentaire sur ce qu’il venait d’entendre.