Pdv de Josh
L’infirmerie pue le désinfectant et la richesse.
Carrelage brillant, rideaux trop blancs, et cette odeur de médicament qui te colle à la gorge.
Je m’assois sur le lit, main droite bandée, humeur en vrac.
L’infirmière, tirée à quatre épingles, revient avec une bassine.
— Vous avez eu de la chance, monsieur Parker. Pas de nerf touché.
Je hausse les épaules.
— Ah, super. Je vais pouvoir continuer à écrire mes lettres d’excuses.
Elle me fusille du regard. Je lui rends son regard avec un petit sourire provocateur. Elle part sans un mot.
Nico, lui, se marre dans un coin.
— Franchement mec, t’as le don pour te faire remarquer.
Je grogne.
— C’est pas moi qui ai commencé.
— Peut-être pas, mais c’est toi qui t’es retrouvé avec un stylo planté dans la main.
Je fixe la b***e autour de ma paume. Le sang s’infiltre encore à travers.
— C’est qui cette folle ?
— Lyah Ambers Rogers. Fille du magnat Richard Rogers.
— Celle qu'on surnomme "la mystérieuse de la famille Rogers" ?
— Oui mec. Ambers, c’est pas juste une fille riche. C’est une légende.
Je me tourne vers lui.
— Légende ou pas, elle me doit un pansement neuf.
Il rit encore.
— T'en aura peut-être si tu t'excuses pour les insulttes.
Je me lève.
— Seulement si elle fait de même.
_ Là, il faut pas trop espéré.
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En sortant de l’infirmerie, je sens les regards.
Les chuchotements, les rires étouffés.
“C’est lui, le nouveau.”
“Le mec qu’Ambers a planté.”
Super. Premier jour, et je suis déjà le clown du lycée.
Je traverse les couloirs, la main bandée, le col défait. Quelques filles me fixent avec ce mélange de pitié et de fascination.
Certaines ricanent. D’autres murmurent, “Il est plutôt canon quand même.”
J’en attrape une au vol, un sourire en coin :
— Si t’aimes les bad boys blessés, je suis dispo à la récré.
Elle rougit. Son amie l’attrape et l’éloigne aussitôt.
Je souris, satisfait.
Ouais, on peut dire que le charme Parker fonctionne encore. Même dans le chaos.
En passant devant la grande baie vitrée, j’aperçois la cour intérieure. Les cerisiers alignés forment une arche rose pâle. Des pétales tombent, portés par le vent. Et là, sous l’un d’eux, je la vois.
La furie.
Ambers.
Assise sur un banc, tête baissée, casque autour du cou.
Elle parle avec une fille blonde — la même qu’en classe, celle qui lui a couru après.
Elles ont l’air proches. Intimes.
Je me demande ce qu’elle raconte.
Je reste là un moment, à les observer à travers la vitre.
Elle lève la tête, et nos regards se croisent.
Une seconde. Pas plus.
Mais ça suffit.
Son regard noir m’éteint sur place.
Froid. Tranchant.
Puis elle détourne les yeux comme si je n’existais pas.
Je souffle un rire.
— Très bien, princesse. Tu veux des excuses? Tu les auras.
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Pdv Ambers
Je traverse la cour à grandes enjambées, les poings serrés.
Le vent frais de Manhattan s’engouffre dans mes cheveux, emportant ma colère à moitié.
J’ai mal à la tête, mal au cœur.
Et ce foutu stylo… j’aurais peut-être pas dû le planter. Mais bon. Il l’a cherché.
— AMBERS !
Je m’arrête. Beverley.
Toujours essoufflée quand elle court.
— Ambers, attends-moi, bordel !
Elle me rejoint, une main sur la hanche.
— Qu’est-ce qui t’a pris ?! T’as pété un câble ou quoi ?
Je m’appuie contre le tronc du cerisier, fixe le sol couvert de pétales.
— Il m’a manqué de respect.
— Et t’as décidé de le transformer en passoire ?
Je lève les yeux vers elle.
— Il m’a traitée de p*****e. Et d’indigène.
Elle reste bouche bée, puis grimace.
— Ok, d’accord, validé. Mais t’aurais pu juste le frapper, pas le perforer.
Je ne réponds pas. Le bruit du vent dans les branches me calme un peu.
Sous ce cerisier, tout est plus silencieux.
Depuis des années, c'est notre coin à nous quatre.
Beverley s’assoit à côté de moi, joue avec un pétale entre ses doigts.
— T’es tendue depuis ce matin. C’est à cause d'Axel ?
Je détourne le regard.
— On dirait bien que j'ai raison.
Je ricane amèrement.
— On peut arrêté d'en parlé s'il te plaît ?
Beverley me fixe, puis me donne un coup d’épaule.
— Toi, t’as besoin d’un bon milkshake et d’une soirée sans prise de tête.
— J’ai besoin qu’on me foute la paix.
Silence.
Je ferme les yeux. J’entends les rumeurs déjà courir dans la cour.
“Ambers a encore frappé.”
“Le nouveau s’est fait planter.”
Je m’en moque.
Enfin, j’essaye.
Mais au fond, quelque chose me serre la poitrine.
J'ai encore échoué à me contrôlé.
J’ai cru un instant… non, peu importe.
— Bev…
— Ouais ?
— Tu crois que je suis folle ?
Elle rit doucement.
— Non. Juste… blessée. Et fière. Mauvais combo, mais c’est toi.
Je souris, malgré moi.
Elle me connaît trop.
Beverley se lève, tapote sa jupe.
— Allez, viens. Si tu traînes ici, t’auras tout le lycée sur le dos d’ici dix minutes.
Je reste immobile.
Les pétales tombent sur mes genoux, comme un rappel du passé.
— J'aurais pas du revenir, murmuré-je.
— Quoi ?
— Rien. Je me dit juste que ça aurait été mieux si ils ne m'avaient pas retrouvée.
Beverley se fige.
— Ambers… pas maintenant.
— Je sais. C’est juste… parfois, je me dit " et si... "
Je relève la tête, chasse la pensée.
— On devrait rentrer les cours on peut-être déja commencé.
Elle m’adresse un regard inquiet, mais n’insiste pas.
On s’éloigne du cerisier, côte à côte, sans un mot.
Et là, sans le vouloir, je croise son regard.
De l’autre côté de la vitre.
Le nouveau.
Il me fixe, encore.
Je soutiens son regard, juste une seconde, avant de tourner les talons.
Ce garçon à un sérieux problème.
Je ne vois que ça.