J’adorais la crème de chantilly.
Assise à la table, j’avais pris le pot dans le congélateur. Je ne voyais pas l’intérêt de prendre un bol lorsque je savais que j’allais tout manger. Je gémis de bonheur alors que la saveur de framboise explosa dans ma bouche, faisant frémir mes papilles gustatives. Je fermai les yeux, poussant un profond soupir de satisfaction.
Même s’il était vingt-trois heure trente, il n’était jamais trop tard pour de la crème de chantilly. Mon amour pour ce dessert m’avait valu mon surnom, enfin, il n’y avait que Daël qui s’amusait à m’appeler de cette façon. Même si je faisais semblant d’être irritée, je ne détestais pas cela !
De la bouffe.
Je tournai la tête, captant les pensées de Gabe bien avant sa présence. Le grand brun fit irruption dans la cuisine, allumant la lumière que j’avais laissée fermée au passage. Je me renfrognai aussitôt.
-Je me doutais bien que les gémissements que j’entendais ne venaient pas de mon ordinateur, dit-il en me faisant un sourire en coin.
Gabe ressemblait beaucoup à James, son père. Il avait la même grandeur, les mêmes cheveux bruns, même si les siens étaient beaucoup plus longs, le même sourire de clown et les mêmes prunelles vertes. Par exemple, il avait hérité des lèvres pulpeuses et des hautes pommettes d’Ella, sa mère.
Okay, James était quand même un très bel homme, mais Gabe lui, était une version beaucoup plus améliorée. Même s’ils avaient le même humour merdique !
-C’est les seuls que tu vas entendre, dis-je en léchant ma cuillère.
Le loup pouffa, se dirigeant vers les tiroirs de la cuisine. Je plissai les yeux dans sa direction.
Soudainement, comme si on m’avait donné un coup derrière la tête, un vertige me prit de court. Des voix retentirent alors dans mon crâne, me faisant fermer les yeux.
-Blaire ?
-Tshutt, marmonnais-je.
Rappelle-toi Blaire. Papa t’a appris à mettre un mur entre ton esprit et ces voix. Il te suffit que de prendre de grandes respirations, rester calme et visualiser la rambarde.
C’est ce que je fis.
Lentement, les voix se transformèrent en murmures, pour finalement disparaître complètement. Le mur que mon père m’avait appris à construire dans ma tête m'empêchait d’entendre les pensées des gens. Il m’isolait complètement des autres, me permettant à moi-même de ne pas mélanger mes propres pensées avec celles que j’entendais.
Quand j’ouvris les yeux à nouveau, je ne fus pas surprise de tomber face à deux prunelles vertes qui m’observaient, inquiètes.
-Tu vas bien ?
J’ouvris la bouche pour lui répondre mais je ne fus pas la première à parler.
-Qu’est-ce qui se passe ?
Tout comme j’avais entendu, Thunder, Daël et Théo firent irruption dans la pièce à leur tour. Le jeune alpha avait focalisé son regard sur moi, attendant ma réponse.
-Vous êtes bruyants, dis-je en posant mon doigt sur ma tête. C’est de ma faute, j’ai laissé ma garde baissée.
Théo fronça le nez en prenant place devant moi, posant ses yeux bleus sur mon visage.
-Tu es sûre que ça va ?
Je levai les yeux au ciel.
-Je ne suis pas une gamine les gars ! (Je les observais un à un) Vraiment, ça va.
Thunder hocha la tête. À mon grand soulagement, les garçons finirent par s’asseoir à leur tour autour de la table. Le grand blond se mit au bout, gardant devant lui un champ de vision assez large pour tous nous observer. Même si Thunder n’était pas un copier-coller de son paternel, Hayden, notre alpha, je ne pouvais pas nier qu’ils se ressemblaient beaucoup sur plusieurs aspects. Leur posture était la même, puissante. Leur carrure était une autre chose qu’ils partageaient en commun. Les deux ne demandaient pas, ils exigeaient le respect, peu importe où ils passaient.
En fait, chaque mâle dans cette pièce était doté de cette aura puissante typique de loup-garou dominant.
En tant que dominante moi-même, ma louve aurait dû se sentir étouffée d’être dans la même pièce que les garçons, mais au contraire, elle adorait leur présence.
-Tu voulais nous parler ?
Je haussai un sourcil en voyant Gabe me contourner. Il posa sa main dans mon dos, me poussant légèrement pour que je m’avance sur le bord de ma chaise. Comprenant son intention, je grondai.
-On a plus 10 ans Gabe, lui dis-je en plissant les yeux. Tu ne peux pas t’asseoir derrière moi…
Je fus coupée dans ma phrase quand il passa une jambe par-dessus la chaise, plaquant son torse sur mon dos. Je jurai alors que je manquai de tomber. Cet abruti ne s’en rendait peut-être pas compte, mais il était énorme bon sang !
Il passa ses bras de chaque côté de mes épaules, étirant ses longs membres sur la table.
-C’est quoi cette manie, demanda Théo, beaucoup plus amusé qu’outré.
Daël poussa un profond soupir, observant ses ongles.
-Ils font ça depuis qu’ils sont jeunes, répondit Thunder en haussant les épaules. Tu ne t’en rappelles pas ?
-Aucun souvenir.
Je me renfrognai, murmurant à quel point c’était inconfortable en plongeant à nouveau ma cuillère dans mon pot de crème.
-Ouais, je voulais vous parler, continua Thunder.
Je m’apprêtai à mettre ma cuillère dans ma bouche, mais Gabe me devança, posant sa joue sur la mienne pour me pousser de ma trajectoire. Je lui lançai un regard noir par-dessus mon épaule alors qu’il se contenta d’un clin d’œil.
Emmerdeur.
-Est-ce que ça a rapport avec la rencontre que tu as eu avec ton père ?
Thunder hocha la tête en direction de Théo.
Il nous expliqua la situation, ne passant pas par quatre chemins. À la fin de son récit, les réactions se firent partagées. Théo hocha doucement la tête, peu surpris par la nouvelle. Gabe siffla derrière moi, se laissant tomber contre le dos de la chaise. Moi, et bien, j’étais partagée entre la surprise et l’irritation. Je savais que quelque chose ne tournait pas rond avec Louis Buck, mais je ne me doutais pas une seule seconde qu’il faisait parti d’une famille puissante de chasseurs !
Ma louve décida de réagir, poussant un grognement rauque.
En effet, tout comme elle, j’étais irrité que ce petit fils de bourgeois ait pris la meute pour cible. Étant donné que j’étais une année plus basse que les garçons, je ne pouvais pas m’avoir douté une seule seconde que cet humain était dangereux. Enfin, dangereux était un très grand mot. Mais si Thunder disait vrai, son instinct de chasseur était en train de se réveiller, et je ne voulais pas que personne ici en paie les frais.
Un bruit sourd me fit sursauter.
-J’aurais dû le buter quand j’en avais l’occasion, dit Daël, les poings serrés contre la table.
Thunder soupira, posant une main sur l’épaule de l’asiatique.
-Mon père veut qu’on le surveille.
Théo haussa un sourcil.
-Qu’on le surveille ? Tout simplement ?
Thunder eu un sourire en coin, échangeant un coup d’œil avec Daël.
-Laisse-moi deviner, soupira Théo. On va tout faire sauf nous tenir à distance, n’est-ce pas ?
Le jeune alpha lui fit un clin d’œil pour simple réponse. J’eus un sourire en coin. Je me doutais bien que Thunder allait aller à l’encontre des ordres de Hayden, ça n’allait pas être la première fois, et sûrement pas la dernière !
Soudainement, derrière moi, Gabe bougea du bassin, me faisant automatiquement figer.
-Ne me dis pas que je sens ce que je crois, dis-je entre mes dents.
Les têtes se tournèrent vers moi, surprises. Voyant mon visage livide, Théo éclata de rire. Gabe eut l’audace de poser son menton sur mon épaule, m’observant de ses yeux verts.
-Et qu’est-ce que tu sens ?
Thunder poussa un gémissement sonore de dégoût, hochant doucement la tête de gauche à droite.
-Si je ne vous connaissais pas, s’exclama Théo, je jurerais que vous seriez un couple !
Je frissonnai. Jamais, je ne dis bien jamais, que j’allais m’accoupler avec un de ses idiots. Ils avaient beau être des dieux sur jambes, il n’avait aucune chance que je les vois autrement !
-Si tu ne te lèves pas dans les deux prochaines secondes Gabe, je te promets sur ma tête que je te coupe le pénis en deux et le donne à manger à Daël !
-Je passe, s’écria l’asiatique en grimaçant. Les courges ne sont pas mon style.
Je grognai, tentant de me glisser hors de ma position. Mais Gabe m’emprisonna de ses deux bras, éclatant d’un rire sonore. Sans que je ne m’y attende, quelque chose de visqueux me passa sur la joue.
-Bordel, m’écriais-je en me rendant compte que cet emmerdeur venait de me lécher la joue. Gabe, c’est dégoûtant !
***
*****
*******
Le lendemain matin, je me retrouvais dans le 4x4 de la meute, accompagnée d’Alex et Élie. Comme à chaque samedi, j’accompagnais le couple de loup à l’établissement Phoenix, un bâtiment qui accueillait les créatures surnaturelles qui avaient été achetées sur le marché noir.
Élie était la chef du département en psychologie. Étant une empathe, cela faisait d’elle la personne la plus apte à comprendre les malheureux de cet acte sordide dont ils avaient été victimes.
-Je te remercie Blaire, me dit Élie en se tournant pour me faire face.
Je souris, passant une main dans mes cheveux lâchées.
-J’adore l’ambiance dans les cuisines, lui dis-je en souriant.
Alex, qui était au volant, passa son bras libre derrière sa tête, passant sa main dans ses cheveux blonds.
-Ça ne sera pas bien long, dit-il en m’observant dans le rétroviseur. Il y a un problème avec le premier point de contrôle, je dois aller voir ce qui se passe.
Élie se laissa aller contre sa main, me tirant un sourire. Parmi tous les couples dans la maison, c’était ces ceux-là mes préférés. Malgré leur tempérament totalement opposés, ils s’accordaient parfaitement ensembles, comme si ils étaient nés pour se trouver.
Mon cœur se serra malgré moi. Je les enviais. Moi aussi je voulais une personne qui allait me comprendre sans avoir à dire quoi que ce soit. Moi aussi je voulais cet homme qui allait me toucher comme si j’étais une œuvre d’art, qui allait m’observer comme la plus belle chose au monde. Je sais, j’étais jeune, mais pourquoi est-ce que j’avais l’impression que mon prince charmant était en fait un dragon cracheur de feu ?
Je fus tirée de mes pensées quand la voiture s’arrêta. Une énorme bâtisse brune aux fenêtres teintées nous faisait face. Le bâtiment était coupé en trois pavillons distincts. Je savais qu’il y avait trois points de contrôle avant de pouvoir entrer dans le stationnement souterrain. Tout comme sur notre territoire, il y avait une guérite de sécurité, beaucoup plus grande que la nôtre tout de même. Une énorme grille semblable à ceux qu’on voyait en prison nous faisait face, empêchant la voiture d’aller plus loin. Je remarquai qu’il y avait beaucoup moins d’hommes qu’à l’habitude postés autour du bâtiment.
Étrange.
Alex abaissa sa vitre, observant un homme aux cheveux roux s’approcher. Sa peau était beaucoup plus pâle que la nôtre, presque livide. Ses yeux noisettes semblaient briller quand il nous observa, le visage fermé. Je remarquai qu’il portait le même uniforme qu’Alex, c’est-à-dire un pantalon ainsi qu’une veste noire, époussetant la largeur de ses épaules. Les coutures qui commençaient sur ses épaules et terminaient sur les manches étaient rouges sang, accompagnant le dessin d’une lune de la même couleur sur son bras droit.
Même si je venais souvent, je ne reconnus pas le type qui nous avait approché.
-Monsieur, s’empressa-t-il de dire. Madame.
Élie lui répondit d’un sourire. Ses beaux yeux s’attardèrent sur moi un instant. Je le dévisageais à mon tour, ne baissant pas les yeux. Son odeur m’agressa les narines un bref instant. Un vampire.
-Elle est sous ma protection, dit Alex en fronçant les sourcils. (Voyant le bel homme hésiter, il fronça les sourcils) Un problème ?
-Aramis a ordonné à ce que tout le monde soit fouillé avant de passer le premier point de contrôle…
Alex gronda, interrompant l’homme dans sa lancée.
-Alors quoi ? Tu veux me fouiller ma femme et moi?
Le vampire hocha négativement la tête, me jetant un autre coup d’œil. Alex suivit son regard. Aussitôt, ses traits s'assombrirent.
-Monsieur, se dépêcha-t-il d’expliquer. Il y a une brèche derrière la bâtisse et il nous a fallu rapatrier plus d’hommes dans ce secteur. Pour le moment, l’entrée est condamnée pour tout le monde.
Alex serra le volant tellement fort que ses jointures devinrent blanches. Un muscle de sa mâchoire tressaillit sous la colère.
Je grimaçai.
-Appelle Aramis, ordonna-t-il. (Le voyant rester de marbre, il montra les crocs) Tout de suite !
Alors que le vampire semblait parler dans une oreillette, Élie posa sa main sur le biceps d’Alex, lui caressant malgré l’épaisse veste qu’il portait. Seulement deux minutes plus tard, un homme à la chevelure blonde fit son apparition, abordant l’uniforme. Je fus frappée par ses yeux bleus luisants et sa peau très claire. Mon dieu, était-ce une caractéristique des vampires ?
-Tu m’as appelé ?
La sentinelle hocha la tête, pointant notre voiture du menton. Aramis, si je ne me trompais pas, observa Alex, les sourcils froncés. En deux pas rapides, il se retrouva près de la fenêtre.
-Qu’est-ce que tu fais ici ?
-Jérémya m’a téléphoné pour me dire qu’il y avait un problème dans le secteur Ouest. Ma compagne a rendez-vous avec des patients du pavillon F. Blaire à l’arrière va aider en cuisine, étant donné l’urgence. Je comprends que tout est bloqué, mais je déteste me justifier auprès de qui que ce soit Aramis !
Le vampire soupira, jetant un regard par-dessus son épaule.
-Ne blâme pas mes hommes, ils ne font que suivre mes ordres. Rage est nouveau, il ne sait pas qui tu es.
Alex grogna à nouveau.
-Rien à foutre ! Hey, cria-t-il en direction de Rage. Souviens-toi de mon visage suceur de sang, parce que la prochaine fois que tu m’empêches d’entrer, je t’arrache la nuque à coup de crocs. C’est clair ?
Aramis soupira, ordonnant au vampire de lui répondre d’un hochement de tête.
-Au fait, dit-il alors que la grille s’ouvrit. La prochaine fois que quelque chose cloche au Phoenix, je veux être au courant beaucoup plus rapidement, compris ? Je suis le commandant en chef Aramis, ne l’oublie pas.
Sur ce, il mit la première vitesse et engouffra la voiture jusqu’au deuxième point de contrôle. Contrairement à un peu plus tôt, les hommes qui entouraient la voiture semblait reconnaître le loup, le laissant passer directement. Ce fut le même manège pour le troisième.
Alors qu’on pénétra dans le stationnement souterrain, Élie lança un regard amusé dans la direction de son compagnon.
-Tu es toujours aussi chiant avec eux ?
Alex haussa une épaule.
-Je suis payé pour être leur chef, pas leur meilleur ami.
Élie leva les yeux au ciel.
-Crois-moi mon cœur, ces types ne voudraient même pas être tes amis si tu les payais ! Même s’ils te respectent, je n’ai senti aucune once d’amitié chez eux. Seulement de l’irritation.
Je pouffai. Élie avait raison. Même si je n’avais pas capté des pensées claires, j’avais eu assez de morceaux pour savoir qu’Alex n’était pas très apprécié. Bon, comme la louve l’avait dit, tous les hommes de cet endroit avait un respect profond pour Alex, mais c’était quand même très drôle de voir Élie lui dire en plein visage.
-Bébé, dit-il en fermant le contact. Tu veux savoir ce qui m’irrite vraiment en ce moment ? (Une étincelle salace passa dans ses yeux) Cette robe. Tu ne sais même pas à quel point j’ai envie de te l’arracher, là, maintenant.
-D’accord, m’écriais-je en ouvrant la portière, écoutant le rire de la louve remplir la voiture. Je n’ai vraiment pas envie d’entendre ça !
Maintenant, je comprenais pourquoi Daël se plaignait sans cesse qu’il n’arrivait pas à dormir chez lui.
Je vis le couple sortir à leur tour, me suivant dans mon geste. Élie fit le tour de la voiture pour nous rejoindre, un sourire amusé aux lèvres.
-Je vais voir ce qui se passe avec le secteur ouest, dit Alex en soupirant. Je t’appelle dès que j’ai terminé d’accord ?
Élie hocha la tête, étirant le cou pour accepter le b****r qui lui donna.
-Fais gaffe avec les couteaux toi, dit-il en passant sa main sur ma tête. Je n’ai pas envie que Demi me tue dans mon sommeil.
Alors qu’il se dirigea vers l’extérieur à nouveau, moi et Élie on se détourna, rejoignant une porte en métal dans le fond du stationnement. La louve leva le bras dans les airs, faisant signe aux caméras.
Après plusieurs minutes, elle fronça les sourcils.
-Bizarre, dit-elle. J’imagine qu’il doit y avoir un problème avec les caméras.
Élie s’approcha de la poignée où un panneau de sécurité y était installé. Je détournai la tête, écoutant les petits bruits que cela faisait quand elle entreprit de peser sur les boutons. Je lui fis face à nouveau quand un déclic retentit.
-Allons-y !
Nous rentrâmes dans la petite cabine où un ascenseur nous attendait. Élie tapa un autre code sur le clavier, nous emmenant au premier étage. Quand nous y fumes, je fus surprise de ne trouver personne dans le couloir. Élie fronça les sourcils à nouveau, s’approchant du bureau au centre.
-La réceptionniste n’est pas là. (Elle jeta un coup d’œil à sa montre) Il n’est pas l’heure du dîner pourtant.
Elle soupira, me jetant un coup d’œil en jurant.
-Merde, je suis en retard. Bon, je vais te donner ma passe pour que tu puisses te rendre au troisième pavillon. (Voyant mon regard surpris, elle grimaça) Ne t’inquiète pas, c’est seulement pour la première heure. Tiens, tu n’auras qu’à scanner ma carte sur le petit écran en haut du clavier. N’oublie pas Blaire, direction les cuisines, compris ?
Je hochai rapidement la tête. Si elle croyait que je voulais faire aux créatures du pavillon E, elle s’était complètement trompée !
Je rentrai dans l’ascenseur, me retrouvant à fixer les chiffres. Une boule se forma dans mon estomac alors que j'appuyais sur le chiffre trois. Un bruit strident retentit, me faisant grimacer. Comme elle me l’avait dit, un petit écran me demanda ma carte d’accès. J’ignorai les tremblements de ma main et appuya la carte noire sur l’écran. Aussitôt, l’ascenseur se mit à monter.
Ma louve s’agita, sentant la nervosité m’envahir.
Prenant une grande respiration, je fermai les yeux. Le bâtiment comportait trois pavillons distincts. A, F et E. Les créatures qui étaient dans le A était celles qui étaient considérées les plus stables. Bientôt, ils allaient pouvoir repartir vivre dans leur clan respectifs. Ceux du pavillons E était ceux en voie de guérison. Élie travaillait beaucoup dans celui-ci, stabilisant les créatures qui se voyaient encore tourmentées par leur passé. Et puis, il avait le E. Ce pavillon là était interdit aux visiteurs et il fallait un passe noire comme celui d’Élie pour y accéder. Les créatures qui y étaient se voyaient classifiées comme étant trop dangereuses pour vivre en société. Élie m’avait expliqué que celles qui se retrouvaient dans l’aile E avaient été détruites mentalement, et elles étaient incapables de passer par-dessus leurs horribles passés. Ils détestaient tous les humains, sans aucune exception.
Je fus tirée de mes pensées quand l’ascenseur sonna, me prévenant que nous étions arrivées. Je carrai les épaules, prenant une grande respiration.
Aller Blaire, ce n’est pas la première fois que tu te retrouves ici. Comme à l’habitude, une sentinelle sera là pour te guider jusqu’aux cuisines. Il n’y avait rien à craindre.
Je levai la tête alors que les portes en métal s’ouvrirent. Je fis un pas mais me figeai alors complètement, observant la scène devant moi, les yeux écarquillés.
Bordel de merde.
Il y avait bien une sentinelle qui m’attendait, mais les membres de son corps étaient tordus dans tous les sens. Ses yeux vitreux observaient le plafond, la bouche béante.
Il était mort.
Mon cœur se mit à battre la chamade dans ma poitrine, ma respiration s'accélère. Ma louve hurla dans mon esprit, me pressant de faire demi-tour et m’enfuir.
Mon dieu, il fallait prévenir les secours !
-Tu as entendu ?
Au son de la voix, mes muscles se tendirent aussitôt. Mon cœur résonna dans mes tympans alors qu’une deuxième beaucoup plus rauque lui répondit.
-De quoi est-ce que tu parles ?
Je fermai les yeux, priant pour que personne ne la rejoigne. Mais bien-sûr, il fallut que la peste me colle au cul ! J’entendis des pas résonner contre le plancher. Oh non, le son des ranger que j’entendais n’avait rien à voir avec les petits souliers bon marché du staff !
Mon cerveau réussit à se connecter à nouveau avec mes membres, me permettant de bouger. Les sens aux aguets, je me retrouvai à nouveau dans l’ascenseur, pesant sur le bouton afin de fermer les portes.
Je poussai un gémissement étouffé en voyant les lettres en rouge « hors service » s’afficher en haut de ma tête. C’était une blague n’est-ce pas ?
-Je te jure, j’ai entendu un bruit. Appelle Caïn, et donne lui dix minutes pour trouver comment déverrouiller les cages de ces ordures.
Oh, mon, dieu.
Qui était Caïn ? Et pourquoi ces humains voulaient libérer les créatures de ce pavillon ? N’étaient-ils pas au courant qu’elles étaient dangereuses ?
Je baissai les yeux sur le corps de la sentinelle.
C’était impossible qu’un simple humain ait pu faire ça. Peu importe de quel espèce cet homme était, c’était tout bonnement inconcevable. Je tentai de renifler, voulant m’assurer qu’ils étaient juste deux, mais la puanteur de la carcasse au sol m’empêcha de sentir quoi que ce soit.
Je fus tirée de mes pensées par les bruits de pas qui se rapprochaient.
Il fallait que je bouge. J’avais beau être entraînée, je n’étais pas un gilet pare-balles. Et pour être sincère, j’avais une grande peur bleue !
Les jambes tremblantes, je réussi à sortir de l’habitacle, passant par-dessus le corps de l’homme. Un haut le cœur me prit quand l’odeur de son sang m’attaqua directement les narines.
Une main sur le nez, je pris le couloir de droite, suivant le long couloir. La panique me prit automatiquement aux tripes quand j’entendis l’homme d’un peu plus tôt parler.
-Cain n’a pas réussi à déverrouiller les portes encore ?
Je me collai contre le mur opposé à celui que j’étais.
-Non pourquoi ?
Il eut un moment de silence où je crus que mon cerveau allait défaillir. Mon dieu, si seulement je n’avais pas oublié mon portable à la maison…
-Je sens une odeur de loup-garou. Une femelle. (Il eut un bruit de gorge) Son odeur est encore fraîche.
Je fus tentée de me cogner la tête contre le mur. C’était quoi ce bordel !? Comment se faisait-il que ce type arrive à la sentir ?
Ma louve se jeta soudainement sur les paroies de mon esprit, voulant prendre possession de mon corps afin de me protéger.
Je l’ignorai.
Je fus tentée d’abaisser mon mur afin de rentrer dans leur tête, mais j’avais peur de me retrouver vulnérable si je faisais cela. Et s’ils étaient plusieurs ? Non, je ne pouvais pas prendre le risque de me retrouver à patauger dans un lac de pensées. Ça allait me rendre complètement folle.
-Elle est partie par-là.
Mon cœur manqua un battement. Oh bordel !
À l’aveugle, sans lâcher le coin du couloir des yeux, je tâtonnai le mur devant moi, me laissant glisser en reculant sur-celui-ci.
-Aller, murmurai-je.
Je faillis pleurer de soulagement en sentant une poignée entre mes doigts. Je tentai de l’ouvrir, mais la porte refusa de bouger.
-Merde merde merde, sifflais-je entre mes dents. Allez, s’il te plait.
Les pas se firent plus proches. La sueur perlait dans mon dos sous l’adrénaline.
-Oh, c’est fait, s’écria le second homme.
Au même moment, un déclic retentit. La poignée arrêta enfin de résister et la porte s’ouvrit. Aussitôt, je m’engouffrai dans l’obscurité de la pièce, fermant doucement la porte derrière moi.
Je ne pus m’empêcher de soupirer de soulagement, posant mon front contre le bois.
-Respire Blaire, murmurais-je. Respire…
Je m’arrêtai de parler. Les poils dans mon cou se dressèrent, un souffle me chatouilla l’épiderme. Je serrai les poings. L’odeur de l’inconnue m’éclata au visage, me faisant malgré moi pousser un gémissement. Un démon.
Mon instinct prit alors le dessus.
D’un geste rapide, je me retournai, lançant mon poing dans la direction de l’homme à l’odeur enivrante.
-Oh non.
Son murmure résonna.
Sans que je ne comprenne quoi que ce soit, je me retrouvai plaquée contre le mur. Une main se posa sur ma bouche, étouffant mon cri de surprise. Je sentis son bras s’enrouler autour de ma taille, bloquant mes poignets au passage. Je hoquetai alors que le démon m’aplatit contre son torse. Merde, je n’arrivais même pas à bouger un muscle !
Je grondai, tentant de lui donner un coup de pied dans les tibias.
Mon souffle se coupa net quand il me plaqua plus fort contre le mur, me coinçant encore plus étroitement entre eux deux.
-Je vais retirer ma main, dit-il dans le creu de mon oreille. (Un frisson me traversa) Bien, ne crie pas.
Dès qu’il éloigna sa main, ma poitrine vibra quand je poussai un grognement.
-Lâche moi e****é, murmurais-je assez fort pour qu’il m’entende.
La peur qui m’avait embrumé l’esprit s’était évaporée pour laisser place à la colère. Le démon ne s’en rendait peut-être pas compte, mais la position dans lequel je me tenais faisais monter en moi une rage inouïe. Me soumettre ? Très peu pour moi !
-Je vais te déchirer la gorg…
Je me figeai. Il avait laissé sa main glisser le long de ma peau pour se réfugier autour de ma gorge. Je déglutis.
-Bonne fille, susurra-t-il dans mon oreille. Maintenant petite louve, j’aimerai beaucoup que tu m’expliques ce que tu viens faire dans ma chambre.
Dans sa chambre ? Comme si on venait de me jeter un saut d’eau glacial dans le visage, je me réveillai complètement.
J’étais dans le pavillon E.
Non, encore pire.
J’étais plaquée contre un type considéré très dangereux, et le pire dans tout ça ? Ma louve semblait adorer cela !