2

1610 Mots
Je donnerais ma vie pour elle. Il le sait. Les mots de mon meilleur ami ne cessent de se rejouer en boucle dans ma tête alors que nous regagnons l’extérieur. Les autres protégés vont et viennent à travers les jardins, certains accompagnés de leurs Tuteurs et Tutrices. Je les regarde passer d’un stand à l’autre, curieuse. La musique retentit tout autour de nous. Une odeur douce et sucrée flotte dans l’air. Je ne cesse de regarder tout autour de moi, dans le but de mémoriser un maximum de détails. Ça a beau ne pas être la première fois que j’ai l’occasion d’assister aux festivités, il n’empêche que cette année j’y trouve quelque chose de nouveau. Peut-être est-ce dû au fait que j’y assiste probablement pour la dernière fois. Je sens mon cœur se contracter à cette idée. Si je ne suis pas tirée au sort pour les Epreuves, je pense que mon Tuteur trouvera un autre moyen de me ramener au palais. Mon éducation étant presque finie, il va falloir que je commence à envisager de céder ma place à une autre jeune fille démunie. Et s’il ne me ramène pas au palais, je trouverai le moyen de rentrer chez moi pour y travailler en tant qu’institutrice et donner une chance aux enfants défavorisés de s’instruire. — Carlie ! Je sursaute subitement rappelée à la réalité. Mes yeux se posent sur mes petites sœurs qui se ruent vers moi. Je m’agenouille, les bras ouverts et les serre contre moi tout en leur donnant un b****r sur le front. Décidément, les surprises ne cessent de s’enchaîner. D’abord de quoi prendre le petit-déjeuner avec mes amis, la nouvelle tenue offerte par le prince et maintenant les retrouvailles avec mes petites sœurs que je n’ai pas vu depuis près de trois semaines, malgré le fait que nous vivions dans le même pensionnat. Elles se détachent de moi, le regard pétillant. Archie m’aide à me redresser tandis que je prends conscience des regards tournés vers nous. Je fais comme si de rien n’était me contentant de me racler discrètement la gorge. Nous reprenons notre marche, Becky et Cassandre légèrement en retrait par rapport à nous, Grâce et Kelly devant nous, Archie à mes côtés. Mes petites sœurs nous font un résumé de toutes les activités qu’elles et les autres pensionnaires les plus jeunes ont fait ces derniers temps. Mon meilleur ami les écoute avec grande attention, leur posant des questions diverses et variées, presque futiles. J’écoute leur échange, le sourire aux lèvres. — Et ce matin avant le petit-déjeuner, Mina nous a apporté une boîte pleine de friandises ! s’exclame Grâce. Archie acquiesce tout en me jetant un coup d’œil interrogateur. — La servante chargée de les aider pour le lever et le coucher, je lui explique. — Merci, souffle-t-il. Je lui réponds d’un sourire complice. — Vous savez ce qu’il y avait comme friandises ? nous demande Kelly. — Lily, comment veux-tu qu’ils le sachent alors qu’ils n’étaient pas là ? la reprend Grâce. — Oh, oui. Pardon. J’émets un rire discret. Archie et moi échangeons un regard amusé. — Qu’y avait-il comme friandises ? je leur demande. — Des chocolats, des caramels… — Des bonbons, des cannes à sucre et des sucettes. — Bonjour les carries, marmonne Archie. Effectivement. — Mina n’a pas voulu nous laisser prendre plus d’un caramel chacune ce matin. Dylan non plus. Je sens mon cœur bondir à l’entente du prénom de mon frère. Dylan ? Je m’apprête à leur demander de répéter afin de m’assurer que mon cerveau ne soit pas en train de me jouer des tours, mais mon meilleur ami ne m’en laisse pas l’occasion. M’attrapant par le bras, il m’entraîne jusqu’à l’un des stands, choisi au hasard, Cassandre, Becky et mes petites sœurs sur nos talons. Je ne peux m’empêcher de l’observer, suspicieuse. Je me demande ce qu’il peut bien être en train de mijoter. Nous nous arrêtons face au marchand, un homme aux allures bon vivant et au visage un peu rougeaud. Ce dernier nous invite à nous regrouper autour d’un tonneau rempli d’eau. Il attrape une pomme qu’il épluche et nous donne une pelure chacun. — Le but est que chacun votre tour, vous souffliez dessus et la laissiez tomber dans l’eau, nous explique-t-il. — D’accord, mais pourquoi ? demande Becky. L’homme se penche vers nous, un sourire mystérieux au coin des lèvres. — Pour révéler la première lettre du prénom de votre moitié. Un doux frisson me parcourt le dos. Mes amis et moi échangeons un regard. — À vous l’honneur, je leur dis. — Pourquoi, tu as peur de ce que ça pourrait donner ? me charrie Cassandre. Je lui assène une petite tape sur le bras la faisant rire. Becky souffle la première. Puis Cassandre, Archie et enfin moi. Tout semble ralentir. Les sons, les rires, le temps. Des images de mon rêve me reviennent en mémoire se mêlant à d’autres souvenirs flous. Deux enfants sur une balançoire, des rires, un bruit assourdissant, la colère d’un ancien couple, les pleurs d’une femme…Is docha gu bheil thu fhathast mar bhana-phrionnsa d’athair airson a-nis, ach aon latha, bidh thu nad bhanrigh agam. Je secoue la tête, souffle sur la pelure et la laisse tomber dans l’eau. Mes amis, mes sœurs et moi-même nous penchons au-dessus du tonneau. La pelure se déforme de façon à former une sorte de A. A comme… — Archie ? suggère Kelly. — Non, lui, il a eu un L, la contredit Grâce. A comme Au…Bang. Bang. Bang. Je suis sortie de mes pensées par des bruits de tirs. Je me retourne dans un sursaut. Avant même que je n’ai le temps de comprendre ce qui se passe, les gens autour de nous se mettent à courir dans tous les sens. La joie et la légèreté font subitement place à la panique. Les balles fusent. Archie nous tire jusqu’à lui et se place devant nous, comme un bouclier. Je ne peux m’empêcher de frissonner à cette idée. Des gardes surgissent de tout côté. Mon meilleur ami agite son bras dans un mouvement d’arc. Une barrière protectrice nous entoure. Les balles viennent s’y percuter avant de faire retour à l’envoyeur. — Jeune homme, escortez-les vite à l’intérieur, lui ordonne un garde. Mon meilleur ami ne se fait pas prier. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il nous fait courir à toute vitesse jusqu’à l’entrée du pensionnat à quelques mètres de là, tout en s’assurant à maintenir notre protection magique. — Is e ribe a th’ann! Archie nous attrape par le bras pour nous faire faire demi-tour. Trop tard. A peine nous sommes-nous retournés que nous nous retrouvons projetés en arrière par la déflagration de l’explosion. Je sens mon corps se soulever dans les airs avant d’atterrir brutalement quelques mètres plus loin. Je peux sentir les débris de verre entailler ma peau tandis que je fais un rouler-bouler sur moi-même. Ma tête heurte le sol. Ma vision se brouille et des sifflements assourdissants se font entendre dans mes oreilles. Je me redresse tant bien que mal. Mon regard se pose sur Archie, non loin de moi. Je rampe jusqu’à lui. Je place ma main dans son cou où je peux sentir son poult battre sous mes doigts. Sa poitrine monte et descend lentement. Un sanglot de soulagement s’échappe de mes lèvres. Il est vivant. Je laisse mon regard parcourir son corps légèrement moins amoché que le mien. — Ici ! je crie d’une voix forte dans l’espoir de me faire entendre malgré le tumulte. Rien. Je prends une inspiration et m’humecte rapidement les lèvres, prête à crier une nouvelle fois, mais ma voix reste bloquée dans ma gorge. Une douleur lancinante se fait ressentir sur mon épaule. Je m’effondre aux côtés de mon meilleur ami lâchant un cri de douleur. Un homme s’approche de moi, le regard haineux. — Tha mi a’dol a chuir as do slut a’phrionnsa. Je vais me débarrasser de la p**e du prince. Je me redresse d’un coup, comme animée par un regain d’énergie soudain, malgré mon être entier qui crie à la douleur. — Anns na aislingean agad. Dans vos rêves.  D’un mouvement ferme du poignet, je réussis à lui faire faire un vol planer profitant de l’effet de surprise qui en résulte pour lui jeter une boule de feu en pleine figure. Ses cris résonnent autour de moi. Je ferme les yeux et me laisse retomber en arrière, alors que son corps s’embrase. Les bruits s’éloignent de plus en plus, avant de faire place à un silence de plomb. ** Je sens mon corps flotter à moitié, soulevé de terre. J’entrouvre les yeux. Mon regard se pose sur mon meilleur ami en train d’être emmené sur un brancard. Je m’agite, prise d’un sentiment de panique soudain. — Archie… — Ne vous en faîtes pas pour lui. Je lève la tête. Cette voix. Ces yeux. Auden. Son emprise se resserre autour de moi tandis qu’il donne des ordres. Des personnes s’agitent tout autour de nous. Nous entrons à l’intérieur de ce que je reconnais comme étant l’aile Est du pensionnat, là où se trouve notre centre médical. Il me pose sur l’un des lits mis à disposition en urgence dans le couloir. Il s’assoit à mes côtés et attrape l’une de mes mains entre les siennes. Son regard plonge dans le mien. La chaleur et la douceur de sa peau contre la mienne m’apaisent. Je sens les battements de mon cœur revenir à la normale alors que Morphée s’apprête à s’emparer une fois de plus de mon être. — Vous êtes en sécurité maintenant. ** ** ** ** **
Lecture gratuite pour les nouveaux utilisateurs
Scanner pour télécharger l’application
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Écrivain
  • chap_listCatalogue
  • likeAJOUTER