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1875 Mots
— Non, elle n’est toujours pas au courant en ce qui concerne Erica Bowman. — Pardon ?! Je fronce les sourcils, gênée par la sensation de martèlement dans mon crâne. — Son père était supposé lui dire la vérité lors de leur dernière visite. — Oui, je sais, Votre Altesse. Mais en toute honnêteté, je pense qu’il devait avoir une bonne raison de ne pas le faire. — Bon sang de… — Que se passe-t-il ? je demande la voix étonnamment pâteuse. — Charlotte ? Archie. J’ouvre difficilement les yeux et tourne la tête. Je sens le soulagement s’emparer de moi à la vue de mon meilleur ami installé sur le lit à côté du mien. Je tends la main vers lui, un sourire au coin des lèvres. Il l’attrape et serre mes doigts entre les siens. — Comment te sens-tu ? me demande-t-il. — J’ai déjà connu mieux. Il plisse les yeux, une lueur taquine dans le regard. — Je ne vais pas te mentir, tu as vraiment une tête de zombie. — Je ne vais pas te mentir, ça se voit que tu ne t’es pas regardé dans la glace avant de parler, je rétorque. — Aouch. J’émets un rire discret. Il m’adresse un petit clin d’œil puis détourne le regard. J’en fais de même soudainement consciente du fait que nous ne sommes pas seuls dans la pièce. Auden est là, debout entre nos deux lits. Je me redresse d’un coup, mais un signe de sa part suffit à me faire me rallonger. Il s’assoit au pied de mon lit, son regard intense rivé sur moi. — Vous nous avez fait une sacrée frayeur. Je ne peux m’empêcher de frémir à l’entente de sa voix à la fois douce et rauque. Je prends une petite inspiration et m’humecte les lèvres nerveusement. Mon cœur se met à cogner contre ma cage thoracique tandis qu’il attrape ma main libre dans la sienne. — Que…Que s’est-il passé ? — Les Anarchistes ont attaqué le pensionnat. — Quoi ? Comment ? — En se mêlant aux gens du voyage et en se faisant passer pour eux. Je sens ma mâchoire se décrocher à l’entente de sa réponse. Les Anarchistes qui se font passer pour des gens du voyage ? Cela n’a pas de sens. Encore moins pour attaquer des enfants et adolescents qui viennent du même milieu qu’eux. Quoique…En y réfléchissant bien, nous étions nombreux sous la protection de Tuteurs de la Haute, ce qui pour eux devait revenir au même que si nous faisions vraiment partie des plus aisés. — Ce n’est pas tout, ajoute-t-il me sortant de mes pensées, vous étiez la cible. — La cible ? La porte s’ouvre ne lui laissant pas le temps de m’en dire plus. Trois jeunes femmes entrent dans la pièce, vêtements, chaussures, kit de soin et affaires de toilettes entre les mains. Il ne me faut pas longtemps pour deviner qu’il s’agit ni plus ni moins que de trois employées du palais. Je laisse mon regard errer quelques instants sur les badges qu’elles portent : Corinne, Ayleen et Isla. — Les Égalitaires sont prêts pour la réunion Altesse, annonce Corinne. — Déjà ? Le regard d’Auden jongle entre les trois jeunes femmes et moi avant de se poser sur mon meilleur ami. — Vous sentez-vous prêt à venir avec moi ? Archie me jette un coup d’œil furtif, visiblement incertain. — Na gabh dragh, tha I ann an lamhan math. Ne vous en faîtes pas, elle est entre de bonnes mains. Il acquiesce tout en se levant de son lit. Je sens mon cœur se serrer un instant tandis que sa main se détache de la mienne. Après ce qui nous est arrivé tout à l’heure, j’ai d’autant plus peur de me retrouver séparée de lui. Du coin de l’œil, je peux voir un sourire compréhensif et rassurant se dessiner sur ses lèvres comme s’il devinait le fond de ma pensée. — Tout va bien Carlie, nous sommes en sécurité maintenant. Il dépose un b****r sur mon front et regagne l’entrée en boitant. Je le suis du regard, inquiète, avant de me concentrer sur le prince toujours assis à mes côtés. — Qu’est-ce qui peut nous garantir qu’il ne va pas y avoir une nouvelle attaque ? — Eh bien, pour commencer, nous sommes sur L’Invincible, l’un des bateaux les plus sophistiqués et équipés qui existent. Quant aux responsables de l’attaque, je pense que le message que vous leur avez envoyé était suffisamment clair pour les dissuader un certain temps. Le message que je…Oh. La boule de feu sorti de nulle part et envoyée en plein dans le mille. Ce message-là. — Quelque chose me dit que vous allez rendre les jours à venir très intéressant, Charlotte. Sur ce, il exerce une pression sur ma main et se lève à son tour, prêt à rejoindre mon meilleur ami qui l’attend dans l’embrasure de la porte. — Altesse ? Il se stoppe net et se tourne vers moi, les sourcils haussés. — Quelle est notre destination ? — Andarane. — Andarane, je répète dans un souffle. La capitale. Auden échange quelques mots rapides avec les servantes, m’adresse un signe de tête et sort de la pièce Archie sur ses talons. Leur départ fait place à un silence furtif rapidement interrompu par la voix enjouée d’Isla. — Bien ! (Je sursaute légèrement et pose mon regard sur elle.) Par quoi voulez-vous commencer ? ** Une petite heure et demie plus tard, les trois jeunes femmes m’escortent jusqu’au cabinet médical du niveau deux du bateau, soit le niveau où logent les protégés les plus privilégiés, les Tuteurs, les Veilleurs et les blessés. Le prince et quelques autres personnes, dont elles ne me précisent pas l’identité, logent au niveau trois. Les enfants sont au niveau un. Le réfectoire, la salle de séjour et la salle commune de sport au niveau zéro. Les domestiques, les gardes et les marins dans des chambres couchettes réparties au-dessus des cales ainsi que la salle des machines. — Il y a aussi une terrasse, une aire de jeux et un espace baignade à l’extérieur, mais vu le temps je ne pense pas qu’ils seront d’une grande utilité cette fois-ci, ajoute Ayleen. J’acquiesce tout en jetant un coup d’œil par l’un des hublots à travers lequel je peux voir la pluie tomber. Nous passons devant une salle dont la porte entrouverte me laisse percevoir des hommes alités. Je m’en approche afin de voir ça de plus près. Des femmes vont et viennent entre les lits et les brancards. Certaines s’attèlent à donner à boire aux blessés dont la majorité sont des adultes et même des gardes. Tous pris au piège au moment où nous nous y attendions le moins. Saleté d’Anarchistes. Je resserre mon écharpe plaid autour de mes épaules, soudainement envahie par une sensation de froid malgré la tiède température du lieu. — Eau chaude, lotion, aiguille et fil, vite ! Mon regard parcourt la pièce à la va vite jusqu’à se poser sur ma mère dont la voix m’a coupé court dans mes pensées. Mon cœur fait un bond en avant. Maman. J’attrape la poignée de la porte, prête à entrer, mais Corinne, la servante en chef, m’en empêche. Je lui lance un regard confus et frustré auquel elle répond d’un sourire bienveillant. — Pas maintenant, se contente-t-elle de me dire. Je soupire et regarde une dernière fois la salle de soins avant de faire demi-tour à contrecœur. Quelques instants plus tard, nous entrons dans la salle d’attente du centre médical. À mon plus grand soulagement, Cassandre et Becky sont là, toutes deux accompagnées d’une femme de chambre personnelle. À peine ai-je le temps de leur poser quelques questions, quant à savoir si elles et mes petites sœurs vont bien, que nous voilà de nouveau séparées. — Pourquoi n’ai-je le droit de parler à personne ? je demande faisant au mieux pour garder une voix calme. — Ce n’est pas que vous n’avez pas le droit, mais il nous reste encore beaucoup de choses à faire avant la fin de la journée, m’explique Corinne. Je l’observe, sceptique. — Comme quoi ? — Toute une batterie de tests, répond une femme que je n’ai pas entendue venir. Je me tourne vers cette dernière. Rousse, une trentaine d’années. Les yeux bleu-gris. Les cheveux attachés en un chignon sur le sommet de la tête. Tailleur blanc, blouse et escarpins assortis. Son badge affiche le nom« Sacha Turner ». Par ailleurs, entre les stylos rangés dans sa blouse et le bloc-notes sous son bras, il ne peut s’agir que du médecin. — Charlotte Woods, c’est bien cela? — Oui. — Suivez-moi. Elle s’écarte afin de me laisser passer. Je jette un coup d’œil en direction de Corinne, Ayleen et Isla qui me répondent d’un signe de tête approbateur. Prenant une petite inspiration, j’entre dans le petit cabinet à la fois simple et moderne. Le doux bruit de la porte retentit derrière moi. — Je vous en prie asseyez-vous. Je m’exécute sans broncher tandis qu’elle en fait de même, s’asseyant face à moi derrière le bureau. Je laisse mon regard errer sur la pièce tout autour de moi, prenant en compte les divers appareils médicaux. — Puis-je vous poser une question ? je demande. — Oui, bien sûr. — Savez-vous ce qui se passe ici ? Elle me regarde confuse. — Je veux dire…J’ai eu une entrevue très brève avec mon meilleur ami, Archie Crowley, et le prince à mon réveil, mais depuis rien. Aucune explication quant au pourquoi du comment je suis ici. Les trois jeunes femmes qui se sont occupées de moi ne m’ont absolument rien dit là-dessus non plus, je précise. Elle acquiesce, le regard à la fois bienveillant et sérieux. — C’est normal. Le prince nous a demandé d’être aussi évasives que possible avec vous sur ce qui s’est passé. — Quoi ? Mais pourquoi ? — Il tient à être celui qui vous fera part de tous les changements à venir. D’accord… — Quels sont ces changements ? — C’est compliqué et comme je vous le disais, le prince tient à avoir cette discussion avec vous en personne. Tout ce que je peux vous dire pour le moment, c'est qu’il va falloir vous préparer, vous allez être confrontée à de nombreux changements, ce qui explique pourquoi vous êtes ici. Elle se lève de son fauteuil et vient se placer à côté de moi, une tablette entre les mains. — Voici donc ce qui nous attend pour les deux heures à venir afin de vous occuper un peu. (Elle s’interrompt brièvement et se râcle la gorge). Pour commencer, prise de sang puis test d’endurance afin de vérifier la respiration et le rythme cardiaque. — Super, je marmonne. — Après quoi nous passerons par l’étape tests neurologiques et enfin test gynécologique. Test gynécologique. — Vous voulez dire que… Je jette un coup d’œil furtif à mon bas ventre avant de relever la tête. Elle m’adresse un grand sourire tout en posant sa tablette sur le bureau. — Prête pour une séance de fun ? Je lui réponds d’un sourire aussi ironique que possible. — Bien sûr. Je n’aurais pas pu rêver mieux. ** ** ** ** **
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