Aucun des deux occupants de la vieille Jeep ne parla jusqu’à ce qu’ils arrivent à Andur. Curtis jugeait le calme nécessaire pour sa propre réflexion. Il était étrangement remonté depuis le moment où il avait trouvé ce type en face de Johanna en train de…en train de la draguer. Pourquoi était-il si mal à l’aise avec cette idée dans la tête
Pour se justifier, il pensa au fait que, même si c’était un peu évident, Johanna avait rejoint la ville récemment et n’avait peut-être bien pas dans l’intention de se mettre dans une affaire à deux tout son lots de complications. Il passerait peut-être la journée à lui acheter des vêtements chauds au lieu d’ouvrir le bar. Et peut-être aussi parce qu’il détestait admettre qu’elle était une excellente cuisinière, et exactement ce qu’il fallait au Great Bar pour faire pleuvoir les bénéfices.
Il garda les yeux rivés sur la chaussée tout en passant une main paresseuse dans ses cheveux. Johanna avait tapé dans le mille lorsqu’elle avait fait la remarque sur son penchant à diriger. Dans le temps ses gardiens étaient ses sujets et il les dirigeait.
Cependant tout ça était derrière lui désormais. Il ne retrouverait jamais cette vie. Si une personne venait à découvrir qui il était vraiment, les Gardiens de Conway devraient en payer le prix. Et s’il a fait tout cela c’est pour que la vie de Brice ne soit plus jamais en danger.
Il fallait à sa nouvelle vie ou plutôt façon de vivre.
— Que faisais-tu dans le Mississippi ? demanda-t-il.
— Si ça peut se dire, femme au foyer, répondit Johanna le regard dans le paysage.
— Jusqu’à ce que votre union soit annulée.
Il analysait ses réactions en toute discrétion. Elle poussa un soupir et tourna la tête vers lui.
— Il n’a jamais été un véritable compagnon pour moi Tobey. Lorsqu’il m’a expulsé de chez lui, il m’a dit qu’il ne m’Avait jamais aimée et que je n’étais pas sa véritable compagne. Il m’a remplacée par une autre louve, Maggie.
— Ce doit être le plus grand imbécile de la terre planète, grommela Curtis.
Johanna était sublime et son parfum était incroyable. Quel loup ne se jetterait pas dans une bataille afin de la garder. Elle battit des cils et rit doucement.
— Ouais. Peut-être bien.
— Dans ma tête c’est clair que c’est le cas. C’est un c****n, c’est sûr. Et s’il change d’avis et veut reprendre avec toi ?
— Oh, ça n’arrivera jamais c’est sûr. Et si on se croisait à nouveau un jour, je ne compte pas lui adresser la parole, dit-elle en croisant les bras. J’ai rencontré Tobey à l’école. On s’est unis dès la fin du lycée. Il a fait des études pour devenir électricien, et il ne voulait pas que je travaille. Il disait qu’il préférait que je m’occupe de la maison et qu’un dîner l’attende sur la table quand il rentrait le soir. Je m’en suis tenu à cela.
— Si la possibilité t’était donné de retourner dans le passé, qu’est-ce que tu ferais ?
Elle bougea de la tête.
— J’étudierai en infirmerie. Je m’occupais de ma grand-mère quand j’étais au lycée. Lorsqu’elle ne se sentait pas bien, je m’en occupais.
Quand elle eut fini de se poser l’espace d’un moment, elle ajouta en haussant les épaules :
— Je ne peux plus revenir en arrière maintenant, c’est trop tard.
— Dixit celle-là même qui vient de m’assurer qu’il n’était jamais trop tard, remarqua-t-il avec un regard appuyé.
— C’est vrai tu n’as pas tort, je reconnais que c’est contradictoire, dit-elle en riant doucement. Si je pouvais remonter le temps et recommencer, je m’assurerais d’avoir un métier et de gagner ma vie. Si on m’avait dit un jour que j’allais être sans un rond sur moi.
Cette dernière phrase lui traversa la bouche pendant qu’elle secouait la tête.
— Légalement comment c’est censé se passer ? Normalement, une union entre loups, ça doit être pour toujours à ce que je sache. Il pourrait te rappeler, te dire qu’il a commis une erreur et te demander de revenir à ses côtés.
— Même pas. Il est allé voir Mike Trevor et lui a fait savoir ce qu’il projetait faire.
Curtis ralentit en entrant dans la ville. Penser à Mike l’emplissait de nostalgie.
— Jamais je n’ai été confronté à un tel cas. Le sang doit couler pour briser un lien entre compagnons, et l’union peut être annulée seulement si l’un des loups a été uni à l’autre contre sa volonté, dit-il.
— En effet. Tobey a prétendu qu’il avait été uni à moi contre sa volonté. Il a avancé que je l’ai comme qui dirait ensorcelé, expliqua-t-elle avant de hausser les épaules. Bref, Mike Trevor a accepté d’annuler notre union à condition que Tobey verse son sang. Il s’est coupé la main et notre histoire est entré dans le passé.
— Vous ne pouvez donc plus jamais vous remettre ensemble ?
— Non. C’est impossible et je n’en ai pas envie, dit-elle en regardant par la fenêtre pour ne pas rencontrer son regard. Ça m’a fait ouvrir les yeux. Tobey m’a menti des centaines de fois. Il me disait qu’il m’aimait alors qu’il couchait avec quelqu’un d’autre. Je ne sais pas s’il a trouvé le bonheur, mais j’en doute. En un sens, je crois que je me réjouis énormément d’avoir été mis en face de la vérité et de ne pas rester avec lui pour le reste de mes jours.
— Tu es toujours dans la fleur de l’âge. Tu as le temps de rencontrer ton compagnon.
— Plus jamais je ne veux m’unir à quelqu’un. Pour la première fois, je peux vivre ma vie comme je l’entends et non en fonction des désirs de quelqu’un d’autre. Et en lieu et place d’avoir un menteur comme compagnon, je préfère rester seule.
A ses mots, Curtis trésaillit. S’il arrivait qu’elle apprenne qui il était réellement, jugerait-elle qu’il était un menteur et ne valait pas mieux que son ex ? Lui en voudrait-elle autant qu’elle en voulait à Tobey ?
Il se gara devant un magasin spécialisé en vêtements de montagne sur une place de parking.
Si on y pense bien cela importait très peu. Johanna n’apprendrait jamais qui il était. Il ne laisserait pas l’occasion se présenter.
Johanna sortit de la cabine, les bras chargés des vêtements que Curtis l’Avait forcée à essayer.
— Tu es arrivé à les porter tous ? demanda-t-il.
— Oui, mais ça n’est pas le souci. Je n’ai pas les moyens de me les prendre.
Le manteau et les autres habits allaient probablement la garder au chaud malgré les hivers rudes du Denver, mais elle n’avait pas encore les moyens de les acheter.
— Je vais payer.
— Pour quoi ?
— Pour tout.
Curtis prit les vêtements et les posa sur le comptoir de la caisse. Le vendeur commença à scanner les étiquettes dans un mouvement de routine.
— Attends, je ne peux pas te laisser faire ça, protesta-t-elle.
— Mais si.
Il fit don d’une liasse de billets à l’employé puis, récupéra la monnaie et les deux gros sacs d’emplettes et se retourna vers la sortie. Elle le rattrapa par le bras.
— Curtis, c’est très gentil, mais ça me gêne que tu paies pour moi.
— Il n’y a pas du tout matière à s’inquiéter, tu me rembourseras, dit-il avec un sourire en lui ouvrant la porte.
Lorsqu’ils se retrouvèrent au dehors, elle se tourna pour le regarder et remarqua une fois de plus à quel point il était grand et musclé. Dans la rue les passants lui laissaient un espace grand comme ça.
— Dans le genre d’une avance dans le salaire ?
— Pas tout à fait, mais j’aimerais que tu me rendes un service, dit-il en souriant toujours.
Elle eut un frisson. Elle n’aimait pas le tour que prenait cette conversation.
De leur nouvelle emplette, il fit sortir le nouveau manteau rose texturé d’un des sacs et coupa les étiquettes avant de le tendre à Johanna.
— Tiens.
Elle passa ses bras dans les manches du manteau et faillit pousser un soupir en sentant le tissu chaud se coller contre son corps. Il haussa un sourcil.
— C’est mieux ?
— Beaucoup mieux, admit-elle.
Le ciel était empli de nuages gris qui s’assombrissait de façon très rapide.
— Il va neiger ce soir, dit-il.
— Comment tu peux le savoir ça ?
— Je peux le sentir dans l’air.
C’est vrai l’odorat des loups était surdéveloppé. Elle prit une grande inspiration, mai n’arriva pas à sentir ce que détectait son compagnon.
— Bon, amènes toi maintenant. Il y’a beaucoup de travail qui nous attend avant l’ouverture.
Il envoya ce qu’il restait des achats sue la banquette arrière de la Jeep et lui ouvrit la portière côté passager. Elle s’assit, boucla sa ceinture et suivit Curtis du regard pendant qu’il faisait le tour de la voiture et venait s’asseoir à côté d’elle. Il mit la Jeep en marche et ils se mirent en route
— Nous allons où ?
— Attends de voir.