Prologue

631 Mots
Prologue Hector Volckringer observait sans vraiment le voir, le paysage qui défilait derrière la vitre du fiacre noir qui le conduisait au commissariat. La nuit était tombée depuis quelques minutes et les avenues s'éclairaient progressivement, les lampadaires à gaz projetant leurs faisceaux lumineux sur les pavés élimés du vieux centre de Paris. Émile Trufelly, installé sur la banquette arrière face à l'inspecteur, pinçait ses lèvres de façon machinale, comme il avait pris l'habitude de le faire dès lors que quelque chose le tracassait. Il jeta un coup d'œil furtif au colosse toujours perdu dans ses pensées. ― Tout ceci prend une très mauvaise tournure, vous ne trouvez pas ? lâcha finalement le journaliste d'une voix tendue. Ce que nous avons découvert dans les égouts, ce... triptyque de corps humains, comment un homme peut-il s'adonner à de telles pratiques ? ― Ce ne sont plus vraiment des hommes, répondit calmement Hector. Ces individus ont perdu toute humanité, ils ne sont plus que des ombres. Des ombres avides de faire le mal... ― Et l'inspecteur Rodier-Barboni veut rencontrer ces gens-là !? Cette secte monstrueuse ? Ce n'est que pure folie ! ― Trufelly, pour une raison qu'on ignore encore, un tueur extrêmement habile nous a pris pour cibles et se joue de nous en nous astreignant à un jeu de piste détestable, dont lui seul connaît la finalité et la raison. Dès l'instant où Érèbe a déposé ces trois pièces dorées dans les cadavres des Auboineau, son jeu a débuté. Les clés nous ont menés tout droit à ce numismate cinglé dont le fils, et ce n'est pas une coïncidence, faisait partie du Fléau des Contraires il y a deçà dix-huit ans. Après l'exécution effroyable d'Azikovitch par Érèbe, Eugène a pu en apprendre davantage sur cette confrérie de tueurs grâce à Agelopoulos, le vieux chaman qui se terre dans La Zone. Le gourou a confirmé notre intuition. Érèbe a bien fait partie de la secte. J'ignore s'il en est toujours, mais depuis le début, tout ce que ce monstre a fait, c'est de nous conduire jusqu'au Fléau. Il veut que nous les rencontrions. Pour les anéantir ? Pour que les membres de cette confrérie nous tuent ? Je n'en sais fichtre rien. Tout ce que je sais en réalité, c'est que si Érèbe attend de trois d'entre nous que nous nous rendions à une Tenue Macabre, alors nous n'avons d'autres choix que de se plier à ses directives. Si nous ignorons ses instructions, vous pouvez être certain d'une chose : il nous le fera payer très cher. (Volckringer laissa passer un silence et ferma les yeux quelques instants.) C'est la seule piste que nous ayons, Émile... ― Je comprends, lâcha le criminologue dans un souffle. Je crois que... j'ai tout simplement peur. Affreusement peur. ― Si vous n'aviez pas peur, je vous prendrais pour un fou ! rétorqua l'inspecteur en esquissant un sourire. ― Et pour Eugène ? ― Quoi, Eugène ? ― Il y a quelque chose chez lui qui... comment dirais-je, qui est différent, expliqua Trufelly la mine sombre. Cette enquête l'affecte beaucoup plus que nous... Et sans vraiment pouvoir l'expliquer, j'ai le sentiment qu'on le perd. Comme s'il sombrait progressivement dans l'obscurité sans aucune chance d'en réchapper... Hector observa le journaliste avec attention. Ses prunelles mordorées scintillaient dans la pénombre et un sourire énigmatique se dessinait sur son visage. ― Eugène a fait de cette affaire une histoire personnelle, attesta Volckringer en pesant ses mots. Il y a quelque chose chez Érèbe qui fait écho à une part de sa vie, de son passé, mais je serais incapable de dire ce que c'est. Je n'ai qu'une seule certitude : tant qu'Érèbe vivra, Eugène ne trouvera pas le repos. Tant qu'Érèbe vivra, il continuera de dépérir irrévocablement vers les abîmes et pas même Rose ne sera en mesure de le sauver. Son salut dépend de la chute d'Érèbe. ― Alors, espérons que son excursion à l'Exposition Universelle lui libère l'esprit au moins pour ce soir, murmura Trufelly. Et que la nuit lui soit douce. (Il laissa passer un silence.) Chacun de nous devrait mettre à profit ces moments de répit pour se régénérer quand on sait que demain, le cauchemar recommence...
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