Je suis Tyler jusque dans une cuisine. Elle a un style plutôt vintage, les meubles sont en bois vernis et le mur au fond de la pièce est de briques rouges. Il y a une table haute en bois foncé faisant office d'entrée, avec deux chaises hautes. Tyler ouvre le réfrigérateur, qui est plein.
- Tu restais longtemps ici ? je demande.
- Ça dépendait des fois...Avant j'habitais dans la ville voisine, j'allais dans un lycée mais c'était pas loin d'ici. Mes parents s'en fichent un peu, alors j'entretiens l'endroit du mieux que je le peux, me répond-t-il.
Je hoche doucement la tête en signe de compréhension.
- Je suis pas très proche de mon père, à cause de son travail et des accidents que je provoque. Je comprends mieux pourquoi mon oncle m'a attaquée, c'est sans doute parce que j'ai tué...ma cousine...Il doit m'en vouloir terriblement, j'explique, le regard vide.
- Ce genre d'accidents m'arrive souvent aussi, je comprends. C'est pour ça aussi que mes parents sont distants avec moi. J'avais un petit frère, mais il est mort de ma faute, me répond Tyler.
Nous restons silencieux quelques minutes, comme pour peser le sens de nos mots.
- Bref, on mange ? finit par lâcher Tyler.
- Ouais, je réponds avec un sourire.
Il sort une bouteille d'eau du réfrigérateur, puis deux barquettes de plats tout fait.
- Il fallait que je prenne des trucs simples et rapides. Et aussi longue conservation, se justifie Tyler.
Je hoche à nouveau la tête.
- Ça me convient, dis-je.
Tyler met un des deux plats au micro-ondes situé à côté du réfrigérateur. Puis il sort des couverts et des verres qu'il dépose sur la table. Je sursaute lorsque le micro-ondes émet un son signalant la fin de la cuisson du plat.
Tyler échange fluidement les deux plats, puis nous attendons, appuyés sur la table, bras croisés, que le deuxième plat finisse de chauffer.
"Ding !"
Tyler ouvre le petit four et en extrait la barquette. Nous nous installons à table et j'ouvre le film plastique de Barquette Numéro 1 pour y découvrir un cordon bleu et des nouilles. Je saisis mes couverts et commence à manger. Le repas se trouve être très bon.
- On ne pourra pas rester ici trop longtemps, les cagoules noires vont nous retrouver, me dit Tyler.
Je fronce les sourcils.
- Tu as raison. La question c'est jusqu'à quand on est en sécurité, là, je lui réponds.
Tyler hausse les épaules en prenant une bouchée de tartiflette accompagnée par deux tranches de magret de canard. Nous ne parlons plus jusqu'à la fin du repas.
Nous débarrassons nos couverts et les lavons à la main. Je me décide à parler car ce silence commence à me gêner.
- Puisqu'il n'y a plus de pensionnat, plus rien, il faudrait qu'on essaie de contrôler nos pouvoirs seuls, je remarque.
- Bonne idée, ça risque d'être compliqué, me répond Tyler.
- Sans doute. Je pense qu'il faut déjà se concentrer, dis-je.
- Puis visualiser le pouvoir, complète Tyler.
- Et essayer de le projeter, ou le déplacer, j'ajoute.
Tyler plisse les yeux avant de partir dans la pièce voisine. Il revient quelques instants après avec une dizaine de plantes qu'il pose sur la table de la cuisine.
- Parfait, dis-je.
Je ferme alors les yeux, pour mieux me concentrer. Je visualise mon pouvoir en moi, comme une force invisible que j'essaie de contrôler et de concentrer vers ma main. Cette force résiste mais je parviens à la maîtriser.
J'essaie de projeter mon pouvoir dans l'air, vers la plante située face à moi, sans avoir à la toucher. Soudain cette force invisible m'échappe et je perds toute concentration. Je rouvre les yeux.
- J'y arrive pas, seulement à visualiser mon pouvoir et l'amener dans ma main, je déclare.
- Essaie encore, tu peux y arriver, m'encourage Tyler.
Je referme les yeux et me concentre. Après de multiples tentatives j'y arrive enfin.
- Bravo ! s'écrie Tyler avec un large sourire.
Je lui souris en retour. Tyler essaie à son tour et je l'observe attentivement.
Quelques minutes s'écoulent sans qu'il ne se passe rien. Je m'assois sur une chaise, mes jambes s'engourdissant. Tout est silencieux. Soudain, une explosion retentit. Je sursaute et me lève de ma chaise par la même occasion.
Tyler ouvre les yeux. Sa plante est toujours vivante, je comprends alors que ce bruit ne vient pas de lui.
Les cagoules noires nous ont retrouvés, je pense.
Nous réagissons en même temps. Sans plus tarder j'ouvre la fenêtre de la cuisine et m'engouffre au dehors. Tyler me suit et nous courons jusqu'à la lisière de la forêt où une fois que nous sommes sûrs d'être hors de portée des intrus nous nous retournons vers la bâtisse.
La maison est en proie aux flammes. J'aperçois les cagoules noires réunies autour de la maison. Tyler saisit mon bras.
- Partons, me dit-il avec un regard attristé.
Je le suis et nous courons au hasard dans la forêt dense. Je trébuche à plusieurs reprises sur des racines et me prends des branchages dans la tête. Il s'avère que la maison se trouve non loin d'une autre ville inconnue que nous atteignons.
- On est où ? je demande.
- Aucune idée, me répond Tyler.
Nous sommes arrivés dans une ruelle sombre. Il fait nuit et je ne vois pas grand-chose à la faible lueur des lampadaires. Tyler et moi ne savons pas où aller, et nous tournons en rond pendant une éternité.
Je repense à ma valise que j'ai laissée au pensionnat, ce qui ne fait que me désespérer plus encore.
- Il faudrait qu'on trouve un endroit où se réfugier, je fais remarquer.
- Tu as raison...
Nous passons près d'une banque.
- Allons-y, j'ai dix mille futurinas* de côté, dis-je.
Je n'attends pas la réponse de mon ami et entre dans la banque. Je retire 100ƒ**, puis Tyler et moi sortons de la banque. A peine nous en sortons que le bâtiment explose et je me retrouve projetée en avant. Je me cogne violemment contre le sol en béton. Je perds connaissance.