Je reconnais immédiatement l'intrus. Tout en noir, cagoule noire, armé jusqu'aux dents. Il fait partie de l'organisation des cagoules noires. La fenêtre de la chambre est cassée, les tiroirs ouverts, tout est en vrac, comme un cambriolage.
La personne tente de m'assommer avec une planche en bois venue de nulle part, que j'esquive.
- Qui êtes-vous ? je tente de demander.
Comme je m'y attendais, aucune réponse. La cagoule noire continue de m'attaquer, mais n'essaie pas de me tuer visiblement, juste de m'assommer, ce qui me laisse perplexe. Pourquoi voudraient-ils me kidnapper vivante ?
Je me défends du mieux que je le peux. Je repère sur l'étagère non loin un vase. Sans réfléchir je plonge sur le côté au moment où mon agresseur tente de m'asséner un coup de poing en pleine face. Je bondis sur mes pieds et m'empare du vase que je fracasse sur la tête du cambrioleur. Celui-ci s'effondre sur le sol.
J'enlève sa cagoule et titube en arrière en découvrant le visage de mon oncle. Je m'écroule sur le lit. Les questions fusent dans ma tête, je vois flou.
Pourquoi mon oncle m'a attaquée ? Est-ce que c'est par vengeance pour ma cousine que j'avais tuée par accident ? Mon oncle avait toujours été très gentil avec moi, et compréhensif. Je me sens trahie. Blessée. Les larmes me montent aux yeux, je ne vois plus rien. Alors je dois me méfier à ce point de ma propre famille ? Je replonge dans mes souvenirs.
***
J'étais à genoux devant le cadavre de ma cousine. Je pleurais toujours. J'entendis des pas précipités. Mes parents et mon oncle arrivaient en courant de la maison. Ils n'étaient pas là, plus tôt, ils ne nous surveillaient pas car ils avaient confiance en moi et ne pensaient pas une seconde que ça puisse arriver. Mes parents me fixaient avec horreur et dégoût. Ils m'avaient tous rejoint.
- Megan ! s'écria mon oncle.
Sa voix s'était brisée. Il regardait tour à tour ma victime, puis moi. Je n'arrivais pas à déterminer son expression, s'il était dégoûté, horrifié, triste, ou même furieux.
- Megan...lâche-la, tu veux ? Ce n'est rien, on est là maintenant. Éloigne-toi de...(je remarquais qu'il se retenait de pleurer)...de ta cousine...me murmura mon oncle.
Je lâchai doucement le corps inerte de Carla et regardai mon oncle dans les yeux.
- C'est pas grave, me répéta-t-il.
- Je l'ai tuée... murmurai-je.
- C'était...un accident, me coupa mon oncle.
Je continuai de pleurer.
- Va manger quelque chose à la maison...je dois discuter avec ta tante et tes parents...ne t'en fais pas...me rassura-t-il.
Je hochai la tête puis partis en courant vers la maison.
***
J'avais treize ans, bien après l'incident. Mes parents avaient décidé de rendre visite à mon oncle que nous n'avions pas vu...et bien depuis l'accident.
- Ah ! Voilà ma nièce préférée ! s'écria mon oncle en me voyant, avec un large sourire.
Je lui souris en retour.
- Pas de favoritisme avec tes nièces, tu veux ? le gronda ma mère.
En réponse, il leva les yeux au ciel.
- Tu m'as bien manqué, Megan. On mange ? dit-il en m'adressant un clin d'œil.
***
Je reviens à moi. À présent je me dis que tout cela n'était que purs mensonges. Il m'en veut toujours, il avait juste fait comme si tout allait bien, alors qu'au fond il me déteste plus que tout. Je reste là à fixer le mur sans vraiment le voir et en laissant couler mes larmes sur mes joues pendant quelques instants, puis Tyler finit par arriver.
- Il s'est passé quoi ? J'ai entendu du bruit alors je suis venu...me dit-il, visiblement paniqué.
Il regarde tour à tour mon oncle, puis moi.
- Megan, dis quelque chose s'il te plaît ! Et c'est qui lui ? me demande-t-il.
Je détourne le regard du mur pour regarder Tyler.
- C'est mon oncle, il m'a attaquée, je l'ai juste assommé...il fait partie des cagoules noires, je réponds enfin.
Tyler réfléchit. Il semble mal à l'aise, hésitant.
- C'est bizarre, cette histoire. Tu veux que j'aille chercher quelqu'un ? Le directeur peut-être ? finit-il par me dire.
- Surtout pas le directeur ! N'importe qui mais pas lui ! je réponds en me rappelant cette dernière rencontre.
Tyler hoche la tête avant de repartir. Peu après son départ, j'aperçois par la fenêtre de la chambre les même 4×4 noirs qui ont attaqué le lycée. Ils sont garés devant le pensionnat. Des personnes cagoulées en sortent en même temps.
Bon sang, combien sont-ils dans cette organisation en sachant que j'en ai tué des centaines ?
Ils se dirigent vers l'entrée du pensionnat. Je sors de ma chambre en courant et percute Tyler de plein fouet.
- On part, je déclare.
- Quoi ? Mais j'ai ramené quelqu'un...me répond Tyler, surpris.
Je regarde par dessus son épaule. La personne en question est la dame de l'accueil.
- Les gens cagoulés arrivent, on part, j'explique plus ou moins.
- Hein ?! Mais ils nous poursuivent, c'est pas possible ! me répond Tyler.
- On dirait bien...
J'entends des pas précipités dans le hall. Je croise le regard de Tyler, et en même temps nous commençons à courir vers le bout du couloir où j'aperçois une fenêtre. La femme de l'accueil nous appelle et crie je-ne-sais-quoi.
J'arrive au bout du couloir et ouvre la fenêtre. Je regarde où je suis censée atterrir. Ce n'est pas très haut, donc je peux sauter sans risque.
En bas, il n'y a que des buissons et de l'herbe. Je m'assois au bord de la fenêtre et saute. J'atterris dans l'herbe et me foule la cheville gauche, mais j'essaie d'ignorer la douleur.
Tyler atterrit quelques secondes après à côté de moi.
- On va où ? Je ne connais pas la ville...je demande, paniquée.
- Aucune idée ! me répond Tyler, visiblement alarmé lui aussi.
- N'importe où ! Je te suis !
Tyler commence à trottiner, et je le suis. Je ne sais pas où nous allons, mais je lui fais confiance. Nous courons pendant ce qui me semble être une éternité. Nous traversons des rues, puis arrivons dans une forêt. Il n'y a pas vraiment de chemin. Nous débouchent sur une petite clairière, avec une maison abandonnée.
Sans hésiter, Tyler entre à l'intérieur, et je le suis, soucieuse. L'intérieur est toujours meublé, et fait ancien. La maison est légèrement poussiéreuse mais convenable.
- On est où ? C'est quoi cet endroit ? je demande.
- C'était la maison de ma grand-mère. Elle est morte l'année passée. Je viens souvent ici, parce qu'avec mes parents...c'est compliqué, des fois, me répond Tyler.
Je préfère ne pas demander de détails, et change de sujet.
- Il faut que j'appelle mes parents, il y a un téléphone ?
- Non, il faut surtout pas les appeler. On peut faire confiance à personne, surtout après avoir découvert que ton oncle fait partie des personnes qui nous poursuivent. On sait pas de quoi ils sont capables. Ils peuvent même écouter les conversations téléphoniques, des fois.
Je hoche la tête en signe d'approbation. Mon ventre émit alors un gargouillement.
- Il y aurait quelque chose à manger ? Je meurs de faim, dis-je.
- Ouais, j'ai fait la réserve, me répond Tyler en souriant.