La captive des Krinars

Chapitre 8-1

Chapitre Huit

En entrant dans son bureau, Zaron activa le mode de réunion de son ordinateur et ferma les yeux une seconde. Lorsqu’il les rouvrit, il se trouvait à l’intérieur d’une grande salle blanche, le lieu de rassemblement du Conseil sur Krina. Il n’y était évidemment pas physiquement, mais la simulation était à ce point réelle, qu’il pouvait voir, ressentir, toucher et sentir tout, comme s’il y était en personne.

Seuls trois conseillers l’attendaient : Korum, Arus et Saret. Ce n’était donc pas une réunion officielle, réalisa Zaron ; une telle rencontre aurait nécessité la présence des quinze membres du Conseil. Inclinant la tête en signe de respect, il attendit de connaître la raison de sa convocation.

Les trois hommes devant lui étaient parmi les plus influents de Krina, chacun d’eux siégeant au Conseil depuis plus longtemps que les six cents ans de Zaron. Le Conseil, l’organe dirigeant officiel de Krina, ne répondait qu’aux Anciens, les neufs Krinars les plus âgés. Et comme les Anciens n’interféraient que rarement avec quoi que ce soit, cela signifiait que le Conseil jouissait d’un pouvoir quasi illimité lorsque venait le temps de passer des lois ou de faire respecter l’ordre dans la société.

Jusqu’à il y a deux ans, Zaron avait uniquement croisé certains conseillers dans des événements sociaux. Mais, depuis que le Conseil s’était intéressé à sa recherche, il avait rencontré chacun de ses membres.

— Heureux de te voir, Zaron, dit Arus en s’avançant d’un pas. Merci de ta réponse rapide. Nous sommes sur le point de partir et nous voulions voir avec toi où tu en étais avec la sélection des centres.

Son expression était plaisante et vaguement intéressée, idéale pour mettre à l’aise son interlocuteur. Avec sa formation en études sociétales, Arus était un politicien accompli, bien aimé et respecté par pratiquement tout le monde, Zaron compris. C’est Arus qui l’avait approché deux ans plus tôt pour lui proposer de mener les démarches de colonisation, sortant alors Zaron de la dépression qui l’avait consumé depuis la mort de Larita.

— Je crois que le meilleur endroit est la région de Guanacaste, au Costa Rica, répondit Zaron.

Un geste du poignet fit apparaître une carte en trois dimensions de la Terre et il zooma sur l’endroit désigné.

— Le climat est très comparable à certaines zones de Krina et je devrais pouvoir modifier suffisamment le sol pour le rendre adéquat à beaucoup de nos plantes comestibles.

— Qu’en est-il des neuf autres centres ?

Ce fut Korum qui prit la parole cette fois-ci, ses yeux ambre insolites observant Zaron avec une intelligence froide et perçante. Des trois membres du Conseil présents, il était de loin le plus intimidant, avec une réputation d’impitoyabilité qui allait au-delà de la simple ambition. Il était également la force motrice derrière l’invasion prochaine.

— Sept des centres ont été sélectionnés, lui répondit Zaron. Les deux derniers seront sélectionnés dans les prochaines semaines. Ils devraient se trouver aux États-Unis afin que nous ayons une présence sur le continent. Je pense à la Floride, l’Arizona ou le Nouveau-Mexique, mais chacun de ses endroits devra être exploré plus en détail avant de prendre une décision.

— Excellent.

Arus lui lança un sourire approbateur.

— C’est un bon progrès. Je m’attends à ce que nous passions les premiers mois majoritairement dans nos vaisseaux, jusqu’à ce que la population humaine ait une chance de s’habituer à notre présence.

— Vous attendez-vous à beaucoup d’agitation ? demanda Zaron, tentant d’imaginer le déroulement.

À la lumière de la réaction d’Emily à ses révélations, il soupçonnait que de nombreux humains auraient de la difficulté à accepter une chose à ce point au-delà de leur structure de croyances.

— Avec un peu de chance, pas trop, répondit Saret, prenant la parole pour la première fois.

Considéré comme le principal expert raisonné de Krina, il était réservé et généralement en retrait, ayant une tendance à s’effacer aux côtés des personnalités plus énergiques du Conseil.

— Je crois que certains seront très perturbés par notre arrivée, mais j’espère qu’une fois que nous aurons tout expliqué…

— Ils s’ajusteront.

Korum semblait impatient.

— Ils n’auront pas d’autres choix. Et puis, de ce que j’ai pu observer, leur espèce semble très adaptable.

Arus jeta un œil réprobateur à Korum avant de se tourner à nouveau vers Zaron.

— Merci pour l’information. C’est exactement ce que nous espérions entendre. Y a-t-il autre chose que nous devrions savoir pour le moment ?

— Non, affirma Zaron, bien que, étrangement, il pensa à Emily.

Le Conseil ne serait pas intéressé par quelque chose d’aussi banal qu’une humaine dans sa demeure, alors il n’y avait aucune raison de les en informer.

— Dans ce cas, nous nous reverrons sur Terre, dit Arus.

La salle s’estompa autour de Zaron et celui-ci ferma les yeux.

Lorsqu’il les rouvrit, le lieu virtuel de la réunion avait disparu et il se trouvait dans son propre bureau.