Partie 14

1452 Mots
Ce soir, je vais vous parler d'un secret que j'ai longtemps gardé pour moi. Certes après vous avoir dit ce secret, le mot en tant que tel va perdre son sens mais ce n'est pas grave car je veux réellement vous dire mon secret. Avez-vous déjà entendu parler de l'histoire de la course des grenouilles ? Si votre réponse est oui, j'aimerais bien vous la rappeler. Si votre réponse est non, j'aimerais vous présenter cette histoire. Il était une fois une course de grenouilles. L’objectif était d’arriver en haut d’une grande tour. Beaucoup de gens se rassemblèrent pour les voir et les soutenir. La course commença. En fait, les gens ne croyaient probablement pas possible que les grenouilles puissent atteindre la cime, et toutes les phrases que l’on entendit furent de ce genre : « Quelle peine ! Elles n’y arriveront jamais ! » Les grenouilles commencèrent à se résigner, sauf une qui continua de grimper avec fougue et enthousiasme et les gens continuaient : « Quelle peine ! Elles n’y arriveront jamais ! » Et les grenouilles s’avouèrent vaincues, sauf toujours la même grenouille qui continuait à insister. À la fin, toutes se désistèrent, sauf cette grenouille qui, seule et avec un énorme effort, atteignait le haut de la cime. Les autres voulurent savoir comment elle avait fait. L’une d’entre elles s’approcha pour lui demander comment elle avait fait pour terminer l’épreuve. Et découvrit qu’elle était sourde ! Voilà le petit secret que j'ai, depuis la classe de première, gardé pour moi. Cette histoire de la course des grenouilles représente mon identité. Relisons ensemble la dernière ligne de l'histoire. « Et découvrit qu'elle était sourde ! » Que signifie être sourd pour ne pas dire être sourde. Une personne sourde est celle dont l’acuité auditive est diminuée de façon importante ou totale. Attention, cette définition est prise au sens propre et pour cette raison, l'histoire pourrait être biaisée. Pour comprendre l'essence de l'histoire, une explication de l'adjectif « sourd » au sens figuré s'impose. Est sourd, celui qui ne tient pas compte de ce qu'on lui dit, qui refuse de comprendre. La grenouille a gagné par ce qu'elle a été sourde des oreilles certes, mais plus important encore, parce qu'elle a été sourde de l'âme. Beaucoup sont ces gens qui ont vécu dans une alerte rouge à cause des autres. Beaucoup sont ces personnes qui ont été profondément saccagées par les propos méchants des autres. Beaucoup sont encore ces hommes et femmes qui ont mis un terme à leur vie à cause des commérages insensés de leurs ennemis. À y voir de près, on voit que ce sentiment est homologue à l'homme. Chaque jour, il est le récepteur de pas mal de critiques. Positives, elles sont généralement constructives ; négatives, elles sont malheureusement problématiques. Mais ces dernières doivent-elles nous anéantir ? Absolument pas et vous savez pourquoi. Elles ne doivent pas nous anéantir car nous avons en nous les forces pour les accepter et les modifier. Nous avons en nous les capacités d'orienter par nous et pour notre vie. Ce que les gens disent ne concernent qu'eux. Chacun a sa vie alors on ne doit pas accepter pour aucune présomption qu'un autre saccage notre vie. Malgré les critiques, nous devons continuer à avancer. Nous devons continuer à nous persévérer autrement dit nous devons avoir la même posture que celle de la grenouille triomphale. Nous devons être sourds et plus encore nous devons faire preuve de combativité. Nous devons répondre de la plus belle des manières à ces gens qui attendent notre défaite. La meilleure des réponses est celle louvoyée par la grenouille. Quand ces gens nous disent que nous n'allons jamais y arriver, nous sommes dans l'obligation d'y arriver. Pourquoi, ils prennent cet alibi pour nous dénigrer, c'est parce qu'ils n'ont pas réussi avant à y arriver. Mais, nous, nous devons arriver au terme de la lutte finale. Il ne s'agit même pas de pleurer. Il ne s'agit pas aussi de s'enorgueillir dans sa tristesse. Il s'agit de se lever et avec témérité de faire face à ses adversaires. Ils ont leurs plans machiavéliques, nous avons nos méthodes uniques. Ils ont leurs stratégies truffées de piques, nous avons nos techniques faites de contournements. Au début, on a forcément une certaine mine de tristesse. On reste seul dans son coin. On pense même que tout est terminé. On veut mourrir et oublier une bonne fois pour toutes nos problèmes. C'est Jean-Paul Sartre qui disait « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande. » Lorsqu'il dit cette boutade, ses compatriotes émettaient des répliques acerbes et mordantes en considérant l'homme en question comme un simple philosophe voire un petit fumeur de gitan. Seul dans son univers, Jean-Paul Sartre se releva pour arpenter le chemin tonitruant de la gloire. Les moqueries de ses camarades intellectuels et de ses compatriotes étaient d'une certaine manière compréhensibles. C'est totalement absurde de comprendre comment un homme peut fulminer une telle affirmation durant une période d'occupation. Comment un régime totalitaire, qui n’a pas hésité à supprimer toute forme d’opposition, massacrant femmes et enfants au seul motif de n’être pas bien nés pourrait-il exprimer une forme de liberté ? On se tromperait évidemment si l’on voit dans cette phrase un éloge du nazisme. Sartre est sans doute l’un des philosophes qui a le plus pensé la question de la liberté. Non seulement il n’a cessé de penser les conséquences de l’affirmation selon laquelle nous serions dotés d’une conscience libre, mais il a incarné bien des combats d’émancipation de l’après guerre, notamment lors de la décolonisation. Esprit libre, il a pu se permettre de refuser le prix Nobel. Ces dernières lignes sont importantes car elles décrivent la personnalité du philosophe mais la chose la plus importante se trouve dans le paragraphe suivant. Bien souvent nous nous désespérons parce que notre liberté se heurte à des contraintes qui nous empêchent de réaliser ce que nous voulons. Nous découvrons par là toute la pesanteur du monde extérieur, si bien que nous en devenons parfois pessimistes. Sartre nous invite à assumer cette condition de la liberté, en commençant par renoncer à l’illusion que la liberté serait par nature bonne. Si la définition de la liberté relève de l’indéterminé, nous ne pouvons pas parier sur la réussite de nos projets. Par liberté nous pouvons gagner ou échouer. La liberté de ce point de vue est angoissante, parce qu’elle ne garantit rien par avance, nous sommes délaissés. Elle est aussi angoissante parce que nous sommes responsables de nos actions, nous ne pouvons pas nous trouver de fausses excuses, pas même les circonstances : si nous sommes libres, nos décisions nous appartiennent. Lorsque nos ennemis nous décoiffent, nous pouvons nous coiffer. Nous pouvons exprimer toute notre liberté pour ne pas les écouter. Nous pouvons continuer à cheminer pour ronronner nos objectifs. Nous n'avons pas le droit de nous arrêter tant que nous n'exprimerons pas notre liberté, toute notre liberté et rien que notre liberté. Croire en nous, avoir confiance en nous, de ces deux expressions, nous avons tout ce qu'il nous faut. Et gardons à l'esprit que nous ne sommes pas les seuls qui vivent à pareille période ces problèmes. Nos problèmes ne sont pas non plus les plus compliqués. Ce qui existe, c'est notre capacité à garder notre fierté. Comme j'aime les histoires, je terminerai ce troisième numéro pas vous dire que l'histoire de la grenouille n'est que l'agrégat de mon histoire personnelle. Car lorsqu'on m'a renvoyé du Lycée Malick Sall de Louga à cause de mes nombreuses erreurs, j'ai été chaleureusement accueilli par l'administration du Nouveau Lycée de Louga. Considérant le proviseur, le censeur et certains professeurs de mon ancien lycée comme mes « ennemis » en ce sens qu'ils ont refusé catégoriquement de me donner une seconde chance, j'ai cru en moi et en mes capacités pour pouvoir changer la donne. Et ma meilleure réponse a été mon rang au baccalauréat. Premier de mon centre et ayant une très bonne mention, j'ai eu ce que je voulais malgré ce qu'ils croyaient. Mieux, je me régale à chaque fois que je donne des ébauches d'explication aux élèves actuels de ce lycée. Je n'ai jamais eu de haine envers ces gens, je ne les ai jamais considérés comme des ennemis à vrai dire car c'est grâce à leurs critiques que je suis devenu meilleur... Plume-MNG ❤️✊
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