CHAPITRE 1
La jeune fille qui essayait de prendre les escaliers sans faire de bruit, sursauta et se retourna vivement. Le salon s’éclaira soudain, laissant apparaitre John, son beau-père. Il s’approche d’elle en la regardant de haut en bas.
- Je viens de te poser une question. D’où est ce que tu sors habillée comme ça ?
- Ce ne sont pas tes affaires ! Laisses moi tranquille, je suis fatiguée.
- Tu ne me parles pas comme ça petite effrontée ! répondit-il sur un ton méprisant. Tu as intérêt à me répondre sur le champ sinon…
- Sinon tu me feras quoi hein ? répliqua-t-elle en le défiant du regard. Tu n’es qu’un parasite ici, ta place est loin de cette maison et de nous !
John s’apprêta à lui donner une gifle lorsque Kenny apparut du haut de l’escalier, vêtue d’une robe de chambre qui lui arrivait à mi-cuisses. Elle fronça les sourcils en voyant la main de John suspendue en l’air.
- Il se passe quoi ici ? vous avez quoi à hurler de la sorte ? Ils se turent tous les deux et Kenny s’approcha en les scrutant du regard.
- Je peux savoir à quoi est du tout ce raffut ? Vous avez failli réveiller les enfants ! reprit-elle sur un ton plein de reproches.
Ce fut John qui prit la parole :
- Demande à ta fille ! Je l’ai surprise en train d’entrer en douce dans la maison et par-dessus le marché, elle s’est permise de me traiter de parasite lorsque je lui ai demandé des explications.
Kenny regarda sa fille un moment. Firdha portait une mini-jupe avec un haut décolleté et son maquillage était un peu exagéré. Par-dessus le marché, elle sentait affreusement l’alcool.
- Maman n’écoute pas ce vautour, il me…
Avant même qu’elle ne finisse sa phrase, Kenny lui administra une gifle retentissante.
- Tu ne parles pas à John de la sorte ! Et tu fais quoi habillée comme ça ? tu te crois dans un bordel ici ? fit-elle en haussant le ton.
- Mais maman…
- Je ne veux rien entendre ! file immédiatement dans ta chambre.
Firdha avait toujours sa main sur sa joue. Elle refusait de laisser couler les larmes qui lui montaient aux yeux. John qui s’était un peu éloigné d’elles, avait un sourire satisfait aux lèvres. Firdha regarda un moment sa mère et courut se réfugier dans sa chambre. Elle claqua la porte et se jeta sur son lit où elle éclata en sanglots. Un flot de souvenirs ressurgit brusquement… Sept ans plus tôt, elle, sa mère, son père et quelques amis de la famille étaient en train de célébrer son treizième anniversaire lorsque soudain son père s’écroula au milieu de la foule. Paul DaSilva avait toujours été un homme à la santé de fer et donc cet incident aussi bizarre que bouleversant avait semé un KO dans la famille. Quelques heures plus tard, on leur annonçait qu’il avait perdu la vie. Ce fut le désastre. Les jours, les semaines puis les mois se sont écoulés dans une tristesse générale. Kenny s’est remariée à John, un an après son deuil et tout avait changé dans la vie de Firdha. Elle a commencé à vivre comme une étrangère dans leur maison. Sa mère avait placé John à la tête de l’entreprise familial et il se croyait tout permis. Kenny est ensuite tombé enceinte de John et a donné naissance à deux gosses…
Firdha repensait à toutes ces années où elle a dû pleurer en silence juste parce que sa mère ne s’occupait plus assez d’elle. Toute l’attention était pour John et les petits…Cela faisait maintenant neuf ans que sa mère ne lui souhaite plus ne serait-ce qu’un ¨joyeux anniversaire¨. Et ce soir, elle venait d’avoir vingt-deux ans. Elle était allée rejoindre son amie Norah, qui avait toujours été la seule à n’avoir jamais oublié son jour d’anniversaire. Neuf ans que son père Paul a rendu l’âme de façon brusque…Tout ce qu’il a eu à construire, sa mère l’avait mis entre les mains de John, soi-disant qu’elle n’avait pas les qualifications pour s’en occuper. C’était compréhensif en ce temps mais le hic est que même après que Firdha eut l’âge de reprendre les rênes de l’entreprise, Kenny s’y opposa catégoriquement, sans motif concret. Jamais auparavant Kenny n’avait levé la main sur sa fille et voilà que ce soir, elle l’a fait ! Et une fois encore, pour John. Du revers de sa main, Firdha essuya ses larmes et se leva de son lit avant de se diriger vers son armoire…
***
- Mais qu’est ce qui m’a pris de la frapper ? fit Kenny en pleurant. Elle doit me haïr en ce moment, ce n’était pas la meilleure des choses à faire.
- Non, tu as fait ce qu’il fallait. Firdha dépasse un peu trop les bornes ! Elle risque de se transformer en une vraie rebelle à force…
- Ne dis pas ça John, ça reste ma fille ! rétorqua-t-elle en reniflant. John se leva brusquement du fauteuil dans lequel il était assis.
- Et moi dans tout ça ? questionna-t-il en colère. Ta fille m’a insulté et toi tu pleures pour lui avoir donné une gifle insignifiante ? Ken, j’ai tout donné pour toi, pour la famille et l’entreprise, tout ça parce que je t’aime mais je ne peux supporter le fait que cette gamine me manque d’avantage de respect. C’est inadmissible !
- Calme-toi s’il te plait, je suis désolée, s’excusa Kenny en plantant ses yeux humides dans les siens.
- Je pars ! Kenny et John se retournèrent simultanément. Firdha se tenait debout du haut des escaliers, une valise dans une main et un sac dans l’autre. Elle se mit à descendre une à une les marches.
- Tu vas où ? questionna Kenny l’air inquiet.
- Loin de vous ! répondit Firdha en les dépassant. Elle se dirigea ensuite vers la porte après avoir lancé un regard noir à John. Kenny est ébahie.
- Ma chérie ne part pas s’il te plait. Je suis désolée pour tout à l’heure, je ne sais pas ce qui m’a pris de lever la main sur toi, pardonne moi…
- C’est trop tard pour t’excuser ! s’écria Firdha. Sais-tu quel jour on est aujourd’hui ? Aujourd’hui j’ai vingt-deux ans mais c’est certainement le cadet de tes soucis n’est-ce pas ? Les yeux de Kenny s’agrandirent comme des soucoupes.
- Ça fait combien d’années que tu ne me considère plus ? Tu te fiche de moi comme si je n’ai jamais existé, continua-t-elle sur le même ton. J’ai vingt-deux ans à présent. Je suis une femme et j’aurai aimé que tu fasses beaucoup plus attention à moi au lieu de m’ignorer tout le temps. Qu’est ce qui s’est passé pour que tu changes autant ? C’est cet homme qui te lave le cerveau ?
- Je ne te permets pas de dire ce genre de choses me concernant Firdha, j’en ai ras le bol que tu cherches sans cesse à remettre toujours la faute sur moi. En fait, tu n’es qu’une pure égoïste, rugit John.
Kenny se mit à sangloter à nouveau.
- Calmez-vous s’il vous plait. Firdha je suis désolée. Je ne sais pas ce qui m’arrive mais je suis sincèrement désolée.
- Je le suis encore plus ! répondit Firdha. Une larme roula le long de ses joues et elle tourna les talons sans prêter attention aux supplications de sa mère. Elle était partie… Les sanglots de Kenny redoublèrent et John essaya de la calmer en la prenant dans ses bras.
- Calmes toi Ken, c’est juste un caprice, je suis sûr qu’elle va revenir dans les prochains jours !
- Non, elle est partie pour de bon, je le sais ! répliqua-t-elle en reniflant bruyamment. Je ne suis pas une bonne mère. Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait !?
- Ne dis pas ça. Viens, allons dans la chambre. Tu as besoin de calmants. Il l’aida à se lever et tous deux se dirigèrent vers leur chambre à coucher.