Daniel
Le lendemain, l'air était lourd de promesses et de secrets non dits. Je me tenais devant la porte en bois massif de l'appartement de Claire, mon cœur battant plus fort qu'il ne l'aurait souhaité. La pluie s’était enfin arrêtée, mais l’humidité persistait dans l’air, créant une tension palpable. Je levai la main pour frapper, hésitai un instant, puis, résigné, frappai trois fois, chaque coup résonnant dans le silence de l’immeuble.
L’attente me parut interminable. Mon esprit vagabonda, se remémorant les interrogatoires précédents. Claire, calme et distante, répondait à mes questions avec une précision glacée, mais un vide se cachait dans ses yeux. Ce regard intense, trop perçant, semblait capable de voir à travers moi, et il m’avait dérangé plus d’une fois. Il y avait des moments où je me demandais si je la comprenais vraiment. Ce n’était pas seulement sa beauté qui me captivait ; c’était son aura. Je me sentais inexplicablement attiré par elle, comme si elle détenait des secrets que j’étais destiné à découvrir. Mais en même temps, je savais que je devais la traiter comme n’importe quel autre suspect. C’était une question d’honneur.
La porte s’ouvrit lentement, et Claire apparut dans l’encadrement. Elle portait une robe noire simple mais élégante, son teint pâle accentué par la lumière tamisée de l’entrée. Ses cheveux bruns, mouillés par la pluie de la veille, tombaient en boucles soignées autour de son visage. Un sourire mince, presque imperceptible, se dessina sur ses lèvres.
« Inspecteur Martin. » Sa voix était douce, mais l'accent de son ton trahissait une certitude, celle de quelqu'un qui savait qu'elle contrôlait la situation.
Je sentis un frisson me parcourir, bien que je m’efforçais de ne rien laisser paraître. « Claire, je dois vous poser quelques questions supplémentaires sur la nuit du meurtre. »
Elle s’écarta de la porte, m’invitant à entrer d’un geste gracieux. Je ne pouvais m'empêcher de noter l'élégance naturelle de ses mouvements. Chaque geste semblait calculé, chaque mouvement précis. Une part de moi se sentait envahie par une étrange fascination, mais je me forçai à garder mon calme.
L’intérieur de l’appartement était tout aussi raffiné que Claire elle-même. Des meubles modernes, des sculptures minimalistes, mais aussi des touches personnelles qui révélaient un goût prononcé pour l’art. La pièce principale, vaste et lumineuse, était décorée avec soin. Pourtant, il y avait quelque chose d’inquiétant dans cet endroit trop parfait. Je ressentais une sensation d’inconfort, comme si cette beauté n’était que l’écrin d’une vérité bien plus sombre.
Claire m'invita à m'asseoir sur un canapé en cuir noir. Elle s’installa face à moi, croisant les jambes avec une lenteur presque théâtrale. Son regard se fixa sur moi, mais pas un mot ne sortit de sa bouche. Elle attendait, comme toujours, que je prenne l’initiative.
Je cherchais mes mots, les mains serrées sur mes genoux. « Vous savez pourquoi je suis ici, Claire. J’ai besoin de comprendre. Tout ne correspond pas… vos alibis, vos témoignages, il y a des contradictions. Vous étiez la dernière à voir le défunt vivant. »
Elle haussait légèrement un sourcil, un sourire énigmatique jouant sur ses lèvres. « Je vous ai déjà dit tout ce que je savais, Inspecteur. Je ne sais pas ce que vous attendez de moi. »
« Je m’attends à la vérité, Claire. » La réponse me sortit plus sèchement que je ne l’avais prévu. Je soufflai profondément. « Il est évident que vous cachez quelque chose. »
Son sourire s’élargit légèrement, mais aucun mot ne sortit de sa bouche. Elle restait calme, observant chaque geste que je faisais avec une attention déconcertante.
Je sentais ma patience faiblir. Je me levai brusquement, parcourant la pièce de long en large, mon regard glissant sur les objets disposés ici et là. Je m’arrêtai un instant devant un tableau. Une peinture sombre et tourmentée, presque macabre, qui dégageait une énergie maléfique. « Ce tableau… » dis-je en pointant l’œuvre. « Il est fascinant. Mais il est aussi… perturbant. »
Claire se leva lentement et s’approcha de moi. Elle se plaça près de moi, si proche que je pouvais sentir la chaleur de son corps, une sensation qui déstabilisa encore plus mes pensées. « C’est une œuvre de mon défunt mari. Il était peintre. » Elle marqua une pause, son regard fixant le tableau avant de revenir à moi. « Il a… disparu. Il y a quelques années. »
Je tournai la tête vers elle, intrigué. « Et vous n’en avez jamais parlé ? »
Elle haussait les épaules. « Pourquoi en parler ? Il est parti, c’est tout. » Sa voix était douce, mais une pointe de douleur semblait percer dans ses paroles.
Je l'observai, l’incertitude s’insinuant en moi. Il y avait quelque chose dans sa façon de parler de son mari, une tristesse qui ne correspondait pas à l’image d'une femme indifférente. Pourquoi l’évoquer maintenant, si ce n’était pour détourner mon attention de la véritable enquête ?
Je m'agenouillai près de la toile, scrutant chaque détail. Il y avait des signes de violence dans la manière dont la peinture avait été réalisée, des coups de pinceau furieux, des couleurs écrasées. Cette œuvre ressemblait presque à un cri de détresse. Je levai les yeux vers Claire, cherchant à déceler quelque chose sur son visage. Mais elle demeurait impassible.
Le silence s’installa, lourd et pesant. Je me levai brusquement et me tournai vers elle. « Claire, tout ça ne peut pas être une simple coïncidence. Vous êtes liée à ce meurtre, je le sais. Vous me cachez quelque chose. »
Elle s’approcha lentement, son regard intensément posé sur moi. « Vous pensez vraiment que je suis coupable ? » demanda-t-elle, la voix douce mais mielleuse.
Je me retrouvai face à elle, me sentant vulnérable pour la première fois depuis longtemps. Son regard me transperça, et pendant un instant, je me demandai si c’était moi qui étais en train de commettre une erreur. « Vous êtes… une énigme, Claire. Je… » Je m’interrompis, ne sachant plus quoi dire.
Elle sourit alors, un sourire presque sadique. « Peut-être que la vérité est plus compliquée que vous ne le croyez, Inspecteur. Peut-être que vous n’êtes pas prêt à la découvrir. »
Je sentis une lourdeur dans mon estomac. Ses mots résonnèrent en moi, mais je ne savais pas comment les interpréter. Mon attirance pour elle devenait de plus en plus conflictuelle, mes sentiments se mélangeaient avec mes doutes. L’enquête se compliquait, et je me sentais de plus en plus pris au piège dans un jeu dangereux que je ne comprenais pas entièrement.
Je ne savais pas encore que je me trouvais à la croisée des chemins. Et qu’il me faudrait faire un choix, un choix qui allait définir mon destin, mon cœur, et peut-être même ma carrière. Mais une chose était certaine : la vérité que je cherchais ne serait pas simple à découvrir… et la passion qui naissait en moi ne ferait que tout compliquer.