Le festival

3294 Mots
Austin fouillait ses poches et n’en sortit que son téléphone. - « Tu as oublié ton porte-monnaie ? Demandais-je sans réfléchir. - Ha. Désolé Hiroko, je me suis tellement dépêché pour te rejoindre que j’ai complètement oublié. - Ce… Ce n’est pas grave, je vais payer. » Je voyais mon porte feuille fondre à vue d’œil… Cette coiffure m’aura coûté cher et je n'ai pas pensé à retirer de l'argent supplémentaire. - « Tu ne manges pas Hiroko ? - Ha… Heu… Non ça va. » En réalité je n’avais plus vraiment assez d’argent sur moi et je devais choisir entre les stands ou mon repas, mais lui se régalait, et ça suffisait à mon bonheur. Je scrutais du coin de l’œil le stand aux milliers de peluches plus craquantes les unes que les autres… J’adorais les peluches, surtout les plus grandes, celle qui pouvait même me dépasser, me dorloter et me faire sentir moins seule. Il y avait un grand ours, il avait l’air moelleux et j’imaginais son doux coton caresser ma joue. Je rêvassais quand Austin avait déjà fait quelques mètres sans m’avoir invité à le suivre. Je lui courais après et revenais me coller près de lui sans rien dire. Il jetait son emballage par terre et je le ramassais pour le mettre dans une poubelle. ** Quelques minutes avant, à quelques mètres de là, Tsume et Sarim livraient un combat acharné sur une borne d’arcade. ** Tsume** - « La partie est bientôt terminée, tu veux toujours tenir ton pari Sarim ? - Au vu de la situation, je dirais que non. Comment tu as fait pour avoir une armure de classe A ? ! - Tu dois avoir ta jauge de pouvoir à fond, là tu balances ton combo et tu as des sushis qui apparaissent sur le tapis, reste plus qu’à les choper avant que ça disparaisse ! - T'es caler ! Le pari était perdu d'avance ! - Mauvais perdant ! Et voilà… Game over. Alors ? Ton pari ? Clamais-je fièrement tandis que Sarim remontait encore une fois ses lunettes, cachant ses yeux de chat vitreux. Alors ? - C’est bon, pas la peine d’insister autant, tu sais que je vais le faire. - Laisse-moi juste savourer ma victoire ! Direction le stand à peluche ! ! - Haaa génial. La honte assurée. Souffla Sarim le sourire aux lèvres. Encore heureux qu’on n’habite pas cette ville, il y a plein de Lycéens, je paris qu’ils sont tous de Katone. - Ca se voit rien qu’à leurs allures bourgeoises qu’ils sont de Katone. T’occupe ! Je veux te voir te promener avec un gros ourson ! - Si je gagne ! - Tu va gagner. » C’est vrai qu’il y avait vraiment plein de Lycéen de Katone. On pouvait les repérer facilement à leur coiffure au top de la mode, que ça soit garçons ou filles. Leurs attitudes étaient hautaines et leurs habits semblaient tous neuf. Pourtant, je croisais une fille qui ramassait l’emballage que son ami venait de jeter par terre. Je restais quelques secondes sur cette fille qui ne paraissait pas dans son monde. Elle ressemblait à une perle fragile. Sarim me tapait l’arrière du crâne, plaisantant sur le fait que je matais une fille déjà prise. Comme si j’étais intéressé par les filles, de Katone en plus ! Ces bourgeoises qui se croient plus belles que tout le monde. Le monde des filles ne tourne pas rond… On s’arrêtait plus loin au stand de peluche. ** Hiroko** Cette soirée se déroulait merveilleusement bien quand on croisait les filles de sa classe. Toutes étaient parfaitement habillées, coiffées, et maquillées. Elles dégageaient une aura délicieuse et raffinée. Elles s'étaient arrêté pour parler à Austin. Je m’écartais sans vraiment le vouloir, déjà écrasée par tant d’élégance. Austin tenait le même sourire qu’à son habitude quand il se tournait pour la première fois vers moi. Il y avait des filles… Mais c’est moi qu’il regardait ! - « Hiroko, elles veulent aller au stand de peluche, on y va ? - Le… Stand de peluche ! Oui ! j’adore les peluches ! - Ha bon ? Je ne savais pas. - Mais… Je te l’ai dit quand on est arrivé… - Ha ? Je ne me rappelle pas. » Je suivais le groupe que nous venions de former, les filles me regardaient d’un air étrange et curieux, penchant la tête, fronçant les sourcils, s’avançaient davantage, reculaient subitement avant de refroncer les sourcils. Quand l’une d’elle prit finalement la parole : - « On s’est déjà rencontrées ? - … On est dans le même Lycée. Répondis-je à voix basse, me sentant tout à coup prise d’assaut. - Tu t'appelle comment ? - Hiroko Mori. - T’es pas obligée de venir avec nous, hein ! Souffla l’autre jeune fille, plus petite que moi, mais avec le double de mon assurance. - Je suis… Avec Austin. - Une minute ! S’écriait-elle, ses longs cheveux bouclés et pailletés remontant jusqu’au menton. Tu es cette fille… Cette fille qui est toujours dans la lune ? ! - Attends. Souffla sa copine. Elle vient de dire qu’elle est sa petite amie ? » Elle s'esclaffait de rire. - « T’entends ça, Austin ? ! Cette fille prétend être ta petite amie ! - Hum ? Clama-t-il sans trop s’y attarder. C'est pas ce que vous croyez. - J’ai… Bredouilla timidement Hiroko… Je n’ai pas dit…ça… j'ai dit qu'on était venu ensemble. » On s’était arrêtés près de la fontaine, entourés par une fille qui riait aux éclats, une autre qui en pleurait, et la dernière qui n’en finissait plus avec ses questions, plus idiotes les unes que les autres. Austin soufflait, s’ennuyait et finit par lancer : - « Bon, je rentre chez moi, cette soirée est vraiment nulle. - Haa ! ! M’interposais-je maladroitement. Attends Austin! On rentre ensemble ! » Il ne répondait pas et je voulu le suivre quand je me sentis soudainement basculer en arrière. « Oups » Lança la diablesse aux cheveux d’anges. « Ne prends pas froid » Froid ? … Non, l’eau jusqu’à la poitrine, les pieds ruisselant de gouttes sur le rebord de la fontaine, mes cheveux massacrés par une vague qui était passé par-dessus ma tête… Des centaines d’émotions m’envahissait, mais pas le froid qui s’infiltrait aux travers de mon yukata. J’avais passé tellement de temps à me préparer, tout ça, anéanti en l’espace d’une seconde. Austin grimaçait et fronçait des sourcils. Je l’avais fâché, pourquoi ? Je n’aurais pas du m’avancer à dire que j’étais avec lui, c’est ma faute. J’aurais du me taire, comme d’habitude. Cette fille me tendit la main l’air de rien, un sourire radieux sur son visage : « Je n’ai vraiment pas fait exprès. Viens, prends ma main. Ne reste pas assise, trempée des pieds à la tête. » Je tendais la main vers elle quand elle la retira aussitôt, éclatée de rire. - « Non mais vraiment tu l’as cru ? ! rigola-t-elle en la dévisageant, noyée dans la fontaine. On dirait un petit chien abattu. - Bon ça suffit ! Coupa Austin d’un ton sec m’attrapant tout à coup la main pour me sortir de là. - Austin… Marmonnais-je timidement en me relevant, dégoulinant comme une vieille serpillère. - Vous ! Cria t-il en se tournant vers les filles : Dégagez ! - Quoi ? S'écria l'une d'entre elle, mais... - La ferme, vous me soûlez ! Ne vous avisez plus de la toucher ! » Les filles s'étaient aussitôt éloigné. J'aurais du être comblé qu'il me défende mais... J'avais l'étrange sensation que quelque chose venait de se casser. Je le suivais péniblement, essorant mes habits dans la ruelle, sautant sur un pied le temps de vider l’eau stockée dans mes sandales. On était partis si vite que les filles n’avaient même pas eu le temps de rétorquer quoi que ce soit d’autre. On s’éloignait de la musique, de la chaleur, de la bonne odeur des beignets cuits. On se retrouvait rapidement seuls tous les deux, quand il s’arrêta enfin, me laissant le temps de souffler quelques secondes. J’en profitais alors pour prendre mon courage à deux mains. - « Pourquoi… Pourquoi tu es si en colère contre moi? j'ai fais tout ce que tu as demandé ! - J'en sais rien ! Hurla t-il en fuyant mon regard une seconde. - Quand on est partis de chez Fuyuki, tu as dit que j’étais ta petite amie. Et après tu m’as juste ignoré ! - Et alors ? ! On a toujours fonctionné comme ça non ? Clama-t-il en se tournant vers moi, le regard noir. On a toujours fonctionné comme ça ! Moi je fais et toi tu suis. Pourquoi ça changerait ? - Parce que… Parce que… Je t’aime. - Je t'en prie Hiroko… Arrête de dire ça. Tu pense que tu m'aime mais ce n'est pas le cas et je suis lasse d'essayer de te le faire comprendre. Alors je vais te dire un truc… Moi j’aime que tu me fasses à manger, j’aime que tu fasses mes courses, que tu travailles le week end pour pouvoir m’acheter tout ce dont j’ai envie, quand j’en ai envie. J’aime que tu sois toujours là pour moi. J’aime savoir que quoi que je fasse, tu seras toujours là devant ma porte. Mais… Même quand tu es belle… Je ne peux pas te voir autrement que comme tu es toujours. Tu es à moi, comme tu es. Mais comme tu es, on ne sera jamais un couple. Jamais je ne pourrait être amoureux de toi ! Tu es... rien on rentre.» Je restais là, les yeux écarquillés. Je n’étais que son esclave… Et je ne m’en étais jamais rendu compte. Il ne m’aimait pas, tout ce qu’il aimait c’était que je le serve, qu’importe mes souffrances. Fuyuki ne m’avait pas menti ! S’il le savait, pourquoi il a essayé de me faire belle ? ! Et… - « Je suis quoi ? - … Non rien. On y va. - Répond moi ! » Il fronçait les sourcils et se remit à marcher silencieusement. Je ne supportais plus ce silence. - « Allez, va jusqu’au fond de tes pensées Austin ! ! ! ! Je suis quoi ? ! - Ne me le fais pas dire ! - Je ne viendrais plus te voir… Plus jamais… Si tu ne finis pas ta phrase. - … Très bien. Si tu insistes… Tu es… Étouffante. Je n'en peux plus de te voir, mais pourtant je ne peux pas me passer de toi ! Et ça me rend dingue ! Bon sang regarde toi enfin ! Tu ne sais pas être féminine, Fuyuki s’est donné du mal et je me demande pourquoi, quand on voit le résultat. Tu resteras seule parce que tu es enfermée dans ton monde. Quelle fille perdrait le fil du temps à faire la vaisselle parce que ça fait des bulles ? Quelle fille est encore assez gamine pour aimer les peluches ?… Tu crois que je ne sais rien de toi, mais c’est faux… Je crois qu’en fait, j’en sais beaucoup trop. Et plus j’essaie de t’ignorer, plus ça m’enrage d’essayer. C’était une erreur d’accepter de venir ici. Je crois… Que j’étais juste curieux de voir ce que tu pouvais faire pour te rendre belle mais même comme ça… Tu restes sans intérêt à mes yeux. » Sans intérêt, gamine, pas féminine… Je ne pensais pas pouvoir entendre autant de choses aussi terribles de la bouche d’Austin. Je découvrais ce qu’il avait toujours pensé de moi. Je rigolais. Ce son ne m’appartenait pas. Je l’entendais, il sortait d’entre mes lèvres, ce son bouillonnait dans mon ventre, résonnait dans mes oreilles. C’était comme me voir de l’extérieur. Je n’étais plus qu’une petite bulle enfermée dans un cachot fermé à double tour. Cette petite bulle voulait s’échapper mais la plus grosse ne faisait que rire aux éclats en la menaçant d'une fourche. Je n’étais plus qu’une infime partie de ce qui était moi. Je n’étais plus que la grosse bulle qui riait. Ho, qu’elle était stupide et naïve, pauvre petite bulle, un jour je viendrais t’éclater avec ma petite fourche et il ne restera plus rien de ce que tu étais. Voilà à quoi je pensais. Voila l'image que j'avais de moi à cet instant. Je rigolais de douleur. - « Hiroko ! ! ! Criait soudainement une voix dans mon dos. Austin, qu’est ce que tu lui as fait ? ! - Fuyuki ? Quoi ? J’ai rien fait, elle se met à rire toute seule j’y peux rien ! - Elle est complétement trempée ! ! Cria-t-il en enlevant sa veste pour me la passer autour des épaules alors que je n'arrivais plus à me retenir de rire. Hi…Hiroko ?… ça va pas ? Tu… Tu fais un peu peur là… - Dégage... Fuyuki. - … Comme… Comme tu veux. Mais tu vas attraper froid là. » ** Fuyuki ** Elle me regardait d’un sourire triste. Ses cheveux mouillés recouvraient grossièrement son visage. Ses yeux noisette étaient noirci par le mascara et on pouvait y lire toute sa tristesse. Jamais je n’aurais cru voir Hiroko avec un tel visage. Elle me fusillait du regard et c’est d’une voix sèche qu’elle me demandait : - « Tu le savais ?… Tu le savais que ça finirait comme ça… C’est pour ça que tu m’as aidé ? - … Hiroko… Qu’est-ce que tu racontes ?… - Allez… Ne fais pas comme si on était ami Fuyuki. Tu le savais n’est ce pas ? que me rendre belle n’aurait fait que lui prouver que je n’étais qu'une pauvre fille sans intérêt. - …Austin… Tu ne lui as pas dit ça quand même ?… - Quoi encore ? Critiqua Austin. T’es l’ami de qui ? Elle ou moi ? ! - … Je commence à croire que je ne suis l’ami d’aucun de vous deux. C’est vrai Hiroko… Je savais que ça allait mal se finir mais… Pas à ce point-là. Enfin… Je ne crois pas… Peut-être que si en fait. Tout ce que je sais c’est que ça vous a enfin ouvert les yeux ! - Aucune… Souffla Hiroko en baissant finalement le visage, fermant ses lèvres et cloîtrant ses yeux noirs de mascara. Aucune importance. Je vous déteste… Tous les deux. » Elle partait, déambulant, les deux bras le long de son corps trempé, ma veste glissant peu à peu de son dos pour finir par terre. Je lui courais après sans vraiment savoir pourquoi… Et lui attrapais le bras avant qu’elle ne me jette un regard aussi froid que sa peau ne pouvait l’être. - « …Hiroko… Je te jure… Que je ne savais pas qu’il irait aussi loin. Je savais qu’il ne t’aimait pas et… Je voulais juste que tu finisses par t’en rendre compte. Mais… Je ne voulais pas qu’il te blesse à ce point-là. Je… Je suis désolé. - Tu disais que j’étais sa marionnette. Mais toi aussi… Tu m’as manipulé. Tu n’es pas si différent. Je ne serais plus… La marionnette de personne. » ** Hiroko ** Non… Je ne serais plus manipulée par personne si je me tiens tout simplement loin des gens. Ne créer aucune amitié, aucune attirance, aucune connaissance. Je ne veux plus personne dans ma vie, je ne veux plus que moi. Après tout je ne devrais pas être de ce monde. J'aurais dû mourir ce jour là, avec eux. Alors je n'ai peut être que ce que je mérite. Austin… La première fois que je l’ai vu, c’était ce jour où j’essayais de faire des bulles dans le jardin. J’aimais son sourire, j’aimais ses cheveux dorés qui se reflétaient dans chacune d’entre elle. Je voulais avoir la même prestance, je voulais qu’on se retourne quand je passe, parce que j’aimais ce que je voyais, j’aimais tout ce qu’il dégageait et tout ce qu’il me disait. Il était… Comme mon frère à cette époque. Il était mon énergie, ma bonne humeur, je voulais tout donner pour qu’il me rappelle encore ce que j’avais perdu, ce que je ne verrais plus. Mais j’avais tort. Tout ça n’était qu’une façade. Je croisais sur ma route deux garçons qui ne m’étaient pas inconnus. Celui aux cheveux orangés portait l’ourson géant sur lequel j’avais rêvassé. Je détournais le regard, ses deux petites billes noires et ses grosses pattes envahissantes ne m’étaient d’aucun réconfort. Je fuyais alors ce que j’aimais le plus. Noir, le monde sera noir. C’est ainsi que quelques mois plus tard… Je me retrouvais calfeutré non pas dans ma chambre, mais dans une autre, totalement inconnue. Enfin, pas si inconnu. J’étais chez ce garçon, qui avais un ours géant dans sa chambre. Aeka… Pourquoi tu m’as abandonnée toi aussi ?… J’étais bien à la maison ! ** Tsume Yakatsu** Voila on en est là. Cette fille à débarquer chez moi sans même un bonjour. Sa chambre à beau être voisine à la mienne. On est deux inconnus l'un pour l'autre. Je sens que l’année va être longue… Vraiment longue.
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