Trois semaines s’étaient écoulée depuis l’arrivé d’Hiroko dans ma maison. vingt et un jours sans avoir échangé un mot. Sans l’œil attentif de Sarim, je n’aurais jamais reconnu cette fille du kombini. Même s’il ne m’en restait qu’un très vague souvenir, je ne me rappelle pas avoir croisé une fille aussi déprimante.
Je passais devant sa chambre fermée par des chaînes. Non je n’exagère pas. Elle avait bricolé des chaînes pour empêcher ma mère d’entrer dans sa chambre. Quel manque de politesse alors qu’elle avait fait l’effort de l’accueillir ! Chaque jour qui passait pesait sur ma conscience. Aeka, sa mère adoptive si j’avais bien suivi leur conversation, passait une fois tous les trois jours pour prendre des nouvelles, désespérée.
Ce soir encore, la voilà en train de frapper à sa porte, auquel seul le mutisme voulut bien lui répondre.
- « Ca ne sert à rien Madame. Soufflais-je finalement, fatigué de la voir insister.
- Quand bien même… Je ne peux pas rester là à attendre ! Elle ne me répond pas, mais elle m’entend.
- Haa… Très bien. Plus un bruit maintenant. Ordonnais-je en lui faisant signe de se taire. »
J’ouvrais un sac de chamalow, emplissant le bruit du sachet avant de le déposer devant sa porte. Je reculais de quelques pas bruyants, talonnant contre le parquet pour signaler mon départ évident.
La porte s’entrouvrit doucement et une main blanchâtre en sortit. Un œil sombre me fit frissonner quand elle chopa rapidement le paquet avant de refermer aussitôt la porte derrière sa main.
- « Vous voyez, Rétorquais-je fièrement. C’est bon, elle est vivante et elle se nourrit.
- Est ce qu’elle va… Vraiment bien ?… Marmonna Aeka subjuguée.
- …Bah… Repris-je un peu hésitant. En tout cas elle va en cours. Ok, elle sort par la fenêtre pour ne pas me voir, elle fusille du regard quiconque la regarde, ne répond jamais quand on lui parle, rentre le soir par la fenêtre et attend la nuit pour prendre sa douche. D’ailleurs à propos de ça, si vous pouviez lui dire que c’est mal poli ça serait génial parce que ça m’empêche de dormir et je vais certainement la tuer d’ici la fin du mois.
- Dé… Désolé ! ! ! Je ne savais pas qu’elle était devenue recluse à ce point là ! ! ! Je suis désolé qu’elle vous dérange ! ! »
Je n’étais sérieux qu’à demi-mot, mais le regard d’Aeka à ce moment était rempli d’inquiétude et de tristesse. Je prenais conscience de ce que je devais dire et ne pas dire en sa présence, et reprit aussitôt mes paroles :
- « Non… Elle ne me dérange pas. Ok, ça ce n’était pas la vérité, mais il fallait bien rattraper mon franc-parler naturel. J’ai vu son devoir sur son bureau pendant la pause… Pour ce qui est des cours, elle a l’air de les suivre correctement, je n’ai pas vu beaucoup d’erreur.
- HO ! ! S’écriait-elle le visage tout à coup rayonnant, reprenant des couleurs et surtout, de l’espoir : Ma petite fille suit les cours ! Mais c’est vrai que tu es le meilleur de ta classe !
- Non, je suis second. Mais le classement n'est pas important. c'est ce qu'on comprend qui l'est.
- Tu as raison ! Rigola-t-elle dans un soulagement évident. Espérons qu’elle reste sur la bonne voie alors. Merci de t’occuper d’elle.
- Je ne m’occupe pas d’elle. Haa ! !… Non… Je veux dire... Je fais de mon mieux, Madame ! Raaah… Que je déteste devoir retenir mes mots ! »
Elle avait enfin retrouvé un peu le sourire, je n’allais pas l’anéantir à nouveau. Et m***e, je ne peux même plus être honnête ! ! ! Cette fille me casse les… Restons poli. De toute façon c’est pas comme si je devais la supporter, elle m’ignore totalement. Y a juste que… ça m’énerve de la savoir juste là. Pourquoi ?… J’en sais rien. Mais ça m’énerve. Je ne me sens vraiment pas tranquille, et en plus elle prend sa douche la nuit. La salle de bain est juste en face de ma chambre. J’entends tout. Et Il a fallu que la pièce voisine soit sa chambre !
Du calme… Du calme. Sourire et faire comme si tout ça ne me dérangeait pas. Sérieux… Je fais pitié là. C’est carrément pas moi ! Je me casse.
Aeka était finalement rentrée peu de temps après avoir parlé avec ma mère. J’entendais son bon rire et ses mots apaisant de ma chambre.
Je me connectais au tchat privé :
Tsu-Tsu : yep… Sarim, t’es là ?
Sarim : Ouaip Tsu, encore en vie ?
Tsu-Tsu : On dirait bien ! Aeka vient de partir. Quelle plaie de devoir vivre avec cette fille.
Sarim : Tu as demandé à sa mère pourquoi elle est comme ça ?
Tsu-Tsu : Toujours la même histoire de son voisin qui se serait servi d’elle. Tu crois que ça vaut la peine de se mettre dans un état pareil ?
Sarim : peut-être que tu ne connais pas toute l’histoire… Tu lui as dit qu’elle avait essayé de s’introduire dans ta chambre la nuit dernière ?
Tsu-Tsu : Tu rigoles, elle était déjà en pleine dépression, si je lui dit que sa fille chérie se baladait dans ma chambre en pleine nuit…
Sarim : mais elle a fait quoi au fait ? t’as pas eu le temps de finir ton histoire.
Tsu-tsu : j’en sais rien. Quand elle a vu que j’étais réveillé, elle a aussitôt filé ! Enfin, si ça se trouve, elle s’était juste trompée de chambre. Bon alors, pour le TP de français, t’en es ou ?
Sarim : J’ai fait l’intro. Je te l’envoie, fais voir ta partie un… »
On avait travaillé jusqu’à vingt heures sur ce devoir. J’avais posé le plateau repas devant la porte d’Hiroko, tapé du pied au bout du couloir pour lui faire comprendre que j’étais parti, et elle avait encore une fois mangé dans sa chambre.
Je demandais des explications à ma mère qui restait encore plus vague que les explications qu’on m’avait déjà donné. Tout ce que je savais sur Hiroko, c’est qu’elle devait vivre avec nous. Je demandais comment elle avait connu Aeka, et là aussi je n’ai eu qu’une réponse détournée. Ma mère était une pro pour faire ce genre de chose. Je posais une question et elle répondait toujours par une autre… Et le pire… C’est que je me laissais toujours avoir !
Alors je proposais à mon père qui refusait d’intervenir dans notre semblant de conversation, de l’enfumer pour la faire sortir de sa chambre et ça m’avait valu un discours de plus sur l’amitié que je devais lui porter. Encore faudrait-il qu’elle le veuille bien.
Etrangement, je n’étais pas triste pour elle. En fait, je la plaignais, de ne pas savoir profiter de la vie. Elle avait été recueillie par une dame qui la considérait comme sa fille et qui s’inquiétait pour elle. Elle ne manque pas d’amour et pourtant, elle est calfeutrée là…. Et bon sang ce que ça m’énerve ! ! ! !
Cette nuit-là, je ne dormais que d’un œil. Sans vraiment savoir pourquoi, je guettais la porte de ma chambre le cœur battant à un rythme effréné. C’est pas comme si elle me faisait peur ou quelque chose comme ça, enfin… Si ok, elle est un peu flippante ! Mais c’est juste que je pressentais ce moment…
Il était trois heures et vingt-huit minutes au réveil, quand la cloison coulissa doucement. Sans un bruit et aussi discrète qu’une petite sourie, elle se faufilait dans ma chambre. Je faisais semblant de dormir, ouvrant légèrement un œil, tentant d’entrevoir ce qu’elle pouvait bien fouiller.
Ses longs cheveux valsaient en pagaille autour d’elle qui reflétaient des ombres de plusieurs mètres sur le mur, telle une pieuvre géante. Elle s’était assise au coin de ma chambre… Et me regardait.
Je commençais légèrement à trembler de l’œil qui restait le plus possible fermé, attendant une réaction de sa part. Mon cœur ne cessait d’accélérer, c’était flippant ! Elle compte rester là pour me regarder ? !
Le grand ours que Sarim avait gagné à la fête foraine trônait sur la chaise juste derrière elle. Pour la petite histoire, Sarim me l’avait offert en faisant croire à tout le monde que j'avais pleurer pour l'avoir. Oui, la vengeance d’un pari stupide se paye parfois très chers. Mais revenons à Hiroko, assise depuis quinze minutes dans un coin de ma chambre.
Plus je la regardais et moins elle m’effrayait, ce qui, après mure réflexion, aurait du être le contraire. Je découvrais un visage que je n’avais encore jamais aperçu à l’école. Elle avait l’air apaisée. Elle posait sa tête contre l’ours géant… Puis prenait sa grande patte pour la passer autour d’elle.
Elle s’endormait ! …
J’ouvrais plus grandement mes yeux pour m’assurer que je ne rêvais pas. Elle s’était endormie… Profondément endormie. Les bras autour de l’ours qui faisait deux fois sa taille.
J’attendais encore une quinzaine de minutes avant de poser une couverture sur ses épaules, le plus discrètement possible. Ok, c’était un acte gentil vu comme ça. J’ai jamais voulu prétendre être un sale égoïste non plus… Mais franchement, si elle voulait la peluche elle n’avait qu’à me le demander.
Elle était presque… Mignonne. Je la regardais de plus près, curieux de voir ce petit phénomène sans se cacher, grogner, souffler ou filer aussi vite qu’un petit oiseau. Ses longs cils battaient sur ses joues cernées. Elle avait un petit nez et de fines lèvres entrouvertes. Ses joues se rosaient, peut être avait-elle encore froid… Je cherchais une deuxième couverture. Ses bras l’entouraient aussitôt et semblaient apprécier la soudaine chaleur qui l’entourait.
Je retournais dans mon lit où ma nuit semblait s’être tout à coup raccourcie à vue d’œil ! Quatre heures quinze ! ! Il me restait moins de trois heures de sommeil !
… Au petit matin, c’est péniblement que j’éteignais mon réveil qui hurlait à mes oreilles comme s’il prenait lui-même plaisir à m’engueuler d’être aussi fatigué. Je m’enroulais à nouveau dans la couette… Essayant de gagner quelques minutes de sommeil, quand je me rappelais soudainement la cause de ma fatigue. D’un bond sur le lit, je fixais l’ours en peluche qui avait retrouvé sa place initiale. Les deux couvertures jonchaient au sol sans personne à l’intérieur. Le visage dépité dès le réveil « Elle aurait au moins pu plier les couvertures et les mettre sur la chaise… »
Je me levais, m’étirant de tous les côtés, sentant mon dos courbé craquer, refusant de se mouvoir. Je passais devant sa porte… Fermée. Elle non plus n’a pas du dormir longtemps. Pourtant je l’entendais se préparer au travers de la cloison. Elle n’était pas encore partie ! Une chance pour moi de m’expliquer avec elle à tête reposé… Ou presque.
Je courais me changer, attrapais ma veste, sautais dans mes chaussures et choper aux vols les tartines que ma mère venait de se faire, tandis que mon père, caché derrière son journal, n’avait pas sourcillé plus que ça.
- « Tsume, c’était mes tartines ! Râlait-elle en le regardant, surprise d’un tel assaut.
- Désolé M’man ! Je vais être en retard ! à ce soir !
- En retard, mais il est à peine… Rétorqua sa mère alors que celui ci avait déjà refermé la porte derrière lui. Sept heures… Bien matinal aujourd’hui.»
Je courais dans le petit jardin pavé et encore humide de la rosée du matin et me planquais derrière le grand sapin, majestueusement immense devant sa fenêtre. « Non mais vraiment… J’aurais jamais cru devoir faire ça un jour… ». Il n’avait fallu que quelques minutes avant d’apercevoir Hiroko sortir de son perchoir. Pourtant à plusieurs mètres du sol, elle n’utilisait que ses bras et ses jambes, créant ici et là des prises naturelles auxquelles elle se cramponnait fermement. Le mur de pierre s’effritait à peine à son passage, elle semblait sure d’elle et de ses appuis. Ses cheveux n’étaient pas aussi en désordre qu’à son habitude, bien ficelés en queue de cheval, j’apercevais néanmoins son élastique glisser au fur et à mesure de sa descente rapide. Agile et féline, elle glissait sans risque contre la paroi et je restais subjugué d’une telle performance. Elle valsait avec légèreté de droite à gauche jusqu’à atteindre doucement le sol.
Je comprenais maintenant pourquoi elle était tout le temps décoiffée en arrivant au Lycée.
« Wow ! Belle descente Hiroko.
Alors qu’elle s’était soudainement retournée, surprise d’avoir été pris en flag, elle m’ignorait presque aussitôt.
- « Pas trop fatiguée ?
- … »
Je me joignais à ses pas qui me fuyaient sans grand étonnement. Aeka n’avait pas tort sur ce point, même si elle ne répondait pas, elle m’entendait. Je marchais donc à côté d’elle. Elle faisait ma taille ou presque… Ses cheveux cachaient à moitié son visage maintenant, et sa queue de cheval ne tenait plus que par quelques mèches rebelles. Elle portait parfaitement son uniforme de couleur crème, repassé et très bien ajusté. Ses pas s’accéléraient de temps à autre comme si elle pouvait m’échapper ainsi.
- « Tu es venue dans ma chambre cette nuit ?
- …
- En fait, ce n’est pas vraiment une question, tu sais que je t’ai vu puisque je t’ai recouvert d’une couverture. En général on dit merci… Bref. T'endormir les cheveux mouillés et par terre, c’était pas vraiment intelligent. Donc… Je me demandais… Est-ce que tu veux mon ourson ? Je te le donne si tu le veux.
- …
- Si tu ne réponds pas, je ne te le donnerais pas. »
Elle s’était arrêtée de marcher et fixait le sol. Sa bouche s’entrouvrait et ces petites secondes me parurent durer une éternité. Je tendais l’oreille, curieux d’entendre le son de sa voix, quand elle la referma sans rien lâcher. Je continuais alors.
« Bon écoute, je suis pas du genre à mentir ou faire de longues phrases dans le vent. Tu n’aimes pas vivre chez moi et je n’aime pas te savoir là. Mais on n’a pas le choix ! Alors je te propose un marché : Je te donne l’ourson, en échange, tu prends ta douche avant minuit. »
** Hiroko **
Un marché ? Il est aussi s*****e que les autres, je le déteste ! Pourquoi il vient me dire ça ? Va t-en, va t-en, va t-en, je ne veux rien de toi !
Tout ce que je voulais… Tout ce que je voulais… C’était sentir une présence… Sans retour. Tellement doux et tendre… Que ma petite bulle, même menacée par la grande et sa fourche noire, a volée doucement vers cette grande peluche.
Je l’avais aperçu le premier jour où la mère de Tsume m’avait fait visiter la maison avec Aeka. Je ne comprenais pas ce que je faisais là, pourquoi j’étais là, pourquoi Aeka avait pris la décision de se séparer de moi ?
Peut être… Parce que je ne l’ai jamais appelée « maman », était-ce une punition ? Elle ne me voulait plus chez elle. Je ne m’occupais plus assez bien de la maison ? C’est vrai que je ne me levais plus aussi tôt ! Elle m’a puni ! ! Elle dit qu’elle m’aime alors qu’elle me force à rester chez des inconnus !
Elle ne me voulait plus parce que je restais trop à la maison ? C’est vrai. A chaque fois que je sortais, je croisais Austin, ça devenait insupportable.
J’avais été déscolarisée après m’être faite virer pour avoir essayé de pousser Austin dans l’escalier. Il m’avait gêné le passage, il le méritait. Un monstre ? Oui j’en étais sans doute devenu un. Quelle importance ? Aeka m’avait punie, sans doute qu’elle avait raison de dire que je perdais la raison. Ce rire raisonnait à nouveau en moi, celui qui ne m’appartenait pas.
Sans que je ne m’en rende compte, je rigolais au milieu de la rue.
- « wow…wow …wow… Sarim ne voudra jamais me croire quand je lui dirais que je vis avec une folle.
- Je ne suis pas folle. Rétorquais-je soudainement. Me mordant la langue pour lui avoir parlé.
- Ha… Coupa Tsume qui ne s’attendait pas à entendre le son de ma voix. Tu… Tu as parlé ?
- Non.
- Pourtant tu viens de reparler juste à l’instant. Taquina-t-il le sourire aux lèvres.
- …
- Très bien, si tu dis que tu n’es pas folle, je veux bien te croire, puisque c’est la seule chose que tu m’ais dite. »
Si je lui parle… Alors je m’attacherais, et encore une fois, je me ferais avoir. Je ne veux plus souffrir… Je me sens bien maintenant, je ne suis simplement plus que moi. J’ai perdu toute identité, parce que je ne vivais pas pour moi. Il faut la reconstruire, la modeler à l’image de qui je veux être… Et ce que je veux… C’est être seule. Pour ne plus avoir à partager mon être… Pour ne plus avoir à douter, pour ne croire qu’en moi.
Je veux cet ours… Je sais que lui ne me fera jamais de mal. Mais je ne le demanderais pas à ce garçon.
…Pourtant… Il ne semblait pas mentir et utiliser des phrases courtes et directes. Je ne sais pas si je dois le croire.
Non bien sur, je ne dois pas. Je ne dois croire que moi. Je l’aimais bien dans son sommeil, parce qu’il ne disait rien.
Il marchait encore à côté de moi. Il compte me suivre longtemps ? Je jetais discrètement un coup d’œil et fut surprise de croiser son regard insistant. Je me plongeais sans le vouloir dans ses yeux d’un bleu marin… De ceux qu’on ne voit que quand on se noie, aux profonds abîmes obscurs, une couleur qui arrêtait le souffle, étouffant. J’aimais ce côté sombre parce que je pouvais m’y noyer, il n’y avait pas de douleur dans son regard, pas de joie, pas de tristesse non plus. J'aimais ses yeux.
** Tsume**
Elle me regardait étrangement depuis un moment. A part cette nuit où elle n’avait pas conscience que je la regardais… C’était la première fois que nos regards s’échangeaient.
Peut être l’avais-je jugée trop vite ?… Ses cheveux châtains en désordre remontaient en ressort aux pointes. Il faisait humide le matin. Je lui faisais un sourire qui resta en sens unique. Je ne saurais donc pas si elle accepte ou non le pacte que je lui ai proposé.
On arrivait presque au Lycée quand elle accéléra le pas et me distança sans l’ombre d’un au revoir. On avait fait la route ensemble, si avec ça maman me fait encore des discours sur mon éducation ! Quoi ? ! C’était gentil non ?… Bon d’accord, à la base c’était juste pour essayer de négocier l’heure de sa douche, mais on peut faire d’une pierre deux coups !
J’apercevais Sarim me faire un salut de la main, décontracté, l’autre main dans la poche. Son visage était jovial et sa petite fossette sur la joue gauche ne désemplissait pas avec un tel sourire. Il était avec Chisame, une camarade de classe, qui, aussi rapide que toute petite, se sauva en m’apercevant. Génial ! La deuxième fille à me fuir en moins d’une minute ! Ses cheveux étant plus au moins coupés court, seule sa petite tresse sur le côté s’envolait dans sa course.
Je crois qu’à part Sarim qui reste assez sociable avec à peu près tout le monde, cette fille n’adresse pas souvent la parole aux autres. Je crois qu’elle s’entendrait bien avec Hiroko ! Ou alors… Non en fait je crois que ça serait plutôt du genre « rencontre du troisième type ». Entre une qui ne lâche pas un mot et l’autre qui ne se laisse pas approcher. C’est quoi le secret de Sarim pour discuter avec elle ? ! Hiroko devrait peut être vivre chez lui !
- « Salut !
- Waaaw… s’écria Sarim en se penchant sur moi. C’est moi ou t’as une tête effrayante ?
- …T’as pas envie de vivre avec Hiroko ?
- Ok… Sourit ironiquement Sarim en grattant sa chevelure rousse : Toi t’as passé une mauvaise nuit. Raconte, elle a encore fait des siennes ?
- Je me disais simplement que tu réussis à parler calmement avec Chisame… Alors tu pourrais aussi le faire avec Hiroko…
- Tu te rends compte que la dernière chose que tu m’ais dite hier, c’était à propos d’Hiroko, et que la première chose dont tu me parles quand tu arrives, c’est encore d’elle ? Tu l’aimes bien finalement hein ?
- Wow… Clamais-je en l’arrêtant tout de suite, une main devant son visage. Tu n’es pas épuisé de vouloir me faire dire ce que je ne pense pas ? Haaa ! Dès le matin, là j’ai pas la force ! »
Je souriais finalement, Sarim était vraiment de bonne compagnie.
Je lui demandais ce qu’avais bien pu raconter Chisame et il bredouilla seulement qu’elle avait encore foiré son dernier devoir. En même temps, quel devoir n’avait-elle pas foiré ? ? Ça serait le contraire qui serait étonnant ! Elle a les notes les plus pourries de la classe. Pas sur qu’elle est son diplôme. bof… Après tout qu’est ce que ça peut me faire ? Surtout… Qu’elle n’a pas l’air de s’en soucier plus que ça.
La mâtiné fut longue, on enchaînait math, philo, français. J’aimais pas le français. Obligé d’imaginer des situations qui étaient tout sauf réaliste…
Je planchais sur ma feuille, et je sentais encore et toujours sa présence dans mon dos… Pourquoi se retrouvait-elle toujours derrière moi ? Elle me suit ou quoi ? !
** Hiroko **
Encore une fois je n’avais pas écouté la question. Je me penchais discrètement sur l’épaule de Tsume pour éviter d’avoir à parler.
C’était bien pratique qu’il soit bon en classe, il notait toujours tout sur sa feuille.
Oui, quand je suis en classe, je me sens comme tout le monde. Ce lycée ne ressemblait en rien de là ou je venais. Le Lycée Katone était le plus bourgeois de Tottori. Les filles étaient toujours magnifiques. Les garçons prenaient leur rôle de prince très au sérieux et rien ne semblait étonnant d’être laissé pour compte.
Si mon cœur n’était pas aussi noir aujourd’hui, j’apprécierais la simplicité de mes camarades de classe. J’aimerais sans doute leurs originalités, leurs caractères changeant, leurs fous rires entres amis… Non. Je ne pouvais guère m’y attarder. La fourberie humaine m’y contraignait. Je m’entendrais bien avec eux, on sortirait de temps à autres, on rigolerait… Et là je me rendrais compte que tout ça n’était qu’un rêve. Je ne peux pas tomber deux fois parce que… Je sais que je ne m’en relèverais pas.
Alors que je notais la question sur ma feuille, ma voisine m’interpella. Je l’ignorais et m’étonnais que certains tentent encore de s’approcher de moi. J’avais tout juste levé les yeux sur ses boucles dorés et ses ravissants yeux grisâtre, que je reçus une fleur en papier sur mon bureau.
Je la poussais sans gêne. Je n’avais que faire de sa fleur, aussi jolie soit-elle.
Quelques minutes s’étaient écoulées quand je reçus un autre origami, une cigogne cette fois. Je la poussais à nouveau sans même lever le visage sur cette fille. Son nom ? Je n’en ai retenu aucun, tout simplement car je n’écoutais pas les présentations des élèves à la rentrée.
Quant à moi… J’avais écris mon nom au tableau et j’étais retourné m’asseoir. Ils n’ont rien à savoir d’autre. Je ne les aimais pas. Je n’aimais plus que moi.