Pendant ce temps, dans le salon, Jennah s'approchait du sujet qui la rongeait depuis des jours.
- Tu as une préférée parmi nous, Mourad ?
Il haussa un sourcil, mais garda son calme.
- Je ne peux pas me prononcer maintenant.
- Tu peux au moins dire laquelle a le plus de chances, non ?
Il réfléchit, puis répondit :
- Khoudia. Même sans dîner officiel avec elle, je ressens qu'elle a le profil d'une femme qu'on épouse.
Jennah se figea, blessée. Khoudia, elle, afficha un sourire discret. Une fierté silencieuse l'habitait. Tout se passait exactement comme elle l'avait prévu. En retrait, discrète, sans agresser ni trop en dire... et pourtant, elle marquait des points.
Jennah, piquée, demanda alors :
- Tu préfères les femmes voilées ?
- Ce n'est pas une question de voile, répondit Mourad. J'aime certaines valeurs. Ce n'est pas ce détail qui fait la différence. Khoudia a juste les comportements d'une femme... mariable.
- Et nous ? On n'est pas mariables ? enchaîna Jennah, un peu vexée.
- Vous l'êtes. Mais certaines attitudes sont parfois... trop.
- Tu veux que je change ?
Mourad la fixa un instant.
- Je veux que tu sois la meilleure version de toi-même. Rien de plus.
Soudain, Lina fit son entrée, un bol fumant entre les mains.
- C'est pour Mourad, dit-elle sans même les saluer. Juste pour lui.
Jennah leva les yeux au ciel, excédée.
- Bon, je vais m'allonger un peu, souffla-t-elle, avant de quitter le salon.
Khoudia, elle, resta. Paisible. Silencieuse.
- Tu veux bien nous laisser un moment ? osa demander Lina à Khoudia.
Mais Mourad, sans lever les yeux de la soupe, coupa court :
- Non. Elle reste.
Lina ravala sa frustration et s'installa tout de même près de lui. Elle l'observait avec attention pendant qu'il commençait à manger.
Elle espérait secrètement que ce soir, tout changerait.
Lina souriait, victorieuse. Assise confortablement à côté de Mourad, elle observait chaque micro-réaction de son visage. Elle savait que ça n'allait pas tarder. Elle l'avait déjà fait avant - elle maîtrisait cet art à la perfection. Son mélange ne ratait jamais. Mourad deviendrait vulnérable... et elle, indispensable.
Il finit sa soupe dans un silence appréciateur.
- Tu cuisines très bien, déclara-t-il, posant le bol vide sur la table basse.
- Merci, répondit Lina, les yeux brillants. Je voulais te faire plaisir.
Un instant de flottement. Puis Mourad, les sourcils froncés, demanda d'un ton mi-sérieux, mi-amusé :
- Tu n'as rien mis de dangereux là-dedans, j'espère ?
Lina rit doucement, d'un rire bas, presque susurré :
- Rien de dangereux. Juste ce qu'il faut pour que tu t'en souviennes.
Ils se mirent à regarder la télévision. Un film quelconque défilait à l'écran, mais Mourad avait du mal à se concentrer. Une chaleur étrange envahissait son corps. Ses membres étaient lourds. Son esprit, embrouillé. Il fronça les sourcils, inquiet.
- Je... Je me sens bizarre, dit-il en s'allongeant lentement sur le canapé.
Lina en profita. Doucement, elle s'approcha et s'assit sur ses pieds, sa robe fendue révélant ses jambes. Mourad tenta de se redresser, mais son regard vacilla.
- Qu'est-ce que tu fais, Lina ? Pourquoi je me sens comme ça ?
Elle pencha la tête vers lui, proche, très proche, et murmura :
- J'ai grandi en apprenant qu'une femme devait savoir deux choses : bien cuisiner... et bien tenir son mari au lit.
Sa voix était mielleuse, dangereusement douce. Elle tenta de poser une main sur sa poitrine, mais Mourad réagit, même ralenti.
- Lève-toi. Maintenant.
- Chut, laisse-toi faire, souffla-t-elle. Tu verras, tu vas aimer...
Avant qu'elle ne puisse aller plus loin, une voix froide coupa l'atmosphère :
- Qu'est-ce que tu fais, Lina ?
C'était Khoudia. Elle s'était levée, tendue, choquée par la scène. Ses yeux alternaient entre Mourad, allongé, et Lina, installée de manière provocante sur lui.
- Tu nous déranges, murmura Lina, agacée. Dégage, c'est entre adultes ici.
Mais Khoudia ne bougea pas.
- Tu ne le touches pas.
En un éclair, elle s'approcha, attrapa Lina par le bras et la repoussa fermement. Surprise, Lina chancela, puis, furieuse, leva la main et gifla Khoudia violemment.
Mais à cet instant, Mourad s'était levé. Son regard noir foudroya Lina. Et sans réfléchir, il leva la main et la gifla à son tour.
- DÉGAGE D'ICI, hurla-t-il. Tout de suite !
Lina recula, choquée, tremblante, le souffle court. Elle ne l'avait pas vu venir. Elle pensait avoir tout calculé, mais elle venait de tout perdre en une seconde. Le cœur brisé, elle quitta le salon en courant, la robe flottant derrière elle.
Mourad, lui, chancelait. Toujours affecté par les effets du breuvage, il posa une main sur son front. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait.
Khoudia s'approcha doucement, inquiète.
-Est-ce que ça va ?
Il hocha lentement la tête. Il n'avait pas les mots. Seulement cette certitude : Lina venait de franchir une limite, et elle allait le regretter.
Mourad s'assit lourdement sur le canapé, encore secoué par ce qu'il venait de vivre. Sa mâchoire était serrée, son regard figé dans le vide. La colère bouillonnait sous sa peau.
Khoudia, toujours à ses côtés, posa doucement sa main sur la sienne. Elle ne disait rien, mais ses gestes parlaient pour elle. Ses doigts glissèrent lentement sur sa paume, cherchant à l'apaiser, à créer un lien plus intime. Elle se rapprocha un peu plus, respirant presque au même rythme que lui. Être près de lui lui faisait du bien. Trop de bien. Elle avait l'impression que c'était sa place.
Quelques minutes plus tard, Bella Dior, encore ensommeillée, entra dans le salon. Elle s'arrêta net en voyant la proximité entre son frère et Khoudia. Un froncement de sourcils discret, mais qui n'échappa pas à Khoudia. Cette dernière voulut se redresser, reprendre un peu de distance, mais Mourad la retint. Son bras se referma autour d'elle avec fermeté, presque comme une affirmation silencieuse.
- Bella, va chercher les autres, ordonna-t-il sans même tourner la tête.
La jeune femme hocha la tête et disparut dans le couloir.
Quelques instants plus tard, Jennah entra suivie de Lina la tête basse et de Zaynab, silencieuse et fermée. En découvrant Khoudia assise contre Mourad, leurs regards se croisèrent, choqués, intrigués, et parfois blessés. Lina, elle, n'osait pas lever les yeux. Elle sentait encore la gifle dans sa joue... et dans son ego.
Jennah, comme à son habitude, prit la parole, le ton légèrement agressif :
- Qu'est-ce qui se passe ici ? Pourquoi ils sont comme ça tous les deux ?
Personne ne répondit. Elle insista, agacée de ce silence.
- Mourad ? Tu comptes nous expliquer ou c'est un jeu entre vous deux ?
Mourad leva les yeux vers elle, froid, tranchant :
- Personne ici ne te doit la moindre explication, Jennah. Tu oublies où tu es ?
Elle croisa les bras, vexée, mais se tut.
Il balaya la pièce du regard, puis annonça d'un ton posé mais ferme :
- Ce soir, pas de surprise. Je n'emmènerai qu'une seule d'entre vous. Et celle avec qui j'irai...
Il n'eut pas le temps de finir.
- C'est Khoudia, pas vrai ? On voit toutes comment vous êtes collés, dit Jennah d'un ton acerbe, en jetant un regard moqueur à Khoudia.
Un sourire se dessina sur les lèvres de cette dernière. Elle le croyait aussi. Elle s'était sentie spéciale, choisie. Même Bella Dior avait cette intuition-là.
Mais la voix de Mourad vint briser toutes les certitudes :
- Ne m'interromps plus jamais, Jennah. Celle qui m'accompagnera ce soir, c'est Zaynab.
Le silence s'abattit dans la pièce. Un silence lourd, sec. Tous les regards se tournèrent vers Khoudia, qui s'éloigna lentement de Mourad, le visage figé. Elle ne comprenait pas. Elle s'était sentie si proche, si confiante. C'était comme un coup de massue en pleine poitrine.
Zaynab, elle, haussa les épaules sans bouger.
- J'suis pas d'humeur. Khoudia peut y aller à ma place, dit-elle sèchement.
Mais Mourad tourna lentement la tête vers elle. Son regard était tranchant comme un rasoir.
- Zaynab, lève-toi. Va te préparer. Tout de suite.
Sa voix n'appelait aucune discussion. Elle roula des yeux, agacée, puis se leva sans un mot, les pas lourds. Elle disparut dans le couloir, la mâchoire crispée. Elle n'avait pas oublié la journée qu'elle venait de vivre avec lui. Et maintenant, elle devait encore le supporter... dans une soirée.
Ce soir, les cartes venaient de changer.
Et toutes comprirent une chose : avec Mourad, rien n'était jamais acquis.
Zaynab sortit de la salle de bain, une serviette enroulée autour de son corps, les cheveux encore humides dégoulinant dans son dos. Elle poussa la porte de sa chambre... et s'arrêta net.
Mourad était là. Debout au milieu de la pièce, tenant une housse dans les mains. Sa robe.
A suivre