Mourad prit le volant, ferma sa portière, enclencha la vitesse et démarra brusquement. Le véhicule s’élança sur le sable, soulevé par des secousses. La conduite était nerveuse, imprécise, presque dangereuse. Le véhicule tanguait, sautait à chaque dune, comme emporté par une mer déchaînée.
— Mourad, arrête ! Tu ne sais pas conduire ici ! Arrête la voiture ! cria-t-elle, agrippée à son siège.
Il ne répondit rien. Il continuait, les yeux fixés devant lui, concentré, presque silencieux. Il l’entendait, bien sûr, mais il ne voulait pas l’écouter.
Zaynab était paniquée, sa voix tremblait entre les secousses.
— Tu vas nous retourner la voiture ! T’es complètement fou !
Mais Mourad continuait, comme s’il fuyait quelque chose.
Zaynab resta quelques minutes dans la voiture, le regard braqué sur le dos de Mourad, toujours figé dans le désert. Le silence commençait à l’agacer. Elle finit par ouvrir la portière et descendit, les pieds s’enfonçant légèrement dans le sable chaud.
Elle s’approcha lentement. Mourad ne bougeait pas. Elle leva discrètement son téléphone et prit une photo de lui, de dos, seul au milieu de cette immensité. Il ne s’en aperçut pas.
— Tu comptes rester là longtemps ? Viens, on va perdre la trace des autres, dit-elle, ennuyée.
Il ne répondit pas.
— Bon, viens conduire p****n, lâcha-t-elle, exaspérée.
Le mot claqua dans l’air. Mourad se retourna d’un coup, s’avança vers elle d’un pas ferme. Son regard brûlait.
— Pourquoi t’es aussi impolie ? C’est ton éducation qui t’a appris à parler comme ça ?
Zaynab recula d’un pas, sur la défensive.
— T’approche pas trop, dit-elle, les sourcils froncés.
— Tu disais tout à l’heure que si ce n’était pas la tradition, tu ne serais même pas là. Pas vrai ?
— J’ai juste dit la vérité. T’as trois autres filles là. Pas besoin de t’énerver pour moi.
Il ne répondit pas tout de suite. Il la fixait. Un silence tendu s’installa.
— Nour a raison, ajouta Zaynab. Pourquoi tu me calcules alors que clairement je fais rien pour te séduire ?
Mourad brisa enfin son silence.
— Dans cette situation… y’a une femme prête à faire tout ce que moi je veux. Une autre qui ferait tout pour m’avoir. Une autre qui n’a besoin de rien faire, parce qu’elle est mariable.
Zaynab le fixait sans comprendre.
— Et la dernière que j’ai citée, c’est pas toi, Zaynab. C’est Khoudia.
Il marqua une pause, puis ajouta d’un ton plus bas, presque cruel :
— Et encore, c’est pas vraiment la dernière. La dernière… c’est celle qui, peu importe ce qu’elle fait, un homme la voudra. Parce que certaines putes sont comme ça.
Zaynab, choquée, leva la main pour le gifler. Il attrapa son poignet d’un geste vif. Elle tenta de se dégager, furieuse.
— Même si tu me traites comme ça, tu ne m’atteins pas, cracha-t-elle.
Mourad s’approcha, si près que leurs souffles se mêlaient.
— Je cherche pas à t’atteindre, Zaynab. Je dis juste la vérité.
Elle se débattit, le regard noir, mais il ne la lâcha pas. Son visage s’approcha du sien, dangereusement. Trop proche. Zaynab sentait son cœur cogner violemment dans sa poitrine. Pourquoi tremblait-elle comme ça ?
Elle détourna les yeux, troublée, incapable de comprendre ce qui lui arrivait.
Mourad pencha légèrement la tête, sur le point de l’embrasser…
Mais soudain, le bruit des moteurs brisa le moment. Les voitures des autres venaient d’arriver.
Mourad relâcha sa main aussi vite qu’il l’avait tenue.
Zaynab recula instinctivement, le souffle court, le regard brûlant de confusion et de colère mêlées.
Les deux 4x4 s’arrêtèrent sur un petit monticule de sable. Les portes s’ouvrirent presque en même temps. Les filles descendirent les unes après les autres.
— J’ai la tête qui tourne, murmura Khoudia en posant une main sur son front.
— Moi j’ai adoré ! lança Jennah en souriant, les cheveux légèrement décoiffés par le vent. C’était trop stylé !
Bella Dior s’approcha de Mourad, les sourcils légèrement froncés.
— Vous vous êtes perdus ? Le chauffeur a eu du mal à vous localiser… On a cru que vous étiez partis ailleurs.
— Non, répondit Mourad calmement. J’ai juste décidé d’arrêter la voiture. On n’était pas perdus.
Personne ne remarqua vraiment le trouble visible sur le visage de Zaynab. Elle ne disait rien. Ses mains tremblaient légèrement alors qu’elle les cachait derrière son dos. Son cœur battait encore vite, sans qu’elle puisse l’expliquer. Ce n’était pas la peur. Pas vraiment. C’était autre chose. Et elle détestait ne pas savoir.
Quand ils reprirent la route, Zaynab refusa catégoriquement de remonter avec Mourad. Elle insista pour aller dans un autre 4x4. Mourad ne dit rien. Il hocha simplement la tête. Jennah se précipita alors dans son véhicule avec un sourire satisfait.
— Je vais avec toi, dit-elle en montant à côté de lui, ravie.
Le convoi reprit sa route à travers les dunes. Après un long moment, ils revinrent à l’accueil du campement pour entamer la deuxième activité prévue : une balade à dos de chameaux.
Khoudia observait les bêtes de loin, peu rassurée.
— Je crois que j’ai peur, murmura-t-elle.
Mourad, déjà près d’elle, posa une main dans son dos.
— Je suis là, t’inquiète pas. Tu vas aimer.
Encouragée, Khoudia monta prudemment, sous l’œil attentif de Mourad.
De son côté, Jennah filmait tout pour ses réseaux : les chameaux, le décor, ses commentaires, sa tenue. Elle faisait son show, comme toujours.
Zaynab, elle, n’arrivait plus à prendre la moindre photo. L’appareil photo de son téléphone était resté inactif depuis leur arrêt. Son esprit était encore embrouillé, l’image du regard de Mourad, son souffle, ses gestes… elle n’arrivait pas à sortir de cette sensation désagréablement confuse. Elle s’énervait intérieurement d’être aussi troublée.
Lina, elle, profitait pleinement. Elle rigolait avec Bella Dior, prenaient des photos ensemble, partageaient leurs impressions.
Un peu plus tard, tous firent une pause à l’ombre d’une grande tente orientale installée au milieu du désert. Les coussins, les tapis, le service de thé… tout rappelait une atmosphère chaleureuse et luxueuse.
Ils s’installèrent pour manger. Les filles riaient, parlaient, postaient sur leurs réseaux. Zaynab gardait le silence, les yeux perdus sur les dunes au loin.
Après le repas, le groupe reprit les activités de safari. Les filles posaient devant les 4x4, faisaient des photos en groupe, des vidéos, des selfies. L’ambiance était plus détendue. Mais quelque chose en Zaynab avait changé.
Et Mourad, lui, n’avait cessé de l’observer du coin de l’œil, sans rien dire.
De retour à la villa, la fatigue se faisait sentir sur les visages. Le désert avait absorbé leur énergie. Chacune regagna sa chambre, en quête de repos.
Zaynab ne perdit pas de temps. Dès qu’elle franchit le seuil de sa chambre, elle fila dans la salle de bain pour une douche rapide. L’eau chaude l’apaisa un peu, mais à peine sortie, elle attrapa son téléphone et se mit à faire défiler les quelques clichés qu’elle avait pris. Ses doigts s’arrêtèrent net sur une image : Mourad, debout de dos, seul face aux dunes.
Un sourire naquit sur ses lèvres.
Sans vraiment réfléchir, elle ouvrit Snapchat, ajouta la photo en story. Pas de filtre, pas de légende. Juste cette silhouette masculine mystérieuse dans le désert.
Elle savait ce qu’elle faisait.
Mourad détestait s’afficher sur les réseaux sociaux. Les seules photos de lui visibles en ligne étaient celles postées par ses partenaires d’affaires, toujours sobres, contrôlées. Cette rareté créait de la fascination. Et Zaynab venait d’alimenter le feu.
En quelques minutes à peine, les notifications explosèrent. Des captures d’écran, des commentaires : C’est lui ?, OMG on veut voir plus !, T’as trop de chance !… Intriguée, elle ouvrit les messages. Et là, l’angoisse la saisit. Elle réalisa qu’elle venait de faire une erreur. Elle supprima la story en vitesse. Mais c’était trop tard.
Certains avaient déjà gardé la photo.
Agacée par sa propre impulsivité, Zaynab balança son téléphone sur le lit, éteignit la lumière et s’endormit, le cœur encore serré.
De son côté, Bella Dior s’accorda aussi une sieste, laissant le calme s’installer dans la villa.
Pendant ce temps, les trois autres prétendantes, douchées et changées, rejoignirent le salon. Mourad était là, assis, détendu, un verre à la main.
— On peut rester un moment avec toi ? demanda Jennah avec un sourire charmeur.
— Bien sûr, répondit-il.
Tandis que Jennah et Khoudia engageaient la conversation avec lui, Lina s’éclipsa discrètement vers la cuisine. Elle ouvrit son sac, sortit une fiole contenant une préparation huileuse qu’elle avait conçue elle-même. Quelques gouttes dans une soupe, soigneusement épicée… Elle mélangea le tout avec application. Une recette "spéciale", comme elle aimait le dire. Aphrodisiaque, envoûtante. Elle comptait bien profiter de l'absence des deux autres filles pour prendre de l’avance.
A suivre