La porte a claqué. Il est parti. Et le peu de sérénité qu’il m’a apportée s’est enfui avec lui. J’attrape une bouteille d’eau, un livre et me dirige vers ma chambre. Je soulève ma couette et m’allonge tout habillée dans mon canapé. Je peux encore sentir son b****r dans ma nuque et sur ma joue. Il est si doux.
J’aurais peut-être dû demander un mec moins attentionné car le retour à la réalité sera difficile. Qu’importe après tout. N’ai-je pas droit à ce qui pourrait s’apparenter à du bonheur pour une fois ? Probablement pas, non. Pourtant, quand il m’a proposé de rester, j’ai eu envie de dire oui.
À vrai dire, j’aurais pu le supplier pour qu’il me garde dans ses bras toute la nuit, pour qu’une fois dans ma vie, je ne sois pas morte de peur au milieu de mon lit. Mais je devais le laisser partir. Il s’attendait sûrement à ce qu’on couche ensemble. Il doit avoir des besoins, j’imagine, et il aurait été cruel de ne pas le laisser profiter de sa soirée.
Je l’imagine avec d’autres clientes. Mais ce qui me perturbe le plus, c’est de songer à sa petite amie. Je me demande comment elle est et si elle sait pour lui. Je ne comprends pas pourquoi je souffre en l’imaginant poser ses mains sur elle, sa bouche sur son corps. Je dois chasser ces images de ma tête, je ne suis pas à la recherche d’un copain. Jamais plus je n’en chercherai, tout ce que je cherche, c’est un peu de répit et des réponses.
Le téléphone fixe posé sur ma table de chevet résonne et me fait sursauter. Je vérifie le numéro avant de répondre.
– Salut Emmy.
– Salut ! Enfin j’arrive à te joindre ! J’ai essayé plusieurs fois sur ton portable mais ça n’a pas l’air de fonctionner. Normal, j’ai éteint ce fichu truc.
– Élias m’a appelée, il a dit que vous aviez été coupés. Il a l’air sur les nerfs, tu lui manques vraiment beaucoup. Je savais qu’il tenait à toi mais là je crois qu’il est carrément en manque.
En manque de sexe, ça, c’est sûr.
– Mon téléphone déconne, je crois.
– Oui, j’ai l’impression. C’est une torture pour lui, il t’a dans la peau, il a du mal à vivre votre séparation, je crois.
Dans la peau ? C’est plutôt lui qui a marqué la mienne.
Quel supplice de devoir répondre à Emmy comme si de rien n’était. C’est ma meilleure amie depuis qu’on est toutes petites. Son frère est un peu plus âgé que nous et quand j’allais passer le week-end chez leurs parents, il était souvent absent, à traîner avec ses potes. Et puis l’âge est arrivé où on était assez vieilles avec Emmy pour faire des soirées avec eux. On s’entendait bien mais ensuite il est parti. Il commençait à se faire trop remarquer et son père lui a laissé le choix : l’armée ou le pensionnat. Il s’est engagé et je ne l’ai pas revu avant mes 20 ans. On a recommencé à aller en soirée tous ensemble et petit à petit, on est sortis uniquement tous les deux. J’ai cru que c’était mon grand amour… Quelle conne.
– Lucianna ? T’es toujours là ?
– Oui, excuse-moi. À vrai dire je viens de me coucher, je suis claquée.
– Je t’ai dit d’aller voir un médecin. Tu n’es pas en forme en ce moment.
– Oui et je vais prendre rendez-vous, c’est promis.
Je me demande toujours comment ils peuvent être de la même famille. Emmy est si douce, si attentive aux autres. Un véritable petit ange. Alors que son frère n’est qu’un horrible diable.