Je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes dans cette position. Mon corps est engourdi mais ça m’est égal. Je ne veux pas bouger, je veux continuer à la sentir respirer contre moi. Je me sens bien. Ça ne m’était pas arrivé depuis… bien trop longtemps pour que je m’en souvienne. Je n’arrive pas à détacher mon regard de Lucianna. Elle n’a pas quitté mes bras. Par moments, elle est ailleurs. Son corps se crispe, ses poings se ferment et c’est comme si elle se battait pour chasser ses démons intérieurs. Je repense à son regard et à cette souffrance. Qu’a-t-il bien pu lui arriver ? Un homme lui a sans doute brisé le cœur. s******d. Enfin… Je suis mal placé pour juger. J’en ai moi-même brisé quelques-uns. Jamais je ne me suis attaché à une fille au point de l’aimer. Lucianna s’est remise à trembler. Elle m’affirme qu’elle n’a pas froid mais elle peine à calmer ses tremblements. Peut-être qu’elle est trop fière pour me demander de quoi la couvrir. Je suis pris d’une soudaine envie de la réchauffer, là, tout de suite. Des images de nos corps s’entremêlant sur le canapé défilent dans ma tête. Mon désir redescend aussi vite qu’il est monté. Je ne serais qu’un bel enfoiré de la b****r là, sur ce canapé de m***e. Elle mérite mieux. Et si pour une fois j’essayais de ne pas me comporter comme le dernier des cons ? Jena me gueulerait dessus à coup sûr si elle m’entendait raisonner ainsi. Pas de sentiment Zac, c’est la règle. Jusqu’ici, ça n’avait posé aucun souci. Mais qu’est-ce que je raconte ? Je ne connais pas cette fille. Les coups de foudre et toutes ces conneries, je laisse ça aux autres. Comme si cette soirée allait changer ma vie. Elle me paye pour être là, pour que je lui offre un service. Alors il faut que je me comporte en professionnel. Il faut que je me tire d’ici vite fait pour dormir et arrêter de me raconter des histoires. – Zac ? Je suis désolée de vous avoir autant immobilisé. Il est vingt et une heures trente. Vous devez sûrement avoir des choses de prévues. m***e, toutes mes bonnes résolutions volent en fumée lorsqu’elle prononce mon nom. Et pourquoi je trouve ça aussi attirant qu’elle insiste pour me vouvoyer ? Bordel, j’ai dû choper le virus de la crétinerie, ce n’est pas possible autrement. Elle s’est un peu éloignée de moi et me regarde de ses grands yeux magnifiques. C’est moi qui ai froid maintenant. De l’intérieur. Je ne veux pas qu’elle se détourne de moi. Comme je ne réponds pas, elle se lève et va se poster devant la fenêtre du salon. Elle semble de nouveau ailleurs… Mais ce monde où elle s’évade n’a pas l’air féerique. Je vois son visage dans le reflet de la vitre. Elle souffre, mais je ne sais pas de quels maux. Et c’est insupportable. Je me lève sans réfléchir et même si mes jambes sont douloureuses, je marche jusqu’à être tout près d’elle. Quelques centimètres seulement nous séparent. J’ai envie de la serrer contre moi, de l’embrasser mais je n’ose pas bouger. Elle aperçoit mon regard baissé dans la vitre et saisit doucement mes mains pour les positionner sur son ventre. Je pousse un soupir d’aise, reconnaissant pour ce moment. J’ai l’étrange impression que j’ai trouvé ma place, que c’est ici que je dois être, que nous devons être. Enlacés devant cette fenêtre à regarder les lumières de la ville. – Je peux rester, si tu veux. – J’imagine que ça ne se passe pas comme ça d’habitude. Mais c’est tout ce que je peux pour l’instant. Tout ce qu’elle peut ? J’imagine qu’elle voulait dire « tout ce qu’elle veut ». Et maintenant elle pense que je veux rester pour coucher avec elle. Quel c*n. Il est temps que je m’en aille. Je dois me faire violence pour accepter l’idée de partir et de la laisser seule. Je libère une partie de sa nuque en faisant basculer ses cheveux d’un même côté. Ainsi je peux déposer un b****r dans le creux de son cou. Sa peau brûle sous mes lèvres et le désir manque de me consumer de l’intérieur. m***e… Sans la lâcher, j’attrape sa veste posée sur une chaise près de nous. Je l’enroule autour de ses épaules et l’embrasse sur la joue avant de lui murmurer à l’oreille : – Reste là. Je vais trouver la sortie, ne t’en fais pas. Je reviendrai demain à dix-neuf heures trente. Appelle-moi si tu préfères un autre moment. Je me sépare d’elle au prix d’un immense effort, remets ma chemise sans la boutonner et mon blouson par-dessus. Je ramasse mon sac, la regarde une dernière fois et file vers la porte.