Chapitre 6 : Le reflet de l'âme

1066 Mots
Annibal Je me tenais là, presque figé, comme si le monde autour de moi s’était effondré et que le seul élément qui existait encore était ce silence oppressant. Mes pensées se bousculaient, mais une sensation de lourdeur s’empara de moi. La pièce semblait se réduire à un point de pression, et je ne savais plus quelle direction prendre. Elle était toujours devant moi, calme, presque distante, mais ses yeux… Ses yeux ne cessaient de me fixer avec une intensité qui me paralysait. Comme si elle avait vu au-delà de mon apparence, au-delà de mes actions. Elle savait ce que j’avais fait, mais surtout, elle semblait savoir ce que je ressentais en cet instant précis. Et cela me terrifiait. Elle s’éloigna légèrement, et je remarquai alors que les murs autour de moi avaient changé. Ils étaient maintenant recouverts de miroirs. Des miroirs partout, des murs en miroir, chacun reflétant mon visage. Mon reflet. Mais ce n’était pas le visage que je connaissais. Ce visage… Il semblait plus vieux, plus fatigué. Les yeux, marqués par la violence et la souffrance. La peau, tendue, marquée par des années de secrets et de décisions froides. Je m’approchai d’un miroir, lentement, presque hésitant. Chaque pas que je faisais semblait résonner avec une force croissante. Mes yeux s’ancrèrent dans mon propre reflet. Mais ce que je vis ne correspondait pas à l’image que j’avais d’habitude. Je ne voyais plus simplement un assassin. Je voyais un homme brisé, un homme perdu. Un homme qui s’était battu toute sa vie contre des ombres qu’il ne pouvait jamais échapper. "Qu’est-ce que vous attendez de moi ?" murmurai-je finalement, la voix remplie d’une désespérance que je n’avais pas voulu admettre. "Vous m’avez vu… Vous savez ce que j’ai fait… Alors, pourquoi me tourmenter ainsi ?" Elle s’approcha de moi, son pas léger, mais son regard lourd de compréhension. "Je ne te tourmente pas, Anibal. Je te montre simplement ce que tu as toujours voulu ignorer. Ce que tu n’as jamais voulu voir. Tu cherches à te convaincre que tuer, éliminer des vies, effacer des preuves, est la seule façon d’aller de l’avant. Mais ça n’est jamais suffisant, n’est-ce pas ?" Je tournai légèrement la tête, observant les reflets déformés des autres miroirs. Chaque visage était une variation de moi-même, mais déformé, brisé, marqué par les années de violence. Les meurtres. La solitude. J’avais toujours cru que tout cela n'était qu'une question de contrôle. Mais maintenant, chaque réflexion semblait me dire quelque chose de bien plus profond. "Je ne pouvais pas faire autrement… Je n'avais pas le choix," soufflai-je, presque pour moi-même, comme une excuse que je m’étais répétée pendant des années. Mais cette fois, cette excuse n’avait pas l’air de tenir. Les mots résonnaient faiblement dans l’air, comme une tentative de clamer quelque chose que je ne croyais plus. Elle soupira doucement, un air presque triste traversant son visage. "Tu te trompes, Anibal. Il y a toujours un choix. Et même si tu t’es convaincu que tuer était ta seule voie, ce n’était pas la vérité. Tu as choisi ce chemin, mais tu as aussi choisi de fuir. De fuir tes peurs, de fuir tes doutes. De fuir la personne que tu es devenu." Je fermai les yeux, incapable de regarder plus longtemps ce visage déformé par le miroir. Je détournai le regard, cherchant quelque chose pour me raccrocher à ma réalité. Mais tout ce que je voyais, c'était l'image de moi-même se brisant lentement sous la pression de ces mots. "Je ne peux pas revenir en arrière…" murmurais-je, la voix tremblante cette fois. "Ce que j'ai fait… Ce sont des choses irréparables." "Tu penses que c’est trop tard ?" répondit-elle calmement, sans jugement. "Mais la vérité, Anibal, c’est que tu ne peux jamais effacer ce que tu as fait. Ce que tu peux changer, c’est ce que tu choisis d’être maintenant. Ce n’est pas une question de rédemption, ni de justice. C’est une question d’acceptation. Accepter qui tu es, et choisir de vivre avec cela." Les mots résonnèrent en moi, comme une onde qui se propageait à travers mon esprit. Je ne savais pas comment réagir, ni comment les accepter. La simple idée qu'il puisse encore y avoir un choix semblait irréelle. Comment un homme comme moi pouvait-il encore se permettre de choisir un chemin différent ? J'avais tout perdu. Mes actions, mes meurtres, avaient tissé un réseau de mensonges et de douleur autour de moi. Comment pouvais-je penser à réparer tout cela ? Je me tournai finalement vers elle, mon regard fuyant, cherchant une issue. Mais elle était toujours là, présente, immobile, et son regard semblait m’offrir une sorte de paix que je n’avais jamais connue. "Je ne peux pas tout effacer…" dis-je d’une voix cassée. "Je ne peux pas tout réparer." "Non," répondit-elle avec douceur, "tu ne peux pas effacer ce qui a été fait. Mais tu peux choisir comment tu vas avancer. Et c’est là que tout commence. Chaque pas que tu fais désormais peut être un pas vers la lumière ou un pas dans l’ombre. C’est toi qui décides." Les miroirs autour de moi se mirent à trembler légèrement, comme une réponse à mes pensées tourmentées. Je regardai mon reflet une dernière fois, cette fois sans détourner les yeux. Ce visage… Ce n’était pas un monstre. C’était un homme. Un homme qui avait fait des erreurs. Un homme qui avait choisi un chemin tortueux, mais un homme qui, peut-être, pouvait encore choisir de changer. Je respirai profondément, comme si pour la première fois, j’acceptais cette réalité, cette vérité dure mais nécessaire. Le voyage que j’avais entamé n’était pas celui d’un assassin sans pitié, mais celui d’un homme qui cherchait à comprendre ce qu’il était vraiment. Je n’étais pas perdu. Pas encore. Mais je savais que ce qu’il allait se passer à partir de cet instant définirait qui je serais. "Alors, que dois-je faire ?" demandai-je enfin, la voix plus calme, mais chargée d’incertitude. "Regarde-toi dans le miroir," répondit-elle. "Et décide, maintenant. Qui veux-tu devenir ?" Je fermai les yeux un instant, cherchant à retrouver un peu de clarté dans l’obscurité de mon esprit. Lorsqu’ils s’ouvrirent de nouveau, je me tournai à nouveau vers le miroir, mais cette fois, quelque chose en moi avait changé. Ce reflet… Il n’était pas juste un assassinat de moi-même. Il était un homme encore capable de se réinventer. J’inspirai profondément, prêt à affronter ce qui venait.
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