La Partition de l'Amour

Avant de frapper à l’imposante porte de chêne de la directrice, Mika Atkins inspira grandement. Ce n’était pas la première fois qu’elle était ainsi convoquée mais à chaque fois elle avait ce nœud au ventre et encore plus aujourd’hui après ce qui s’était passé hier soir.             Une journée de répétition comme les autres, ce qui aurait dû être comme les autres. Elle n’en revenait pas encore d’avoir eu ce courage car en vérité elle a toujours été très réservée. Mais en vérité, elle n’aurait jamais dû faire cela. Agir ainsi avait été stupide. Rien que d’y penser, elle sentait l’angoisse nouée encore plus son ventre.             Mika frappa deux coups secs et la réponse se fit aussitôt entendre - Entrez ! Lui indiqua une imposante voix féminine.             Mika poussa la porte et entra dans le vaste bureau éclairée par de gigantesque fenêtre. Au milieu de la pièce, derrière son bureau, une femme, les cheveux entre blond et gris approchant la cinquantaine se tenait debout dans un tailleur bleu lavande. C’était Monika Ritter la directrice de l’orchestre Philarmonique de Berlin où elle travaillait et jouait comme violoncelliste. Elle tourna la tête vers la porte et scruta la jeune femme avant de secouer la tête.             Mika baissa les yeux sur sa petite jupe volante avec ses bas noirs et son chemisier bleu. La directrice désapprouvait toujours sa manière de s’habiller mais tant qu’elle jouait excellemment et s’habillait bien pendant les concerts et représentations elle l’a laissait faire. - Assieds-toi donc Mika !             Avec presqu’empressement, elle s’assit à l’une de chaise face au bureau et les jambes serrées attendit. - Comment se passe les répétitions avec Roberto aujourd’hui ? C’était le nouveau maestro engagé par l’orchestre. Un homme d’une cinquantaine d’années qui avait une réputation d’excellent maître d’orchestre mais pour sa part elle ne l’aimait pas trop. Depuis le premier jour où Monika l’a présenté à elle et à ses collègues, elle a eu du mal à l’apprécier. Suivre ses directives s’en sont résulté compliqué. Bon, c’est vrai, il était doué. - Plutôt bien, répondit-elle après quelques instants.             Mika vit la directrice sourire et ferma les yeux un court instant.             La directrice avait entendu parler de son altercation avec le chef d’orchestre, la vieille, elle le savait bien. Elle était dans la moise. m***e ! Elle aurait dû se la fermer. - Il paraît qu’hier tu lui as dit ta manière de penser. - Pas vraiment, j’ai… - Je ne suis pas là pour t’en blâmer, Mika. Pas le moindre du monde. Si ce n’avait été que moi jamais je n’aurais embauché Roberto mais comme tu sais je ne suis qu’un maillon de tout ceci, dit-elle en lorgnant les murs. - Alors je ne vais pas être virée ? Demande-t-elle avec un mince espoir. - Virée ! dit-elle en éclatant de rire.             Mika ne sut ce qu’elle devait penser. - Tu es la meilleure soliste de violoncelle que j’ai jamais eu ici et je n’ai pas le moindre envie de te virer et qu’un autre orchestre vienne à te récupérer.             Mika poussa un soupir. Depuis toujours, tout le monde s’exhortait à dire qu’elle était une vraie surdouée, qu’elle avait un talent inouïe mais pour elle, elle ne se félicitait que d’être une bonne joueuse de violoncelle. - Mais…             Mais ? Relevant la tête, elle scruta la directrice qui la fixait d’un air grave. Celle-ci alla s’asseoir dans son fauteuil derrière le bureau. - Ce n’est pas l’avis de Kiefer qui veut que je te vire parce suite à ta dispute d’hier avec notre cher Roberto qui est d’ailleurs venu se plaindre ici afin également que je te vire au plus vite et comme bien sûre j’ai refusé, il a menacé de démissionner. Tu es une recrue d’émérite, il faut le dire. - Je ne comprends pas. M. Calvi veut démissionner ? - Il a essayé de me faire le coup du genre soit c’est « elle ou moi ». - Et vous m’avez choisir moi ? - Ce n’est pas cela qui s’est passé ma petite Mika. Je n’aime pas que l’on essaye de me forcer la main. Je suis arrivée ici et j’ai rencontré des maestros bien plus infernaux que lui et je n’allais pas courber l’échine devant lui. Mais je connais aussi bien cet homme et il n’est pas du genre a aimé être contredire. Cela ne m’étonnerait pas qu’il vienne à démissionner effectivement dans les jours prochains et vu que Kiefer l’apprécie vraiment, il refusera et préféré se démunir d’une même aussi talentueuse collaboratrice.             Les yeux ronds, Mika contemplait Monika. - Mais, alors que va-t-il arriver à l’orchestre ? - Oh ! Ne t’en fait pas les maestros il y en a pleins qui veulent travailler avec nous même si c’est particulièrement avec l’un d’entre eux que j’aimerai faire signé ici mais cela s’avère impossible. - Impossible ! répéta-t-elle sceptique.             Depuis presque deux ans qu’elle travaillait dans l’orchestre elle n’avait jamais vu une seule personne capable d’impressionner cette femme, de lui tenir tête ou encore de lui dire non. - Il a refusé toutes mes propositions et ceux de bien d’autres grands orchestres de part le monde. Peut-être même d’une bonne centaine.             Une bonne centaine ? Toujours sceptique, Mika se demandait de qui pouvait-il bien s’agir ? - Bon comme je te disais M. Roberto Calvi semble vouloir nous quitter suite à votre petite dispute d’hier après-midi et Kiefer très en colère demande ta démission. Même si je m’y oppose c’est lui le grand patron et je sais qu’il est capable d’aller parler aux membres de l’administration et cela va devenir compliqué. Et voilà, ç’en était fini. Son grand rêve de travailler dans l’un des plus grands et prestigieux orchestre philarmonique au monde venait de prendre fin. Elle avait vouée toute sa vie entière à jouer. Et aujourd’hui après tant de péripéties et de difficultés pour être là tout allait lui échapper juste parce qu’elle avait osé dire à ce Roberto que sa manière de diriger n’était pas adéquat. Elle n’avait fait que dire la vérité. Sa recomposition de l’équipe risquait d’être désavantageuse lors d’une prestation et ça il ne voulait pas le comprendre. Ce n’était qu’une simple suggestion mais le maestro ne l’avait pas entendu de cette oreille. - À moins..., ajouta Monika après quelques secondes.             Toute ouïe, Mika scruta la directrice qui la regardait d’une manière bien étrange. Elle avait bien entendu son interjection, alors il y aurait peut-être une solution ? - À moins ? répéta-t-elle.             Monika émit un petit ricanement presque sinistre qu’elle lui connaissait bien. Elle tira à elle un des tiroirs de son bureau et en sortir un dossier qu’elle lui tendit. Mika le contempla un moment puis finit par le prendre - Qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle dubitative. - Ta mission. - Ma mission !             Monika sourit et se cala mieux dans son fauteuil. - À moins de te faire virer tu devras convaincre le plus têtu, grincheux mais talentueux compositeurs et maestro du monde à travailler pour nous. Sir Adam Longford.