5

507 Mots
5 Marre de conduire. J’ai passé la matinée entre ces quatre murs de tôle. J’ai mal à la tête. Trop de musique. Je pars. C’est fini. Je me débarrasse de tout. Et je file je ne sais où. J’ai bien dû parcourir trois cents ou quatre cents kilomètres. Il n’y plus d’essence. Je m’en fous. Je m’arrête là. Je laisse la voiture sur le bas-côté et je marche. La route est déserte. Quand je verrai un panneau, je saurai où je suis. De toute façon, qu’importe ! Il faudra que je m’achète des baskets. Maudits talons ! Des épis de maïs par centaine, je dois encore être en Bretagne. Pourtant je suis sûre d’avoir roulé beaucoup. Je sors mon téléphone de mon sac. Cinq messages, six textos. Qu’ils aillent se faire foutre ! Je m’assieds et j’ouvre l’estomac de mon portable. Je lui retire batterie et carte Sim que je jette au loin. Je ne rentrerai pas. Je vais tout recommencer. Il faut que j’atteigne une ville avant ce soir. Les herbes sont hautes. Je vais filer mes bas. De toute façon, il n’y a pas âme qui vive ici. Je marche à présent au milieu de la route. Je rêve d’enlever mes talons et d’enfiler un pantalon. Quelle heure est-il ? En tout cas, le soleil tape fort. Il ne serait pas étonnant qu’il soit 15 h. Je pourrais encore rentrer à la maison. Raconter une sombre histoire pour expliquer mon absence au bureau et mon retard ce soir. C’est hors de question, je ne veux pas. Je ne peux pas. Je prends sur cette route déserte perdue au milieu de nulle part une décision, peut-être la seule décision personnelle de ma vie. Je vais tout recommencer, ailleurs, loin d’ici, je changerai de nom. Plus de mari, plus d’enfants, plus de travail. Ils s’en remettront. Ils seront mieux sans moi. Je suis de toute façon tellement seule. Je ne dois pas penser à eux. Qu’ils se débrouillent ! Je me déchausse. Mes pieds me font souffrir. J’aperçois au loin l’entrée d’une petite ville. Le sommet d’un clocher apparaît et se dégage au cœur de quelques arbres. Le ciel est bleu et je rêve de m’asseoir à la terrasse d’un café pour reposer mes pieds. Je remets mes chaussures. Mes bas sont largement filés. Je marche de plus en plus vite. Je veux arriver. Me poser. Je cours presque à présent. Je m’assieds au sol devant l’église. J’ouvre mon sac et le vide. Portefeuille, clés, carnet de chèques, maquillage, petit carnet, agenda, mon téléphone qui ne peut appeler que les urgences. Je me dirige vers la poubelle et j’y jette mon téléphone, mes clés, mon maquillage, et mon agenda. Plus besoin. Le temps s’arrête. Je rentre dans l’église, mes chaussures à la main. Je m’assieds sur un banc au fond de l’allée centrale. J’observe les lieux, je sens le froid me traverser. Ces vieilles pierres, ces tableaux d’une autre époque. J’ai toujours aimé les églises. Enfant, je m’y réfugiais souvent, je priais pour que Dieu me fasse pousser des ailes. Puis, un jour, déçue, je les ai désertées. Dieu était mon confident. Je lui disais tout. Mes parents, si peu présents. Ou trop ! Tellement de solitude. Être là dans cette église me replonge dans cette enfance faite de vide. Mais je pars. Je ne meurs pas. Je pars.
Lecture gratuite pour les nouveaux utilisateurs
Scanner pour télécharger l’application
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Écrivain
  • chap_listCatalogue
  • likeAJOUTER