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770 Mots
9 Le retour fut des plus silencieux. Chacun tout occupé à ses pensées. — He bien, qu’il y aille dans son fichu lycée, dit René à sa femme, alors qu’il tournait la clé dans la serrure. — … — T’as pas fait un gosse pour le garder toute ta vie avec toi ! — … Maud se dirigea dans sa chambre, attrapa la petite clé cachée dans ses vêtements. Elle ouvrit la commode et y prit un cahier rouge et un stylo. Elle s’assit dans le fauteuil devant la fenêtre et se mit à écrire. Elle n’avait pas sorti ce cahier depuis à peu près un an, depuis la mort de son père en somme. Elle avait pris l’habitude d’écrire quand elle était débordée d’émotions, ce depuis que sa grand-mère lui offrit son premier journal intime à l’âge de douze ans. Elle écrivit, écrivit, écrivit sur Tim, sur l’amour qu’elle avait pour lui, sur sa peur de le perdre, de l’avoir déjà perdu à cause de l’alcool, à cause de son bourru de mari, à cause de l’adolescence. Elle écrit aussi sur Tino, qui lui revenait en mémoire. Où était-il maintenant ? Avait-il épousé une femme, cessé ses petits trafics ? Entendant René approcher, elle rangea rapidement son carnet à sa place et cacha la clé sous l’oreiller. René lui dit qu’on n’allait pas attendre le gosse pour dîner. — Encore un peu, dit-elle. — … OK, mais dans un quart d’heure on commence à faire le repas. Ils se mirent à table à 20 h 30. Tim n’était toujours pas rentré. Il n’arriva que tard dans la nuit, afin d’être sûr de ne pas croiser son père. Maud eut bien du mal à trouver le sommeil cette nuit-là. Elle savait qu’elle devait le laisser partir. Pour ne pas le perdre. Elle dormit par à-coup, réveillée par chacun de ses cauchemars. Il y avait Tim et l’alcool dans chacun d’eux. Le scénario était sensiblement toujours le même. René la surprenait en train de boire et devenait v*****t. Il la frappait ou envoyait valser le verre et la bouteille. Elle décida cette nuit-là d’essayer de boire moins, ou du moins plus devant Tim. S’il n’était là que le week-end, elle devrait réussir à arrêter cette fichue manie deux jours par semaine. Elle se promit de ne plus jamais boire devant son fils et de le laisser aller en internat. Au petit matin, elle dit à René qu’elle était d’accord pour l’internat. Il ne répondit rien. Au petit déjeuner, ils se retrouvèrent tous les trois devant leur tasse de café. Tim se lança : — Alors, vous avez décidé ? — C’est d’accord, dit sa mère, sans regarder son mari. — Ah, c’est génial. J’irai demander les papiers pour la bourse et l’inscription. Merci. Il avala son café et sa tartine en un temps record et sortit, le sourire aux lèvres. Tim était content. Il partirait d’ici. Il obtiendrait son baccalauréat. Il eut à ce moment-là une conscience claire de ce qu’il voulait réaliser. Il allait travailler dur, faire des études, s’installer à Paris et dessiner, dessiner, dessiner. Il passa chez Alban. Il était encore tôt. Ils iraient ensemble au collège. Comme ça, il lui raconterait tout. Alban tenta de le calmer en lui disant que parfois l’internat c’était difficile, qu’on ne pouvait pas sortir comme on voulait, qu’il y serait enfermé, qu’il devrait supporter les autres, qu’il y avait beaucoup de violence entre garçons. Alban est vraiment terrifié par les bagarres, se dit Tim. Mais Timothé ne voyait qu’une chose. Il allait partir. Partir, enfin. Il se rendit dans le bureau de Mr Galliaci dont la porte était ouverte. Il le remercia et lui demanda les papiers nécessaires à l’obtention de la bourse et à l’inscription. Il les remplirait dès ce soir avec ses parents. Tout devait aller vite maintenant. L’été allait arriver. Tim commença à penser à tout ce qu’il allait quitter. Sa mère. Ses amis, Alban surtout. Et la forêt bien sûr. Il avait une idée très floue de ce qu’était un internat. Il imaginait des classes et dans un autre bâtiment un lieu de vie. Monsieur Galliaci lui avait dit qu’ils étaient trois dans les chambres. Sans doute il y avait des heures pour étudier, des heures pour se coucher. De toute façon, Tim était décidé à travailler dur. Il n’avait pas de problème de socialisation, s’entendant en général bien avec tout le monde. Il n’était pas peureux comme Alban et pouvait faire face à tout type de situation. Ce soir, il passerait chez Alban pour voir avec son père s’il voulait bien l’aider cet été à rattraper son retard scolaire en mathématiques. En quelques semaines, Tim avait grandi. Il avait compris qu’il travaillait pour son propre compte, qu’on était seul dans la vie, qu’on pouvait changer les choses si on s’en donnait les moyens. Il avait décidé de cesser d’être passif, de ne pas perdre de vue ses objectifs quoiqu’il arrive. Il se souviendrait de ses seize ans comme d’un âge où il avait fait bouger les lignes de sa vie. D’un moment où il avait insulté le destin pour aller vers son désir malgré les obstacles.
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