Chapitre Deux [1/2]

2439 Mots
- Miss, vous devriez prendre un gilet, le vent se fait plus fort sur le large ! - Tu n'as pas tort ! Evelyne se fixait d'un oeil critique dans sa psyché, n'ayant décidément pas l'oeil pour ces choses-là. Vani s'occupait toujours de préparer sa tenue, accordant elle-même les couleurs. C'était d'ailleurs la petite fée qui s'assurait de renouveler sa garde-robe lorsque le besoin se faisait sentir. C'était sans doute bien mieux ainsi, la femme de chambre possédant un gout plus que certain. La semaine s'était éclipsée à toute vitesse, laissant alors Evelyne se préparer au mieux à cette fameuse vente à laquelle elle n'avait aucune envie de participer. Cependant elle s'était fait une raison. Si on oubliait le fait que cet événement lui avait offert le parfait alibi pour ne pas devoir voir Marius, c'était aussi l'occasion de prendre plus d'assurance à la tête de sa famille. Comme elle s'en doutait, son père ne se déplaçait pas dans un endroit pareil pour rien. Habituellement, son excellente place dans la société lui octroyait tout à fait le luxe de choisir ses lieux de rencontres avec un nouveau client ou potentiel partenaire. Mais cette fois il s'agissait d'une personne bien particulière. Il y avait en Ternia quatre régions et ces quatre régions étaient gouvernées par un régent. Ces quatre personnes possédaient donc le pouvoir de paix ou de guerre sur presque tout ce qui était vivant... Et ce jour-là, son père l'emmenait rencontrer Cyril Croner, le responsable des terres du Nord. C'était loin d'être anodin ! La famille Sirinava prospérait sur Eastus et c'était la première fois qu'ils avaient l'opportunité de s'étendre sur une autre région. De plus les terres de Nordus étaient une vaste étendue de neige et de glace, possédant donc une flore tout à fait particulière qui pourrait grandement intéresser les recherches de la famille. Bref, il était inutile de préciser que son père s'en montrait particulièrement enthousiaste. La demoiselle de bonne famille soupira devant son reflet, peu convaincue par l'image qu'elle voyait et finit par hausser les épaules. De toute façon, elle ne pourrait rien faire de mieux... - Bien je pense que c'est parfait comme cela ! Nous devrions y aller Vani ! - Bien Miss, je m'occupe de votre lit et je vous rejoins La demoiselle acquiesça, et sortit par la porte qui donnait sur son bureau. Elle adorait particulièrement son petit coin à elle. Elle pensait même sincèrement ne pas avoir besoin de plus. La maison familiale était immense, mais ses appartements privés étaient si encombrés qu'ils en paraissaient petits. Son bureau était pourtant assez grand, d'une part le côté travaille ou elle passait en revue ses dossiers. De l'autre un immense canapé où elle adorait se prélasser pour lire tel ou tel ouvrage d'étude de plante. Son divan était pile devant la cheminée et juste à côté de la fenêtre, lui permettant d'avoir chaleur et lumière à disposition... Mais si la pièce rapetissée sur elle-même,c'était à cause des étagères grouillant de livre. Il y en avait de tous les côtés traitant du même sujet : les vertus des plantes. Il y en avait tant qu'elle avait dû installer des étagères supplémentaires dans sa chambre, juste derrière son bureau. C'était son petit coin de paradis à elle ! Profané uniquement par la seule personne qu'elle considérait comme amie; Vani. - Je suis prête, désolée de l'attente. - Ce n'est pas un problème. Elles se sourirent mutuellement et descendirent les escaliers pour rejoindre son père. Il les attendait déjà dans le grand hall d'entrée, les yeux rivés sur la pendule qui trônait au-dessus des immenses doubles portes de l'entrée. Bien qu'il sembla se retenir, il ne dit finalement rien et les laissa passer devant lui pour montrer dans la calèche. Le domaine se trouvait dans une ville proche de la capitale maritime d'Eastus, si proche d'ailleurs qu'il ne fallait que deux heures de route pour s'y rendre. De la il faudrait encore prendre le bateau familial une heure pour rejoindre l'archipel des cotes Eastienne. En tout, il y avait donc au moins trois heures de route et Evelyne ne perdit pas ce temps inutilement. Sortant directement son dossier histoire de revoir avec son père les termes du marché qu'ils espéraient passé avec Croner. Si on se fiait aux quelques échanges de courriers qu'ils avaient pu avoir, c'était dans la poche ! Mais c'était en oubliant le côté intransigeant du régent. Cet homme avait une réputation d'être intraitable si bien en affaire que sur le terrain. Nordus était une terre très hostile et l'homme regorgeait d'ingéniosité pour sa région. C'était en tout cas ce qui se disait de lui. Tout le monde savait que les régents se réunissaient au moins une ou deux fois par an, et Croner faisait la longue traversée exprès pour l'occasion. Tout son emploi du temps était déjà décidé depuis longtemps et ils avaient alors convenu avec son père de se rencontrer dans ce sordide endroit. Evelyne avait hâte de le rencontrer et surtout de voir ce qu'ils pourraient amener pour convaincre un homme pareil. Tout au long de leur trajet en calèche, son père se montra de plus en plus grognon. Evelyne commença à s'en inquiéter avant de voir le port se dessiner sous ses yeux et de se souvenir que son paternel avait le mal de mer. Elle eut un léger sourire moqueur qui ne passa pas inaperçu, mais dans peu de temps il n'en mènerait pas assez large pour pouvoir s'en indigner et il l'ignora donc. Il disparut d'ailleurs sitôt leur navire gravant les flots, enfermé dans sa cabine sans doute pour pouvoir regretter amèrement cette sortie en silence. Mais heureusement, son calvaire fut assez court... Le port de l'archipel en vue était plein et Evelyne ne put retenir une moue dégoutée. Elle fixait, le regard dur, toutes ces embarcations opérant un amarrage presque synchronisé. C'était si pitoyable... - Vani, je comprendrais parfaitement que tu préfères rester sur le bateau, ce serait sans doute mieux ! Lança-t-elle soudainement. À bien y penser, la présence de la petite fée n'était-elle pas une erreur ? Certes Vani avait le don de la rassurer, mais ce n'était pas un endroit pour une esclave. - Tout ira très bien, Miss ! Assura-t-elle cependant. Evelyne ne put s'empêcher de se sentir rassurer, bien qu'elle pensait devoir insister. Elle lança alors un regard vers son amie et rencontra alors la moue intransigeante de la jeune femme aux cheveux colorés. Le message était clair... D'un autre côté, elle ne savait pas si elle-même était assez forte pour traverser cette journée sans sa présence à côté d'elle. Et cela, Vani devait bien le savoir ! - Bien le bonjour ! Vous devez être Miss Evelyne ! Le bateau des Sirinava accostait à peine et un petit homme blond dont le regard bleu azur semblait deviner tout de vous d'un seul regard perçant les attendait fermement sur le quai. - Oh ! Je ne vous attendais pas ici ! s'exclama soudain la grosse voix de son père. - Il fait trop chaud pour être enfermé, alors je me suis dit que j'allais venir vous rejoindre ici. Chaud ? C'était beaucoup dire ! Evelyne claquait des dents tant le vent a lui seul était frais ! Comprenant alors qui était cette personne, l'héritière salua son invité d'un signe de tête respectueux, tentant de se montrer le plus digne possible. Après tout c'était un client important. Si Évelyne avait dû décrire Zier Croner d'une idée, il aurait une bonne cinquantaine de centimètres de plus, serait bariolé de cicatrices et serait bien plus musclé. L'homme devant elle semblait fragile et à peine plus grand qu'elle alors qu'elle-même ne dépassait pas sa femme de chambre. Cela contrastait horriblement avec toutes les histoires qui naviguaient sur lui, mais dans tous les cas, la demoiselle ne montra pas sa surprise et les trois passagers débarquèrent pour le rejoindre. - Bien le bonjour Léopold ! Et je suppose qu'il s'agit de votre charmante fille Miss Eveleyne. Il adressa un sourire resplendissant à la demoiselle qui s'empourpra de surprise. D'ordinaire les hommes la traitaient comme une secrétaire, sans prendre en considération le fait qu'elle prendrait la tête de la famille un jour. - Je vous présente donc ma fille, Évelyne, c'est elle qui assurera la négociation aujourd'hui ! annonça le chef de famille d'un ton fier À nouveau l'héritière fut surprise, bien qu'elle comprenait à présent pourquoi son père avait tenté de la préparer au mieux. Un contrat avec cet homme était une occasion en or et le fait qu'il lui confie les rênes lui prouvait que son père avait tout foie en elle. Enorgueillie par la confiance de son père la demoiselle se redressa et serra alors la main tendue de Croner. - Enchantée ! J'espère que nous trouverons un terrain d'entente ! - Oh ! je n'en doute pas, j'ai bien l'intention d'obtenir un accord avant de repartir ! Sourit l'homme du Nord. Le régent emboita le pas et elle le suivit rapidement, sans remarquer que son père en profitait pour s'éclipser. Croner la regardait comme s'il voulait percer un secret lourdement gardait. Cela mettait la demoiselle bien mal à l'aise, aussi elle avait du mal à le regarder droit dans les yeux. Évidemment elle comprenait parfaitement qu'il voulait faire passer un message, mais elle n'arrivait pas vraiment à en comprendre le sens. Elle qui n'avait jamais reçu l'intérêt des hommes, elle ne pouvait envisager qu'elle pouvait avoir quelque chose à offrir autre que son nom. Ce qui était la plupart du temps largement suffisant, mais dans ce cas très précis, cela restait étrange. Après tout cet homme-là était bien plus haut placé qu'elle... - Vous êtes venus faire un achat ? demanda-t-elle Le fait que la demoiselle n'aimait pas l'endroit transpirait à travers sa phrase, pourtant l'homme lui sourit négligemment sans l'ombre d'une offense. - Oui, on m'a prévenu qu'il y avait un élémental en bon état à vendre, comme je suis dans les parages j'en profite ! Dans mon pays, ils jouent un rôle très important, le saviez-vous ? - Je l'ignorais. - Hé bien, pour faire simple, nous possédons un système de chauffe très compliqué et nos élémentals l'alimentent jour et nuit. Cela nous permet de vivre dans cet environnement froid. Pour cela je vous assure que nos non humains sont tous sans exception traitée avec égard. Un élémental en mauvaise santé ne produit que peu. Le fait que l'homme dont la réputation n'était plus à faire cherche à la rassurée la toucha plus qu'elle ne pouvait le dire et elle accrocha avec plaisir son bras au sien sitôt qu'il lui avait tendu. - Concernant l'installation d'un laboratoire de recherche, je suis d'accord à condition que vous installiez aussi un centre hospitalier accessible à tous. Je tiens à ce que tous puissent en profiter. Si vous respectez cela, je m'engage de mon côté à vous fournir les plants de la région, aussi rare soit-il. Ils n'étaient même pas arrivés au grand portail de l'immense bâtisse que déjà ils semblaient trouver un terrain d'entente. Elle qui s'attendait à mener des négociations serrées ! Ce fut au contraire facile ! Mais le contrat n'était pas encore sur la table... - Cela me semble tout à fait acceptable ! Je ne pensais pas que nous pourrions nous montrer d'accord si rapidement. L'homme du froid ricana, amusé de la franchise de la demoiselle. - La région est difficile et on a du retard sur certains plans. Pour les soins, c'est encore vieillot et il y a beaucoup d'abus. J'aimerais que cela change et avec vous, ce sera possible ! - Fort bien ! Dans ce cas, j'ai hâte de commencer à travailler avec vous ! sourit-elle doucement. Cyril Croner la fixa un instant, ses yeux bleus électriques la devinant sans mal. - Vos yeux sont incroyable Miss Evelyne, on s'y noierait ! Elle ne s'attendait pas à un compliment si direct ! Elle ne s'attendait pas à un compliment tout court d'ailleurs ! Déstabilisée, elle ne put que rougir sans retenue. Elle le regardait, cherchant vainement ce qu'elle pourrait dire dans ces circonstances. Elle jeta un coup d'oeil paniqué vers Vani qui semblait totalement se désintéresser de la scène, et Evelyne babilla un simple "merci..." avant de tenter de se soustraire à cette franchise qu'elle ne pouvait affronter. Elle n'était en rien douée pour se mettre en valeur ou remarquer ce genre de chose qu'elle aurait presque qualifiée de frivole. Seulement elle savait aussi qu'il lui faudrait un jour choisir un mari. Elle n'avait jamais imaginé avoir un mariage d'amour. C'était très loin de son idée... Au vu de sa position, elle était parfaitement consciente qu'un mariage arrangé était la meilleure solution. Elle n'avait jamais été dupe sur les intentions de son père non plus. Elle savait pertinemment que fut une époque en tout cas, il avait eu l'idée de la marier à cet odieux personnage qu'était Marius. Évelyne voyait elle aussi les bienfaits qu'un tel mariage aurait sur la situation de sa famille, mais elle ne pouvait s'empêcher de craindre de voir cela arriver un jour. Tout, mais pas lui ! Mais jusqu'ici il n'y avait aucune autre perspective ! Or, recevoir si soudainement un tel compliment, de cet homme-là... Pouvait-elle voir se dessiner les contours d'une nouvelle possibilité ? - Ah ma petite Evelyne ! Mais cette voix ramena bien trop brutalement à la réalité, la murant de nouveau dans cette cage de verre noire glaciale qu'il construisait sur mesure pour elle. Si Vani se faisait petite quelque chose seconde auparavant, elle s'était sensiblement rapprochée de sa maitresse, fusillant Marius et ses airs irréprochables qui s'approchait d'eux. Rien n'échappa au regard aiguisé du régent qui scrutait à présent le jeune homme qui s'invitait sans permission. - Je suis content de te voir ma petite Evy, tu te joins à moi pour les... - Non désolé, aujourd'hui Miss Evelyne m'appartient, nous sommes en pleine négociation si vous nous permettez ! Coupa Croner d'un ton sans appel. Et sans attendre la réponse de Marius, le Régent la traina vers le bâtiment principal, lui tenant même la porte. Il en avait vu assez pour comprendre parfaitement le petit manège qui se jouait entre ces deux-là. - Je suppose que ce n'est pas un ami à vous ! fit-il abrupt - Je ne pense pas... répondit-elle, perdue. Il savait parfaitement qui était ce jeune, il l'avait déjà rencontré plusieurs fois bien qu'il n'en avait pas vraiment gardé un souvenir indélébile. Et à voir la réaction de la jeune femme, son opinion ne pouvait que se confirmer ! - Oublions cela ! Ça va commencer, installons-nous.
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