Chapitre 2

1756 Palavras
Chapitre Deux C’est un miracle que j’arrive à réprimer mon gémissement – un miracle qui mériterait un autre Oscar. Toutes les femmes qui simulent leurs orgasmes devraient essayer de faire l’inverse. C’est plus dur qu’on pourrait l’imaginer. La grande question est : est-ce qu’il l’a vu sur mon visage ? Le dernier spasme désactive les boules, je me vois donc épargner une deuxième performance. Un aboiement sonore retentit quelque part dans le parc. Nous baissons tous les deux les yeux sur nos animaux – au cas où ils auraient appris à projeter leur voix sur une longue distance, je suppose, une compétence dont même moi, bien que ventriloque talentueuse, je suis incapable. Le nez de Gourdin est pointé dans la direction de l’aboiement distant, et il agite la queue dans une démonstration de curiosité excitée. — Ma chérie, je crois que ce chien a aboyé parce qu’il y a un écureuil là-bas, couvert de sauce béchamel. On peut y aller ? S’il te plaît ! Contrairement à Gourdin, l’ourse est recroquevillée de manière pitoyable, ses grosses oreilles pelucheuses pendantes et son corps de cent trente kilos tremblant comme une feuille brune et poilue. Mince ! J’ai pitié de l’ourse, maintenant, mais je ressens aussi du triomphe. Qui a le plus gros chien, finalement ? L’inconnu roucoule des paroles apaisantes dans sa langue tout en tapotant la tête de l’ourse, et la créature dépasse sa panique. Elle remue légèrement la queue, puis tourne son museau vers Gourdin et le flaire profondément. Gourdin oublie l’autre chien, lève les yeux vers l’ourse et flaire à son tour. L’inconnu soupire d’un air agacé et dit à nouveau quelque chose dans cette langue aux intonations russes, avant d’entraîner l’ourse derrière lui sans me laisser l’occasion de me moquer de la lâcheté de son « vrai chien. » Gourdin regarde le postérieur de l’ourse avec regret. — Ma chérie, c’est un sacré derrière à renifler. Quelle tragédie ! — Je comprends ta tristesse, murmuré-je alors que mon regard erre sur les fesses étroites et musclées soulignées par le jean de l’inconnu agaçant. Ces fesses me paraissent particulièrement tentantes, sous le contrecoup de l’o*****e. — Je ne suis pas sûre d’avoir envie de le renifler à proprement parler, mais je pense que le fait que ce postérieur soit attaché à ce cerveau-là est une grande perte pour toutes les femmes de ce monde. Nous reprenons notre promenade, et chaque fois que Gourdin s’arrête pour sentir quelque chose, je jette un coup d’œil discret vers l’inconnu agaçant tout en m’assurant de ne pas compresser à nouveau accidentellement les boules de Kegel. Il emmène l’ours à l’endroit préféré de Gourdin, un terrain de jeux pour chiens – même si j’ai déjà vu des enfants humains s’amuser sur ces rampes. Super ! Maintenant, on ne peut plus y aller. Ou peut-être qu’on devrait ? Non. Oublions ce mec. Malheureusement, alors que nous continuons notre balade, je découvre qu’il m’est difficile de l’oublier, surtout à la lueur de la chaleur qui pulse encore au creux de moi. Pourquoi l’univers doit-il être à ce point injuste ? Je croise si rarement des hommes qui m’attirent, et quand j’en trouve enfin un, il s’avère être un abruti. Mais après tout, compte tenu de mes relations passées, le simple fait que je sois attirée par quelqu’un devrait peut-être me mettre en garde. D’après mon amie Xenia, je suis un aimant à connards. Mon dernier ex en est le parfait exemple. Ce n’est pas pour rien si je préfère mes s*x-toys aux vrais hommes. Un sixième sens me pousse à sortir de mes rêveries, juste à temps pour voir Gourdin flairer un escargot au sol. — Non ! m’écrié-je au moment où, sans surprise, il fourre l’escargot dans sa gueule. — Recrache ça ! Il lève les yeux vers moi, arborant une expression candide. — Pourquoi ? C’est un escargot. Je canalise ma part d’alpha dans notre petite relation. — Recrache-le. Tu pourrais attraper la version française du ver du cœur ! L’air contrit, Gourdin recrache la créature et la regarde s’éloigner en rampant sans se soucier de la bave de chien qui la recouvre. — Le ver du cœur français m’a l’air d’être tout à fait mon style. Je lui jette une autre friandise et lance : — C’est bien ! Je parie que cette ourse est loin d’être aussi bien élevée. Elle pourrait se retrouver avec un parasite en un clin d’œil, mais pas toi. — Touché, dit-il avant de reprendre sa route, les oreilles basses. Je guide Gourdin jusqu’à une bouche d’incendie et le regarde oublier tous ses soucis et lever la patte à une hauteur incroyable pour uriner à un niveau que seul un gros chien pourrait atteindre. Si seulement la clef de mon bonheur pouvait être aussi simple, je lèverais la patte sans hésiter ! Enfin, pas maintenant – mes boules tomberaient. Satisfait de son travail urinaire, Gourdin recommence à trottiner. Pour la énième fois, je me demande pourquoi il se montre si ambitieux, s’agissant de faire ses besoins. Est-ce en partie un fantasme chez lui dans lequel il se verrait comme un chien beaucoup, beaucoup plus gros ? Ou bien parce que tous les chiens veulent viser les étoiles, et qu’être petit et souple aide Gourdin à ne pas basculer en arrière quand il lève la patte plus haut que sa tête ? Le chien s’arrête et lance un regard mélancolique vers le terrain de jeux. Vu que l’ourse est encore là-bas, je dis : — Et si on allait d’abord nourrir John ? À la mention de John, Gourdin remue la queue d’un air approbateur. Soit John est sans abri, soit il a une autre raison pour ne jamais se laver – mais cela fait de lui un humain amusant à renifler, pour un chien. À mi-chemin du banc de John, un chat noir croise notre route. Vu qu’il est plus gros que Gourdin, celui-ci fait semblant de ne pas l’avoir vu. Moi, en revanche, je m’immobilise et manque de presser les boules trop fort encore une fois. Dieu merci, mes frères ne sont pas là pour se moquer de moi. Un chat noir qui traverse la route est un symbole important, dans les superstitions russes, et je trouve ça difficile à ignorer. L’ingénieure formée au MIT en moi ne peut concevoir comment un chat pourrait porter malheur, et pourtant, je reste sans bouger dans l’espoir que quelqu’un d’autre croise la route du chat, ce qui lui transmettrait ce mauvais karma. Je ne peux risquer la moindre malchance alors que je suis en train de lancer un projet professionnel. Un écureuil traverse soudain à toute vitesse mon chemin contaminé. Vu qu’il n’est pas plus gros que lui, Gourdin essaie de le pourchasser, mais je le retiens juste à temps. Ouf ! La malchance repose désormais sur l’écureuil plutôt que sur moi ou sur une gentille vieille dame. Nous reprenons notre marche, et un caniche approche dans notre direction. Je souris. Avec cette tonsure de lion, il a l’air plus français que le mien – même si Gourdin n’a rien de français mis à part son nom et son âme. En fait, il aurait tout à fait sa place dans l’une de ces pubs pour les tacos, et compte tenu de ses origines mexicaines, allez savoir pourquoi il n’a pas un accent espagnol, quand je l’imagine me parler. Gourdin tente de se montrer amical avec le caniche. Le chien plus grand lui montre les dents et grogne. Gourdin s’immobilise et me regarde. — Quel malpoli ! J’adresse un regard mauvais à sa propriétaire. Elle hausse les épaules d’un air coupable et s’empresse de nous dépasser. Le reste du trajet jusqu’à John se déroule sans encombre, et quand nous arrivons devant le banc, il est assis là, comme d’habitude, les yeux fixés dans le vide. Je coince la laisse de Gourdin sous mon bras et sors le sandwich que j’ai préparé pour John de mon sac à main. — Salut ! — Super ! Gourdin est de retour, grommelle-t-il avant de se pencher en avant pour ébouriffer les poils du chien. — Je suis née après l’effondrement de l’Union soviétique, remarqué-je tout en lui donnant le sandwich. Et je suis arrivée dans ce pays quand j’avais cinq ans, alors je suis bien plus proche d’une sale capitaliste américaine que d’un communiste. John regarde le sandwich en fronçant les sourcils. — Communiste un jour, communiste toujours. J’imagine que je ne peux pas le contredire. Du peu que je sais de lui, c’est un vétéran du Vietnam, ce qui justifie ses opinions sur les communistes. Il est aussi trop fier pour accepter qu’on lui fasse la charité, alors comme d’habitude, j’agis avec prudence. — Ça vient du restaurant de mes parents, expliqué-je avec un signe de tête vers le sandwich. Ils m’ont encore apporté trop à manger, et dans la culture russe, jeter du pain est réputé pour attirer la malchance. Cette dernière information est vraie, raison pour laquelle je n’achète que du pain congelé. John marmonne quelque chose au sujet des stupides superstitions communistes, puis il s’empare du sandwich et commence à l’engloutir goulûment. Voilà ! Avec le temps, j’ai appris comment faire en sorte que ces transactions se fassent en douceur. La première fois que je l’ai rencontré, John était maladivement maigre, mais aujourd’hui, il… La laisse s’échappe de mon bras quand Gourdin fonce brusquement en avant. Mince ! — À plus tard, John, lancé-je par-dessus mon épaule tout en me mettant à courir. Je dois le rattraper ! Je n’entends pas ce que répond l’homme, mais je vois très bien où se dirige Gourdin. Vers le terrain de jeux. — Gourdin, stop ! hurlé-je. Il n’obéit pas. Au temps pour cette école pour chiens ! J’accélère tout en me maudissant pour mon désir constant de faire plusieurs choses à la fois. Même si j’ai réussi à me convaincre de laisser mon téléphone à la maison pour éviter d’être distraite par des e-mails professionnels, il a fallu que je teste les boules Kegel durant cette promenade. Je crispe mes muscles pelviens aussi fort que je peux tout en accélérant un peu plus. Jongler avec des boules n’est rien comparé à l’effort nécessaire pour les conserver à l’intérieur de nos parties intimes tout en courant. Gourdin saute sur la rampe à côté de l’ourse. Non. Il ne compte quand même pas… Mais si ! Profitant de l’avantage de la hauteur sur sa rampe, mon chihuahua monte l’ourse et commence à la sauter.
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