Cover-3

2001 Words
Je ne sors de ma chambre qu'après avoir aperçu la voiture de ma fenêtre. Je l'embrasse rapidement et rejoins mon frère qui à coup sûr est déjà installé. C'est seulement une fois à l'intérieur que je remarque son absence. Le chauffeur démarre et je lui rappelle que Tyler n'est pas encore monté. — Votre mère m'a dit qu'il était parti plus tôt ce matin. — Comment parti plus tôt ? À pieds vous voulez dire? Le lycée n'est pas loin, mais sans véhicule ça fait quand même une trotte. — Je l'ignore. Elle ne m'en a pas dit plus. Après tout si ça l'amuse de jouer à se fondre dans la masse c'est son affaire. J'ai déjà renoncé à Norman Dorm, je ne vais pas non plus y aller en transport. Je ne m'y sentirais pas à l'aise. Ma deuxième journée s'est passée exactement comme la précédente. Personne ne m'a parlé ou très peu, et la plupart du temps c'était pour se moquer de moi. Tout le monde me fuit comme la peste et je peine à ne pas perdre mes moyens. Je ne connaissais pas le sentiment d'exclusion avant, et je dois dire que ça n'a rien d'agréable. Je ne comprends pas pourquoi je ne parviens pas à m'intégrer un minimum quand mon frère lui s'est déjà fait des amis. Je l'ai aperçu plusieurs fois en compagnie du même groupe de garçons. Ils n'ont rien à voir avec lui, c'est plutôt même les extrêmes opposés, mais il semblait ravi de passer du temps avec eux. Ses anciens amis étaient différents, ceux-là me donnent l'impression de sortir tout droit de l'un de ces clips de rap et m'effraient un peu. J'essaie de me raisonner en me disant qu'ici tous me font le même effet. Et dire que je dois faire équipe avec l'un d'eux... J'aurais préféré faire ce devoir seule, mais si je demande à mes parents d'intervenir, ils me mépriseront davantage c'est certain. Sans compter que du coup, il n'y aurait plus grand intérêt! Dieu merci la dernière heure est passée et je me dépêche de sortir de l'établissement. Je n'ai aucune envie de m'attarder plus que nécessaire, je sens bien les regards braqués sur moi. Je ralentis la cadence quand je réalise que mes talons sont hauts et qu'une chute au milieu de ces lycéens qui scrutent le moindre de mes faits et gestes n'arrangerait en rien mon intégration. Je ne veux pas être la risée de tous et être victime d'autres moqueries, bien qu'ils n'aient pas besoin de ça. Je suis soulagée d'avoir atteint le bas des escaliers sans encombre, mais mon rythme cardiaque s'accélère quand je ne vois pas la voiture garée. Je reste plantée sur le trottoir sans savoir quoi faire. Même la position à adopter devient problématique. Les commentaires derrière moi fusent et je ne suis pas certaine de tenir longtemps. Un groupe de filles traversent et ne me lâchent pas du regard, me détaillant de haut en bas. On dirait qu'elles me détestent tellement qu'elles pourraient me tuer juste avec leurs yeux. — Ton chauffeur t'a fait faux bond? Je sursaute, je n'ai pas senti que quelqu'un se trouvait à côté de moi. Je ne l'ai pas recroisé depuis le cours de sociologie. Il me scrute de ses yeux verts et je prends sur moi pour réussir à formuler une phrase. — Il ne va pas tarder, bredouillé-je. — Tant mieux, parce que tu sembles au bord de l'asphyxie. — Je ne me sens pas très bien, je dois couver quelque chose. Je ne vais quand même pas lui dire que c'est le quartier tout entier qui me met dans cet état. — Ah c'est pour ça alors... Je sens l'ironie dans sa voix, et je suis agacée. — Qu'est-ce que ça veut dire c'est pour ça alors? Il hausse les épaules. — Que tu sembles mal depuis hier. Le groupe de filles de tout à l'heure se trouve maintenant face à nous, et je suis prête à parier qu'elles vont me sauter dessus d'un moment à l'autre. Je ne parle même pas de ses camarades qui nous regardent en riant. — Faudrait qu'on commence cette connerie de devoir. J'aimerais m'en débarrasser assez rapidement, et je suppose que toi aussi. — En effet. Le plus tôt sera le mieux. — Alors qu'est ce que tu proposes? — Tu n'as qu'à passer chez moi tout à l'heure! — Tu m'invites déjà chez toi? Il me fait un grand sourire, mais je sais très bien qu'il se moque de moi. — Étant donné que ça concerne nos vies, je ne vois pas de meilleur endroit pour commencer. Mais si tu préfères qu'on aille chez toi... — Je te l'ai déjà dit, chez moi ce n'est pas possible. Il se montre tellement agressif dès qu'il est question de chez lui. — Alors à tout à l'heure. Je veux mettre un terme à cette conversation le plus rapidement. — C'est-à-dire qu'à cette allure j'y serai peut-être avant toi. Tu devrais monter avec moi. Monter en voiture avec lui? Hors de question. — C'est inutile, ma voiture va arriver d'un instant à l'autre. Mais je te remercie. Je suis soulagée quand je l'aperçois au bout de la rue et j'ai envie de lui faire de grands signes pour qu'il aille plus vite. Il se tient beaucoup trop près de moi, et ça commence à devenir embarrassant. Par politesse je demande quand même à mon binôme s'il veut que nous le raccompagnions. — Quoi moi dans une voiture comme ça? Jamais. Il semble indigné. Il me dit ça comme si je lui avais proposé de nager au milieu des requins. Qu'est-ce qu'il y a de mal à être confortablement installé? — Alors à plus tard. Je m'apprête à refermer la portière quand il m'en empêche. Il se penche et jette un coup d'œil à l'intérieur. — Qu'est-ce que tu veux? — Ton adresse. Je n'ai ni la patience, ni l'envie de faire des recherches sur toi et ta baraque. On dit qu'elles se ressemblent toutes. Quelle idiote. Ici personne ne sait où j'habite, ou même qui je suis. Je sors mon calepin de mon sac, écris rapidement dessus et lui tends le bout de papier. Je ne veux même pas débattre de sa petite remarque. — Voilà, à présent tu as tout ce qu'il te faut. — Ce n'est pas si sûr. CHAPITRE 6 Mayron Cette baraque doit au moins être dix fois plus grande que la mienne. Ça doit bien faire un quart d'heure que je suis là à me demander si je dois y aller. La pelouse de l'entrée est taillée au millimètre près. Je ne serais pas surpris de croiser un jardinier à quatre pattes en train de vérifier qu'aucun brin ne dépasse. La façade est encore plus blanche que blanche et l'allée contient plus de lumières qu'une piste d'atterrissage. p****n de bourges. Je me décide à y aller. Quand j'appuie sur la sonnette, j'ai l'impression que c'est Mozart et tout son orchestre qui annoncent ma venue. Chez moi elle ne marche même plus. Je n'ai pas à attendre longtemps avant que quelqu'un ne vienne m'ouvrir. Quelle surprise de découvrir que c'est une domestique qui m'accueille! Je n'attends pas qu'elle m'invite à entrer, et puis quoi encore! Elle fait les gros yeux et se dépêche de fermer derrière moi. — Monsieur vous êtes? — Invité. — Qui est-ce Héloïse? Héloïse? Ça existe? — Je ne sais pas madame. Une femme à l'allure stricte apparaît, et je comprends en voyant son visage que c'est la mère de miss perfection. La ressemblance est frappante, mis à part peut-être les yeux. Elle est surprise de me voir chez elle, c'est sûr. Elle ne doit pas beaucoup recevoir de visite comme la mienne, et sa gêne me met étrangement à l'aise. — Que pouvons-nous faire pour vous jeune homme? — Votre fille m'a invitée. — Cassydie? — Je crois ouais. Elle fronce d'abord les sourcils, puis un homme apparaît à son tour. — Qui est-ce chérie? — Je n'en sais rien, ce garçon dit que Cassydie l'a invité! Enfin, il croit... — Et si quelqu'un l'appelait non? Ça devient chiant cette situation. Son mari plisse les yeux, puis son visage se détend et il s'approche de moi, la main en avant. — Mais bien sûr, vous devez être le garçon avec qui elle doit travailler. Bien joué Du-con. — Nous sommes désolés, nous avions oublié que c'était ce soir que vous deviez venir. Héloïse, soyez gentille d'aller chercher Cassydie. — Bien monsieur. — Est-ce que je peux vous servir quelque chose à boire? — C'est pas la peine, je ne vais pas rester longtemps. Il sourit bêtement. Qu'est-ce qu'il lui arrive à lui? Je suis plus habitué à la réaction de sa femme qui me donne l'impression de faire un inventaire silencieux de tous les objets qui composent son hall que la sienne. — Tu peux monter! Miss perfection est en haut des escaliers et me fait signe de la rejoindre. Je passe devant son père qui continue à me sourire. Ça commence à me gonfler. Je n'ai jamais vu de marbre de ma vie, pourtant je suis prêt à parier que le sol en est recouvert. Elle s'écarte et me laisse entrer dans sa chambre. Je m'attendais à un lit fait au carré et presque rien d'autre. De quoi un robot a-t-il besoin après tout? Mais au lieu de ça, c'est dans une chambre à la teinte bleue dans laquelle je me trouve, ce qui me plaît assez étant donné que c'est ma couleur préférée. Son lit est recouvert de coussins et des peluches sont entassées sur le haut de son armoire. Une fille quoi. — Je pensais que tu ne viendrais pas vu l'heure. — On avait dit plus tard, pas tout de suite. Et il n'est que dix-neuf heures. Je m'installe sur la chaise de son bureau et continue mon inspection. — Sympa la chambre pour une bourge. Elle referme la porte et augmente la luminosité. — Ravie qu'elle te plaise. C'est ma chambre d'hiver mais c'est celle que je préfère. Hein? — Comment ça, c'est ta chambre d’hiver? — Oui, j'ai une chambre différente pour chaque saison. Comme ça je ne me lasse pas. — Tu te fous de ma gueule? — Oui. Celle-là je ne m'y attendais pas, et je ne peux pas m'empêcher de rire. — Même pour toi c'était trop. Elle s'installe sur le fauteuil en face de moi et croise les jambes. Mon regard est attiré par sa robe qui remonte légèrement sur ses cuisses. C'est vrai qu'elle est plutôt bien f****e. — Quoi? — Quoi quoi? — Pourquoi tu me regardes comme ça? — Parce que j'ai l'impression d'être en entretien. — C'est-à-dire? — Tu ne te mets jamais à l'aise? Même chez toi? — Je n'allais pas te recevoir en pyjama! — Pourquoi pas? On est là pour en apprendre plus sur le mode de vie de l'autre non? Alors ne te gêne surtout pas pour moi. Comme elle ne réagit pas, j'insiste. — Si j'avais su qu'il y avait une tenue exigée, j'aurais fait un effort. — Moi je suis bien comme ça. — Impossible. — Je t'assure. — Alors lève au moins tes chaussures! Elle hésite puis retire ses talons. Je comprends qu'elle est soulagée quand elle se masse doucement la plante des pieds. Elle replie ses jambes sur le fauteuil et tire un peu sur sa robe. Dommage. Quitte à être bloqué ici, autant mater un peu. — Vas-y, pose-moi tes questions, attaque-t-elle. — Mes questions? — Quoi, tu n'as rien? — Ben ouais. On va le faire au feeling. Elle lève les yeux au ciel. — Comme tu veux. Mais étant donné que tu ne sais rien sur moi, tu aurais dû préparer une fiche. — Franchement, tu penses que j'ai que ça à faire? Et puis j'en sais déjà pas mal sur toi. — Tu ne sais rien. Je ne suis dans ton lycée que depuis hier. — Et bien déjà je sais que tu es blonde. C'est une information complètement inutile mais c'est la seule qui me vient à l'esprit dans l'immédiat. Il faut dire qu'à part son physique, je ne me suis pas trop attardé sur le reste... — Je ne suis pas blonde. — Tu m'excuses mais je sais encore faire la différence entre une brune et une blonde. — Mes cheveux sont châtains. Mes yeux s'arrondissent. Il n'y a qu'une fille pour faire ce genre de différence. Pour moi elles sont soit brunes ou blondes, soit rousses. Il n'y a rien entre. — Si tu le dis. Je sais aussi que tu as les yeux verts. — Ils sont bleus. Dans le genre conversation merdique on ne peut pas faire mieux. C'est bien la preuve que cette fille et moi, on n'a rien en commun et c'est très bien comme ça. — Tu vas me contredire dès que je vais te dire quelque chose? — Seulement si ce que tu dis est faux. Quel caractère de merde! Je m'affale un peu plus sur la chaise. — Alors considère que je ne sais rien. CHAPITRE 7 Cassydie Ce devoir promet d'être compliqué. Après ses deux premiers échecs, il a décrété qu'il valait mieux me laisser décider de la suite. Je lui ai suggéré de me poser des questions plus importantes que la couleur de mes yeux, mais rien ne semble vraiment lui venir. — On ne va pas aller loin si tu ne participes pas un minimum. — T'as qu'à m'en dire plus sur toi. Je réfléchis, mais finalement je ne sais pas par quoi commencer non plus. — Eh bien je fais de la danse classique depuis mes quatre ans. — Oh ça c'est vraiment intéressant.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD