CHAPITRE DEUX

1525 Words
CHAPITRE DEUX Luanda restait frappée d’effroi devant le cadavre de Koovia, le poing encore fermé sur la dague ensanglantée. Elle pouvait à peine comprendre son propre geste. Un silence s’était abattu sur le hall et tous la regardaient sans broncher, stupéfaits, en jetant parfois un coup d’œil au corps de Koovia à ses pieds. L’intouchable Koovia, le grand guerrier du royaume McCloud, qui ne le cédait qu’au Roi McCloud lui-même. La tension était si épaisse qu’on aurait pu la couper avec un couteau. Luanda était la plus choquée de tous. La paume de sa main, celle qui tenait encore la dague, lui semblait brûler. Une vague de chaleur la traversait, consumant à la fois son excitation et sa terreur à l’idée d’avoir tué un homme. Elle en était presque fière, fière d’avoir pu arrêter ce monstre avant qu’il ne lève la main sur son mari ou sur la mariée. Il l’avait bien mérité. Tous ces McClouds n’étaient que des sauvages. Un cri perça le silence. En levant les yeux, Luanda vit un guerrier, le compagnon de Koovia, s’élancer à travers la pièce, le regard enflammé par la vengeance. Il brandit son épée, prêt à la poignarder en pleine poitrine. Encore étourdie par son propre geste, Luanda ne sut réagir et le guerrier plongea vers elle. Elle se prépara au choc : bientôt, une lame lui percerait le cœur. Luanda n’en avait que faire. Elle avait tué cet homme et rien ne lui importait plus… Elle ferma les yeux, prête à mourir… À sa grande surprise, un fracas métallique retentit. Bronson avait fait un pas en avant et paré le coup avec son épée. Luanda resta stupéfaite : elle n’aurait jamais imaginé qu’il ait une telle force de caractère ou qu’il soit capable d’arrêter un coup si puissant avec une seule main valide. La tendresse qu’il éprouvait encore à son égard la surprenait plus que tout le reste : il était prêt à risquer sa vie pour elle. Bronson fit adroitement tournoyer son épée. Même avec une seule main, il avait suffisamment d’adresse et de force pour poignarder le guerrier en plein cœur, tuant son adversaire sur le coup. Luanda en crut à peine ses yeux. Encore une fois, Bronson lui sauvait la vie. Elle sentit une vague d’amour et de gratitude la traverser. Peut-être était-il plus fort qu’elle ne l’avait imaginé… Des cris retentirent de tous côtés, alors que McClouds et MacGils se jetaient les uns sur les autres, pressés de savoir lesquels d’entre eux sortiraient vainqueurs. Les fausses civilités qui avaient émaillées les noces et le banquet disparaissaient définitivement. C’était la guerre : guerriers contre guerriers échauffés par la boisson et la rage, devant l’affront commis par ce McCloud qui avait osé lever la main sur la mariée. Les hommes bondirent par-dessus les longues tables, pressés de tuer, et se jetèrent les uns sur les autres, toutes lames dehors, avant de rouler sur les assiettes, renversant le vin et la nourriture. Il y avait tant de monde que les combattants étaient au coude à coude et avaient à peine assez de place pour manœuvrer. Bientôt un chaos s******t prit d’assaut le hall. Luanda tâcha de reprendre ses esprits. Tout allait si vite ! Motivés par la soif de sang, les hommes grouillaient autour d’elle. Cependant, aucun d’entre eux ne prit le temps d’observer ce qui se passait réellement. Luanda, elle, embrassa la scène du regard. Elle seule remarqua les McClouds qui se glissaient aux quatre coins de la pièce, verrouillant les portes une par une, avant de s’éclipser. Les cheveux de Luanda se dressèrent sur sa nuque quand elle comprit ce qui se passait. Les McClouds enfermaient les invités dans le hall et fuyaient pour une raison connue d’eux seuls. Les yeux écarquillés d’effroi, elle les vit se saisir de torches et comprit avec horreur qu’ils avaient l’intention de brûler le hall et tous les invités – même leurs propres soldats. Elle aurait dû savoir… Les McClouds étaient impitoyables. Ils auraient fait n’importe quoi pour remporter la victoire. Luanda balaya la pièce du regard. Une porte demeurait encore ouverte. Elle se jeta dans la mêlée pour l’atteindre, poussant les hommes à coups de coude. Un McCloud se précipita, lui aussi, et elle accéléra l’allure, bien décidée à ne pas le laisser faire. Le McCloud ne la vit pas venir. Il tendit la main vers la poutre de bois, prêt à barrer la porte. Luanda le chargea en brandissant sa dague et le poignarda dans le dos. L’homme poussa un cri strident, la tête renversée, avant de s’écrouler. Luanda saisit la poutre et la jeta au loin, ouvrit la porte à la volée et se précipita dehors. Elle attendit quelques secondes, le temps que son regard s’habitue à l’obscurité. Enfin, elle aperçut les McClouds regroupés à l’extérieur, armés de torches. Ils étaient sur le point de mettre le feu. Luanda resta pétrifiée d’horreur. Elle ne pouvait pas les laisser faire ! Elle tourna les talons et plongea à nouveau dans la mêlée, à la recherche de Bronson qu’elle tira loin de la bagarre. — Les McClouds ! s’écria-t-elle. Ils se préparent à brûler le hall ! Aide-moi ! Fais-les sortir ! MAINTENANT ! Quand il comprit ce qui se passait, Bronson écarquilla les yeux d’horreur. Sans hésiter un seul instant, il se précipita vers les chefs MacGils, les tira loin du conflit et se mit à hurler en montrant frénétiquement la porte ouverte. Tous suivirent des yeux son doigt tendu. Quand ils comprirent, ils s’empressèrent de rallier leurs hommes. À la grande satisfaction de Luanda, les MacGils mirent fin au combat et coururent vers la porte ouverte. Alors qu’ils s’organisaient, Luanda et Bronson ne perdirent pas un seul instant. Ils se précipitèrent vers la porte qu’à leur grande horreur, un autre McCloud tentait de verrouiller. Cette fois, ils n’arriveraient pas à temps pour l’arrêter… Bronson réagit très vite. Il leva son épée, prit son élan et la jeta. La lame vola à travers les airs et tournoya sur elle-même avant de se planter dans le dos du McCloud. Celui-ci poussa un hurlement et s’écroula. Bronson se précipita pour ouvrir à nouveau la porte. Par douzaines, les MacGils coururent vers eux et les rejoignirent. Lentement, le hall se vida, à mesure que les hommes fuyaient, sous les regards éberlués des soldats McClouds qui se demandaient pourquoi leurs ennemis quittaient le champ de bataille. Quand tous furent dehors, Luanda referma la porte, verrouillant la porte de l’extérieur avec l’aide de quelques hommes, barrant la route aux McClouds restés à l’intérieur. Les hommes qui s’apprêtaient à brûler le hall finirent par remarquer l’agitation. Ils lâchèrent leurs torches et se saisirent de leurs épées. Bronson et ses compagnons ne leur en laissèrent pas le temps. Ils chargèrent à leur tour, de tous côtés, tuant les hommes qui se débattaient avec leurs armes, embarrassés par les torches. Cependant, la plupart des soldats McClouds étaient toujours à l’intérieur et le petit groupe qui se trouvait à l’extérieur ne faisait pas le poids face aux MacGils enragés, qui les tuèrent rapidement. Luanda s’approcha de Bronson. Les hommes MacGils, essoufflés et heureux d’en réchapper, se tournèrent vers elle avec un respect renouvelé : ils savaient qu’ils lui devaient la vie. Des coups se firent entendre alors contre les portes : les McClouds piégés à l’intérieur tentaient de fuir. Les MacGils se tournèrent lentement vers Bronson, l’air incertain. — Il faut réprimer la rébellion, dit Luanda avec force. Tu dois les traiter comme ils nous auraient traités : avec brutalié. Bronson cligna des yeux et elle vit qu’il hésitait. — Leur plan a échoué, dit-il. Ils sont pris au piège. Prisonniers. Nous allons les arrêter. Luanda secoua la tête avec assurance. — NON ! cria-t-elle. Ces hommes te regardent. Ils te considèrent comme leur chef. Ici, c’est la brutalité qui règne. Nous ne sommes pas à la Cour du Roi. La brutalité demande le respect. Nous ne pouvons pas les laisser vivre, il faut faire un exemple ! Bronson eut un geste de recul, horrifié. — Que dis-tu ? Que nous devrions les brûler vifs ? Que nous devrions leur faire connaître le sort qu’ils voulaient nous infliger ? Luanda serra les dents. — Si tu ne le fais pas, je te préviens : un jour ou l’autre, ce sont eux qui nous tueront. Les MacGils se rassemblaient autour d’eux, à l’écoute. Luanda se sentait bouillir de frustration. Elle aimait Bronson. Après tout, il lui avait sauvé la vie. Cependant, elle haïssait la faiblesse et la naïveté dont il faisait preuve parfois. Elle en avait assez que les hommes règnent à sa place et prennent de mauvaises décisions. Elle voulait gouverner. Elle serait meilleure qu’eux, elle le savait. Il fallait une femme pour régner sur un monde d’hommes. Toute sa vie, elle avait été mise à l’écart, mais c’était fini : c’était son intervention qui avait sauvé les hommes MacGils et elle était fille de roi – la première née. Comme Bronson restait les bras ballants, Luanda comprit qu’il ne ferait rien. Elle n’y tint plus. En poussant un cri de frustration, elle saisit la torche que tenait un des domestiques. Dans le silence et sous le regard stupéfait des hommes, elle jeta le flambeau de toutes ses forces. La flamme illumina la nuit en filant dans les airs, avant d’atterrir sur le toit de chaume. À la grande satisfaction de Luanda, le feu se propagea immédiatement. Les MacGils poussèrent des cris d’encouragement et tous suivirent son exemple : ils ramassèrent les torches et les lancèrent. Bientôt, les flammes s’élevèrent et la chaleur lécha leurs visages, illuminant la nuit. Le hall des fêtes prit feu, en proie à l’incendie. Les cris des McClouds piégés à l’intérieur se firent entendre, déchirants. Bronson eut un sursaut d’effroi, mais Luanda resta debout, froide, impitoyable, les mains sur les hanches, satisfaite d’entendre leur agonie. Elle se tourna vers Bronson qui la regardait, bouche bée. — Voilà, dit-elle, ce que régner signifie.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD