Mise à jour - 1

2113 Words
J’espère trouver les mots pour excuser mon comportement des dernières années sans me donner tous les torts.  Après tout, ils ont reçu l’ordre de me tenir à l’écart de ce qu’ils faisaient et ils n’ont même pas jugé important de m’en parler.  J’entre dans la pièce où Kat, Lydia et Jörg sont assis autour de la table, l’air déçu.  Je m’assois à mon tour en m’excusant pour mon retard.  Ils me fixent tous en soupirant.   -          Vous bougonnez pour quelques minutes de retard, balancé-je, un peu offensée.   -          Tu aurais pu nous l’annoncer que vous aviez décidé d’emménager ensemble Julian et toi, s’écrie Kat.  Nous sommes ta Coterie et nous l’avons appris en même temps que tout le monde.   Je reste saisi par l’agressivité dans son ton de voix.  Je sais qu’elle a raison.  Ils auraient dû apprendre cette merveilleuse nouvelle avant les autres citoyens.  Mais je n’y suis pour rien.   -          Je ne pensais pas qu’il allait demander sa citoyenneté devant tout le monde en s’agenouillant devant Monseigneur en annonçant publiquement que j’avais accepté sa demande un peu plus tôt, m’excusé-je doucement.  Il peut être à la fois si discret et si flamboyant.  Je ne le contrôle pas.  Il m’avait dit qu’il voulait d’abord parler à sa Mère.  Je voulais ensuite vous l’annoncer.  Il nous a tous pris de court.   -          Tu n’es jamais venu nous voir, me reproche-t-elle ensuite.  Vous vous êtes volatilisés.  Comme à chaque fois qu’il est ici.  Ça sera toujours comme ça maintenant ?  me demande-t-elle sarcastique.   -          Non, ça ne sera pas toujours comme ça, répliqué-je calmement.  Julian venait de se disputer avec sa Mère.  L’abandon, mais surtout la colère et l’insécurité qu’il ressentait l’ont particulièrement perturbé.  Il avait besoin de moi.  Je devais prendre soin de lui.   -          Évidemment, ricane Kat.  Tu as toujours eu un faible pour les Immortels qui vivent l’abandon parental.  Ils ont toujours passé avant nous.   Lydia et Jörg la regardent avec stupéfaction.  Je suis en colère qu’elle ose m’accuser de la sorte.  Je me lève d’un bond, poings sur la table, plongeant mon regard dans le sien.   -          Premièrement, c’est faux, contre-attaqué-je avec véhémence.  Et si tu veux vraiment le croire, c’est peut-être parce que je sais comment on se sent quand on perd notre repère principal dans l’immortalité, notre guide de tous les instants, notre phare dans la nuit.  Tu es très bien placée pour savoir pourquoi je les comprends.  Tu étais aux premières loges lorsque mon Père agonisait.    Je me retiens de tout mon être pour ne pas mettre toute ma souveraineté sur elle afin de l’écraser.  Je serre les mâchoires et ferme les yeux pour tenter de me calmer.  Jamais je n’ai eu autant envie de m’imposer face à ma sœur de Coterie.  Mais cette fois, Kat a dépassé une limite qu’elle n’aurait pas dû.  Je me rassois en desserrant les poings.  Estimant que j’ai dit ce que j’avais à dire, j’attends la suite de la réunion, l’esprit encore en ébullition.   -          J’ai l’impression que ça brasse à ta réunion, me dit doucement Julian, la suavité de sa voix me calmant presque automatiquement.  J’ai cru que tu allais mordre Kat.   -          Je voulais l’écraser comme un vulgaire insecte, rétorqué-je.   -          Ce n’est pourtant pas ton genre.   -          En es-tu vraiment certain ? soupiré-je, consciente que je pouvais vraiment être la cruauté incarnée.   -          I know you can, but I know you really won’t, me rassure-t-il.  Cette g***e que tu crois être, je sais que ce n’est pas toi.  Sinon, tu n’en aurais pas souffert autant que moi.  Remember that Sweety.   Il me laisse mijoter tout ça et retourne à son magasinage.  Constatant qu’aucun membre de ma Coterie ne prend la parole, je soupire.  Je leur expose donc ma conversation avec Dame de Montmagny, espérant ouvrir le dialogue avec eux.    -          J’ai promis à la Doyenne d’être disciplinée et de faire les efforts qu’il faudra pour trouver un équilibre entre mes responsabilités de Première Prêtresse, nos recherches et Julian.  En souhaitant que le fait que nous vivions ensemble comble l’attraction que son corps a sur moi.    Je me repositionne dans mon fauteuil, attendant toujours leurs réactions.  Ils me regardent tous, effarés.    -          Mais qu’est-ce qui vous arrive ? leur demandé-je stupéfaite.   -          Tu n’as rien remarqué, s’étonne Kat.  Ta bête a clairement dit à la mienne de rester à sa place quand tu as posé tes poings sur la table.  Ça n’a duré qu’une seconde, mais c’était terrifiant.   -          Même nous, nous l’avons ressenti, déclare Jörg d’un ton qui se veut neutre, mais je sens bien qu’il est impressionné.   Je comprends mieux pourquoi Julian a eu le sentiment que j’allais mordre Kat.  Je baisse la tête, mal à l’aise.  Je n’aime pas l’idée de m’imposer ainsi sur eux.  Viktor croit que ça allait devenir inévitable, vu notre proximité, que l’un de nous allait devenir l’alpha de la meute, que la bête de l’un d’entre nous allait vouloir prendre le dessus sur celles des autres.  Après tout, nous sommes des créatures dominées par notre soif de contrôle et de pouvoir sur les autres.  Au fil du temps, notre humanité s’efface et nous luttons de plus en plus contre nos plus vils instincts afin de survivre.  J’avais décidé de me battre à contre-courant, cherchant à conserver le plus longtemps possible mon lien avec l’humaine en moi, refusant d’accepter de détruire pour me venger, cherchant à faire le bien autour de moi pour sortir de ces ténèbres qui envahissent ma société.  Je souhaite être une lumière dans la nuit malgré la cruauté et la tyrannie qui coule dans mes veines.  Un défi de taille, surtout si ma bête intimide celles des autres sans que j’en sois consciente.    -          Je suis désolée de ne pas avoir su garder ma bête en cage, m’excusé-je penaude.  Je n’ai pas apprécié me faire reprocher le fait que j’ai pris soin de Julian alors qu’il venait de rompre son lien avec sa Mère.  Vous savez à quel point j’ai souffert quand j’ai perdu mon Père.  Je vous l’ai dit, je vais faire des efforts pour garder l’équilibre entre mes responsabilités et Julian.  Je vous le promets.    -          Le Conseil des Dirigeants nous a prévenu que ça serait difficile pour toi, me rassure Lydia.  Mais nous ne savions pas à quel point il serait difficile pour nous de continuer nos activités sans toi.  Nous sommes un cheval boiteux sans notre guerrière sociale.  Les barrières sont plus faciles à franchir quand tu es avec nous en mission.   Je suis flattée d’entendre ça.  J’ai cru que leurs dernières années n’avaient été que succès pour eux.  Je réalise qu’ils ne sont pas plus avancés que moi dans leurs recherches et que nous sommes toujours au point de départ.  Seul point positif : Jörg a retrouvé des carnets anciens contenant les autres pouvoirs de la discipline unique de la Légion Noire.  Il s’est toutefois mis les pieds dans les plats en dérangeant des Sorciers, une catégorie d’êtres surnaturels que nous évitons généralement de côtoyer.  Comme nous, les Sorciers vivent discrètement parmi les humains, s’assurant qu’ils ne connaissent pas leur existence.    -          Je suis tombé sur la même b***e qui gérait Kingtech, tu te souviens ?   Comment pourrais-je oublier ce laboratoire de l’horreur d’où nous avions sauvé l’un des nôtres ayant disparu 50 ans avant ma renaissance ?  Jörg me fait frissonner d’effroi en m’apprenant que le vieux savant fou que nous avions croisé à l’époque de nos investigations est encore en vie.    -          C’est impossible, m’écrié-je.  Cela fait plus de 80 ans.  Père était encore en vie.    -          Ils ont développé une nanotechnologie qui leur permet de se regénérer et de vivre plus longtemps.  Ils ne sont pas immortels comme nous, mais c’est tout comme, m’explique-t-il.    Je n’en reviens pas.  Je sais que les Sorciers sont puissants et qu’ils sont plus avancés que les humains sur plusieurs plans technologiques.  Ce fut d’ailleurs l’un des arguments de mon frère de Coterie lors de son discours devant le Congrès des Imperius à l’Assemblée pour convaincre les membres de sa Maison de laisser la Faction libre de tous mouvements et de nous laisser user des toutes formes de technologies.  Les autres créatures surnaturelles ne s’en privant pas, nous devons rester alerte en tant que société immortelle et les Gardiens sont les mieux placés pour nous protéger et nous aider à suivre le mouvement.  Évidemment, qu’un aussi jeune Immortel que Jörg fasse mention de Sorciers dans son discours a marqué l’esprit des Imperius.  Ce qu’ils ignorent c’est qu’il ne l’a pas mentionné à la légère simplement pour les effrayer.  Nous sommes réellement au courant des intérêts et positions de cette société vivant en parallèle avec la nôtre car Kat a des contacts avec une membre de ce groupe dans le plus grand des secrets depuis quelques années.    -          Zirka dit que c’est contre nature et qu’il ne devrait pas vivre aussi longtemps, grogne Kat.  Elle les déteste.  Je te rappelle qu’ils ont failli te tuer.   -          Pardon ? m’exclamé-je.  Vous vous êtes bien gardé de m’en parler.    -          Ce n’était presque rien, ronchonne Jörg.  Tout s’est bien terminé.  L’Ambassadrice De Lagarde a neutralisé les influences de la méchante Sorcière et nous n’en avons plus entendu parler.    Je sais que mon frère a parfois tendance à minimiser les conséquences de ses gestes donc je me doute bien qu’il y a plus que ce qu’il veut bien me dire.  Le raclement de gorge de Lydia et le roulement des yeux de Kat me confirment que le Nyama leur en a fait voir de toutes les couleurs pendant sa quête avec la dague léguée par mon Père.    -          Parce que nous les surveillons de près, de très près, précise Kat.  Dois-je te rappeler que cette b***e sont l’équivalent des Raseri pour nous ?  Et si tu veux vraiment continuer de croire que tu ne risquais rien, tu peux aller rendre visite à Ben et lui murmurer Kingtech à l’oreille.    Je vois Jörg baisser la tête.  C’est la première fois qu’il montre un signe de soumission devant Kat.  Mais elle a fait fort cette fois avec l’argument Benjamin.  Ce pauvre Immortel que nous avons rescapé du laboratoire a subi des horreurs sans nom alors qu’il était prisonnier des Sorciers de Kingtech.  Malgré le temps qui passe, son esprit est resté marqué au fer rouge et il en fallait peu pour qu’il bascule dans un état de folie passagère, l’amenant complétement dans un univers où il redevenait la victime de leurs expériences scientifiques, macabres et déroutantes.  À la simple idée que mon frère ait failli devenir un cobaye pour cette b***e de dégénérés, je me sens encore plus coupable de ne pas avoir été présente pour eux dans les dernières années.    -          De toutes façons, tout ça n’a rien donné, grogne finalement le Nyama.  Ils ont encore le carnet que ça me prend pour réussir à recréer le pouvoir dont nous avons besoin.    -          Tu veux dire celui qui pourrait nous séparer Julian et moi, réalisé-je, sous le choc.   
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