Se retrouver

2138 Words
Nous figeons, comme deux gamines s’étant fait prendre par leurs parents à faire un mauvais coup.  Satisfait de son entrée, mon Évêque me regarde de la tête aux pieds.    -          Tu sembles aller beaucoup mieux.   -          Je crois avoir retrouvé mon chemin vers la lumière.  Merci d’avoir veillé sur moi, votre Éminence, le remercié-je en lui offrant mes respects.   -          C’est ce que nous faisons dans cette cité.  Je m’y adapte lentement, grâce à toi, ma chère enfant.  À ton tour de veiller sur lui.  Il a besoin de toi.   Lydia s’informe si Julian a accepté de boire aujourd’hui.   -          Pas plus que les autres nuits, mentionne l’Ancien.  Mais il a bu, comme les autres fois.  Votre vieux bougre a plus d’un tour dans son sac.   Il nous fait un clin d’œil avant de quitter la pièce.  Je me coiffe pendant que Lydia termine de me raconter ce qu’il est advenu du Roi déchu de Philadelphie.  C’est Monseigneur de Cornouailles lui-même qui l’a exécuté.  Il a ensuite séparé les cendres, les disposant dans deux urnes différentes.  L’une d’elle repose près des autres urnes de nos ennemis dans la grande salle.  La deuxième fut remise à l’Ambassadrice Fraser qui a eu pour mission d’aller la porter en main propre au Roi de New York.    -          Il a fait la même chose avec chaque Immortel que nous avons éliminé en lien avec cette situation, spécifie Lydia.  L’Ambassadrice est actuellement sur la route et distribue les avertissements de Monseigneur.  Ne vous attaquez pas à ma Coterie.    -          N’est-ce pas un peu dangereux pour Angela ?  Certains Rois pourraient vouloir se venger en la détruisant à leur tour.   -          Il lui a remis un Edelweiss rouge pour la protéger.  Comme il avait donné à Kat lors de notre première mission à Philadelphie.  Tu te souviens ?   Je hoche de la tête à ce souvenir.  Un Edelweiss rouge est un symbole de protection empêchant quiconque de poser un geste déplacé contre un Immortel le portant sous peine de destruction, peu importe l’offense.  Ce symbole est en quelque sorte l’immunité diplomatique de notre société.  Peu de gens s’en servaient car peu d’Immortels ont la puissance d’en tenir réellement la promesse.  Notre Roi pouvait se permettre l’utilisation d’un tel symbole.  Son nom à lui seul suffisait pour faire trembler n’importe quel ennemi.  Kat avait bénéficié de cette protection et nous avions alors compris l’étendue de la crainte qu’inspirait le nom de notre Roi.  Avec cette fleur, même un autre Roi ayant la réputation de détester les Gardiens, s’était montré respectueux avec elle.  Il nous avait détesté pour cela, mais il avait toutefois montré patte blanche lors de cette première rencontre.  C’est désormais de l’histoire ancienne. Je suis enfin prête et nous sortons de mes appartements.  Je suis étonnée de ne pas voir Farouk.  Lydia m’explique qu’il veille sur Julian.  Elle a demandé qu’il soit transféré dans l’aile des invités du Presbytère dès que ses tortionnaires ont été exécutés puisqu’il ne représentait plus un danger pour la ville, encore moins pour moi.  Sa dépression passagère nécessite une présence constante et c’est pourquoi notre Protecteur devait rester à sa porte.    -          Tu crois que tu vas réussir à lui redonner le goût de vivre, me demande ce dernier après m’avoir serrée dans ses bras.  Je n’avais jamais vu quelqu’un souffrir comme vous avant.  Ça ne donne pas le goût de tomber en amour, votre histoire.   -          Ne te fie pas sur eux pour te faire l’idée d’une relation, Farouk, lui reproche Lydia, en le frappant sur l’épaule.  Regarde plutôt Kat et Lucas.  Ils s’en sortent merveilleusement bien.  Ne t’inquiète pas pour Julian.  Rébecca réussira.  Elle est la seule qui le peut.   Je prends mon courage à deux mains et entre dans la chambre.  Je ressens immédiatement toute sa peine et sa douleur dès que je le vois.  Ça me fait si mal que j’ai l’impression que toute cette souffrance est la mienne.  Pourtant, le pas d’avant, j’étais motivée à lui rappeler à quel point je l’aimais.  Je veux me faire pardonner les paroles cruelles que je lui ai craché au visage, manière de parler.  Mais là, en le voyant prostré dans son lit, tout ce à quoi je pense est que la vie ne vaut plus la peine et qu’il valait mieux en finir.  Ce qui m’effraie le plus c’est que je trouve que toute cette noirceur est attirante et magnifique.  Il me semble si logique de tout simplement m’y abandonner.  Avec tout ce qui nous attend dans l’avenir, c’est probablement la seule chose normale à faire.  Julian a raison.  Nous ne sommes pas assez forts pour affronter notre propre avenir.  Maintenant que je suis à ses côtés et que je partage entièrement sa vision, je comprends et j’y adhère parfaitement. Je m’assois sur le lit, à ses côtés.  Machinalement, il pose les yeux sur moi.  J’ai l’impression qu’il ne me voit pas.  Je comprends mieux ce que Viktor a dû ressentir en venant me visiter ces derniers jours.  Je remarque qu’il a du sang séché autour de la bouche.  Signe qu’il a bu mais de force, comme on me l’a dit.  J’effleure doucement ses lèvres d’un chaste b****r qui le fait à peine frémir.  Je prends ensuite son bras et le place autour de mes épaules.  Son corps entier frissonne lorsque sa main se pose sur mon bras, touchant ma peau.  On aurait dit qu’il sort de transe.  Un coup de vent disperse légèrement le nuage noir de mon esprit.  Le brouillard obscurcit encore nos pensées   -          Rébecca, c’est bien toi, murmure Julian, la voix rauque.   Il me serre avec force contre lui et cache son visage dans mes cheveux.  Un autre coup de vent balaie le brouillard qui trouble nos esprits.  Je me sens de moins en moins décidée à en finir avec mon immortalité.  Je retrouve surtout l’envie de le garder à mes côtés.    -          Je n’aurais jamais dû laisser mon monstre intérieur nous séparer et nous faire autant souffrir, m’excusé-je, repentante.   Julian resserre son étreinte, toujours silencieux.  Ce simple geste chasse pourtant tout ce qui reste de la noirceur de nos esprits, nous libérant complètement du poids de la douleur et de la peine qui nous a pourri l’âme pendant des nuits entières.    -          Je ne t’en veux pas, Sweet-cubus.  Je m’en veux à moi de t’avoir fait vivre tout ça, m’explique Julian.   Sa voix tremble.  Je ressens énormément d’insécurité émanant de lui.  Je me défais de son étreinte pour m’asseoir face à ma moitié.  Je prends son menton afin de l’obliger à me regarder dans les yeux.  Je mets quelques secondes à reprendre le contrôle sur moi.  Son regard ambre a souvent l’effet de me troubler et de me faire perdre un peu la tête.  Je lui souris, un peu gênée.    -          Contrairement à toi, je savais ce que nos ennemis t’avaient fait.  Je savais qu’on nous manipulait.  Je n’avais pas le droit de te reprocher, encore moins de t’en vouloir pour ce qui arrivait, car j’étais au courant que nos ennemis en étaient la cause.  Tu n’y pouvais rien.  Plutôt que d’être là pour toi, de t’expliquer ce qui se passait, je t’ai rejeté.  Puis, malgré le fait que je te repoussais toujours, tu as tout de même tenté de m’aider à lutter.  Pour te remercier, je fais quoi.  Je te frappe d’une réplique assassine.  C’est qui la g***e, dis-moi ?   -          Résumé comme ça, it’s probably you, m’accorde-t-il, tout sourire.   -          Seras-tu capable de me pardonner ?   -          Tu sais bien que je suis incapable de t’en vouloir, Sweety.   Je l’embrasse.  Il m’attire sur lui et je m’installe sur ses cuisses.  Ses lèvres quittent les miennes pour s’amuser dans mon cou.  Il me murmure des mots d’amours à l’oreille.  Il me dit que je suis la plus belle, la seule qu’il aime, ce genre de paroles qui me font vibrer et me sentir unique.  Puis il me dit une phrase qui me surprend.   -          Si on aménageait ensemble ?   Je recule un peu pour le regarder, surprise de sa demande.   -          Ensemble comme ensemble ? répété-je, un peu hébétée.   Il sourit.  Il est tellement beau avec ses cheveux en bataille et ses yeux brillants d’amour.  Le sang autour de ses lèvres le rend incroyablement attirant.  Je refreine l’envie de l’embrasser à nouveau.    -          Ensemble comme un couple qui s’aime.  Comme un vrai couple qui choisit d’affronter l’immortalité aux côtés de l’autre.  Together pour rester fort contre l’adversité.  L’expérience vient de nous démontrer que vivre séparer est une TRÈS mauvaise idée.  ENSEMBLE à Montréal, let’s get stronger.   Je sens que cette décision est mûrement réfléchie par ma moitié.  Elle n’est pas impulsive.  Pour lui, tout semble logique que nous vivions sous le même toit.  Et je suis d’accord avec lui sur toute la ligne.  Je l’embrasse à nouveau, heureuse d’être dans ses bras, d’être avec lui pour encore longtemps, heureuse de savoir que nous avions un avenir.   -          Pas seulement un avenir, un projet commun, Sweet-cubus, me rappelle Julian entre deux baisers.   Je laisse mes mains vagabonder sur son torse puis elles trouvent leur chemin vers son entre-jambes.  Lorsque je tente de défaire son pantalon, il m’arrête dans mon élan.    -          Plus tard, petite succube.  Nous devons aller discuter avec la Consul de Pittsburgh de ma décision.  La connaissant, elle doit encore rôder dans votre cité en raison de mon état des dernières nuits.  Elle a tendance à garder un œil sur ses intérêts.    Je fais une moue boudeuse parce qu’il refuse qu’on s’amuse, mais surtout parce qu’il se refuse à moi pour que nous allions discuter avec belle-maman.  Il me donne un dernier b****r distraitement avant de sortir du lit.  Je l’attends, étendue, pendant qu’il se dépêche à prendre une douche.  Je repense à nos derniers instants en souriant.  Je suis tellement amoureuse de lui.    -          Je suis aussi amoureux de toi, Rébecca, me dit Julian en sortant de la salle de bain.    Il est vraiment lui, pas la pale copie que j’ai croisée dans la cellule.  Il porte un complet gris sombre, une chemise noire et une cravate noire veinée de jaune.  Il est si élégant.  Je flatte doucement sa cravate, comme pour confirmer que tout ceci est bien réel.  Il me prend la main, l’embrasse doucement.  Il a compris.  Nous ne sommes parfois qu’un seul esprit. Farouk et Lydia nous attendent dans le corridor, près de la porte.  Julian semble se méfier de Farouk en le voyant, ce que je trouve étrange.  Le malaise se dissipe rapidement.  Il les remercie d’avoir pris soin de lui tout ce temps.  Il leur explique qu’il désirait rencontrer sa Mère le plus rapidement possible.  Lydia nous confirme qu’elle se trouve toujours à Montréal.  Farouk nous apprend que nous devons avoir l’accord de son Éminence avant de quitter le Presbytère.  Il nous escorte donc jusqu’à son bureau.    -          Content de voir que vous êtes de nouveau parmi nous, Premier Prêtre Peters, l’accueille Viktor en l’invitant à s’asseoir à sa table de travail.  Farouk m’a informé que vous vouliez parler à la Consul Voelkel, votre Mère.  Elle est probablement au Munitum.  Elle sera, j’en suis certain, soulagée de vous voir sur pieds.  Êtes-vous sûr que vous allez bien, Julian ?  
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