Chardons Ardents

3344 Words
Arrivés à destination, nous allons faire nos salutations au Roi.  Puis nous partons à la recherche de la Coterie des Chardons Ardents.  Nous les trouvons dans le salon de la Smala.    -          Bonsoir Messieurs, Mesdames, les salue Julian en approchant.   Ils se lèvent pour nous accueillir.  Kiara nous invite ensuite à s’asseoir avec eux.  Sans attendre, Julian les remercie de l’avoir retrouvé et ramené à Montréal.    -          Je vous dois la vie, ni plus ni moins.  C’est pourquoi je tiens à remettre à votre Coterie une « Faveur de Vie » ainsi que vous signez à chacun une « Promesse d’Or ».  C’est ma façon de vous témoigner ma reconnaissance.   -          Tu es conscient de ce que cela représente pour Rébecca ce que tu viens de nous offrir, s’étonne Gabriella, la Vinci du groupe.  Vous êtes liés.   Julian sait parfaitement ce qu’une « Faveur de Vie » implique pour nous.  Ce type de serment entre Immortels est rarement utilisé car il permet au détenteur de mettre la vie d’un autre Immortel en jeu en échange d’un service.  En offrant cette faveur à la Coterie des Chardons Ardents, Julian leur offre la possibilité de nous demander n’importe quoi qui pouvait potentiellement mettre notre vie en danger sans nous laisser la chance de leur refuser notre aide.    -          Je suis solidaire avec la décision de ma moitié, rétorqué-je à sa place.  Je connais les risques que cela implique et ils sont les mêmes que ceux que vous avez encourus aux cours des dernières semaines en traquant les sbires de nos ennemis.  C’est pourquoi je vous offre également une « Faveur de vie » en mon nom ainsi qu’une « Promesse d’Or » à chacun.  En sauvant Julian, c’est aussi moi que vous avez sauvée.  Je vous en serai éternellement reconnaissante.   -          Dorken était avec nous, précise Ethan.  Lui aussi a risqué sa vie si tu y penses bien.  Kat aussi nous a filé un coup de main avec la gang des Gardiens.  Ils nous ont aidé à les pister avec leurs satellites pis leurs drones.    -          Nous nous chargerons de remercier tout le monde.  Pour le moment, nous sommes avec vous, réplique Julian avec sérieux.   -          Je ne veux pas que vous me récompensiez de vous avoir sauvés, fait Yohan.  Ce n’est pas comme si le Roi nous aurait permis de revenir les mains vides.   -          Dis plutôt que Cassie ne te l’aurait jamais pardonné, le taquine Kiara.   Il la frappe violemment à l’épaule avant de s’en aller précipitamment.  Ethan lance un regard courroucé vers Kiara en pointant dans ma direction.  La Nyama se défend en disant que son attirance pour ma Fille n’était un secret pour personne.  Il roule des yeux, visiblement exaspéré de son comportement.  Je rassure Kiara en posant ma main sur son genou.   -          Je vais le chercher.  Il doit être avec nous pour discuter de tout cela, expliqué-je.   Je le trouve à la sortie du salon.  Il a un mouvement de fuite en me voyant.    -          Yohan, reste s’il-te-plaît.  Tu ne vas tout de même pas m’éviter pour ça, l’imploré-je doucement.  Tu me connais assez pour savoir que je ne suis pas de celle qui peux empêcher un cœur d’aimer.    -          Tu pourrais vouloir lui éviter les blessures qu’une vie à deux lui fera assurément vivre.  Tu es bien placée pour savoir de quoi il s’agit, me répond-t-il sans me regarder.    -          C’est tout ce que vous voyez de ma relation avec Julian, m’étonné-je, déçue.  Farouk a dit sensiblement la même chose.  Il n’y a pas que de mauvais côtés, tu sais.     Je m’approche de lui et pose une main sur son épaule.  Je sens soudainement la jalousie de Julian lui broyer le cœur.  Je soupire bruyamment, tentant de lui faire comprendre qu’il n’a aucune raison de réagir de la sorte.  Yohan me fixe étrangement.    -          Je suis un peu trop près de toi au goût de ma moitié, lui expliqué-je avec un clin d’œil.  L’amour que je ressens pour Julian est plus puissant que tout.  Je trouve dommage que tu n’en retiennes que les moins beaux aspects.  Aimer et être aimé sont les plus belles choses que nous puissions vivre de notre immortalité.  C’est une expérience qui fait de nous des êtres meilleurs car l’autre nous aide à nous élever toujours plus haut, de devenir chaque nuit toujours plus forts.   -          C’est facile de dire ça, vous êtes des Âmes Jumelles.   À défaut de convaincre le Molaĩ, j’ai au moins rassuré Julian que je l’aime et qu’il n’a pas à se torturer que je sois aussi près d’un Immortel que j’apprécie.  Je le sens plus calme, voir un peu mal à l’aise d’avoir réagi de la sorte.  En même temps, je sais que je ne peux pas lui en vouloir.  Je soupçonne fortement sa Mère de lui avoir mis des idées en tête me concernant et le fait qu’il se sente incapable de s’abandonner à notre désir ne fait qu’envenimer les choses.  Je me promets d’avoir une discussion avec lui à ce sujet lorsque nous serons de retour au Presbytère.  Pour le moment, je me dois d’aider mon ami à voir les relations amoureuses d’un meilleur œil.  Je refuse que nos défis personnels teintent la vision de l’amour qu’auront les Immortels nous entourant.    -          Regarde Lucas et Kat.  Ne s’ouvre-t-elle pas plus aux autres depuis qu’il lui a offert son cœur ?  N’a-t-il pas pris en confiance depuis qu’elle est à ses côtés ?  L’amour est un puissant moteur pour faire de nous de meilleures personnes.  Une Mère souhaite cela pour ses enfants.  Si ton cœur est sincère, je serais fière de savoir ma Fille heureuse avec toi.    -          Ça ne risque pas d’arriver.  Elle n’a pas besoin d’un homme comme moi.  Elle est si magnifique.  Si indépendante.   Je lui souris.  Julian m’a dit sensiblement la même chose la veille.  Je lui suggère de laisser le temps faire son œuvre.    -          Demeure silencieux devant elle si c’est ce que tu souhaites, je ne trahirai pas ton secret.  Mais je t’en prie Yohan, ne t’éloigne pas de moi pour ça.  Tu ne vas quand même pas passer le reste de tes nuits à me fuir simplement parce que je suis sa Mère, rigolé-je.   -          Ha, ne te moque pas, grogne-t-il.  C’est un vieux réflexe humain.  L’image des méchantes belles-mères est plutôt tenace, même dans notre société.    -          À qui le dis-tu ? soupiré-je bien malgré moi.   L’avertissement de Lena me revient en tête.  Je suis la première à devoir me méfier de la Mère de mon conjoint.  Je classe ce sujet dans un coin de mon esprit, invitant Yohan à me suivre dans le salon de la Smala à nouveau.  J’entends alors Ethan s’esclaffer.   -          Le Beauf !!!  J’adopte l’expression.  Bien joué Kiara.    Je vois Julian lever les yeux, le visage toutefois rieur.  Il n’a pas l’air de s’ennuyer ni d’être contrarié.  Mais je vois bien que ça ne se passe pas comme il l’avait prévu et qu’il est un peu déstabilisé par tout ça.  Je m’installe à ses côtés et dépose un b****r sur sa joue, m’attirant un commentaire de Kiara.   -          Vous êtes mignons comme tout.  Lui qui grogne quand tu pars rejoindre un autre homme et toi qui le rassure d’un b****r en le retrouvant.  Trop chou !   Je lui lance un regard lui disant de se mêler de ses affaires et elle m’envoie un b****r que j’ignore.  Je demande si nous pouvions faire venir le Chancelier Costa afin de signer les documents attestant de notre dette envers eux.    -          Ça ne sera pas utile, m’apprend Ethan.  Nous refusons que vous nous dédommagiez pour avoir fait notre devoir envers deux citoyens de notre ville.  Tu es notre sœur Rébecca ce qui fait de Julian notre beau-frère ou le Beauf, comme le dit si bien Kiara.  J’adore !    -          Surtout que j’ai eu tellement de plaisir à traquer les larbins qui déplaçaient ton corps, le Beauf, s’exclame la Fille de Gaya.  Je me sentirais presque redevable de vous faire payer pour ça.   L’excitation de la chasse se lit sur son visage.  Elle me fascine cette Nyama.  Elle est une véritable guerrière qui ne recule devant rien.  Elle n’a rien d’une Immortelle de salons et de discussions comme moi.  Elle vit pour l’action et le mouvement, la bataille et les sensations fortes.  Elle est dans la bonne Coterie pour s’épanouir pleinement.  Les Chardons Ardents sont le bras armé de la ville, l’escouade tactique de la cité tandis que l’ASARA fait plutôt office de bataillon pour la politique extérieure.  Tout comme ma Coterie, celle d’Ethan, Kiara et Gabriella a été créée à la demande du Roi Denis Lambert de Laval à l’époque où il n’était qu’Échevin à Montréal.  Yohan s’est ajouté à eux quelques années plus tard, recruté pour son talent unique en architecture.  Tout comme l’ASARA, leur unité a traversé les années, défiant le temps.  Leur mentor, l’Ambassadrice Madeline de Lagarde, peut être très fière d’eux.  Ils ont taillé leur place au sein de notre cité.    -          Elle a eu un peu trop de plaisir si tu veux mon avis, se plaint discrètement Gabriella.  Mais je suis tout de même d’accord avec elle.  Je ne souhaite pas plus être dédommagée pour avoir simplement fait mon devoir envers ma famille et répondu à l’ordre de mon Roi.  Même si j’ai été obligée de vivre pendant autant de semaines en aussi grande proximité avec 3 Nyama.    -          Je ne te fais pas dire, renchérit Yohan.  C’était terrible.   Il s’attire aussitôt des commentaires désobligeants sur ses règles alimentaires difficiles à suivre en voyage.  Ayant étudié la descendance de Molaĩ, je sais qu’ils ont une digestion plus sélective que les autres descendances.  Pour certains, leurs proies doivent avoir une certaine couleur de cheveux ou de yeux. Naturelle, cela va de soi.  Pour d’autres, le sexe de leur souper est important.  L’âge de l’humain peut également devenir un facteur important.  Cela devient un peu plus complexe lorsque c’est le groupe sanguin qui domine la sélection du candidat.  L’alimentation ainsi que l’émotion de l’humain peuvent aussi jouer dans la réaction du Molaĩ au sang de sa victime.  C’est d’ailleurs ainsi que les rumeurs concernant l’ail comme répulsif contre nous ont pu être alimentées.  Puis, pour couronner le tout, il peut y avoir une combinaison variée de tous ces attributs.  Pour un Molaĩ, découvrir ce qui fera ses repas pour l’éternité peut s’avérer un véritable casse-tête.  Ce n’est pas pour rien qu’ils sont les Immortels se créant le plus de troupeaux d’humains afin de pourvoir à leur besoin alimentaire.  Julian regarde la scène devant nous.  Il me sourit tandis que Yohan rappelle à Kiara que ce sont justement son régime qui leur ont permis à plusieurs reprises de retrouver la trace des serviteurs, précisant qu’une femme désirant être baisée devient un véritable moulin à paroles.  Ethan et lui se frappent dans la main en solidarité provoquant des étincelles de colère dans les yeux de la gente féminine devant eux.  Même moi, je fronce les sourcils devant un commentaire aussi macho.  Julian qui allait frapper la main tendu de Yohan change d’idée en croisant mon regard faisant s’esclaffer Kiara qui le traite de soumis.  Il lui jette un regard sombre avant de me prendre dans ses bras pour m’embrasser avec passion.    -          Kiara doit avoir envie d’être baisée puisqu’elle a la langue bien pendue, dit-il en mettant fin à notre b****r.  Je préfère définitivement l’utilisation que Rébecca fait de la sienne, finit-il avec un clin d’œil.   Kiara le fixe la bouche ouverte, tandis que je sens mon sang s'échauffer.  Si nous étions seuls, je lui en redemanderais sans hésiter.  Je me concentre sur la réaction de la Nyama pour me calmer.  Je vois dans ses yeux qu’elle cherche une réplique, sans succès.  Elle se cale dans son fauteuil en croisant les bras.  Yohan et Ethan se moquent un peu d’elle, félicitant Julian de lui avoir cloué le bec, événement rare.  Ils déclarent qu’il est leur beau-frère préféré en lui tapant sur l’épaule.  Ma moitié semble impressionné de leur franche camaraderie envers lui.  Il s’étonne de les voir agir avec lui comme s’il avait toujours fait partie de ma vie.    -          C’est un peu le cas depuis les dernières années.  Je te signale que j’ai passé beaucoup de temps en leur compagnie puisque je ne pouvais pas suivre ma Coterie.  Crois-tu vraiment qu’ils ne m’ont pas entendu te répondre à voix haute à certains moments ?  Ou qu’ils ne se sont pas demandé pourquoi je changeais subitement d’humeur sans raison ?    -          Nous avons appris à te connaître à travers elle, lui explique Gabriella.  C’est différent de te voir en vrai.  Mais c’est comme si tu avais toujours été avec nous.  Je suis certaine que toi aussi, tu as ce sentiment inexpliqué en toi.  Sans nous avoir réellement côtoyés, tu sens que tu sais presque tout sur nous.  Du moins ce que Rébecca sait.    Julian hoche la tête.  Il trouve que l’explication de l’érudit fait du sens.  C’est effectivement ce qu’il a éprouvé hier lorsque les citoyens venaient me saluer après la prestation de Cassie.  Sans trop comprendre pourquoi, il avait de vagues souvenirs, surtout des émotions, avec ces personnes alors qu’il savait pertinemment qu’il n’avait pas physiquement passé de temps avec elles.  D’ailleurs, il a été surpris de connaître le nom de tous les citoyens simplement en voyant leurs visages.  Maintenant, il sait pourquoi.  Notre lien est fascinant, surtout que je n’ai pas su que l’Immortelle qui arrivait dans notre Munitum l’autre nuit était sa Mère avant que le Roi en fasse mention.  Notre lien ne fonctionnait parfois que dans un sens.  Ce qu’il pouvait être capricieux.  Ma réflexion amuse ma moitié qui m’embrasse une fois de plus en souriant.  Il se lève, souhaitant une bonne fin de nuit aux membres de la Coterie, m’embrasse à nouveau avant de partir rejoindre Josie.  Je le regarde quitter la pièce, me mordant la lèvre inférieure.  J’espère que nous trouverons rapidement une solution à sa crainte car s’il continue de m’embrasser comme il l’a fait pour confronter Kiara, je ne lui résisterai pas longtemps.   -          Tu dois être heureuse qu’il ait décidé d’emménager à Montréal, dit Gabriella, me sortant de mes pensées.   -          Très heureuse, en effet, lui avoué-je.  J’apprécie surtout le fait que nous ayons enfin officialiser notre relation aux yeux de tous.  Se voir en secret, c’est excitant pendant un moment.  Mais, pour être honnête, j’avais hâte de pouvoir me promener à ses côtés, main dans la main, dans n’importe quelle cité.   -          J’espère que toute cette situation ne vous en empêchera pas, rétorque Ethan.  Dorken nous a dit pour ton ancêtre.  C’est flippant tout ça.  Mais, en vous affichant publiquement, il vous retrouvera plus facilement.    Je plisse des yeux en le regardant froidement.  Une fois de plus, mon frère de Coterie a partagé un secret, mon secret, à une personne externe à notre Coterie.  Je serre les poings contre mes cuisses en froissant le tissu de ma robe.  Nous lui avons pourtant répété à plusieurs reprises qu’il devait cesser de trahir notre confiance ainsi, que ça ne lui appartient pas de divulguer nos histoires aux gens autour de nous.  J’ai de la difficulté à rester impassible.    -          Je vous l’avais dit qu’elle n’aimerait pas qu’on le sache, s’exclame Kiara.  Rébecca déteste quand Dorken parle trop.  Ça se lit dans son visage.   -          Cesse de faire ça, Kiara Verdi, éclaté-je en me levant.  C’est vraiment désagréable.   Elle a cette manie de m’analyser et de me lire comme si j’étais un roman.  C’est à la fois dérangeant et agaçant.  Elle se plante devant moi pour me confronter.   -          Pourquoi est-ce si désagréable, Prêtresse ? Parce que je lis en toi comme dans un livre ouvert, répond-t-elle à ma place, avec arrogance.   -          Entre autres, soufflé-je en me laissant retomber dans la causeuse derrière moi.  Mais surtout parce que tu t’acharnes à le renoter de manière si… condescendante.  C’est insultant.   -          Je sais, se calme à son tour Kiara.  C’est ma façon de te faire comprendre que tu dois fermer ton livre si tu veux survivre, ma beauté.  Je peux te donner des trucs.  Si tu acceptes mon aide, bien entendu.    Ma fierté est légèrement froissée qu’on me renote d’afficher publiquement mes faiblesses de la sorte.  Je sais que je n’arrive pas à cacher mes émotions et que ça pourrait éventuellement nous nuire à Julian et moi.  Je soupire d’exaspération.    -          Ne le prends pas si mal, me console Yohan.  Kiara est particulièrement perspicace.  C’est un don chez-elle.  Nous subissons ce comportement plus souvent que toi.  Imagine ce que nous endurons Ethan, Gabriella et moi chaque nuit.   Kiara lui fait un doigt d’honneur.  Il lui décoche son plus beau sourire.    -          Une chance que tu es beau, rigole-t-elle.  Ça pardonne ton impertinence.   J’accepte finalement l’aide proposée par la Nyama.  Elle m’aidera à masquer mes réactions les plus primaires pour commencer.  Nous convenons d’une rencontre par semaine afin qu’elle me pratique à avoir un visage impassible peu importe la situation.  Elle m’avise à l’avance qu’elle sera impitoyable.  Je lui réponds que j’espère bien sinon j’exigerai un remboursement.  Juste avant que je ne les quitte, Ethan me prend à part.   -          N’en veux pas à Dorken pour la confidence qu’il nous a fait.  Nous l’avons saoulé la semaine dernière après notre virée à travers les États-Unis pour retrouver Julian.  Nous sentions qu’il avait besoin de se détendre un peu.  Et besoin, il en avait, crois-moi.  Nous étions tous inquiets pour toi, lui encore plus.  Je te le demande, ma sœur, sois indulgente avec lui.   Je lui promets d’essayer en soupirant.    
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