Encore sans moi

1852 Words
Avant même que mon sang n’ait le temps de réagir et que ma bête ne s’éveille, le Roi prend la parole.   -          Votre Fille est en mission pour moi, Prêtresse Duhamel.  Elle est accompagnée de la Consul Voelkel et de la sœur de votre Père.  Dans sa fougueuse jeunesse, elle est partie seule à la recherche de Charles Townsend pour venger sa Mère.  Lorsque nous avons compris l’ampleur du complot, nous avons jugé préférable de la superviser.  Pour cette fois.  Professeure Jacobs, préparez-vous.  Monsieur Peters est dans la prison.  Il sera à vous dès que nous y serons.   Lydia se lève et se prépare à suivre Monseigneur et l’Honorable Nightingale.  Je l’arrête en la questionnant sur les raisons qui les ont amenés à mettre Julian dans une cellule.    -          Nous ignorons tout ce qu’ils lui ont mis en tête, me répond Viktor, en m’imposant de lâcher le bras de ma sœur de Coterie.    D’un regard, il lui fait signe de suivre le Roi.  Elle obéit en silence.  Ils quittent tous la pièce, me laissant seule avec mon Évêque.  J’ai envie de les suivre, mais mon Ancien me fait comprendre que je dois rester assise et l’écouter.  Il me rappelle que Julian côtoyait régulièrement les Évêques alliés du Roi déchu de Philadelphie et qu’ils étaient tous des descendants de Molaĩ.  Ils ont donc tous pu le manipuler mentalement à son insu.   -          Malgré votre lien, il t’a oubliée, n’ayant aucun souvenir de votre amour.  Qui sait ce qu’ils lui ont implanté d’autres ?  Nous ne prendrons aucune chance.  Tu es trop faible cette nuit pour le confronter.  Tu retournes à tes appartements.   -          Hors de question ! m’écrié-je, offensée.  Je vais boire ce qu’il faut pour retrouver des forces et vous accompagner.  Je dois le voir.  J’ai besoin de le voir.  Seul notre lien pourra reformer le lien.   -          Rébecca, c’est trop risqué.  Vous avez rompu votre cycle.  Tu sais très bien ce qui arrivera lorsque vous vous toucherez et que votre malédiction s’enclenchera.   -          Nous n’aurons besoin que de nous regarder pour en avoir envie et ça ne pourra que le ramener vers moi, répliqué-je, un sourire coquin.  Je pense que c’est la meilleure option pour briser les chaînes de leur endoctrinement.   -          Et s’il panique parce qu’il ne comprend pas ce qu’il ressent, grogne mon Ancien.   -          Il comprendra.  Je suis sa moitié.   -          N’en sois pas si certaine.  Tu retournes dans tes appartements.  C’est un ordre de ton Roi.   Viktor a pris sa voix d’Ancien.  Je déteste quand il prend son âge comme cela.  Je capitule par respect pour son autorité.  Nous sortons du bureau sans passer par la grande salle pour éviter de créer une cohue parmi les citoyens présents.  Je découvre alors qu’il existe une porte dérobée menant au stationnement du Munitum.  Nous n’avons qu’à marcher dans un long couloir sombre.   À partir de la Chapelle, Viktor me fait raccompagner à ma chambre par Farouk, mon Protecteur.  Je n’ai pas dit un mot depuis que j’ai quitté le bureau du Roi, prisonnière de mes pensées.  Je cherche une façon de m’échapper du Presbytère pour rejoindre Julian.  Il est impensable que je reste à ne rien faire.  Arrivée à ma porte, je me tourne vers le garde, parce que c’est bien ça son rôle en ce moment, et remarque qu’il essuie rapidement une larme sur sa joue.   -          Ho Farouk, murmuré-je, émue, le prenant dans mes bras.   -          J’ai cru que tu n’allais plus jamais faire ça, pleure-t-il contre moi, me serrant plus fort, alors qu’habituellement il aurait râlé pour que je le lâche.  J’ai réalisé en te voyant marcher devant moi que ça faisait trois mois que je vivais dans la peur de ne plus jamais te revoir.  Ne me refait plus jamais ce coup-là Sœurette.   Je n’ai aucune idée de ce qu’ils ont vécu pendant ces nuits, se demandant constamment si j’allais me réveiller ou devenir cendre.  Je me sens mal de leur avoir imposer tout ça en choisissant de m’unir à Julian, en ayant soulevé les imperfections de ma Congrégation lors du dernier Séminaire et soutenu les gestes des autres membres de ma Coterie.  Je suis consciente que je ne suis pas la seule qui ait posé des gestes politiques par le passé.  Je suis toutefois la première que l’on attaque pour se venger.  Après tout, je suis la face publique de la Coterie, celle qui parle, celle que l’on regarde et celle que l’on voit en premier.  J’aurais dû protéger mes arrières avant d’agir.  Tellement de gens semblent souffrir à cause de moi. D’abord, si j’avais supplié Julian de venir s’établir à Montréal avec moi, ces êtres abjectes n’auraient jamais pu le dominer ainsi.  Si je n’avais pas été aussi surprotectrice envers Cassie, je n’aurais pas fait un procès à son Père pour l’avoir lâchement abandonnée, sachant à quel point ce genre de geste était répréhensible par les descendants de mon sang.  J’ai ainsi jeté le blâme et la honte sur cet Immortel et sa cité, ajoutant une raison de plus à Charles Townsend de me détester et aux Purifiés de la ville de vouloir en finir avec celui qui permettait que de telles choses se produisent dans leur société.  Je m’éloigne doucement de Farouk, remplie de culpabilité.   -          Vous souffrez tous à cause moi, soufflé-je d’une petite voix.   -          Je savais que tu dirais ça, réplique mon frère le plus sérieusement du monde, posant sa main sur ma joue pour essuyer mes larmes.  Dorken a eu la même réflexion.  Kat aussi.  J’aimerais te dire que la Professeure Jacobs a pensé comme eux mais tu la connais. (Il me fait un clin d’œil complice.  Lydia montre rarement ses émotions.) Dans des mots et des intensités différentes, vous vivez cette même culpabilité écrasante.  Julian passera probablement par-là lui aussi.  Les rumeurs prétendent que le Roi n’y échappe pas.  Il s’en voudrait de ne pas avoir exigé que Julian vienne habiter à Montréal auprès de toi.  Il aurait ainsi pu veiller sur lui.  C’est pourquoi il t’aurait gardé aussi farouchement dans son bureau tout ce temps.    Il me regarde tendrement, me répète qu’il a vraiment craint de ne pas revoir mon joli visage avant de poursuivre.   -          Philadelphie fonçait dans un mur.  Ses dirigeants prenaient de mauvaises décisions depuis des décennies.  Oui, tu en as pointé quelques-unes du doigt avec le procès du Père de Cassie.  Oui, tu as redonné envie aux Purifiés de cette cité d’agir en véritables disciples de Loudas.  L’Évêque Norsius a agi avec sagesse lorsqu’il a défié son Roi et qu’il a utilisé son pouvoir pour le destituer, ralliant l’entièreté du Conseil des Dirigeants.  Ils ont tout fait ça sans toi.  Mais ils avaient tous eu vent de l’humiliation que Dorken avait fait subir à leur Roi lors du Congrès des Imperius en exposant ses abus de pouvoir et sa tyrannie publiquement.  Ils ont tous subi l’embargo exercé par la Faction sur leur cité.  Ils auraient pu croire que vous aviez tort de vous en prendre à lui.  Pourtant, ils ont vu clair et lui ont retiré toute possibilité de nuire plus longtemps à leur cité plutôt que de partir en guerre contre vous.    -          Lui ouvrant grand la porte à se venger de nous, maugréé-je.  J’estime que vous n’aviez pas à subir tout ça.  Julian encore moins.    -          Nous le subissons parce que nous vous aimons Sœurette, me sourit mon Protecteur.  Nous serons toujours à vos côtés, rentre-toi bien ça dans le crâne.  Maintenant, va prendre un bon bain chaud plein de mousse pour t’aider à relaxer.  Je reste ici à ta porte, s’il y a quoique ce soit.   -          Vous avez peur que je me faufile en douce jusqu’à sa cellule, le taquiné-je, quand même un peu offensée qu’on me surveille de la sorte.   -          Pour ta sécurité, tête de linotte, me rétorque Farouk en soupirant.  Ils ne savent pas ce qu’ils réveilleront quand ils retireront le pieu de son cœur, Rébecca.  Quelqu’un doit rester près de toi pour te protéger.  Je suis ton Protecteur.  Je suis là pour ça.   Je le serre une fois de plus dans mes bras et pose un b****r sur sa joue avant de m’enfermer dans mes appartements.  J’écoute ses conseils et me fais couler un bon bain chaud dans ma baignoire sur pieds.  Immergée jusqu’au cou dans l’eau et la mousse, enveloppée par l’odeur de lavande, je laisse la chaleur imprégnée ma peau et me détends peu à peu.  Je profite de la sensation de bien-être que cela me procure.  Un peu comme les baisers de Julian, en beaucoup moins intense.  Cette chaleur si réconfortante, si humaine, me donnent presque l’impression que Julian est avec moi.  Le point à la poitrine me rappelle malheureusement qu’il n’y est pas.  L'angoisse me glace le sang subitement.  Je crains soudainement d’avoir perdu Julian pour toujours.  L’idée me terrifie. Si Viktor avait raison et que j’avais tort ?  Si notre lien ne pouvait lui redonner la mémoire, que nous restait-il ?  Si nos ennemis avaient fait plus que m’effacer ?  Ça me fait mal de l’admettre, mais j’aurais dû me battre contre mon attirance pour lui, vaincre ce lien avant qu’il ne naisse plutôt que de le perdre aujourd’hui.  Je me sens si vide sans lui.  Je suis complètement perdue.  Je suis là à me morfondre et à m’apitoyer sur moi, ne trouvant ni espoir ni force.  Je suis abattue.  Le point que je ressens au cœur m’envoie le signal que j’ai tout perdu.  Ce Charles Townsend a gagné, il m’a définitivement tout pris.  Il s’est assuré que Julian ne puisse plus m’aimer.  Mes larmes se mêlent à la mousse de mon bain mais je m’en fous.  Je suis dévastée par l’idée que j’ai perdu à jamais l’homme que j’ai tant aimé.   -          Sèche tes larmes Sweet-cubus.  I’ll always love you. 
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