Truc de Skugga

2520 Words
Je me retrouve dans un café où l’ambiance est fort différente de la cellule que je viens de quitter.  Je constate que mon désir est au plus calme.  Je suis assise aux côtés de Julian qui admire un pendentif serti de perles d’eau douce.   -          C’est vraiment vilain de ta part de venir m’espionner comme ça, Sweet-cubus.  Ça va gâcher l’effet de surprise pour demain, me dit-il en souriant.  Mais tout compte fait, puisque tu viens du futur, tu le portes déjà.   -          Pas encore, Skugga d’Amour.  Nous vivons des complications.   -          Si tu m’en parles, ça doit être sérieux, fait-il la mine grave.   J’acquiesce en silence.  Je vois Virginia entrer dans le café.  J’ai une envie de meurtre en la voyant, ce qui inquiète Julian.  Je comprends que c’est le moment où tout bascule.   -          Julian, ton truc de Skugga qui m’empêche de tout voir dans ton esprit, cache-toi dedans.   -          What ?   -          Fais-moi confiance.  Protège ton esprit là où tu gardes tes secrets.  Je te promets de te retrouver.   Je l’embrasse puis il disparaît.  Je me sens faiblir.  Le café se transforme en un long couloir.  Je vois une multitude de portes dont la taille et la couleur varient.  L’une d’entre elles doit être l’esprit de Julian.  De plus en plus péniblement, j’avance de porte en porte incapable de les ouvrir.  J’arrive devant une grande porte sombre ornée d’un tournesol.  Aucune poignée ni serrure pour que je puisse tenter de l’ouvrir.  Je frappe faiblement contre la pièce de bois, désespérée.  Je sais que Julian est derrière.  Je tiens à peine debout.  Au cœur de la fleur, un cercle de petits trous a été creusé à même le bois.  On aurait dit qu’on pouvait y encastrer un bracelet de petites pierres.  Mon bracelet !  Je l’enlève le plus rapidement que j’en suis capable.  Chaque mouvement me demande efforts et concentration.  Je le place sur la porte qui s’ouvre automatiquement.  Je m’effondre sur le sol, aux pieds de Julian.   -          Tu en a mis du temps, Sweet-cubus, me sourit-il.   -          Rébecca, reviens, me crie l’autre Julian, complètement hystérique.   -          On m’appelle au loin.  On se reparle, Skugga d’Amour.   Je reviens à moi en tombant dans les bras de Julian.  Je sais qu’il est paniqué.  Je ne sens que ça.  Je suis tellement épuisée que, même en sentant Julian me toucher, je n’arrive pas à réagir à l’impulsion de vouloir lui sauter dessus.  Il s’en veut tellement qu’il résiste à son besoin de me prendre, attendant le sang qu’il a exigé qu’on m’apporte.  Son esprit se demande ce qu’il fait ici.  Il sait seulement que je suis venu le sauver et que j’ai encore failli mourir pour ça.  Je cale la carafe de sang sans prendre le temps de la vider dans une coupe.  J’ai à peine fini d’absorber le sang et laisser la carafe que les lèvres de Julian s’emparent de ma bouche.  Il me plaque durement contre le mur le plus proche.  Il relève ma robe pour me pénétrer et me prendre avec vigueur.  Je n’attendais que ça.  Je suis tellement heureuse de le savoir enfin avec moi.  Je remonte mes jambes autour de sa taille et l’embrasse de plus belle.  Le rythme de son bassin ralentit.  Il se fait plus langoureux, pour mieux m’exciter.  Je gémis de plus en plus fort.  Il s’immobilise juste au moment où j’allais exploser, un sourire coquin aux lèvres.   -          Je t’aime Rébecca.  Happy Birthday Sweety !   -          Bonne fête mon Amour !  Je t’aime Julian !   -          Merci d’être venu me chercher, me dit-il ému.  J’ignore pourquoi tu as dû le faire.  Quand je suis revenu à moi et que je t’ai vue, tes yeux étaient déjà blancs.  I was so scared.   Il secoue la tête comme pour chasser cette image.  Il m’embrasse avec passion avant de me tendre son poignet.  Je lui présente le mien.  Ensemble, amoureux, les yeux dans les yeux, nous enfonçons nos crocs dans le corps de l’autre, heureux de nous retrouver.  Nous nous abreuvons l’un à l’autre avec tellement d’appétit et de désir que nos corps ne font qu’un tout comme nos esprits.  Je suis complète à nouveau.  Je me sens tellement bien.  Puis un souvenir s’impose à nous.  Dans ce souvenir, je regarde avec excitation les mains déballer la boîte et en enlever le couvercle.    -          C’est trop joli, s’exclame une voix que je connais trop bien et que je déteste.   -          J’ai trouvé la perle rare pour ma bien-aimée, dit alors Julian en levant les yeux sur Virginia.   Le souvenir s’arrête aussitôt car je repousse violemment Julian en hurlant de colère et de peine.  Je suis en furie.  Comment a-t-il osé penser à cette g***e alors que nous partagions un moment aussi intime ?  Piquée au plus profond de mon orgueil, je ne remarque pas qu’il est aux abois.  Tout ce que je vois, tout ce que j’entends, ce sont les vestiges de ce souvenir qui tournent en boucle dans mon esprit.  Ces mots prononcés par celui qui dit m’aimer : « J’ai trouvé la perle rare pour ma bien-aimée. »   -          Rébecca, je… commence-t-il.   -          Ne m’adresse plus jamais la parole, tu m’entends.  Plus jamais, le coupé-je d’un ton autoritaire.   J’ai pris sur moi et puisé toute la puissance de mon sang pour me forger une attitude hautaine et froide.  Je refuse d’entendre ses explications.  Que pouvait-il bien me dire après tout ?  Qu’on l’avait manipulé ?  Qu’il n’était pas responsable ?  Je ne veux pas le savoir.  Je désire m’éloigner de lui, ne plus jamais le revoir et le faire souffrir autant que j'ai mal.  Alors que je quitte la cellule, il referme la porte derrière moi.    -          Barre-la à double tour, me dit-il en télépathie. Protège-toi ainsi que ta cité.  Si ce que tu penses est vrai, j’ignore ce qu’ils ont encore caché en moi.  I don’t wanna hurt you, Sweety.   La résignation qui habite son esprit me désarçonne complètement.  Je reste muette en enclenchant le verrou de la cellule.  Une grande partie de ma colère a disparu faisant place à la culpabilité.  Ma fierté en a tellement pris un coup en vivant le faux souvenir de Julian que je n’ai même pas envisagé qu’il puisse être innocent.  Je suis vraiment la pire des amoureuses.  Comment pourrais-je le regarder dans les yeux après ça ? « Tu n’auras pas à le faire, me murmure la voix de ma lignée.  Il t’a trahie. Tes ennemis ont trouvé ta faiblesse et s’en servent contre toi.  Sois plus forte qu’eux et éloigne-toi de lui. »  Je l’écoute, le cœur brisé.  Ou est-ce celui de Julian ?  Je suis si divisée, à la fois en colère, trahie, démolie et coupable que je n’arrive plus à garder le cap sur ce qui m’appartient, sur ce que je dois penser.  Tout s’entremêle en moi.  Je voulais retourner vers lui tout comme je voulais le fuir à tout jamais.  J’aimerais le faire souffrir.  Une partie de moi souhaite que tout redevienne comme avant.  Une autre partie de moi aimerait en finir afin de ne plus rien ressentir, sachant que ma moitié ne veut plus de moi.  Je frissonne d’effroi en constatant cela car il ne s’agit clairement pas de mes réflexions.  Je me retiens pour ne pas courir vers lui.  Il y a tant de choses que nous ne savions pas.  Julian et Lydia avaient raison sur ce point.  De plus, il ne pouvait pas mettre fin à ses jours dans sa cellule.  Je pouvais donc le laisser seul et aller chercher de l’aide. Ne trouvant personne à la salle de contrôle, je me demande où ils sont tous passés.  Je suis tout de même soulagée de savoir que personne n’ait assisté à mes retrouvailles gâchées avec Julian.  Ils auraient pu tout simplement fermer les volets de la fenêtre d’observation ainsi que les micros.  Je me dirige alors vers la sortie de la prison pour me rendre vers la Chapelle.  Je termine la montée de l’escalier reliant les Catacombes, où se trouve la prison, à la Chapelle, la tête pleine de ce que je viens de vivre avec Julian et le cœur en miettes, quand on me saute dans les bras.  Cassie me serre contre elle en pleurant sur mon épaule.   -          J’ai cru ne jamais vous revoir, Mère, sanglote-telle.   -          Je suis soulagée de te savoir de retour de mission, ma Pupille Chérie, lui avoué-je, versant des larmes à mon tour.   -          Vous allez être fière de moi.  Nous les avons tous ramenés.  Presque tous dans l’état demandé.   Elle sautille de joie en me tenant les mains.  Ma lumineuse Fille met un baume sur mon cœur meurtri sans même le savoir.  Je l’aime presque autant que…  Je soupire.  Je le sens triste que je ne sois même pas capable de penser son nom.  Je m’en veux de ne plus trop savoir quoi penser de cette situation.  Je lui en veux de me faire vivre tout ça même si je sais que tout arrive par ma faute.  Je ferme les yeux et serre les poings.  Devant ma mine sombre, Cassie s’inquiète et me demande où est Julian.  Je remarque alors que nous sommes entourées de plusieurs Immortels qui attendent ma réponse, dont mes Anciens.  Je vois trois housses mortuaires aux pieds de la Consul Voelkel.  Je devine qu’il s’agit des corps de trois des quatre Molaĩ ayant manipulé Julian, Cassie m’ayant dit qu’ils étaient presque tous dans l’état demandé.  Je suppose que l’un d’eux a été détruit.  Je remarque une longue jupe rouge près de la Consul.  Je lève les yeux sur ma tante Lena.  Sans réfléchir, je me précipite sur elle et me réfugie dans ses bras, stupéfiant tout le monde.    -          Tu sais à quel point nous pouvons être cruelles.  Si je dépasse les limites, assure-toi qu’il ne lui arrivera rien, la supplié-je, chuchotant à son oreille.  Ce qu’ils ont fait m’a terriblement blessée et la voix de notre lignée exige réparation.   J’ai terriblement peur de ce que je pourrais lui faire.   -          Que s’est-il passé Rébecca ? me demande Lydia.   Je me tourne vers elle, tête baissée.    -          J’aurais dû vous écouter et attendre que vous ayez un meilleur portrait de la situation.  Ces êtres infâmes en savaient beaucoup plus que vous ne pouvez l’imaginer sur notre lien.  Une surprise nous attendait au moment où nous nous y attendions le moins.  Par sécurité, Julian a demandé que je le laisse enfermer dans la cellule.  Professeure Jacobs, il aura besoin de vous.  Son désir de vivre vacille dangereusement.   Je vois une raideur accentuée la silhouette de la Mère de Julian.  Lydia fronce les sourcils.  La psychiatre en elle n’apprécie pas savoir que Julian a des idées noires.  L’Honorable Nightingale se fait toutefois rassurant.   -          Avec ce qu’il vient de traverser, votre Conjux peut se permettre de broyer un peu de noir.  Surtout s’il doit déjà vous éloigner pour assurer votre sécurité.  Ce trio de guerrières a fait un excellent travail.  Vos tourments seront bientôt choses du passé.    Je veux tellement le croire.  Mais je viens tout juste d’espérer et on m’a giflée en plein visage.  Je préfère attendre.  En fait, j’aurais dû le faire attendre éternellement et ne jamais accepter son invitation cette nuit-là à Cleveland.  J’ai si mal que je regrette de l’avoir laissé entrer dans ma vie.  Cette fois, je ne dis rien lorsque le Roi ordonne qu’on me raccompagne à mes appartements.  Lena me promet de faire ce qu’elle peut.  Je suis Farouk sans un mot.  Un peu avant d’arriver dans la section du Presbytère où se situe les appartements des Purifiés, j’ai la subtile impression d’être enveloppée par l’amour et le réconfort d’une mère.  Ça n’a duré qu’un souffle.  Je conclus que Julian reçoit la visite de sa Mère et qu’elle a dû lui témoigner une quelconque marque d’affection.  Je suis soulagée qu’elle soit là pour lui alors que j’en suis incapable.  Je revois le visage de Virginia associé aux mots « perle rare », mots qu’il a utilisé en parlant de mon cadeau d’anniversaire.  Nos ennemis ont frappé vraiment fort, utilisant des détails pour me torturer efficacement.  Je les détestais de savoir comment me blesser de manière aussi adéquate.  Pire, je me détestais d’être aussi faible et facile à atteindre.   -          Tu n’es pas faible, Sweet-cubus, me dit Julian dans ma tête.   Mon sang ne fait qu’un tour en l’entendant.  La voix de ma lignée se lève avec force, me rappelant qu’il m’a trahie.  Il est vrai qu’il ne mérite pas que je l’écoute.  Ce qu’il m’a fait est impardonnable.  Penser à une autre alors qu’il m’avait moi, complètement à lui est inadmissible.   -          Lutte Rébecca, poursuit Julian.  Ne laisse pas ton sang nous séparer.  Je t’en supplie.    Je sens son désespoir.  J’essaie de résister à mon monstre intérieur.  « Comment ose-t-il te supplier ?  Quel homme faible !  Tu n’as pas besoin d’un homme qui ne sait pas résister aux autres.  Il l’a appelée sa bien-aimé.  Il la préfère à toi. »  Je m’arrête devant ma porte et fige devant la violence de la colère qui bouille en moi.    -          Viktor aurait dû te tuer avant que tout ça ne puisse commencer, lui craché-je à l’esprit avant de rompre la communication.  
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