Retour à la normale Sakyu

2839 Words
Une main se pose sur mon avant-bras me forçant à regarder ailleurs qu’à l’intérieur de moi.  J’observe la main et lève les yeux vers la propriétaire.  Lydia est accroupie près de moi, le regard bienveillant, à sa façon.   -          Rébecca, ma belle, ma sœur.  Il est temps de te nourrir.  Viens avec moi.   Je le suis, telle une automate.  Elle m’arrête devant Caro, une des Initiées responsable de la « cantine » du Presbytère.  Instinctivement, je sens ma faim s’éveiller.  Il est plus que temps que je boive.  Une journée de plus et la torpeur m’attendait.  Je m’approche de mon repas et la croque dans le cou sans attendre.  Elle frémit dans un gémissement contre moi.  Le sang me fait tellement de bien que j’ai de la difficulté à m’arrêter avant que ça soit sans danger pour elle.  Je lui donne le b****r pour la remercier de s’être offerte ainsi à moi.  Elle devient molle dans mes bras.  Malgré ses années de services auprès de nous, je la connais depuis ma renaissance, elle ne résiste toujours pas à l’effet de mon b****r.   C’est plutôt flatteur car je sais qu’il n’y a qu’avec moi qu’elle s’évanouit à chaque fois.  Même que la situation irrite Sébastien et James qui sentent leur virilité remise en cause.  Surtout que Viktor et Farouk se servent de cet argument pour taquiner le pauvre James lors des pratiques au combat.  Avec Sébastien, ça reste de la pure compétition entre Sakyu.  Il fallait bien s’amuser un peu entre descendants du même sang. Voyant que je prends du mieux, Lydia semble rassurée.  Elle m’explique qu’ils ont dû forcer Julian à boire chaque nuit.    -          Son état est très différent du tien.  Il est conscient en début de nuit.  Puis tu l’entraînais dans ta fascination de votre douleur.  Il ne ressent plus le besoin de se battre pour vivre.  Je ne vois pas l’étincelle que je lis dans tes yeux.  Il n’y a plus d’espoir en Julian, résume-t-elle.   -          J’ai été affreuse avec lui, Lydia.  Cruelle, sadique.    -          Je sais.  Il me l’a dit.  Il croit qu’il le mérite amplement pour t’avoir fait vivre tout ça depuis le début de votre relation.  Il pense réellement être le maillon faible de votre couple.  Il regrette d’avoir écouté sa Mère et d’être resté auprès d’elle à Pittsburgh aussi longtemps.  Il dit qu’il n’aurait jamais dû quitter Montréal et te laisser seule.  Il te donne raison.  Viktor aurait dû le tuer avant que vous ne vous déclariez.  Ainsi tu aurais été heureuse.  Il ne t’aurait pas fait souffrir.  Il est complètement détruit de te savoir aussi malheureuse.   Je ne comprends plus rien.  Je lui détaille comment j’ai vécu les derniers jours.    -          Votre connexion est extrêmement complexe.  Ce que vous vivez actuellement est intense et chargé d’émotions violentes.  La fusion de vos esprits et votre incapacité à distinguer vos émotions de celles de l’autre pourraient être temporaire.  Je vous le souhaite.  Il m’apparaît clair que vous êtes tous les deux en peine.  Cette détresse est amplifiée par la douleur de l’autre.  Ce qui m’inquiète c’est son manque d’intérêt pour vivre.  Ça pourrait vous pousser à en finir.  Tu flirtais dangereusement avec la mort Rébecca et ça ne te ressemble pas.  Il a senti la première nuit après vos retrouvailles que tu souhaitais une réconciliation mais il n’a pas osé croire que c’était possible.  Puis, son discours n’a cessé de péricliter.  Il ne croit plus que tu puisses vouloir de lui à nouveau.   Je lui demande ce que je peux faire pour aider Julian à aller mieux.  Maintenant qu’elle m’a fait part de sa vision externe de la situation, je démêle un peu plus mes émotions de celle de ma moitié.  Je refuse de le perdre à nouveau.  Il est clair pour moi que j’aime cet Immortel et il est hors de question que je le laisse penser qu’il ne compte pas pour moi.    -          Allez le voir me semblerait la meilleure option, me propose-t-elle.   -           Pour ça, il faudrait que je puisse quitter ma chambre, répliqué-je.   -          Tu peux le faire depuis plusieurs nuits.  C’est d’ailleurs ton manque de réaction qui a inquiété son Éminence.  Quand il a constaté que tu restais immobile dans ton fauteuil à fixer le vide, il m’a demandé de venir te voir.    Je n’ai aucun souvenir de la visite de Viktor.  Cette fois, nous avions perdu pied tous les deux.  Aucun de nous n’a été fort, nous n’avions été que vulnérables.  Ma fierté et ma lignée nous avaient rendu vulnérables.  Je m’en veux tellement.  Voyant mon regard s’assombrir de nouveau, Lydia me prend la main.   -          Tu n’es pas responsable de ce qui s’est produit Rébecca.  Ces Évêques et l’EX avaient planifié bien pire.  Ton amour pour Julian nous a épargné une grande partie de leur machination diabolique.  Crois-moi, si tu ne l’avais pas rejoint dans ce café cette nuit-là pour lui conseiller de se réfugier dans son esprit, jamais tu ne l’aurais retrouvé.    -          Tu parles de retrouvailles, même ça, ils se doutaient que ça arriverait.  Ils avaient tout prévu pour nous gâcher l’existence.    -          Ça n’arrivera plus, je te le garantie.  Aucun faux souvenir au moment de l’o*****e, je te l’assure, me confirme Lydia, sourire en coin.   -          Julian t’a raconté, m’exclamé-je, stupéfaite.    -          Je devais comprendre ta réaction et la sienne.  Il s’est livré à moi, puisque tu n’étais clairement pas consciente du monde qui t’entourait.  Je te rassure, l’esprit de Julian est désormais totalement sécuritaire.  Si on exclut ses idées suicidaires, évidemment.   Tous les instigateurs ayant participé à sa programmation pour nous détruire et nous faire du mal ont trouvé leurs places sur le mur de nos ennemis de la grande salle du Munitum.  L’Ambassadrice Fraser a gagné l’urne de l’Évêque de Pittsburgh dans un débat oral contre la Consul Voelkel.  C’était épique.   -          Tu réalises que tu m’annonces tout ça comme si tu me disais qu’il allait neiger demain et que les écoles seront fermées, congé scolaire pour tous, lui dis-je avec sarcasme.  On dirait presque que tout ça t’enchante.  Tu me glaces le sang, Lydia.   -          Avec ce qu’ils vous ont fait, ils n’ont ce qu’ils méritent, tranche-t-elle sèchement.  Même que je considère que nous aurions dû les faire souffrir davantage avant de les détruire.  La mort est trop douce pour eux.  Nous les avons interrogés, torturés mentalement et contre-vérifiés les uns après les autres pendant des nuits.  Je les aurais fait mal pendant encore des semaines.  Mais il fallait vous libérer de leur emprise.  Lorsque nous avons été sûr et certain de tout savoir au sujet de ce qu’ils avaient implanté dans l’esprit de Julian, de leurs alliés et de l’implication de chacun de ses alliés, le Roi les a fait exécuter sans attendre.    Elle me donne plus de détails sur nos ennemis tout en m’ordonnant d’aller me laver.  Ce que je fais sans ronchonner.  J’apprends que l’Évêque de Washington est celui qui n’avait pas survécu à sa capture.  Lena avait pourtant fait bien attention à sa force en tentant de l’immobiliser afin que Cassie puisse le pieuter.  Le pauvre s’était transformé en cendre peu de temps après.    -          D’ailleurs, ta tante aimerait vraiment te voir.  Elle s’inquiète même si elle ne le laisse pas paraître.  Je crois qu’elle déteste ta « belle-mère » et que le sentiment est réciproque.  Je crois qu’elle la place dans la même catégorie que les Mathetes Loudas.  Je me demande même comment elles ont fait pour ne pas s’entre-tuer tout le temps où elles étaient à la poursuite de vos ennemis.     -          Depuis quand est-ce que faites-vous dans les potins, Professeure Jacobs ? la taquiné-je, en me déshabillant pour aller me laver.    Elle rigole en disant que ça fait partie de ma thérapie, retour à la normale Sakyu.    -          Je m’efforce de te changer les idées afin que tu redeviennes toi-même.  Je te lance un dernier potin avant de continuer à te donner des détails sur l’exécution de nos ennemis.   Je préfère nettement la section « potins » à la rubrique « exécution » qui suivra.  J’écoute ma sœur de Coterie m’exposer sa théorie concernant l’intérêt plus que professionnel de notre Maréchal pour ma tante en me glissant sous les jets d’eau chaude de ma douche.  Je n’éprouve aucune gêne de me promener nue devant Lydia depuis que nous avons posé en tenue d’Ève pour un artiste Sakyu de la Faction de la ville d’Hambourg lors de notre périple en Europe pour trouver un nouvel Évêque.  Ce descendant de mon sang prétendait avoir des informations sur ma lignée et il désirait un portrait de femmes aussi magnifiques que nous pour améliorer sa collection en échange.  C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai pu retrouver Lena Schneider, la sœur d’Antoine.  J’ignore si O’Sullivan est réellement attiré par ma tante mais j’imagine mal la sanguinaire Maréchal de Munich en femme amoureuse.    -          Ce n’est pas parce qu’une Immortelle ne montre pas ses émotions qu’elle n’en éprouve pas.  Nous ne sommes pas tous des Sakyu comme toi, me rétorque Lydia, d’un ton las.   -          Tu parles de ma tante qui est justement une Sakyu comme moi, lui rappelé-je.  Tout comme O’Sullivan.  Ce sont des machines de guerre.  Même Alex et Caroline ont plus d’émotions qu’eux.  Ils savent sourire au moins.   -          Ta tante sait le faire aussi, la défend Lydia.  Avec toi et pour faire chier son adversaire.   Je ne peux m’empêcher de rire.  Je réalise que ça me détend.  Bien que l’esprit de Julian soit encore sombre et tourmenté, je le diffère du mien qui est beaucoup plus léger.  Lydia poursuit avec la rubrique « exécution » qui plombe un peu mon moral mais je comprends qu’il me faille savoir ce qui est arrivé à nos ennemis.  Elle m’apprend que Julian avait d’abord été conditionné pour m’atteindre moi.  S’attendant à ce que notre Coterie soit mandaté pour le retrouver, ils avaient prévu nous tendre un guet-apens.  Quand ils ont réalisé que nous avions séparé nos forces, que ma Fille, accompagnée d’une Maréchal d’Europe et de la Consul de Pittsburgh, leur faisaient la chasse et que Virginia avait disparu dans d’étranges circonstances, ils se sont séparés, confiant le corps de Julian à des subalternes.    -          Pourquoi avoir conditionné Julian s’ils désiraient simplement nous attirer à eux ?  Le kidnapper aurait été suffisant.   -          Pas s’ils échouaient et que nous parvenions à le sauver.  Il leur fallait une possibilité de frapper fort en nous laissant croire que nous avions gagné.  Comme ce que tu as cru en le retrouvant.  Il y avait ce genre de surprise pour chacun de nous.  Un virus informatique pour l’ordinateur de Kat.  Un poison dont j’ignore le contenu pour Dorken mais il doit être puissant pour que ça affecte un vampire.  Une photo de mon Père avec la mention « Vous savez quoi faire. » à l’endos.  Le tout étant dans le coffre d’une banque à Montréal.  Ils avaient tout prévu dans les moindres détails.   -          Même si nous sauvions Julian, Charles Townsend nous enlevait tout ce à quoi nous tenions.  C’est ce qu’il m’a dit après avoir fouetté Julian.  Comment être certains que plus rien ne peut nous arriver désormais ?  Comment savoir que Julian ne risque plus rien ?  m’inquiété-je une fois de plus.   Elle me réitère que toutes formes de manipulation mentale, aussi finement soignées soient-elles, disparaissent lors de la destruction des instigateurs.  Je sors de la douche, soulagée.    -          Tu as meilleure mine, dit-elle.  Sèche-toi et mets ça.   Elle me tend la robe que Viktor m’a offerte « en guise de réparation » la nuit où il m’avait embrochée contre un mur du Munitum au tout début de ma relation avec Julian.  J’en fais part à Lydia en tirant sur ma serviette pour m’essuyer.  Elle flatte distraitement le tissu framboise de la robe.   -          Dorken a eu l’honneur de trancher la tête de l’Évêque de New York.  Il l’a fait au nom d’ASARA.  Kat et moi étions derrière lui pour lui offrir notre soutien.  Le Roi a d’abord offert à la Consul Voelkel d’éliminer l’Évêque de sa cité pour venger son fils.  Ta tante a surpris tout le monde en s’y opposant.  Elle a soutenu qu’étant de ta famille, ce qui, tu dois l’avouer, ne lui ressemble pas du tout, c’était à elle de te venger, pour tout le tort que ce Purifié vous a fait.  L’Évêque de Pittsburgh braillait comme un veau et suppliait la Consul de l’éliminer elle-même, disant que son âme serait damnée si la Dame Rouge le touchait.  Je crois que c’est ce qui a convaincu notre Roi d’accéder à la demande de Lena, rigole Lydia.  Tu savais que ta tante est une Sakyu qui aime se donner en spectacle ?  C’est la première fois qu’une banale exécution est aussi intéressante à regarder.    L’Évêque a été attaché par les poignets et les chevilles à deux poteaux verticaux, bien écartelé en étoile.  Une corde entourait son cou, comme un pendu.  Lena s’était avancé vers lui, un sourire carnassier au visage.  Elle l’avait frôlé de son katana, coupant ainsi ses vêtements sur toute la longueur, démontrant la puissance de sa lame.  Sachant qu’il allait mourir, le Molaĩ priait ce qui irrita ma tante.  Elle lui trancha une première jambe, lui intimant de se taire.  Il avait serré la mâchoire avant de se remettre à prier.  Elle avait alors coupé l’autre jambe, le faisant grincer des dents.  Il poussa un cri de douleur lorsqu’elle l’amputa de son bras droit.  Il avait repris sa prière lorsque le katana frappa une quatrième fois.    -          Le hurlement qu’il a fait résonne encore dans mes oreilles.  Rébecca, j’ai presque eu mal avec lui.  Plusieurs citoyens se sont touché l’épaule gauche pour s’assurer qu’ils avaient encore leur bras.  Laisse-moi te dire que l’Évêque ne priait plus Dieu.  Il demandait à sa tortionnaire de l’épargner.  Il promettait de renverser le conditionnement.  Il regrettait ses gestes.  Il voulait confesser ses péchés.  Lena lui a dit qu’il n’aurait jamais dû s’en prendre à sa nièce puis elle lui a tranché la tête dans un cri libérateur.  C’était majestueux.  Nos guerriers étaient en pamoison devant elle.  O’Sullivan avait des étincelles dans les yeux.    -          J’espère ne jamais trouver ce genre de spectacle excitant, répliqué-je, un peu perturbée.   -          Tu n’y étais pas, tu ne peux pas comprendre, rétorque-t-elle un peu froissée.    -          Je suis désolée, m’excusé-je.  Je sais qu’ils méritent tous la fin qu’ils ont eu et que je devrais être plus reconnaissante.  Qui a eu l’honneur de détruire le Roi déchu ?   J’esquisse un sourire, tentant de rattraper mon manque d’enthousiasme.  Lydia me félicite pour l’effort en m’aidant à enfiler la robe.   -          Elle te va comme un gant, constate-t-elle.  Ce vieux bougre a du goût.   -          Vieux bougre, répète Viktor de la porte.  
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