La fête est finie

2681 Words
Je suis tellement en colère que je ne contrôle pas tout à fait ce que je fais.  Je crois que j’ai hurlé dans ma voix vampirique.  Je sais que je serre les poings et je sens mes crocs pointer contre mes lèvres.  Quelqu’un vient de donner du sang à ma moitié et je ne peux accepter que l’on touche à l’intégrité de son corps.  Julian est mien.  J’ai été assez patiente.    -          Alors venez le chercher, Prêtresse Duhamel.  I’m waiting for you, me dit la voix la plus fendante de l’univers.    Je veux lui répondre que s’il osait faire du mal à Julian, je n’hésiterais pas à le tuer mais je sens une vive douleur à la poitrine, comme si une décharge électrique me traversait le cœur.  J’ai le sentiment que mon corps s’éteint et se rallume aussitôt.  Un peu comme la torpeur version accélérée.  Pas si accélérée que ça finalement puisque je suis étendue sur le sol, les visages de Viktor et Lucas me regardant avec inquiétude.    -          Je ne suis clairement pas au paradis, échappé-je malgré moi.   -          Je vois que tu vas bien, sourit mon Évêque, visiblement soulagé.   -          Tu nous as encore fais une sale frousse, Rébecca, me reproche légèrement le Zhutko.   -          Encore ??? Vous voulez dire, qu’elle fait ça souvent, grogne Lena, visiblement secouée.    Elle s’approche de nous et m’aide à me relever, m’intimant de lui expliquer ce qui venait de se passer.  Je lui demande de se calmer, que je l’ignorais moi-même.  Je me tourne vers Lucas.  Je m’excuse de l’avoir insulté en ouvrant les yeux.  Je remarque que tout le monde m’observe étrangement.     -          Ho ! Tout le monde a vu ce qui s’est passé ! réalisé-je tout à coup.   -          Tu as crié dans ta voix vampirique avant de te prendre la poitrine comme si tu faisais une crise cardiaque avant de tomber raide sur le sol, résume Lena en me prenant par les épaules.  Et j’apprends que ce n’est pas la première fois.   -          Je t’expliquerai.  Il y a plus important.   Je regarde vers son Éminence avant de me tourner vers Monseigneur.    -          Je sais qui est notre ennemi, annoncé-je.   Puis je m’arrête d’un coup.    -          Julian n’est plus là, paniqué-je.  Je ne sens qu’un énorme point au cœur.   -          Il est probablement pieuté, me dit Viktor doucement.  Cela expliquerait ton évanouissement et ton point au cœur.   -          Qui est l’ennemi ? demande le Roi avec impatience.   -          Charles Townsend, l’ex-Roi de Philadelphie.   Malgré la pénombre de la salle, nous avons tous été témoins de la colère silencieuse de notre Roi lorsqu’il m’a entendu prononcer le nom de celui qui nous avait tant chercher querelle tout au long de l’Assemblée dans sa cité.  Il a subitement perdu son « Éternelle Jeunesse » et des veines noires ont éclaté sur le côté gauche de son visage.  Nous sommes tous restés silencieux, n’osant pas regarder vers le trône.  Puis un énorme fracas se fait entendre, faisant sursauter plus d’un citoyen. Plusieurs exclamations de stupeur s’élèvent dans la salle.  Je vois du coin de l’œil que Monseigneur a carrément arraché les bras de son trône.  Il se lève doucement avant de lancer les morceaux sur l’estrade.  Il disparaît dans son bureau, claquant la porte avec force.  Nous attendons tous quelques secondes avant de reprendre vie.  Les lumières s’allument et les langues se délient. L’ambiance n’est clairement plus à la fête.  Viktor est entouré des guerriers de la ville et leur donne des ordres à voix basse.  Cassie et Lena sont avec eux.  Je tique un peu.  Je n’aime pas que ma Fille, ma pupille, ait développé son côté guerrier.  Lucas, qui est resté près de moi, remarque mon inquiétude.   -          Cassie est un excellent atout à la défense de notre ville, me dit-il.  J’ai rarement vu une Immortelle s’amuser autant à combattre.   -          C’est ça le problème, soupiré-je.  Elle s’amuse un peu trop.    Il me lance un regard perplexe.  Je secoue la tête, refusant d’aller plus loin avec lui sur le sujet.  J’ai découvert, lors de la bataille royale qui avait découlée de mon idée de vengeance contre Julian 25 ans plus tôt, que ma jeune Sirène est atteinte du « Plaisir Écarlate ».  Un joli nom pour un trouble qui l’amène à être excitée lorsqu’elle se trouve confrontée à des scènes où l’adrénaline monte en flèche.  La peur, le stress d’un combat ou une prestation importante peuvent entraîner chez-elle une excitation sexuelle allant jusqu’à l’o*****e si elle se laissait aller.  Elle m’a confiée que ce n’était arrivée qu’une fois et elle s’était réfugiée dans un coin seule pour qu’aucun Immortel n’en soit témoin.  Étant une descendante de Sakyu, elle a tendance à rechercher l’effet de son trouble dès qu’elle en a l’occasion, satisfaisant ainsi son côté succube.  Je l’ai simplement informée que ce qu’elle vivait portait un nom, la rassurant que c’était quelque chose de « normal » chez certains Immortels.  Je l’ai écoutée et guidée en lui permettant de réfléchir à ce qu’elle pouvait vraiment faire de tout ça.  Je la sais déterminée et responsable.  J’ai entièrement confiance en son jugement.  Je n’aime simplement pas savoir qu’elle puisse se mettre en danger pour prendre son pied.  Je préfèrerais nettement qu’elle cède aux avances de Yohan Larsen, un des membres de la Coterie des Chardons Ardents.   Mais je ne m’immisce pas dans son immortalité, refusant même de lui parler de mes inquiétudes. Je demande à Lucas s’il sait où sont Jörg, Lydia et Kat.  Il hausse les épaules.  Je vois que Viktor n’est plus dans la grande salle.  Les guerriers se sont tous répartis dans la pièce.  Lena marche vers moi.  Je fais mine de vouloir sortir.   -          Où penses-tu aller comme ça, jeune fille ? dit-elle en me barrant le passage.   -          Je veux trouver les autres membres de ma Coterie.  Julian n’est visiblement plus connecté à moi.  Je peux donc les aider désormais.   J’ai parlé avec un ton légèrement agressif.  J’ai joué le jeu toute la soirée.  Là, je veux savoir ce qui se passe.  Je veux retrouver ma moitié.  Il est hors de question que je sois mise de côté plus longtemps.  Elle me regarde avec compassion.  Elle demande au Cerbère du Munitum qui apparaît comme par magie près de nous d’informer la Coterie ASARA que je désire les retrouver.  Puis elle me pointe un cercle de divans et de fauteuils de la main.  Je comprends que je suis dans l’obligation d’aller m’y installer.  Je bougonne que je serais plus utile ailleurs.   -          Bien sûr, c’est ça, Madame qui s’évanouit en plein Munitum, s’énerve mon Aînée derrière moi.  Va asseoir tes fesses sur ce fauteuil et raconte-moi ce qui te lie autant à ce Skugga.  J’ai l’impression que tu ne m’as pas tout dit.   -          Ce n’est pas le genre de lien que je pouvais te texter ni t’écrire ou t’annoncer au téléphone, grommelé-je.  Sentant qu’elle allait me dire que j’aurais pu aller lui rendre visite, je poursuis rapidement : À ma défense, je ne peux pas me retrouver dans un autre fuseau horaire que Julian sans nous mettre en danger.    -          Antoine a vraiment…   Du mouvement sur l’estrade attire notre attention.  Lena cesse de parler en voyant notre Roi reprendre sa place sur son trône.  Je remarque que les débris ont été ramassés.  Lucas me montre son cellulaire.  Il y a un message de Kat disant qu’ils arrivent de l’aéroport.   -          Ils étaient partis, m’étonné-je.  Sans moi.   Je n’ai pas le temps d’en dire plus qu’une Immortelle entre dans la grande salle, accompagnée des membres d’ASARA.  Elle est clairement une Aînée Imperius.  Ça se voit dans sa démarche rigide et déterminée.  Elle s’incline devant Monseigneur.  Le Chancelier Costa prend les lettres de présentation de la visiteuse et les donne au Roi.  Sans les ouvrir, ce dernier prend la parole.   -          Consul Voelkel, j’auras préféré vous revoir dans d’autres circonstances, dit-il dans la langue de Shakespeare.   J’écarquille des yeux et ouvre la bouche de stupéfaction.  Je suis, pour la toute première fois en 25 ans, en présence de la Mère de Julian, la Consul de la Maison des Imperius de Pittsburgh.   -          Ne perdons pas de temps, Monseigneur de Cornouailles.  On m’a dit que vous aviez de nouvelles informations.  Où est cette Prêtresse ? claque-t-elle d’un ton sec.   Julian m’a dit qu’elle était directe, voir assassine, dans ses manières.  C’est peu dire.  Je comprends mieux pourquoi il m’a conseillé d’éviter de mettre les pieds dans sa cité.  Je suis tout de même un peu outrée du ton utilisé pour m’appeler « cette Prêtresse ».  C’est si antipathique.  Mon sang ne fait qu’un tour et mon désir de l’écraser surpasse ma bienséance.   -          Cette Prêtresse est ici, Consul Voelkel, me présenté-je, déployant toute la souveraineté surnaturelle de mon sang en me levant.   J’ai une grande satisfaction en la voyant ployée légèrement sous l’effet de mon pouvoir.  Je désenchante rapidement en sentant la désapprobation dans le regard de mon Roi.  Je tente de ravaler ma fierté à coups de grands efforts lorsque la Mère de Julian me fait un sourire franc.   -          C’est de bonne guerre Monseigneur.  Je dois avouer que j’ai peut-être été un peu raide avec la Coniux de mon Fils.  Heureuse de constater qu’elle a du caractère.  Elle en aura besoin.   -          Allons discuter dans mon bureau, dit simplement le Roi en se levant.  Membres d’ASARA, suivez-nous.   Lucas et Lena me soufflent un « m***e » lorsque je les quitte.  Ce n’est pas du tout la façon que j’avais imaginé ma première rencontre avec la Mère de Julian.  Je suis presque rendue au couloir menant au bureau du Roi lorsque le point au cœur disparaît.  Je sens à nouveau la présence de Julian dans mon esprit. Je m’arrête et pousse un soupir de soulagement.  Je fais un pas vers le couloir quand je sens une décharge me traverser le dos.  On vient de fouetter Julian, j’en mettrais ma main au feu.  Et ça continue.  Je dois m’appuyer au mur pour rester debout tellement la douleur des coups est insoutenable.  Je m’entends grogner et je sais qu’il souffre encore plus que moi.  J’ai des envies de meurtre.  Je n’accepte pas qu’on lui fasse subir tout ça.  Je suis la seule responsable de ce qui lui arrive.  Je sais pourquoi on lui fait tout cela.  Après le vingtième coup, je plonge dans son esprit, folle de rage.   -          Je sais que vous êtes là.  Je sens votre présence.  Vous avez toute mon attention, Roi déchu, le piqué-je.   -          Je l’attirerai aussi souvent que j’en aurai envie, soyez-en certaine.  Maintenant que j’ai ce magnifique jouet en ma possession, je peux vous enlever tout ce à quoi vous tenez.  Vous perdrez tout Prêtresse Duhamel.  Vous et votre minable Coterie.  Vous goûterez à votre propre…   -          Si vous le touchez à nouveau, le menacé-je en l’interrompant.   -          Je lui ai fait encore pire, rétorque-t-il, d’une voix encore plus menaçante que moi.   -          Je vais vous détruire, hurlé-je dans ma voie vampirique.   Je sens à nouveau une horrible douleur me traverser la poitrine.  Une fois de plus, tout s’éteint avant de se rallumer aussitôt.  Pour moi, du moins.  Selon le visage de Viktor, je ne suis pas tout à fait certaine que ce fut si instantané.  Je vois dans ses yeux qu’il semble soulagé mais j’ignore pourquoi.  Je regarde autour de moi, un peu perdue.  Je constate que l’on m’a déplacée car je suis couchée sur un sofa dans le bureau du Roi.  J’entends Lydia informer Monseigneur que je suis enfin réveillée.  Ma confusion doit être visible car mon Évêque se racle la gorge avant de prendre la parole.   D’une voix extrêmement calme, il m’explique qu’il m’observait d’un coin de la grande salle.  Il m’a vu arrêter de marcher sans raison avant de réagir à un coup invisible dans le dos.  Il s’est immédiatement dirigé vers moi.  Le temps d’être à mes côtés, il en avait compté cinq.  Le Maréchal O’Sullivan, Farouk, Jörg, Ethan, Yohan et Lucas ont alors formé une barrière entre les citoyens intrigués et moi, qui commençait à m’effondrer contre le mur sous l’effet de la douleur.  Je ne me suis même pas rendu compte de tout ce branle-bas autour de moi tellement j’étais en colère qu’on s’en prenne à Julian.  Mon Ancien me dit que je rageais et grognais de plus en plus fort et qu’au vingtième coup, j’ai poussé un hurlement entre l’agonie et une colère incontrôlée.  Je baisse les yeux, gênée de n’avoir pas su garder un meilleur contrôle de moi.    -          Tu es restée agenouillée, pendant quelques secondes, silencieuse.  Ton corps tremblait de rage et de colère.  Ta bête en a fait frémir plus d’un dans la salle.  Personne ne t’avait vue aussi enragée.  Tu dégageais une aura de prédatrice incroyable.  Puis tu as hurlé dans ta voix surnaturelle « Je vais vous détruire. » en frappant si fort devant toi que tes poings ont traversé le mur.  Je crois que ces mots résonnent encore dans les pensées de plusieurs citoyens aujourd’hui.  Puis tu as fait un sursaut avant de tomber contre le mur.   Voyant que je ne revenais pas à moi, le Roi a demandé qu’on m’amène dans son bureau.    -          Nous avons cru que la prochaine étape serait la destruction.  Il fallait éviter une panique générale, poursuit mon Évêque, restant toujours près de moi.   -          Ma mort ne serait pas assez pour lui, répliqué-je.  Il souhaite faire payer ASARA.  Il n’en a pas qu’après moi.   -          Nous le savons.  Nous avons fini par le découvrir, admet Viktor, sans me regarder cette fois.   Son comportement est étrange.  J’observe plus attentivement autour de moi.  Il n’y a que le Roi et Lydia avec nous.  Où est la Consul Voelkel ? Où sont Kat et Jörg ?  Nous devions avoir une rencontre pour faire le point afin de sauver Julian.  Julian !!!   Je touche ma poitrine.  Je sens encore ce foutu point au niveau du cœur.    -          Votre Éminence, combien de temps ai-je été…   -          Inconsciente ?  En torpeur ?  Environ 3 mois, Rébecca.  
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD