Maintenant que j'ai votre attention

2307 Words
Ethan, ce beau Nyama de la Coterie des Chardons Ardents, est appuyé contre sa voiture.  Il a son air renfrogné des mauvais jours qui en dit long sur les raisons qui l’ont amenées à se trouver devant le Festin Nu.    -          Incapable de rester dans ta chambre, la Succube, grogne-t-il en me voyant l’approcher.   -          On m’envoie le chien de garde de la ville pour me ramener à la maison, lui rétorqué-je, tout sourire.   Il m’ouvre la portière en roulant des yeux.  Dans le véhicule, il me reproche vertement de jouer avec ma vie.  Farouk tente de lui dire qu’il ne m’a pas quittée d’une semelle sauf lorsque je m’enfermais dans mon salon privé.  Rien n’y fait.  Je le laisse discourir sans l’interrompre.  Ethan se défoule, m’accusant de ne penser qu’à ma petite personne, ignorant complètement tout le mal que tout le monde se donnait pour protéger mon c*l de princesse.  Il rage à l’idée qu’ils aient fait tout ça pour qu’au bout du compte je me fasse tuer en allant luncher.  Il prétend même qu’il faudrait penser à m’attacher dans une cellule de la prison à l’avenir, comme ça, on saurait toujours où me trouver.  Je me sens presque mal pour Farouk car, j'étais, somme toute, restée sous sa protection tout le long de mon escapade.  Lorsqu’il arrête enfin de dire des inepties, j’attends quelques secondes pour être certaines de pouvoir en placer une.   -          Tu as fini ? demandé-je. (Il me lance un regard noir.) Je te demande pardon de t’avoir inquiété une fois de plus à cause de mon lien avec Julian.  Je ne l’ai pas fait exprès.  Ça te va ? (Il me jette un autre regard, gris cette fois.)  Je ne peux rien dire ou faire de plus Ethan. Tu le sais bien.  Que voulez-vous faire ?  Nous mettre réellement dans une cellule Julian et moi ?  Ou nous enfermer dans une tour d’ivoire pour le reste de notre immortalité ? Vraiment ?    Je pose ma main sur son avant-bras.   -          Moi aussi, je vis de l’inquiétude à chaque fois que vous allez au combat.  Est-ce que je vous fais ce genre de scène à chaque fois que vous partez ou que vous revenez ?   Il baisse les yeux vers le rétroviseur sur le côté de la voiture avant de faire non de la tête.    -          La différence, c’est que nous, c’est en combattant que nous risquons d’y passer.  Pas en se rendant vers le bureau du Roi, rétorque Farouk.  Il y a toute une nuance.  C’était terrifiant Rébecca.  On aurait dit qu’un fantôme t’enlevait à nous.  Tu dois comprendre que pour nous, l’ennemi est invisible.   -          L’image est effectivement saisissante, frissonné-je.  Sachant que j’ai contribué à nettoyer une ville de son Roi corrompu, c’est toi-même qui me l’a rappelé tout à l’heure, je ne serais pas morte en vain.  Comme lorsque vous prenez ce risque en défendant notre cité lors d’un combat.   -          Tu as probablement raison, m’accorde le Zhutko. -           Et ne laisse plus un guerrier plus jeune que toi laisser planer l'idée que je puisse être en danger sous ta surveillance, s'il-vous-plaît.  Le Colonel Lewis est peut-être membre de la Coterie faisant office de bras armé de la cité, mais tu es le Protecteur de la Congrégation.  Il ne pouvait rien m'arriver pendant que je m'alimentais et m'amusais dans ce bar appartenant à la communauté de ma descendance.  Tu savais ce que tu faisais.  Et je te retourne le commentaire Ethan.   -             Entendu Première Prêtresse, me disent les deux soldats en baissant les yeux.   J'aime parfois utiliser mon titre et mon statut pour leur rappeler la bienséance.  Ils peuvent se permettre d'être familier avec moi, me reprocher d'être impulsive, fière et fragile à leurs yeux, mais je reste une position privilégiée dans notre société.  Je suis LEUR Première Prêtresse et je veille sur leur immortalité.  Ils me connaissent assez pour savoir que je n'apprécie pas le manque de respect.     Viktor m’attend dans le stationnement du Presbytère.  En le voyant, Ethan et Farouk décident de rester dans la voiture, les lâches.  Je prends symboliquement une grande respiration et sors du véhicule.  J’ai à peine posé un pied sur le béton que je sens les griffes de mon Ancien encercler mon cou, me plaquant violemment contre la porte arrière.  Les lames aiguisées lacèrent doucement ma peau pour bien me faire sentir, cette fois, toute la colère et la déception que je lis dans ses yeux.  Je suis effrayée mais je m’efforce de rester calme.  Je sais pourquoi j’ai désobéi.  Je devais le faire pour retrouver Julian.  Viktor comprendra lorsque je lui dirais ce qui m’a poussé à le faire.    -          Tu as désobéi à un ordre de ton Roi, grogne-t-il en faisant rugir sa bête sur moi.   Je puise tout mon courage pour lui répondre tellement je suis intimidée et terrifiée par sa bête.  Seul mon désir de sauver Julian me permet d’affronter la colère de mon Ancien.   -          Je sais.  Julian est venu me visiter.  Vous seul savez ce qui arrive lorsque nous n’écoutons pas les conseils de ce genre de visions.   J’ai visé dans le mille. L’Évêque chancelle puis recule d’un pas. Lentement, son aspect de prédateur s’estompe.  Je reste sur mes gardes et prends une attitude respectueuse envers mon aîné.  Je sais que je viens de lui rappeler son Fils Balint.  Julian a senti ma terreur et son esprit panique.   -          Julian ne comprend pas pourquoi il ressent autant de peur alors qu’il est seul dans cette cellule.   -          Tu aurais dû le voir pendant que tu t’amusais au Festin Nu.  Il a crié pour qu’on arrête le porno qui jouait dans sa tête, ricane Viktor.  Tu t’es vraiment donnée à fond.   -          M’auriez-vous dit oui si j’avais simplement demandé ?   Il me lance un regard sombre qui voulait tout dire.  Je le suis jusqu’à la prison dans les Catacombes du Presbytère.  Nous allons d’abord à la salle de contrôle d’une des cellules.  Je suis nerveuse.  Viktor discute brièvement avec le Roi qui semble vraiment en colère de me voir à ses côtés.  J’ai malgré tout la permission de descendre à la cellule où est enfermé Julian.  Le Maréchal O’Sullivan, Jörg et Lydia attendent à l’extérieur.    -          Nous avons dû sortir à cause de ta sortie au bar, se plaint la Vinci.  Tu l’as presque rendu fou.    -          Kat dit qu’il n’est plus celui que je connais.   -          Il n’a effectivement aucun souvenir commun avec nous depuis l’Assemblée.  Ils ont tout effacé.  Il prétend être en relation avec Virginia depuis qu’il l’a rencontrée à Philadelphie.  Il dit ne pas savoir qui tu es.  Je suis désolée Rébecca.   Je ferme les yeux et encaisse les informations.  Je refuse de croire qu’il puisse m’avoir oubliée.  Il est venu me voir.  Il m’a dit qu’il m’aimerait toujours.  Je suis persuadée qu’il était toujours là, quelque part.   -          Je sais qu’il est là.  Notre lien est plus fort que votre pouvoir de manipulation.  Je sais que MON Julian est toujours là, déclaré-je avec détermination.   -          Si tu le dis, soupire Lydia.  Je connais la puissance de mon sang.  Je sais tout ce que nous pouvons faire.  Un simple mot, un visage ou une action peut engendrer une nouvelle condition dans l’esprit du dominé.  Je te le répète.  Ils ont eu des années pour lui jouer dans la tête.  Nous ignorons complètement ce qu’ils lui ont intégrés à l’esprit.   -          Laissez-moi le voir.  Je sais ce que je fais.   -          Nous allons d’abord l’attacher au mur pour votre sécurité, Première Prêtresse, décide le Maréchal.   Il entre dans la pièce avec Jörg.  J’entends Julian protester qu’il est Premier Prêtre à Pittsburgh, qu’il n’est pas un criminel et que c’est inadmissible qu’il soit traité ainsi.  Il vocifère que notre cité est tombée bien bas et qu’il portera plainte auprès du Cardinal Beauséjour pour mauvais traitement.  Je suis étonnée d’apprendre le nom de notre supérieur hiérarchique.  Je continuerai malgré tout à l’appeler le Cardinal de Québec.  Pour moi, il ne mérite pas d’avoir un nom.  Dès qu’il me voit entrer dans la cellule, Julian bondit vers moi en me criant des insultes et des menaces de mort.  Je suis à la fois soulagée qu’il soit retenu par des chaînes et stupéfaite par autant de hargne et de colère.  Je recule d’un pas, surprise.  Je ne m’attendais pas à ça.  J’ai du mal à garder le focus, mon corps réclamant celui de ma moitié.    -          Puis-je savoir ce que je vous ai fait pour que vous me détestiez autant ? lui demandé-je doucement, serrant la mâchoire afin de garder mes crocs rentrés   -          Ne faites pas l’innocente, Prêtresse Duhamel, se récrie ma moitié, crocs sortis.  Vous avez manœuvré pour que je perde tout : mon prestige, ma position parmi les miens, même ma Fille.  Vous m’avez tout pris.   Tout le corps de Julian tremble.  Il ne semble pas comprendre ce qui lui arrive.  Il se replie sur lui-même en proie à une lutte avec un désir qu’il ne reconnaît pas.    -           Que m’as-tu fait Succube ? me crie-t-il.  Tu tentes de me séduire une fois de plus.  J’avais confiance en toi Rébecca.    Maintenant, il sait qui je suis.  Je le fixe intensément.  Son désir pour moi est aussi intense que le mien.  J’ai terriblement envie de l’embrasser.  Je dois fusionner avec lui.  Je dois aller le visiter.  Je dois trouver une façon de lui rappeler qui nous sommes l’un pour l’autre.  Je demande à Lydia par télépathie s’ils ont ramené des objets appartenant à Julian pouvant l’aider à revenir à lui.  Je regarde Julian qui se tient au pied du mur, recroquevillé sur lui.  Il évite de poser les yeux sur moi, comprenant que s’il le fait, il aura envie de me sauter dessus pour me prendre.  L’idée semble le rebuter.   -          Tu peux toujours avoir confiance en moi Julian.  Je ne vois pas ce qu’il a de mal à s’offrir du bon temps, minaudé-je.   -          Va te faire voir.  Je ne suis qu’un objet de plaisir entre tes mains.  Tu m’utilises comme tu utilises tous les hommes.  Je préfère la douceur de Virginia.  Elle sait aimer un seul homme, elle.   Je me retourne et sors précipitamment de la pièce.  Je claque la porte et m’appuie dessus en poussant un cri de rage et de peine.  Je sais que l’homme que j’aime est là quelque part, prisonnier de son esprit dominé, mais la torture que ces Molaĩ m’infligent est douloureuse et difficile à endurer.  Lydia arrive avec une boîte d’effets personnels appartenant à Julian.  Elle me demande ce que je compte faire avec ça.  Je lui explique que ce qui dérange le plus ma moitié depuis que nous sommes liés est mon don qui enclenche chez-lui la peur de me perdre.    -          Vous voulez aller le visiter pour le stimuler à reprendre possession de son esprit parce qu’il aura peur de vous perdre, résume O’Sullivan.  C’est de la folie.    -          C’est ma seule option.  Vous l’avez entendu comme moi.  Son corps me désire mais il résiste à cette pensée.  Ils ont vraiment tout prévu.    Je fouille parmi les objets et je tombe sur un magnifique foulard noir orné de tournesols brodés.  Je me souviens que Julian m’en ait parlé quelques nuits avant sa disparition.  Il m’avait dit qu’il avait très hâte de le porter en ma présence.  Je m’étais alors moqué de son petit côté Sakyu.  Je le prends délicatement sans trop penser à ma moitié, question de ne pas enclencher mon don trop tôt.  Je demande ensuite à Jörg et O’Sullivan de détacher Julian dès que je reviendrais de mon voyage puis de quitter la pièce.  Notre malédiction réclamerait qu’on la nourrisse et je souhaite leur épargner la scène des retrouvailles. Julian lève la tête en me voyant revenir dans la cellule.  Il grogne et s’avance à quatre pattes vers moi.  J’ai tellement besoin de le rejoindre et de le laisser me prendre.   Ma bête a envie de se jeter sur lui pour batifoler sur le plancher.  Je m’entends gémir à la simple pensée qu’il me touche.  Je recule d’un pas et porte le mouchoir à mon nez.  C’est tellement humain de faire ça, mais il sent tellement Julian.  Je suis alors transportée dans un long corridor lumineux.  
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